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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/4278/2020

AARP/451/2023 du 23.11.2023 sur JTDP/711/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : CP.251; LCR.95

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

P/4278/2020 AARP/451/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______

appelant,

C______, domicilié ______ [GE],

 

appelant joint,

 

contre le jugement JTDP/711/2023 rendu le 5 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A.           Saisine de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR)

a.a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 5 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a acquitté du chef d'escroquerie (art. 146 al. 1 du Code pénal [CP]) mais reconnu coupable de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP), d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 de Loi fédérale sur la circulation routière [LCR]), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR), de conduite sans permis de conduire, commise à réitérées reprises (art. 95 al. 1 let. a LCR), condamné à une peine privative de liberté de huit mois, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, assortie du sursis, délai d'épreuve trois ans, et, à titre de sanction immédiate, à une amende de CHF 1'440.-, l'a condamné à payer à C______ CHF 1'500.- avec intérêts à 5% dès le 22 décembre 2019, a renvoyé ce dernier à agir par la voie civile pour le surplus, et l'a condamné aux frais de la procédure.

A______ entreprend ce jugement, concluant à son acquittement complet, sous réserve d'un cas de conduite sans autorisation, à la réduction de la peine et du délai d'épreuve, au rejet de l'action civile et à la mise à la charge de l'Etat des frais de la procédure.

a.b. C______ entreprend ce jugement, concluant à la condamnation de A______ à lui verser CHF 3'000.-.

a.c. Le Ministère public (MP) conclut à la confirmation du jugement, sous réserve de l'accueil de l'appel-joint.

b. Selon l'ordonnance pénale du 4 avril 2022, valant acte d'accusation, il est reproché ce qui suit à A______ : Il a, le 21 juin 2019, astucieusement amené D______ SA à conclure un contrat de leasing, en produisant de fausses fiches de salaire, prétendant ainsi faussement être employé au sein de E______ SàRL et avoir la capacité financière d'assumer cette charge, alors que tel n'était pas le cas, induisant en erreur D______ SA dans le but de l'amener à lui remettre un véhicule [de la marque] D______/1______ [modèle], alors qu'il savait qu'il n'avait pas la capacité financière de payer les mensualités, se procurant ainsi un enrichissement illégitime. Il a, le 22 décembre 2019 à 07h15, circulé au volant dudit véhicule sans être titulaire du permis de conduire, mais aussi roulé à une vitesse inadaptée aux circonstances et omis de respecter la signalisation lumineuse à la phase rouge et, de ce fait, percuté le véhicule conduit par C______, causant à celui-ci des blessures attestées médicalement, avant de quitter les lieux sans remplir ses devoirs en cas d'accident, tout en se dérobant aux mesures permettant de déterminer sa capacité de conduire. Il a, le 8 février 2020, conduit un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire. Enfin, il a, le 21 août 2021, circulé au guidon d'un scooter sans être titulaire du permis de conduire.

B.            Faits résultant du dossier de première instance

a. Selon le rapport d'arrestation du 1er mars 2020, un accident de la circulation était survenu le 22 décembre 2019 à 07h15 à l'intersection de la route de Florissant et de l'avenue Louis-Aubert, impliquant trois véhicules, dont un avait pris la fuite. L'automobiliste "inconnu" circulait route de Florissant en direction du pont de Sierne. À la hauteur de l'avenue Louis-Vibert, il n'avait pas respecté la signalisation lumineuse qui était à la phase rouge. Selon F______, témoin, motocycliste se trouvant derrière ledit automobiliste, ce dernier circulait, de plus, au-dessus des limitations de vitesse. S'en était suivi un choc, violent, entre l'avant de la voiture "inconnue" et le flanc droit de celle conduite par C______ qui, venant de la route de Malagnou, circulait normalement chemin Rieu en direction de l'avenue Louis-Aubert. La voiture de C______ avait été propulsée vers la droite et percutée, une seconde fois, sur le flanc gauche, par l'avant d'un autre véhicule, conduit par G______. Le 30 janvier 2020, C______ avait déposé plainte pénale contre inconnu pour lésions corporelles. Le 10 février 2020, le véhicule fuyard avait été identifié : une D______/1______ immatriculée GE 2______ dont le détenteur était A______. Après contrôle, il apparaissait que, le 16 janvier 2020, H______ AG avait déposé plainte pénale contre A______ pour vol et abus de confiance car celui-ci avait conclu un contrat de leasing portant sur la D______ en question sans avoir procédé au paiement des mensualités et sans avoir, sur sommation, restitué le véhicule. Entendu, A______ reconnaissait les faits concernant la plainte de H______ AG mais affirmait, s'agissant de l'accident du 22 décembre 2019, qu'il n'était pas le conducteur au moment des faits car il avait loué la voiture à un dénommé "I______", sans plus de précisions. Après enquête, aucune personne portant ce nom n'avait pu être retrouvée malgré plusieurs recherches dans les bases de données de la police et une demande faite au CCPD.

b. À l'appui de sa plainte pénale du 30 janvier 2020, C______ a produit un certificat médical délivré par la Clinique J______ le 15 janvier 2020 ([…] Le patient ressent des douleurs au niveau de la nuque à droite avec nausées et sensation de tête qui tourne […] Il est mis en évidence une contracture trapèze + des muscles sterno-cléido-mastoïdiens des deux côtés […] signe indirect d'une entorse. Discopathie C5-C6 Arrêt de travail : 100% du 22.12.2019 au 25.12. 2019 […]".

c. À la police, le 1er mars 2020, A______ a déclaré qu'après avoir contracté le leasing portant sur le véhicule D______/1______ [le 21 juin 2019], il avait déménagé. Il n'avait donc jamais reçu les factures et les mensualités lui étaient "sorties de la tête". Il avait conclu ce contrat malgré le fait qu'il n'avait pas de permis de conduire. Il était en train de passer son permis et entendait se servir de la voiture une fois celui-ci en poche. Sa mère en était l'utilisatrice principale. Il avait restitué la D______ au garage à K______ [VD] il y avait deux semaines.

