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Décisions | Tribunal pénal

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P/25075/2019

JTDP/380/2025 du 01.04.2025 sur OPMP/10338/2020 ( OPOP ) , JUGE

Normes : LStup.19; LStup.19
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

 

Chambre 19


1er avril 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur X______, né le ______ 1958, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me Stéphane GRODECKI

A______, tiers participant, représenté par B______, assisté de Me Christoph GOOD

 


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et d de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), au prononcé d'une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 10.- le jour, assortie du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans et à la condamnation du prévenu au paiement des frais de la procédure.

X______, par la voix de son conseil, conclut à son acquittement, à ce que les frais de la procédure soient laissés à la charge de l'Etat et à ce qu'une indemnité correspondant à 12 heures de travail au tarif usuel lui soit octroyée. S'agissant des pièces saisies, il conclut principalement à leur restitution au tiers saisi, subsidiairement à lui-même.

Me Christoph GOOD, conseil de A______, plaide et conclut à la levée du séquestre et à la restitution des pièces saisies.

*****

Vu l'opposition formée le 24 décembre 2020 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 7 décembre 2020;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 21 décembre 2023;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 7 décembre 2020 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 24 décembre 2020.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 7 décembre 2020, valant acte d'accusation, le Ministère public (MP) reproche à X______ d'avoir, le 31 octobre 2019 aux alentours de 15h30, importé en Suisse à Genève, un fût de 20 litres contenant un liquide décrit sur les certificats de transport et de facturation comme étant une décoction de Psychotria viridis et de Banisteriopsis caapi, soit du DMT et du harmine.

Il lui est également reproché d'avoir, depuis une date indéterminée jusqu'au 22 novembre 2019, détenu sept bouteilles en PET contenant du DMT et du harmine.

Le MP a qualifié ces faits d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b de la Loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup; RS 812.121).

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure.

Saisie du 31 octobre 2019

a.a. Selon le rapport de renseignements du 28 novembre 2019, l'Inspectorat des douanes de Genève-Aéroport a contacté la police suite à une saisie le 31 octobre 2019 d'un fût de 20 litres contenant une décoction de Banisteriopsis caapi et de Psychotria viridis, soit de l'ayahuasca (DMT).

Selon la facture, annexée au rapport, le fût – au prix de $250 – était destiné au A______ chez X______, dont l'adresse était mentionnée. La description indiquait: "natural and non-alcoholic tea obtained from the decoction of vine Mariri (Banisteriopsis caapi) and leaves of Chacrona (Psychotria viridis). Packed in stainless steel drum containing 20 liters".

a.b. La police s'est également rendue au domicile de X______ et a saisi sept bouteilles en PET de 1,5 litre, après que ce dernier a indiqué détenir les bouteilles en question.

a.c. Des photographies du fût de 20 litres ainsi que des sept bouteilles saisies figurent dans le cahier photographique établi par la BPTS. Plusieurs étiquettes indiquent l'Italie comme pays de destination, notamment le code postal 24014 correspondant à la ville de Bergamo.

a.d. Selon le résultat des analyses de stupéfiants du 20 juillet 2020, le volume total d'ayahuasca saisie est de 27,6 litres. Le principe actif est le DMT (N,N-diméthyltryptamine) et l'harmine est utilisé comme adultérant.

a.f. Par courrier du 23 décembre 2020, le A______ a indiqué au MP être touché par la procédure en qualité de tiers, étant propriétaire du thé Hoasca saisi. Il concluait à la levée du séquestre et à la restitution du thé Hoasca.

Il a, par la suite, envoyé plusieurs courriers au cours de la procédure.

 

 

Auditions du prévenu

b. Entendu par la police en qualité de prévenu le 22 novembre 2019, X______ a expliqué faire partie de l'association D______ (dite D______) depuis 2009 qui comptait aujourd'hui 30 à 40 membres. Dans ce cadre, des réunions se tenaient dans une salle louée, durant lesquelles un rituel était pratiqué, dirigé par un Mestre. Chacun buvait un verre de ce qu'ils appelaient le "Vegetal", soit l'ayahuasca. Le rituel se poursuivait avec de la musique et des chants, puis des questions posées au Mestre, le but étant de s'améliorer sur le plan spirituel et temporel. Il était possible de boire encore de l'ayahuasca une seconde fois, sous le contrôle du Mestre et la cérémonie se terminait vers minuit. Les sessions de l'association, ainsi que partout dans le monde, se déroulaient les premier et les troisième samedis du mois.

X______ a déclaré consommer de l'ayahuasca depuis 2009 lors de chaque session. C'était la première fois qu'il rencontrait un problème à l'importation. Puisque les précédentes importations s'étaient bien déroulées, il avait été conforté dans la certitude que tout se déroulait légalement. D'ailleurs, la consommation d'ayahuasca n'était pas sujette à paiement, et l'association payait uniquement les frais inhérents à la TVA et à l'envoi du colis, sans aucun but de commercialisation.