A______ a expliqué que, le 22 décembre 2019, il n'était pas le conducteur au moment de l'accident. Plusieurs personnes de son entourage savaient qu'il avait une voiture mais qu'il n'avait pas de permis. De ce fait, le nommé I______ l'avait contacté téléphoniquement pour qu'il lui prête sa voiture, celui-ci devant aller chercher quelqu'un à l'aéroport de Genève. Plus précisément, I______ lui avait demandé s'il était d'accord de la lui louer du samedi 21 au dimanche 22 décembre 2019 pour faire un aller-retour à l'aéroport. Il avait accepté et demandé à I______, en échange, EUR 150.-. I______ devait lui payer ce montant à la restitution du véhicule. Celui-ci était donc venu chercher la D______ en fin d'après-midi. Il avait, pour sa part, passé la soirée chez lui en regardant des vidéos sur son téléphone portable. Le dimanche matin, il avait retrouvé sa voiture accidentée en bas de chez lui, stationnée sur la voie publique, à la rue 3______ no. ______, à L______ [GE], avec les clefs à l'intérieur. Il ignorait où I______ habitait et n'avait pas son numéro de téléphone, qui s'était "effacé" de son (propre) téléphone. Il n'avait pas contacté la police après avoir récupéré son véhicule endommagé car il pensait pouvoir gérer la situation seul. Il ne connaissait pas le déroulement de l'accident et ne savait pas ce qu'il s'était passé. N'ayant pas de permis de conduire, il ne conduisait pas de voiture – il n'en avait jamais conduite.

d.a. Selon le rapport de renseignements du 10 novembre 2020, la Brigade de criminalité informatique (BCI) avait établi un rapport d'extraction des messages du téléphone de A______. Il s'agissait de SMS échangés entre lui et une personne enregistrée sous "Femme De Ma Vie", identifiée comme étant M______. Un message mettait hors de cause A______ concernant l'accident du 22 décembre 2019. En effet, A______ écrivait, le 21 décembre 2019 à 23h07, que sa voiture était louée. En revanche, des messages WhatsApp ultérieurs, sans équivoque, échangés avec M______, laissaient penser qu'il conduisait une voiture sans permis : il était fait mention, en particulier, d'un accident qu'il avait eu la veille d'un message datant du 8 février 2020.

d.b.a. À teneur des messages SMS listés dans le rapport d'extraction :

- M______ / 21.12.19 / 23h04 : "Tu vas faire quoi là" ;

- A______ / 23h05 : "Je vais aller sur N______ [France] Essayer de manger quelque part Et faire du stop pour rentrer chez mpi Moi" ;

- M______ / 23h05 : "Et ta voiture elle est où?" ;

- A______ / 23h07 : "Elle est louer" ;

- M______ / 23h08 : "Ah ok" ;

- […] O______ / 23h17 : "J sort de chee ma meuf dans 5 minute" ;

A______ / 23h17 : "Vasi moi jsuis à moilsu Jv direction N______ centre Ecrit moi quant t parti" ;

- […] A______ / 23h35 : "Hamdoulah O______ il ma repondu i va me poser" ;

- […] A______ / 22.12.19 / 10h20 : "Bjr menmen".

Le téléphone de A______ n'a pas émis de 02h54 à 10h20 (22.12.19).

d.b.b. À teneur des messages WhatsApp du 8 février 2020 listés dans le rapport d'extraction :

- A______ / 07h52 : "Hier j'ai pris 40 min à rentrer car j'ai une putin de voiture accidentée et que j'ai pas de permis et que j'ai pris mon temps" ;

- […] A______ / 08h32 : "J'ai fait un accident hier encore" ;

- […] A______ / 12h33 : "Ft j'aille deposer la voiture" ;

- […] A______ / 13h11 : "Je dois conduire rendre la voiture" ;

- […] A______ / 14h54 : "J'ai chercher le contrat et ma carte d'identité La je vais deposer la voiture et voir comment on peut s'arranger clairement" ;

- […] M______ / 19h17 : "parle" ;

- A______ / 19h17 : "Je conduisais désolé" ;

- […] A______ / 19h59 : "Je conduis M______".

e. A______ a déclaré que la phrase "J'ai fait un accident hier encore" ne lui disait rien. En tous cas il n'avait pas fait d'accident de voiture. Il avait restitué le véhicule D______ à K______ le 8 février 2020 en début d'après-midi. Ce n'était pas lui qui avait conduit à cette occasion mais son collègue, O______, qui vivait à N______ et possédait le permis. Le véhicule D______ ne présentait pas de danger pour rouler. À 19h17 et 19h59, il était à moto, il devait conduire sa moto – il avait le permis de moto 50 cm3 en France.

A______ a précisé qu'il n'avait aucun détail à fournir au sujet de I______. Celui-ci lui avait présenté son permis de conduire rose, français. Il n'avait pas demandé de garantie à ce monsieur. Les modalités de location étaient de EUR 150.- pour 24 heures. Il n'avait pas perçu cette somme. Il savait qu'il n'avait pas le droit de louer le véhicule D______, qui était en leasing. Il était en train de passer le permis et voulait se faire plaisir une fois qu'il aurait réussi, raison pour laquelle il avait contracté ce leasing.

f.a. Selon le rapport de renseignements du 12 avril 2021, la police avait obtenu de D______ GROUP FINANCIAL SERVICES les documents relatifs au contrat de leasing conclu par A______. Parmi ceux-ci figuraient des fiches de salaire au nom de E______ SàRL. P______, gérant de E______ SàRL, avait donc été auditionné. Il avait déclaré que ces fiches de salaire n'avaient pas été émises par sa société. Q______ SA, contactée, avait indiqué quant à elle que l'employé ayant conclu la vente de la D______ avec A______ était R______. C'était également ce dernier qui avait réceptionné la voiture lorsque A______ l'avait restituée. R______ avait alors remis à la police des photographies du véhicule endommagé, le 10 février 2020. Depuis, cet employé avait quitté l'entreprise et la Suisse pour les USA.

f.b. P______ a déclaré que les fiches de salaire de mars, avril et mai 2019 – qu'on lui présentait – n'avaient pas été émises par E______ SàRL, dont il était le gérant. Elles ne ressemblaient absolument pas à leurs fiches de salaire. De plus, aucun employé au nom de A______ ne figurait dans la liste des collaborateurs, en 2019. Il lui paraissait donc clair que ces documents avaient été réalisés de toute pièce par quelqu'un d'extérieur à sa société.

g. A______ a admis avoir falsifié lui-même les fiches de salaire, afin d'obtenir le leasing. Il n'avait jamais travaillé chez E______ SàRL ; il avait choisi cette société au hasard. Il avait agi de la sorte pour que le dossier "passe" auprès du Groupe D______, étant donné qu'à l'époque il n'avait pas un revenu élevé. Il travaillait alors depuis deux ans comme apprenti chez S______, où il gagnait CHF 800.- par mois. Il mettait CHF 500.- de côté chaque mois dans le but d'acheter une voiture. Ensuite, il avait obtenu un contrat de durée déterminée chez T______ et effectué son service militaire lors duquel il avait perçu CHF 2'000.- par mois. Il avait donc calculé qu'il pourrait payer les échéances liées au leasing. Il avait, depuis, régularisé la situation auprès du Groupe D______, qui n'avait pas donné suite à cette affaire.

h. Selon le rapport de l'Administration fédérale des douanes (AFD) du 21 août 2021, A______ avait, le jour même, à 11h30, en retrait à Puplinge, sur la route de Cornière, conduit le scooter [de la marque] U______/4______ [modèle] immatriculé GE 5______, dont il était le détenteur, alors qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire requis – il admettait les faits.

i. Au Tribunal, A______ est revenu sur ses déclarations. Il contestait avoir falsifié les fiches de salaire. Ce n'était pas lui. Durant toute la procédure, on l'avait mis sous pression, ce qu'il avait caché à son avocat(e). En réalité, alors qu'il était âgé de 19 ans, il avait eu une altercation qui était allée très loin avec une personne de N______ prénommée V______. Le grand-frère de V______, prénommé W______, avait commencé à le traquer, jusqu'au jour où il l'avait attrapé et frappé. Tous deux lui avaient mis la pression au point de vouloir se faire de l'argent sur son dos. Pour sa part, livré à lui-même, il n'avait pas pu se défendre. En raison de l'altercation, les deux frères lui avaient demandé CHF 10'000.-. Il avait été dos au mur. Ils lui avaient proposé de faire un leasing sur trois ans et, pour qu'il sente qu'il ne soit pas perdant, une rémunération de CHF 1'000.- par mois. Il n'avait pas eu d'autre option que de coopérer. W______ avait planifié un rendez-vous, avec lui, chez le concessionnaire D______, à K______, et lui avait donné un apport de CHF 2'500.- avec un dossier. W______ lui avait préalablement demandé une pièce d'identité pour qu'il puisse constituer le dossier. Il n'avait, quant à lui, pas vu le dossier à l'avance, du moins pas avant qu'ils ne soient chez le concessionnaire. Il avait alors vu les fausses fiches de salaire mais n'y avait pas plus fait attention que cela. Il avait compris que ces fausses fiches de salaire, c'était pour "sortir" le véhicule. Il n'était pas en mesure de les décrire mais elles étaient toutes simples – c'était la police qui lui avait parlé de "E______ SàRL" et d'un salaire de CHF 5'000.- à 6'000.-. W______ lui avait passé le dossier dans la voiture, juste avant. Il avait ainsi le souvenir, successivement, d'avoir laissé son dossier, que W______ et le conseiller avaient discuté, qu'ils avaient remis l'apport, qu'il avait, pour sa part, signé le contrat, et enfin qu'on lui avait donné le véhicule. Pour qu'il soit "tenté" de faire cela, pour qu'il ne soit pas "intimidé", W______ et son frère voulaient qu'il ait CHF 1'000.- par mois, qu'ils ne lui ont cependant jamais versés. C'était lui qui avait conclu le contrat de leasing mais c'était W______ qui, en général, conduisait le véhicule. Il avait appris du Groupe D______ que W______ ne payait pas les mensualités et les assurances et il le lui avait fait remarquer. W______ ne lui avait alors pas caché avoir loué le véhicule à "I______". C'était pour cela qu'il avait indiqué à la police que c'était I______ qui conduisait le 22 décembre 2019. D'après W______, c'était I______. Il n'était pas allé à la police car il avait eu trop de pression. Jamais il n'avait parlé de W______ à qui que ce soit. Il se rendait compte, à 23 ans, qu'il aurait dû faire preuve de plus de maturité – il venait d'avoir 19 ans à l'époque et il n'avait pas eu le courage de dire ce qu'il pouvait dire aujourd'hui. Il ne voulait pas être tenu pour responsable de quelque chose qu'il n'avait pas fait.

Au sujet des messages WhatsApp du 8 février 2020, A______ a expliqué qu'en écrivant "Hier j'ai pris 40 min à rentrer car j'ai une putin de voiture accidentée et que j'ai pas de permis et que j'ai pris mon temps", ce n'était pas de la D______ dont il parlait mais d'un autre véhicule. Il ignorait à quoi il faisait référence en écrivant "J'ai fait un accident hier encore" mais ce n'était pas du véhicule D______. En fait, il était alors dans le véhicule d'un ami qui avait fait un accident. Il n'avait pas les coordonnées de cet ami. La phrase "je vais deposer la voiture et voir comment on peut s'arranger clairement" faisait référence au fait qu'il était allé avec un ami déposer le véhicule D______ auprès du concessionnaire à K______. Jamais il n'avait conduit ce véhicule. Il n'était entré dans son habitacle que le premier jour, quand on le lui avait remis, et le jour où il l'avait ramené. En écrivant "Je conduisais désolé", il parlait d'un scooter – il était titulaire du permis de scooter en France mais pas en Suisse. Il reconnaissait les faits du 21 août 2021 pour le surplus.