S'agissant des bouteilles en PET de 1,5 litres saisies à son domicile, il a expliqué qu'elles provenaient d'un conditionnement d'un fût et qu'il était chargé de garder ces bouteilles pour l'association et d'en amener trois ou quatre à chaque culte.

c. Devant le MP, le 29 avril 2021, X______ a contesté les faits reprochés car pour lui le produit importé était un produit légal et naturel préparé avec deux plantes et de l'eau. Le liquide avait déjà fait l'objet de contrôles par les douanes lors de précédentes importations et il n'avait jamais eu de problème. Si par impossible l'importation était illégale, il devait être mis au bénéfice de l'erreur sur les faits. De plus, c'était l'association qui était propriétaire du produit et qui l'avait "envoyé" à son nom (association) mais à son adresse (X______). Il ne l'avait donc pas importé et n'en avait jamais été propriétaire, mais seulement récipiendaire. L'association avait un département médical et juridique, dont le siège était au Brésil, et qui était chargé des produits et des contacts avec l'avocat. Il était inquiet de la façon dont le produit avait été stocké, ce produit étant "sacré" bien que dénué de valeur marchande.

Expertise technique

d.a. Suite à l'ordonnance sur opposition du MP du 15 décembre 2021, le Tribunal de police a rendu une ordonnance le 2 août 2022 renvoyant la cause au MP afin qu'il complète l'instruction et détermine si les breuvages saisis devaient être considérés comme des plantes, parties de plantes ou extraits contenant du DMT ou comme des préparations artificielles/synthétiques contenant du DMT, quelle était la concentration en DMT et si celle-ci correspondait à une concentration naturelle, ainsi que les éventuels effets psychotropes de l'ayahuasca saisie.

d.b. En exécution du mandat d'expertise technique du MP du 16 mai 2023, le Forensisches Institut Zürich a rendu son expertise technique le 25 juillet 2023.

Il ressort de cette expertise que les liquides saisis ne contiennent plus de cellules actives photosynthétiques et ne peuvent donc pas être considérés comme des plantes. Le matériel saisi dans le fût consiste en une solution brune d'environ 20 litres contenant les deux composants N,N-diméthyltryptamine (DMT) et harmine. Dans le cas du breuvage de l'ayahuasca, ces deux composants proviennent en général des feuilles de la plante Psychotria viridis contenant de la DMT et des lianes de l'espèce Banisteriopsis caapi contenant de l'harmine/harmaline. Le breuvage mène à des effets psychédéliques uniquement grâce à la combinaison des deux substances (DMT et harmine), la combinaison des deux espèces de plantes ayant comme but unique l'accession aux effets psychédéliques.

A dires d'experts, il est clair que l'extrait du fût est une préparation contenant de la DMT. Le matériel végétal a été soumis à une extraction aqueuse, c'est-à-dire à un traitement par lequel les substances DMT et harmine/harmaline ont été retirées et séparées du matériel végétal. Le liquide saisi est prêt à l'emploi (par opposition à des préparations semblables qui doivent être diluées, par exemple les concentrés d'ayahuasca). S'agissant des bouteilles en PET, elles contiennent également les deux composants DMT et harmine.

La concentration en DMT n'a pas été déterminée car l'infraction grave à la LStup n'est pas définie. Selon la littérature, les recettes du bassin de l'Amazone contiennent par dose 25-36 mg de DMT et différentes quantités de harmine/harmaline (20-40 mg, 144-158 mg et même 400 mg). La DMT prise par voie orale ne mène aux effets psychédéliques qu'en combinaison avec un inhibiteur de MAO qui, dans les cas de l'ayahuasca, est l'harmine/harmaline.

L'effet total dure environ quatre heures. Dans un premier temps, l'harmine provoque une sédation qui peut aller jusqu'à l'immobilité. Au début de son effet, l'harmine provoque une forte nausée et souvent un vomissement. Environ 45 minutes après la consommation du breuvage, l'effet psychédélique de la DMT débute et dure environ une heure, avant de s'éteindre soudainement. Quand l'effet de la DMT commence, la nausée disparait principalement. Une consommation régulière d'ayahuasca mène à ce que le corps s'habitue aux effets pharmacologiques de l'harmine et la nausée peut disparaitre chez des consommateurs réguliers.

Enfin, les méthodes de consommation de la DMT sont diverses, mais celles connues sont généralement: fumer la DMT en forme de base, l'injection intramusculaire et intraveineuse et la consommation orale sous forme de thé (comme dans le cas présent) avec un inhibiteur. Toutes ces méthodes sont habituelles et ont le même but de mener aux effets psychédéliques.