C.           Procédure d'appel

a.a. Aux débats, A______ a expliqué, référence faite aux SMS échangés avec M______ et O______ le 21 décembre 2019 dès 23h04, qu'il résidait à l'époque à X______ [France]. Il se rendait souvent à N______, où il avait de nombreux amis. Ce soir-là, il s'y était rendu pour manger. Il avait dû y manger avec O______, son ami, avant que celui-ci ne le ramène chez lui, à X______, où il avait dormi. Le matin, il avait appelé sa petite-amie à 10h20, étant précisé qu'à cette heure-là il avait déjà quitté son domicile pour se rendre au travail : il travaillait chez T______ et devait y travailler ce dimanche matin-là, à l'occasion des fêtes. Il avait dû quitter son domicile vers 09h30 ou 10h00 – il ne se souvenait plus à quelle heure il avait pris le travail. Le message de 23h07 ("Elle est louer") visait la D______. Elle était louée à un certain I______. À cet égard, il persistait dans les déclarations qu'il avait faites devant le premier juge. Les propos de M______, à 23h05 ("Et ta voiture elle est où?"), ne suggéraient pas qu'il pouvait être amené à conduire la voiture – M______ aimait fouiner dans sa vie. Il n'était donc pas au volant de la D______ ce 22 décembre 2019 à 07h15.

A______ a déclaré que les trois fiches de salaire établies au nom de E______ SàRL lui avaient été transmises le jour où il s'était rendu à K______ pour restituer le véhicule. Il ne les avait pas faites. Mais il les avait vues, ce jour-là, dans le véhicule, W______ lui ayant en effet remis un dossier, qu'il avait établi, contenant ces fiches de salaire. Il avait ensuite remis personnellement le dossier au concessionnaire D______. Il n'avait rien vu sur lesdites fiches, il ne les avait pas lues. Il avait toutefois compris que le dossier allait lui permettre de "sortir" le véhicule. Il se doutait alors que les fiches de salaire figurant dans le dossier devaient être d'un montant supérieur aux CHF 800.- qu'il gagnait effectivement comme apprenti de deuxième année chez S______.

Au sujet des échanges WhatsApp du 8 février 2020, A______ a répété que, en lien avec les messages de 07h52 et 08h32, il se trouvait dans un autre véhicule accidenté, non dans la D______, et ce n'était pas lui qui conduisait, mais un ami qui allait le déposer chez lui. L'"accident", c'était un pneu crevé. En début d'après-midi, c'était O______ qui avait conduit la D______ jusqu'au concessionnaire. Et à 19h17 et 19h59, il était en train de conduire, en France – ce que son permis français AM l'autorisait à faire –, le scooter qu'un ami lui avait prêté pour trois semaines – ce n'était donc pas le scooter avec lequel on l'arrêtera à la douane le 21 août 2021. Ce 21 août 2021, précisément, il conduisait un 125 cm3. À cet égard, il considérait que la peine prononcée de ce chef en première instance était un peu sévère, vu que c'était la première fois qu'il conduisait sans le permis requis.

A______ a conclu en disant rester ferme sur ce qu'il s'était passé, ferme dans ses explications au Tribunal pénal. À aucun moment il n'avait souhaité que ça aille aussi loin et il était désolé pour C______. Il aurait dû contacter la police mais il n'avait alors que 19 ans. Il ne voulait pas reconnaitre ce qu'il n'avait pas fait. Il n'acquiesçait donc pas à l'action civile.

a.b. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions. Une fiche de salaire n'était pas un titre au sens de l'art. 251 CP et, quoi qu'il en soit, l'élément subjectif faisait défaut car il avait agi sous la contrainte du prénommé W______. Quant aux événements du 22 décembre 2019, il était certes détenteur, preneur de leasing, mais il existait suffisamment d'éléments venant le disculper. Il avait pris le risque de tout avouer au TP et sa nouvelle version venait combler certaines interrogations.

b. C______, dans ses conclusions motivées écrites, a persisté dans ses précédentes prétentions : "[…] j'ai été impliqué dans un accident de la circulation qui a entraîné la destruction de mon véhicule. Suite à cet accident, j'ai été contraint de procéder à l'achat en urgence d'un nouveau véhicule. Mon assurance m'a indemnisé à hauteur de 6'500.- CHF, montant qui s'est avéré insuffisant pour couvrir intégralement les dépenses engendrées par cet achat. J'ai ensuite été contraint de revendre ce véhicule, subissant ainsi une perte financière. De plus, j'ai subi des blessures au niveau du cou à la suite de ce choc. J'ai dû me rendre par mes propres moyens aux urgences de Y______ [GE] et j'ai été contraint de m'absenter du travail pendant 7 jours, ce qui a occasionné une perte financière supplémentaire. Depuis l'accident, je vis avec des angoisses persistantes, particulièrement lorsque je me trouve à des carrefours similaires à celui de l'accident. Malgré le fait que je respecte scrupuleusement les feux de signalisation, je suis continuellement inquiet à l'idée qu'un autre automobiliste puisse griller un feu rouge. Ces angoisses ont un impact sur ma qualité de vie […] Pour toutes ces raisons, j'estime être en droit de recevoir une indemnité de 3'000.- CHF pour couvrir les dommages moraux, les pertes financières subies et les blessures involontaires sans secours apporté […]".

D.           Situation personnelle et antécédents

a. A______ est âgé de 23 ans, de nationalité suisse, célibataire, sans enfant. Depuis le 1er juillet 2023, il touche des indemnités de l'assurance-chômage en CHF 2'600.- et poursuit une formation en cuisine. Jusqu'au 30 juin 2023, il travaillait dans un restaurant et percevait CHF 3'700.- net par mois. Son loyer est de CHF 1'200.- – il vit seul –, sa prime d'assurance-maladie de CHF 350.- et sa charge fiscale annuelle de CHF 500.-.

b. A______ n'a pas d'antécédent inscrit au casier judiciaire suisse.

E.            Assistance judiciaire

Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, six heures et 30 minutes d'activité de stagiaire hors débats d'appel, lesquels ont duré 50 minutes, et deux vacations.

EN DROIT :

1.             L'appel et l'appel joint sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398, 399 et 405 al. 2 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

2.             2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 Cst. et art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1). En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu (ATF 148 IV 409 consid. 2.2).

L'art. 10 al. 2 CPP consacre le principe de la libre appréciation des preuves, en application duquel le juge donne aux moyens de preuve produits tout au long de la procédure la valeur qu'il estime devoir leur attacher pour se forger une intime conviction sur la réalité d'un fait (arrêt 6B_348/2012 du 24 octobre 2012 consid. 1.3). Le juge dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 4b).

2.2.1. À teneur de l'art. 251 ch. 1 du Code pénal [CP], quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, créé un titre faux, falsifie un titre, abuse de la signature ou de la marque à la main réelles d'autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constate ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou, pour tromper autrui, fait usage d'un tel titre, est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'art. 251 ch. 1 CP vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 146 IV 258 consid. 1.1 ; 144 IV 13 consid. 2.2.2). Sont des titres tous les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait (art. 110 al. 4 CP).

Il y a faux matériel lorsqu'une personne fabrique un titre. Le faussaire crée un titre qui trompe sur l'identité de celui dont il émane en réalité. Il est sans importance de savoir si le contenu d'un tel titre est mensonger ou non (ATF 132 IV 57 consid. 5.1.1).

Un certificat de salaire, respectivement un décompte de salaire, au contenu inexact (faux intellectuel), ne constitue pas un titre (ATF 118 IV 363). Ainsi, le chef d'entreprise qui établit des certificats de salaire au contenu inexact en ce sens qu'ils attestent faussement de revenus réalisés auprès de l'entreprise par son coaccusé (documents émanent bien de leur auteur apparent mais dont le contenu est inexact) ne commet pas de faux dans les titres (arrêt du Tribunal fédéral 6B_382/2011 du 26 septembre 2011 consid. 2.2 et 2.3).

L'infraction de faux intellectuel ne peut être commise qu'au travers d'un titre qui ne trompe pas sur l'identité de son auteur. Lorsque le titre trompe sur l'identité de son auteur, les faits doivent être analysés sous l'angle exclusif du faux matériel, même si son contenu est faux aussi (ATF 132 IV 57 consid. 5.1.1 ; 131 IV 125 consid. 4.3 ; 123 IV 17 consid. 2e ; A. MACALUSO / L. MOREILLON / N. QUELOZ, Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 48 ad art. 251 ; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. II, 3ème éd., n. 61 ad art. 251).

Sur le plan subjectif, le faux dans les titres est une infraction intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction, le dol éventuel étant suffisant. Ainsi, l'auteur doit être conscient que le document est un titre. Il doit avoir voulu utiliser le titre en le faisant passer pour véridique, ce qui présuppose l'intention de tromper. Par ailleurs, l'art. 251 CP exige un dessein spécial, à savoir que l'auteur agisse afin de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d'autrui ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite (ATF 141 IV 369 consid. 7.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_367/2022 du 4 juillet 2022 consid. 1.1 et 1.4).

L'acte accompli sous l'empire d'une contrainte physique ou morale pose un problème de culpabilité. Il est généralement admis qu'aucune culpabilité n'existe chez celui qui a agi sous l'empire d'une force irrésistible absolue (vis absoluta), comme la contrainte physique absolue. En revanche, la culpabilité n'est pas exclue chez celui qui a agi sous l'empire d'une force simplement contraignante, d'une menace ou d'une violence relativement irrésistible (vis compulsiva), comme la contrainte psychique. Dans un tel cas, le CP ne prévoit que l'application de la circonstance atténuante de l'art. 48 let. a ch. 3 CP (ATF 104 IV 186 consid. 3b).

2.2.2. Aux termes de l'art. 125 al. 1 CP, quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire.

2.2.3. L'art. 91a al. 1 de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR] dispose qu'est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, en qualité de conducteur d’un véhicule automobile, s’oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l’éthylomètre ou à un autre examen préliminaire réglementé par le Conseil fédéral, qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu’il le serait, ou quiconque s’oppose ou se dérobe intentionnellement à un examen médical complémentaire ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but.

2.2.4. Selon l'art. 92 al. 2 LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire le conducteur qui prend la fuite après avoir tué ou blessé une personne lors d’un accident de la circulation.

2.2.5. À teneur de l'art. 95 al. 1 let. a LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque conduit un véhicule automobile sans être titulaire du permis de conduire requis.

2.2.6. Selon la jurisprudence, le conducteur d'un véhicule automobile ne saurait se voir condamner à une infraction de la loi sur la circulation routière que s'il est établi à satisfaction de droit qu'il est bien l'auteur de cette infraction. Autrement dit, le juge ne peut prononcer une telle condamnation que s'il a acquis la conviction que c'est bien l'intéressé qui a enfreint les règles de la circulation. Lorsqu'une infraction a été dûment constatée, sans cependant que son auteur puisse être identifié, l'autorité ne saurait se borner à présumer que le véhicule était piloté par son détenteur, en faisant porter le fardeau de la preuve à ce dernier. Ainsi, lorsque l'auteur d'une infraction constatée ne peut être identifié sur-le-champ, le juge peut certes, dans un premier temps, partir de l'idée que le détenteur du véhicule en question en était aussi le conducteur au moment critique. Mais dès lors que cette version est contestée par l'intéressé, il lui appartient d'établir sa culpabilité sur la base de l'ensemble des circonstances, sans franchir les limites de l'arbitraire (ATF 106 IV 142 consid. 3). Lorsque le prévenu fait des déclarations contradictoires, il ne peut invoquer la présomption d'innocence pour contester les conclusions défavorables que le juge a, le cas échéant, tirées de ses déclarations (arrêt du Tribunal fédéral 6B_914/2015 du 30 juin 2016 consid. 1.2).