Documentation générale au sujet de l'ayahuasca

e.a. Durant la procédure, X______ a versé au dossier plusieurs documents en lien avec d'anciennes importations d'ayahuasca, ainsi qu'une brochure explicative détaillée concernant le D______.

e.b. Dans un document daté du 11 novembre 2015 intitulé "statement on the legitimacy of the religious use of Ayahuasca tea" établi par l'Agencia Nacional de Vigilancia Sanitaria du Brésil, il est fait mention à la lettre b que les plantes et extraits de plantes Mariri et Chacrona n'apparaissent pas dans les traités internationaux de contrôles, conformément à une décision de l'Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations-Unies.

e.c. Sur une quittance DHL du 30 août 2018 (précédente importation), il est indiqué "sample of tea" et "herbal tea made of Amazonian plants and utilized for religious purposes as a sacrament".

e.d. Dans un courrier de Swissmedic du 25 mai 2012 - organisme qui indique que la question pertinente est de déterminer si le thé est, en raison de son contenu en DMT, soumis à la loi sur les stupéfiants – il est mentionné que les plantes, les parties de plantes ou extraits de plantes (par exemple le thé) qui contiennent la substance DMT à des concentrations naturelles ne sont, pour l'heure pas soumises au contrôle des stupéfiants en Suisse et peuvent être commercialisés sans autorisation spéciale. Swissmedic indique également que le produit chimique DMT figure à l'inventaire "d" (annexe 5) de l'OCStup (RS 812.121.1) et ne peut être commercialisée que moyennant une autorisation de l'Office fédéral de la santé.

Le 29 mai 2013, Swissmedic a publié en ligne des précisions concernant le statut des préparations à base de diméthyltryptamine découlant du droit sur les stupéfiants et a indiqué que son document daté du 25 mai 2012 – qui avait été mis en circulation – n'avait aucun caractère obligatoire général étant donné qu'il s'agissait d'une réponse directe à un cas concret bien précis. Il ne signifiait aucunement que la vente de préparations contenant de la N,N-DMT était autorisée de manière générale.

e.e. De la brochure de D______, il ressort que le D______ se définit comme une institution religieuse basée sur la religion chrétienne née dans le cœur de la forêt amazonienne et qui utilise le thé Hoasca (également connu sous le nom d'ayahuasca ou de Vegetal) en tant que rituel pour son effet sur la concentration mentale. L'objectif du D______ est de promouvoir la paix dans le monde au travers du développement moral, intellectuel et spirituel de l'être humain. L'organisation D______ est active au Brésil ainsi que dans d'autres pays en Amérique, en Europe et en Océanie. Elle n'a pas vocation à obtenir un quelconque profit matériel ou financier. Le thé Hoasca est un sacrement d'origine ancienne, fait à partir d'une décoction de deux plantes d'Amazonie, soit le Mariri (Banisteriopsis caapi) – qui est une liane – et le Chacrona (Psychotria viridis) – qui est un arbre duquel sont tirées quelques feuilles, unies avec des morceaux de liane pour en faire du thé. Il a été prouvé scientifiquement qu'il n'a pas d'effet nocif sur la santé physique et mentale. Le Vegetal facilite l'introspection mentale et produit une clarté dans la conscience, ainsi qu'une perception aiguisée, permettant de ressentir la présence de Dieu dans sa vie et de commencer un processus de profonde transformation. Au Brésil, le droit – reconnu par le Gouvernement – de consommer du thé Hoasca fait partie de la liberté religieuse. Il en va de même aux Etats-Unis (droit reconnu par la Cour suprême en 2006). S'agissant des autres pays, le D______ reconnait que chacun a sa souveraineté et ses propres lois et essaie d'obtenir que ses activités soient reconnues d'un point de vue légal.

f. Par courrier du 4 février 2025, le conseil de X______ a transmis un bordereau de pièces contenant plusieurs articles – notamment scientifiques – rédigés en anglais au sujet de l'ayahuasca, ainsi qu'une clé USB contenant une présentation du D______.

Il ressort de ces différentes pièces:

-          que l'ayahuasca n'aurait pas d'effet négatif sur le long terme et que les effets secondaires (vomissements, diarrhées, maux de tête) ne seraient que passagers (pièces 1, 5 et 6);

-          que l'ayahuasca aurait un effet thérapeutique dans le cadre de dépendances aux drogues, à l'alcool ou au tabac et permettrait de traiter la dépression et l'anxiété (pièces 2, 5 et 6);

-          que l'utilisation religieuse de l'ayahuasca est légale au Brésil (pièce 3);

-          qu'en 2006, la Cour suprême des Etats-Unis a restitué le thé Hoasca saisi et considéré qu'il manquait des indices permettant de conclure que l'utilisation de ce thé causait un danger à la société (pièce 4).

C.a. Le 11 février 2025 à l'audience de jugement, le Tribunal a rejeté les réquisitions de preuves de X______ selon motivation figurant au procès-verbal.

b. X______ a déposé un bordereau de pièces complémentaire, et a confirmé son opposition à l'ordonnance pénale ainsi que ses précédentes déclarations.