2.3.1. Sous l'angle de l'art. 251 ch. 1 CP, il appert que les trois fiches de salaire incriminées n'ont pas été émises par E______ SàRL, référence faite au témoignage P______. Ces fiches ont été créées de toute pièce. Elles trompent sur l'identité de celui dont elles émanent en réalité. L'auteur réel de ces documents ne coïncide donc pas avec l'auteur apparent (E______ SàRL). Ils sont constitutifs, partant, de faux matériels. L'appelant a admis, dans un premier temps, à la police, en être l'auteur, pour les avoir, de son propre aveu, "falsifiés" lui-même, après avoir ciblé une société au hasard, pour s'assurer que son dossier "passe" auprès du concessionnaire. Il est revenu sur ses dires, dans un deuxième temps, par-devant le Tribunal, attribuant les décomptes en question à un tiers, prénommé W______, qui les lui aurait remis avec un dossier, le prévenu admettant les avoir vus à cette occasion, certes sans en connaître le contenu mais en se doutant qu'ils puissent faire état d'un revenu supérieur à son salaire effectif, documents qu'il a ensuite personnellement déposés auprès du garage. Un tel revirement laisse dubitatif. Il fait perdre le prévenu en crédibilité, encore que ses ultimes propos ne peuvent être exclus, il est vrai (art. 10 al. 3 CPP). R______, ex-employé de Q______ SA n'a jamais été entendu. Or celui-ci aurait sans doute pu renseigner, ne serait-ce que sur l'éventuelle présence d'un tiers, outre l'appelant, lors de la remise du véhicule en juin 2019. Il n'y a toutefois pas lieu d'opter pour l'une ou l'autre version ici. Quelle que soit la bonne, elle accable le prévenu. Dans la première, celui-ci a créé un titre faux, dont il a ensuite fait usage, pour tromper. Dans la deuxième, un tiers a créé un titre faux, dont l'appelant a ensuite fait usage, pour tromper. Dans les deux cas, l'appelant a produit personnellement de fausses fiches de salaire altérant sa véritable capacité financière, lesquelles avaient une valeur probante à cet égard.

S'agissant de faux matériels, l'argument de la défense, tiré de la jurisprudence selon laquelle un décompte de salaire au contenu inexact (faux intellectuel) ne constitue pas un titre, tombe à faux.

L'appelant a agi intentionnellement. Même à retenir, référence faite à sa dernière version, qu'il se serait trouvé "dos au mur" suite aux pressions des frères "W______" et "V______" et aurait ainsi été amené, malgré lui, à conclure un contrat de leasing, partant à remettre de fausses fiches de salaire, il a néanmoins conservé une certaine liberté d'action. Le fait, à le suivre, qu'il se serait fait proposer, en contrepartie, une rémunération de CHF 1'000.- par mois suggère plutôt la passation d'un accord. Quoi qu'il en soit, la contrainte alléguée n'était pas irrésistible. De sorte que l'élément subjectif, bien que l'appelant s'en défende, est réalisé. Celui-ci a agi dans le dessein spécial d'obtenir un avantage patrimonial de surcroît, ou de procurer à "W______" un tel avantage, soit de se faire remettre le véhicule D______. Cet avantage est au demeurant illicite, l'illicéité se déduisant du seul fait que l'appelant a recouru à des faux.

Les éléments constitutifs objectifs et subjectifs de l'art. 251 ch. 1 CP sont ainsi réalisés.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

2.3.2. S'agissant des faits du 22 décembre 2019, le prévenu a fortement varié dans ses explications, là aussi, de sorte qu'il est difficile de démêler le vrai du faux. Il aurait, au gré de ses déclarations, remis son véhicule en location à cette occasion, respectivement "W______" l'aurait remis en location, au dénommé I______ ou I______, étant précisé qu'aucune personne portant ce nom n'a pu être retrouvée en dépit des recherches policières, la demande faite au CCPD s'étant révélée vaine. Cela étant, le véhicule D______ était sans doute effectivement loué cette nuit-là, ce que tend à démontrer le SMS de 23h07. Il faut donc retenir, avec la police judiciaire, que ce message vient mettre hors de cause le prévenu. Du moins appuie-t-il son propos. Par ailleurs, la teneur des SMS montre que le prévenu se déplaçait à pied la nuit en question, respectivement qu'il était véhiculé par O______. Son téléphone n'a pas eu d'activité de 02h54 à 10h20, de sorte que l'on ne peut exclure que l'appelant ait dormi chez lui durant cette tranche horaire, comme il l'indique – bien qu'il ait varié sur son adresse (L______ [GE] vs X______ [France]). Sur les lieux de l'accident, l'auteur n'a pas été aperçu ; il n'a pas été décrit par les autres automobilistes, par C______ en particulier. Enfin le prévenu a été constant dans ses dénégations. Dans ces conditions, il subsiste un doute sérieux quant au fait qu'il ait été le conducteur du véhicule incriminé à 07h15. Ce doute doit lui profiter.

A______ sera par conséquent acquitté des chefs de lésions corporelles simples par négligence (art. 125 al. 1 CP), d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR) et, le 22 décembre 2019, de conduite sans autorisation (art. 95 al. 1 let. a LCR).

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

2.3.3. Les SMS du 8 février 2020 à 07h52 et 08h32, s'ils suscitent l'interrogation, n'excluent pas (encore) les explications du prévenu, selon lesquelles il aurait été, la veille, le passager d'un véhicule conduit par un tiers. Il en va de même des SMS de la mi-journée, l'allégation selon laquelle O______ aurait conduit la D______ jusque chez le concessionnaire ne pouvant être écartée. R______ n'a pas pu être entendu à ce sujet ; O______ ne l'a pas davantage été. Enfin, les SMS de 19h17 et 19h59 n'excluent pas que le prévenu ait pu conduire, à cette heure-là, un scooter ne dépassant pas 50 cm3, sur sol français, ce qu'il était autorisé à faire.

A______ sera par conséquent acquitté du chef de conduite sans autorisation, à cette date également (art. 95 al. 1 let. a LCR).

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

2.3.4. La condamnation pour conduite sans autorisation s'agissant des faits du 21 août 2021 n'est pas attaquée. Il n'y a pas lieu de l'examiner (art. 404 al. 1 CPP).

3. 3.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur. La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures. Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 CP).

Le juge atténue la peine si l'auteur a agi sous l'effet d'une menace grave (art. 48 let. a ch. 3 CP).

3.2.1. La faute du prévenu est importante. Il s'en est pris à la confiance que l'on place dans un titre dans les rapports juridiques, dans les relations commerciales en particulier. Il n'a pas hésité à faire usage de fausses fiches de salaire au détriment d'un concessionnaire-autos, mentant ainsi sur ses capacités financières, dans le but de se faire remettre un véhicule. De même, il s'en est pris à la circulation publique, en conduisant un engin d'une cylindrée supérieure à celle autorisée, mettant ainsi en danger les autres usagers de la route, faute de disposer des aptitudes nécessaires. Son mobile, dont les contours sont mal définis compte tenu de ses versions successives, relève en tout état de cause de la convenance personnelle ; il est égoïste. Sa situation personnelle n'explique pas ses agissements, hormis peut-être son jeune âge. Sa collaboration n'a pas été bonne, vu l'évolution dans ses déclarations. La prise de conscience de la gravité des actes fait en partie défaut, le prévenu se posant en victime s'agissant du crime commis, prétendant qu'on l'aurait contraint à agir de la sorte, alors même qu'une telle contrainte n'est pas étayée, la circonstance atténuante de l'art. 48 let. a ch. 3 CP n'était au demeurant pas formellement plaidée. Il n'a pas d'antécédent judiciaire.

Au vu de l'ensemble des circonstances, l'appelant sera condamné, pour sanctionner le faux dans les titres, infraction objectivement la plus grave, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende (art. 34 al. 1 CP). Cette peine, de base, sera augmentée dans une juste proportion de 30 jours-amende (peine hypothétique : 40 jours-amende) pour réprimer la conduite sans autorisation, ce qui ramène la peine à 150 jours-amende (art. 49 al. 1 CP). Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 30.-, montant qui tient compte de la situation personnelle et économique de l'appelant au moment du présent jugement (art. 34 al. 2 CP).

La détention avant jugement sera imputée sur la peine (art. 51 CP). A cet égard, il n'y a pas lieu d'imputer les mesures de substitution. Celles-ci se sont limitées à interdire à l'appelant tout contact avec C______, G______, F______ et "I______", ce qui n'a limité en rien sa liberté personnelle, en comparaison avec la privation de liberté subie lors d'une détention avant jugement (ATF 140 IV 74 consid. 2.4).

Le sursis est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CPP).

Un sursis qualitativement partiel au sens de l'art. 42 al. 4 CP ne s'impose pas (ATF 134 IV 1 consid. 4.5.2). Le premier juge a fondé la sanction immédiate de CHF 1'460.- sur les infractions à la LCR. Or, à l'exception de l'une d'elles, le prévenu est acquitté de ces chefs. Par ailleurs, ce dernier assume sans discussion la conduite sans autorisation du 21 août 2021 et il s'agit, pour lui, d'une première condamnation. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu, à des fins de prévention spéciale, de le mettre à l'amende.

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

3.2.2. L'art. 44 al. 1 CP dispose que si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans.

Dans le cadre ainsi fixé par la loi, le juge en détermine la durée en fonction des circonstances du cas, en particulier selon la personnalité et le caractère du condamné, ainsi que du risque de récidive. Plus celui-ci est important, plus long doit être le délai d'épreuve et la pression qu'il exerce sur le condamné pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. Dans ce contexte, les autorités cantonales disposent d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1192/2019 du 28 février 2020 consid. 2.1).

En l'occurrence, le prévenu, bien que momentanément privé d'emploi, est inséré professionnellement et socialement. Il n'a pas d'antécédent judiciaire. Cela étant, son évolution dans ses déclarations, marquée, l'absence, qui en découle, d'un discours clair et franc, sa tentative de dédouanement – il plaide l'acquittement – et le rejet de la faute sur autrui s'agissant des faux, enfin l'immaturité liée à son jeune âge commandent qu'une certaine pression soit mise sur lui pour qu'il renonce à commettre de nouvelles infractions. Il semble approprié, équitable, dans ces conditions de lui fixer un délai d'épreuve pouvant certes être de quotité modeste, mais s'éloignant du minimum légal. Le délai d'épreuve de trois ans, partant, ne souffre pas la critique.

Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4.1. En qualité de partie plaignante, le lésé peut faire valoir des conclusions civiles déduites de l'infraction par adhésion à la procédure pénale (art. 122 al. 1 CPP). Le tribunal statue sur les conclusions civiles présentées lorsqu’il rend un verdict de culpabilité à l’encontre du prévenu ou lorsqu’il acquitte le prévenu et que l’état de fait est suffisamment établi. Il renvoie la partie plaignante à agir par la voie civile lorsque celle-ci n’a pas chiffré ses conclusions de manière suffisamment précise ou ne les a pas suffisamment motivées ou lorsque le prévenu est acquitté alors que l'état de fait n'a pas été suffisamment établi (art. 126 al. 1 et 2 let. b et d CPP).

Outre les prétentions fondées sur la responsabilité civile du prévenu (art. 41ss du Code des obligations [CO] ; art. 58 et 62 LCR), il est communément admis par la doctrine que la partie plaignante peut faire valoir par l'action civile par adhésion à la procédure pénale des conclusions civiles fondées sur les actions tendant à la protection de la personnalité (art. 28ss du Code civil [CC]), en revendication (art. 641 CC) ou possessoires (art. 927, 928 et 934 CC), de même que celles prévues à l'art. 9 de la Loi fédérale contre la concurrence déloyale [LCD] (ATF 148 IV 432 consid. 3.1.3).