Il contestait que les faits reprochés soient constitutifs d'une infraction. Il était allé retirer le produit pour le D______, association dont il faisait partie. Ce n'était pas illégal pour lui. L'ingestion de thé Hoasca avait un effet sur la concentration dans le sens d'une amélioration, mais pas d'autre effet. Cela procurait une concentration mentale. Il consommait le "Vegetal" 1 à 2 fois par mois lors des réunions dirigées par le "Mestre"; c'était un bien pour la famille et ils s'épanouissaient. Il ignorait pourquoi les bouteilles en PET mentionnaient "Italie" comme pays de destination, précisant que le "Vegetal" n'arrivait pas toujours du même endroit. Il s'était fait livrer deux fois chez lui par DHL et la troisième livraison avait été saisie à l'aéroport. La commande lui avait été adressée car il était assez disponible pour l'association. A la question de savoir comment il s'était procuré le courrier de Swissmedic du 25 mai 2012, il a répondu que quelqu'un de l'association avait dû le recevoir, mais qu'il n'en savait pas plus.

c. B______, représentant de A______, entendu en qualité de témoin, a indiqué être le vice-président de l'association D______ sur le plan international avec siège au Brésil mais également vice-président des autres associations du même nom présentes ailleurs dans le monde. Le D______ était une religion chrétienne fondée en 1961 par C______ dans laquelle le thé Hoasca – considéré comme un sacrement – était consommé durant des séances religieuses dirigées par un "Mestre", qui avait suivi une formation de 10 ans pour cela. Il ne s'agissait pas d'un stupéfiant, car il ne causait ni addiction, ni dépendance. Aucune hallucination ne survenait durant les rituels religieux, car le thé ne causait pas de détachement avec la réalité, ni de visions de choses qui n'existaient pas.

Sur questions du Tribunal, si le produit avait été envoyé chez X______, c'était pour qu'il puisse participer aux activités religieuses de D______ à Genève, mais cela ne signifiait pas que tous les membres en recevaient chez eux. La valeur de production et d'envoi du "thé sacramental" était d'environ EUR 12.- par litre, hors frais de transport.

D. X______ est né le ______ 1958 à ______ en Italie, pays dont il est originaire. Il a également la nationalité suisse. Il est marié et père d'une fille âgée de 10 ans, qui est à sa charge. Il a également deux enfants majeurs issus d'une précédente union. Sa fille vit avec sa femme et lui. Il perçoit une rente AI mensuelle de CHF 2'353.-. Son crédit hypothécaire lui coûte CHF 3'000.- par année, sans amortissement. Son assurance maladie s'élève à CHF 585.85 mensuels et celle de sa fille à CHF 1'700.- par année. Il a une dette à hauteur de CHF 250'000.-, découlant à hauteur de CHF 110'000.- d'un crédit hypothécaire et pour le surplus d'emprunts à l'égard de sa famille. Sa fortune s'élève à CHF 150'000.- et correspond à la valeur de son bien immobilier.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire en Suisse.

EN DROIT

Culpabilité

Préambule

1. Le Tribunal tient pour établi sur la base des rapports de police, des déclarations du prévenu et de l'expertise technique que, le 31 octobre 2019, un fût de 20 litres contenant de l'ayahuasca (soit du DMT et de l'harmine) destiné au A______, mais devant être livré à l'adresse de X______ a été saisi à la douane lors de son importation sur le territoire suisse. Le prévenu admet ces faits.

Il est également établi et admis par X______ que celui-ci détenait à son domicile sept bouteilles en PET contenant le même breuvage.

Le prévenu, qui conteste sa culpabilité, a fait valoir plusieurs arguments, qu'il convient d'analyser ci-après.

Application de la LStup

2.1.1. En premier lieu, le prévenu a soutenu que l'ayahuasca saisi ne saurait être qualifié de stupéfiant au sens de la LStup.

2.1.2. Selon l'art. 2 LStup, au sens de la présente loi, on entend par:

a. stupéfiants: les substances et préparations qui engendrent une dépendance et qui ont des effets de type morphinique, cocaïnique ou cannabique, et celles qui sont fabriquées à partir de ces substances ou préparations ou qui ont un effet semblable à celles-ci;

b. substances psychotropes: les substances et préparations engendrant une dépendance qui contiennent des amphétamines, des barbituriques, des benzodiazépines ou des hallucinogènes tels que le lysergide ou la mescaline ou qui ont un effet semblable à ces substances ou préparations;

c. substances: les matières premières telles que les plantes et les champignons, ou des parties de ces matières premières et leurs composés chimiques;

d. préparations: les stupéfiants et les substances psychotropes prêts à l’emploi;

e. précurseurs: les substances qui n’engendrent pas de dépendance par elles-mêmes, mais qui peuvent être transformées en stupéfiants ou en substances psychotropes;

f. adjuvants chimiques: les substances qui servent à la fabrication de stupéfiants et de substances psychotropes.

La loi prévoit au sens d'une clause générale que les substances ayant un effet similaire à celles expressément mentionnées sont également considérées comme des «substances psychotropes» et sont donc soumises à la loi sur les stupéfiants (schlegel Stephan/jucker Oliver, dans: BetmG Kommentar, Kommentar zum Betäubungsmittelgesetz sowie zu Bestimmungen des StGB und OBG mit weiteren Erlassen, 4e éd., Zürich 2022, N 200 ad art. 2).

2.1.3. Selon l'art. 2a LStup, le Département fédéral de l’intérieur (DFI) établit la liste des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques. À cet effet, il se fonde en principe sur les recommandations des organisations internationales compétentes.

2.1.4. A teneur de l'art. 7 LStup, les matières premières et les produits dont on peut présumer qu'ils ont un effet semblable à celui des substances et des préparations visées à l'art. 2 ne peuvent être cultivées, fabriquées, importées, exportées, entreposées, utilisées ou mises dans le commerce qu'avec l'assentiment du Département fédéral de l'intérieur et aux conditions qu'il a fixées (al. 1). Swissmedic vérifie si la matière première ou le produit considéré répond aux critères de l'art. 2. Si tel est le cas, les autorisations visées aux art. 4 et 5 sont requises (al. 2). Le Département fédéral de l'intérieur établit la liste de ces substances et préparations (al. 3).

2.1.5. L'art. 2 de l'Ordonnance fédérale sur le contrôle des stupéfiants du 25 mai 2011 (OCStup; RS 812.121.1) prévoit qu'au sens de la présente ordonnance, on entend par fabrication toutes les étapes allant de l'extraction à la livraison du produit fini, en passant par la production, la préparation, le traitement, le nettoyage, la transformation, le conditionnement et l'entreposage, ainsi que les contrôles de qualité et la libération des lots (let. c) et par substances soumises à contrôle les stupéfiants, substances psychotropes, précurseurs et adjuvants chimiques définis à l'art. 2 LStup ainsi que les matières premières et produits ayant un effet supposé similaire à celui des substances et des préparations au sens de l'art. 7 LStup (let. h).

Selon l'art. 3 al. 1 OCStup, le DFI désigne les substances soumises à contrôle et détermine les mesures de contrôle auxquelles elles sont soumises.

À cet effet, il établit notamment le tableau des substances soumises à contrôle qui sont prohibées (tableau d) et la table des matières premières et produits ayant un effet supposé similaire à celui des substances et de préparations au sens de l'art. 7 al. 1 LStup et soumis aux mesures de contrôle des stupéfiants figurant dans le tableau a (tableau e) (art. 3 al. 2 let. d et e OCStup).

2.1.6. Selon l'art. 1 de l'Ordonnance du DFI sur les tableaux des stupéfiants, des substances psychotropes, des précurseurs et des adjuvants chimiques du 30 mai 2011 (OTStup; DFI, RS 812.121.11), sont des substances soumises à contrôle les stupéfiants, les substances psychotropes, les matières premières et les produits ayant un effet supposé similaire à celui des stupéfiants, les précurseurs et les adjuvants chimiques au sens des art. 2a et 7 LStup (al. 1). Sont des stupéfiants, des substances psychotropes, des matières premières et des produits ayant un effet supposé similaire à celui des stupéfiants au sens des art. 2a et 7 LStup, les substances qui figurent dans les tableaux des annexes 1 à 6 (al. 2 let. a) ainsi que les préparations qui contiennent des substances visées aux let. a à c (al. 2 let. d).

La substance "N,N-diméthyltryptamine (DMT) figure dans le tableau général des substances soumises à contrôle des tableaux a à d figurant en annexe 1 de l'OTStup ainsi que dans le tableau d en annexe 5 à la même ordonnance. Cette substance y figurait déjà à la date des faits, soit le 31 octobre 2019.

Le juge est lié par la décision d'inclure une substance dans la liste des stupéfiants ou des substances assimilées (ATF 107 IV 150 consid. 1b) et la preuve d'un effet toxique n'a pas à être apportée (ATF 108 IV 196 consid. 2c) (corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3ème éd., 2010, p.897).

2.1.7. Selon le Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 4 mai 2006 concernant la révision partielle de la Loi sur les stupéfiants (FF 2006 8141), un stupéfiant prêt à l’emploi est un produit pouvant être utilisé de suite, sous une forme ou une autre, constitué d’un mélange de substances ou d’une solution englobant une ou plusieurs substances (p. 8161).

2.1.8. Sur le plan international, la Convention internationale sur les substances psychotropes du 21 février 1971 (RS 0.812.121.02), dont fait partie la Suisse depuis le 21 juillet 1996, dispose, en ce qui concerne les substances énumérées au Tableau I (dont le DMT figure au chiffre 3 de ce tableau) que les Parties devront notamment interdire toute utilisation de ces substances, sauf à des fins scientifiques ou à des fins médicales très limitées, par des personnes dûment autorisées qui travaillent dans des établissements médicaux ou scientifiques relevant directement de leurs gouvernements ou expressément autorisés par eux (art. 7 let. a).

2.1.9. Selon les précisions de Swissmedic concernant le statut des préparations à base de diméthyltryptamine découlant du droit sur les stupéfiants du 29 mai 2013, la substance N,N-DMT est répertoriée dans l'annexe 5 (tableau d) de l'OTStup-DFI. En conséquence, cette substance ainsi que les préparations qui en contiennent sont soumises au contrôle sur les stupéfiants, conformément aux dispositions de l'art. 1 al. 2 let. d OTStup-DFI. En revanche, les plantes qui contiennent de la N,N-DMT ne figurent pas dans l'OTStup-DFI et ne sont donc pas soumises à la législation sur les stupéfiants. Le classement en tant que "plante" ou "préparation contenant de la N,N-DMT" d'un extrait aqueux de plantes contenant de la N, N-DMT ou d'une autre forme de préparation dépend du produit, de sa présentation et des vertus thérapeutiques qui lui sont prêtées ainsi que du contexte. Les autorités cantonales compétentes décident donc de ce classement au cas par cas.