Le principe de la responsabilité causale du détenteur de véhicule automobile fait l'objet des art. 58 et 59 LCR.

Si, par suite de l’emploi d’un véhicule automobile, une personne est tuée ou blessée ou qu’un dommage matériel est causé, le détenteur est civilement responsable (art. 58 al. 1 LCR). Le détenteur répond de la faute du conducteur et des auxiliaires au service du véhicule comme de sa propre faute (art. 58 al. 4 LCR). Le détenteur est libéré de la responsabilité civile s’il prouve que l’accident a été causé par la force majeure ou par une faute grave du lésé ou d’un tiers sans que lui-même ou les personnes dont il est responsable aient commis de faute et sans qu’une défectuosité du véhicule ait contribué à l’accident (art. 59 al. 1 LCR). Le mode et l'étendue de la réparation ainsi que l'octroi d'une indemnité à titre de réparation morale sont régis par les principes du code des obligations concernant les actes illicites (art. 62 al. 1 LCR). 

La responsabilité du détenteur est indépendante de toute faute de sa part, le cas fortuit ne le libérant pas, pas plus que la faute propre légère ou moyenne du lésé. Autrement dit, si le détenteur ne parvient pas à prouver une des trois preuves positives alternatives suivantes (le préjudice a été causé par la force majeure, par la faute grave du lésé ou encore par la faute grave d'un tiers) ainsi que les deux preuves négatives cumulatives qui suivent (absence de faute dudit détenteur, du conducteur ou de l'auxiliaire et absence de défectuosité du véhicule), il faut en conclure qu'il est responsable du sinistre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_433/2013 du 15 avril 2014 consid. 4.1).

En vertu de l'art. 47 du CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé. Parmi les circonstances qui peuvent, selon les cas, justifier l'application de l'art. 47 CO, figurent une longue période de souffrance ou d'incapacité de travail, de même que les préjudices psychiques importants (ATF 141 III 97 consid. 1.1.2 ; 132 II 117 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1387/2021 du 29 septembre 2022 consid. 5.1).

4.2. C______ fait valoir des prétentions en CHF 3'000.- "pour couvrir les dommages moraux, les pertes financières subies et les blessures involontaires sans secours apporté".

A______ est certes acquitté, du chef d'infraction à l'art. 125 al. 1 CP en particulier (lésions corporelles simples par négligence). Mais par le simple fait que le conducteur du véhicule D______ a commis une faute, A______, détenteur, qui répond du comportement de ce dernier (art. 58 al. 4 LCR), ne peut pas se libérer de sa responsabilité au regard de l'art. 59 al. 1 LCR et doit répondre du dommage causé par le véhicule. 

Il n'en reste pas moins que C______ ne fait pas la preuve de son dommage, qui lui incombe (art. 42 al. 1 CO), qu'il soit matériel – son assureur l'a déjà dédommagé à hauteur de CHF 6'500.- et aucune pièce n'est produite – ou moral – le certificat médical versé ne fait pas état de souffrances psychiques particulières, d'une douleur morale importante et durable ou d'un quelconque suivi psychologique – ouvrant la voie à une indemnisation. C______ doit par conséquent être renvoyé à agir au civil – étant rappelé qu'il dispose d'une action directe contre l'assureur du véhicule D______ (Z______) (art. 65 al. 1 LCR).

Le jugement entrepris sera réformé sur ce point.

5. Vu l'issue de la procédure, A______, qui obtient gain de cause en partie, respectivement qui succombe en partie, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 2'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 14 al. 1 let. e RTFMP).

C______, appelant joint, succombe. Mais ses conclusions civiles n'ont pas causé de frais de procédure particuliers. Il n'y a pas lieu, partant, de les lui faire supporter (art. 427 al. 1 let. c et 428 al. 1 CPP).

Ainsi, le solde des frais de la procédure (1/2) sera laissé à la charge de l'Etat (art. 423 CPP).

Il y a lieu également de revoir les frais fixés par l'autorité inférieure. Seule la moitié de ceux-ci sera mise à la charge du condamné (art. 428 al. 3 CPP).

6. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de A______, satisfait aux exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 1'204.10 correspondant à sept heures et 20 minutes d'activité au tarif de CHF 110.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 20 %, plus deux vacations aller-retour au Palais de justice et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% [(7. x CHF 110.- = CHF 806.65) + le forfait de 20% (CHF 161.35) + (2 x CHF 75.-) + la TVA au taux de 7.7% (CHF 86.10)].

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ et l'appel joint formé par C______ contre le jugement rendu le 5 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/4278/2020.

Admet partiellement l'appel principal et rejette l'appel joint.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ des chefs d'escroquerie (art. 146 ch. 1 CP), de lésions corporelles simples par négligence (art. 125 al. 1 CP), d'entrave aux mesures de constatation de l'incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR), de violation des obligations en cas d'accident (art. 92 al. 2 LCR) et de conduite sans autorisation pour les faits visés sous chiffre 3 de l'acte d'accusation (art. 95 al. 1 let. a LCR).

Déclare A______ coupable de faux dans les titres (art. 251 al. 1 CP) et de conduite sans autorisation pour les faits visés sous chiffre 4 de l'acte d'accusation (art. 95 al. 1 let. a LCR).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 150 jours-amende, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement.

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans.

Avertit A______ que s'il devait commettre une nouvelle infraction durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Ordonne la restitution à A______, si ce n'est déjà fait, du téléphone figurant sous chiffre 1 de l'inventaire du 25 août 2020 à son nom.

Renvoie C______ à agir par la voie civile.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 1'655.-, émolument complémentaire compris.

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure d'appel, qui s'élèvent à CHF 2'275.-, y compris un émolument de CHF 2'000.-.

Laisse le solde des frais de la procédure à la charge de l'État.

Arrête à CHF 1'204.10, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal pénal.

 

La greffière :

Dagmara MORARJEE

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'655.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

140.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

2'000.-

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

2'275.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'930.00