2.1.10. Selon schlegel/jucker, l'ayahuasca est une préparation contenant des stupéfiants au sens de l'art. 1 al. 2 let. d. OTStup-DFI. La concentration de la substance active contenue dans la préparation n'a aucune importance (schlegel Stephan/jucker Oliver, dans: BetmG Kommentar, Kommentar zum Betäubungsmittelgesetz sowie zu Bestimmungen des StGB und OBG mit weiteren Erlassen, 4e éd., Zürich 2022, N 240-241 ad art. 2).

2.1.11. Dans le canton de Zurich, l'Obergericht a examiné la question de la confiscation et de la destruction de 4 litres d'ayahuasca saisis et a retenu que l'ayahuasca devait être considéré comme une préparation contenant du N,N-DMT au sens de l'art. 1 al. 2 let. d OTStup-DFI, de sorte que le produit saisi devait être confisqué et détruit (OGer ZH du 24 octobre 2014 n° SB140106/O/U/ad).

Dans un autre arrêt zurichois, l'Obergericht a considéré que la confiscation et la destruction du liquide d'ayahuasca étaient légales, retenant qu'il s'agissait d'une préparation contenant de la N,N-DMT au sens de l'art. 1 al. 2 let. d. OTStup-DFI, laquelle relève de la loi sur les stupéfiants. En effet, la substance chimique N,N-diméthyltryptamine (N,N-DMT) contenue dans l'ayahuasca figure dans la liste d de l'ordonnance sur les stupéfiants (annexe 5 de l'OTStup-DFI) et relève donc de la loi sur les stupéfiants (cf. art. 3 al. 2 let. d OCStup). A dires d'expert, la décoction d'ayahuasca est une préparation contenant des stupéfiants au sens de l'art. 1. al. 2 let. d, OTStup-DFI. L'ayahuasca tombe donc sous le coup de la loi sur les stupéfiants, et sa confiscation et sa destruction par le ministère public sont légales (OGer ZH du 21 janvier 2014 n° ZR 113/2014 S.23).

2.2. En l'espèce, le N,N-diméthyltryptamine (DMT) est une substance figurant dans le tableau d de l'annexe 5 OTStup-DFI, soit une substance soumise à contrôle qui est prohibée (art. 3 al. 2 let. d OCStup) et y figurait déjà à l'époque des faits. Elle figure également dans la Convention internationale sur les substances psychotropes.

Il ressort de l'analyse effectuée, que l'ayahuasca saisi, soit un volume total de 27,6 litres, contient le principe actif DMT ainsi que de l'harmine. L'expertise figurant au dossier - dont le Tribunal n'a aucune raison de s'écarter – retient que l'extrait du fût est une préparation contenant de la DMT, le liquide étant prêt à l'emploi. Il en va de même pour les sept bouteilles en PET.

Une préparation contenant de la DMT relève de l'art. 1 al. 2 let. d OTStup et tombe donc sous le coup de la Loi sur les stupéfiants par le biais de l'art. 2a LStup.

Que les termes Mariri, Chacrona ou Ayahuasca n'apparaissent pas en tant que plante dans la liste du DFI importe peu puisque dans le cas présent ce n'est pas l'importation d'une plante qui est reprochée au prévenu, mais bien d'une préparation prête à l'emploi.

Les effets positifs et le fait que l'ayahuasca n'engendre pas de dépendance – tel que plaidé par la défense – ne doit pas être examiné par le juge à ce stade, dès lors que la substance litigieuse figure dans la liste du DFI, laquelle lie le juge.

Partant, l'ayahuasca saisi le 31 octobre 2019 est bien soumis à la LStup. Cette analyse est d'ailleurs non seulement conforme aux précisions de Swissmedic, mais également à la Convention internationale sur les substances psychotropes et à la doctrine suisse en la matière.

Violation du principe d'accusation

2.3.1. En second lieu, le prévenu a fait valoir une violation de l'art. 9 CPP au motif qu'il n'était pas en mesure de comprendre s'il lui était reproché de détenir ou d'importer une préparation ou un stupéfiant, pas plus qu'il n'était en mesure de comprendre quel était le produit visé comme stupéfiant.

2.3.2. Le principe de l'accusation est consacré à l'art. 9 CPP, mais découle aussi des art. 29 al. 2 Cst., 32 al. 2 Cst. et 6 par. 1 et 3 let. a et b CEDH. Une infraction ne peut faire l'objet d'un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent un acte d'accusation dirigé contre une personne déterminée sur la base de faits précisément décrits (art. 9 al. 1 CPP).

A teneur de l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne en particulier, le plus brièvement possible, mais avec précision, les actes reprochés au prévenu, avec indication du lieu, de la date et de l'heure de leur commission, ainsi que de leurs conséquences et du mode de procéder de l'auteur (let. f).

En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du Ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu. Il doit les décrire de façon suffisamment précise pour lui permettre d'apprécier les reproches qui lui sont faits, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement sa défense (fonction de délimitation et d'information ; ATF 143 IV 63 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_834/2018 du 5 février 2019 consid. 1.1).

2.4. En l'espèce, l'ordonnance pénale du MP, assimilable à un acte d'accusation, est claire. La période pénale et les faits sont décrits de manière complète. Il est en effet reproché l'importation d'un fût de 20 litres d'une décoction contenant du DMT et de l'harmine et la détention de sept bouteilles contenant du DMT et de l'harmine. Le prévenu savait dès sa première audition à la police de quel liquide et de quel fût il était question, puisqu'il a d'ailleurs de lui-même indiqué oralement en posséder d'autres bouteilles à la maison, ce qui a permis leur saisie. Le prévenu a en outre immédiatement mentionné la consommation d'ayahuasca dans le cadre de D______ ainsi que de précédentes importations ce qui démontre une nouvelle fois qu'il connaissait les faits qui lui étaient reprochés. A cet égard, il importe peu que l'OP ne mentionne pas le terme ayahuasca. De plus, le prévenu a toujours reconnu les faits mais contesté sa culpabilité. La question de savoir s'il s'agit d'une préparation, d'un mélange, d'un stupéfiant est une question de droit à laquelle le MP a également répondu en qualifiant les faits d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et d LStup.

Partant, il n'y a donc pas lieu de retenir une violation du principe d'accusation.

Infraction à l'art. 19 LStup

2.5. Le prévenu objecte qu'il n'avait pas eu l'intention de commettre une infraction à la LStup et que tout au plus il avait agi en proie à une erreur sur les faits, respectivement qu'il devait être mis au bénéfice d'une erreur sur l'illicéité.

2.6.1. Selon l'art. 19 al. 1 let. b LStup, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire celui qui, sans droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte des stupéfiants ou les passe en transit.

Cette disposition vise tous les actes caractéristiques du commerce, qui interviennent avant la vente proprement dite. Elle réprime notamment l'importation, qui est un cas de transport qui se caractérise par le fait que la drogue est introduite en Suisse en provenance d'un pays étranger (corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3ème éd., 2010, n. 24 et 30 ad art. 19).

La LStup érige en infraction indépendante des actes de soutien qui, pour d'autres infractions, ne seraient que des cas de participation à l'infraction principale; dans toutes ces hypothèses, il faut simplement considérer que l'accusé est l'auteur de l'infraction (ATF 119 IV 268 consid. 3a). Il importe peu qu'il n'ait été qu'un personnage secondaire dans l'organisation, qu'il se soit borné à obéir à un ordre ou qu'il n'ait pas agi dans son intérêt personnel ou de sa propre initiative (ATF 133 IV 194 consid. 3.3 ; 106 IV 73 consid. b).

2.6.2. L'art. 19 al. 1 let. d LStup réprime celui qui, sans droit, possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s’en procure de toute autre manière.

L'acquisition est l'autre face de l'aliénation. Est ainsi punissable non pas seulement celui qui remet le stupéfiant mais aussi celui qui le reçoit. Peu importe le fondement juridique de l'acquisition: il peut s'agir d'un achat, d'un échange, d'une donation, d'un prêt de consommation ou d'une consignation. L'infraction est consommée au moment où le stupéfiant entre dans la maîtrise de l'acquéreur, la conclusion d'un contrat n'étant qu'un acte préparatoire tombant sous le coup de l'art. 19 al. 1 let. g LStup (corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3ème éd., 2010, n. 38 ad art. 19, p. 905).

La possession ou la détention vise en première ligne celui qui n'a pas lui-même acquis la drogue mais qui a accepté de la prendre en dépôt, permettant par exemple à un tiers de la cacher chez lui (corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3ème éd., 2010, n. 40 ad art. 19, p. 905). Mettre son logement à disposition pour y cacher la drogue est un comportement actif par lequel l'auteur acquiert la possession, de sorte qu'il est punissable à ce titre (ATF 119 IV 266 consid. c).

2.6.3. L'infraction est intentionnelle. L'intention doit porter sur tous les éléments constitutifs de l'infraction. L'auteur doit adopter volontairement le comportement prohibé; il doit savoir que des stupéfiants (ou des substances psychotropes) sont en cause et qu'il n'est pas au bénéfice de l'une des autorisations prévues par la loi. Comme le dol éventuel est assimilé à l'intention, il suffit que l'auteur accepte l'éventualité de réaliser l'infraction, notamment qu'il s'agisse de stupéfiants. Une erreur sur les faits est concevable; on pourra tenir compte par exemple, pour fixer la peine, du fait que l'auteur croyait à tort qu'il s'agissait d'une drogue douce (corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3ème éd., 2010, n. 69 ad art. 19, p. 913).

2.6.4. Selon l'art. 13 CP, quiconque agit sous l'influence d'une appréciation erronée des faits est jugé d'après cette appréciation si elle lui est favorable (al. 1). Quiconque pouvait éviter l'erreur en usant des précautions voulues est punissable pour négligence si la loi réprime son acte comme infraction par négligence (al. 2).

Agit sous l'emprise d'une erreur sur les faits celui qui n'a pas connaissance ou qui se base sur une appréciation erronée d'un élément constitutif d'une infraction pénale. L'intention délictuelle fait défaut (ATF 129 IV 238 consid. 3.1).

La répression de la négligence a été abandonnée dans la LStup. Cette abandon entraîne une conséquence notable. Si l'on admet, au moins au bénéfice du doute, que l'auteur croyait à tort qu'il ne s'agissait pas de stupéfiants, il échappe à la poursuite en application de l'art. 13 CP, quand bien même son erreur procède d'une négligence (art. 13 al. 2 CP) (corboz, Les infractions en droit suisse, Volume II, 3ème éd., 2010, n. 70 ad art. 19, p. 913).

2.6.5. Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d’agir que son comportement est illicite n’agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l’erreur était évitable.

L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite. Les conséquences pénales d'une erreur sur l'illicéité dépendent de son caractère évitable ou inévitable. L'auteur qui commet une erreur inévitable est non coupable et doit être acquitté (art. 21, première phrase, CP). Tel est le cas s'il a des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir. Une raison de se croire en droit d'agir est suffisante lorsqu'aucun reproche ne peut être adressé à l'auteur, du fait de son erreur, parce qu'elle provient de circonstances qui auraient pu induire en erreur toute personne consciencieuse. En revanche, celui dont l'erreur sur l'illicéité est évitable commet une faute, mais sa culpabilité est diminuée. Il restera punissable, mais verra sa peine obligatoirement atténuée (art. 21, seconde phrase, CP). L'erreur sera notamment considérée comme évitable lorsque l'auteur avait ou aurait dû avoir des doutes quant à l'illicéité de son comportement ou s'il a négligé de s'informer suffisamment alors qu'il savait qu'une réglementation juridique existait. Savoir si une erreur était évitable ou non est une question de droit. La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1058/2021 du 4 avril 2022, consid. 1.1.2. et les références citées).

Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment. Toutefois, la possibilité théorique d'apprécier correctement la situation ne suffit pas à exclure l'application de l'art. 21 1ère phrase CP. Ce qui est déterminant c'est de savoir si l'erreur de l'auteur peut lui être reprochée (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1 non publié aux ATF 145 IV 17).

2.7.1. En l'espèce, le prévenu a admis à la police que, pour la première fois, il rencontrait un problème à l'importation de l'ayahuasca, alors que les précédentes importations s'étaient bien déroulées. Devant le MP, il a contesté avoir importé le fût au motif qu'il n'en était pas lui-même le propriétaire mais uniquement le récipiendaire, le D______ ayant envoyé le produit à son adresse.

Le Tribunal retient que l'importation est réalisée puisque le fût a été introduit sur le territoire suisse en provenance d'un pays étranger en passant la douane aéroportuaire. Au regard de la jurisprudence précitée, le fait que le prévenu ne soit pas propriétaire et n'ait fait que mettre son adresse à disposition pour une livraison – ce qui fait apparaître qu'il avait un rôle secondaire – n'empêche pas qu'une importation puisse lui être imputée. Il a accepté que le produit soit livré chez lui, donnant son adresse et agissant ainsi pour le compte de D______, ce qui a facilité l'envoi du produit depuis le Brésil. L'association n'a - manifestement à dessein - pas fait livrer le produit à sa propre adresse, préférant une livraison au domicile du prévenu. Les raisons d'un tel choix sont tues par le prévenu et le tiers saisi, leurs explications aux débats ne se recoupant pas et aucune d'elle n'apparaissant convaincante, ce d'autant moins que de précédentes livraisons du produit ont été effectuées à Bergamo (Italie), produit qui s'est ensuite retrouvé au domicile du prévenu, où il a été saisi.

Par ailleurs, le prévenu ainsi que le tiers saisi se prévalent du fait que la consommation de l'ayahuasca dans le cadre de cérémonies religieuses ne comporte aucune dimension commerciale. Il ressort en effet de la brochure de D______ que cette religion n'a pas vocation à obtenir un quelconque profit matériel ou financier. Toutefois, le prévenu a contribué à mettre ce produit en circulation et à le distribuer sur le territoire suisse, ce qui représente un danger pour la population suisse, étant rappelé que la LStup n'a pas seulement vocation à combattre le trafic de stupéfiants mais également une vocation de prévention et de protection. La réalisation d'un profit n'est pas un élément constitutif de l'infraction.

S'agissant des sept bouteilles en PET saisies à son domicile, le prévenu a reconnu les avoir conservées à son domicile pour le compte de D______.

Partant, les comportements reprochés au prévenu sont objectivement constitutifs d'une importation et d'une détention de stupéfiants au sens de l'art. 19 al. 1 let. b et d LStup.

2.7.2. S'agissant de l'intention, le Tribunal relève que le prévenu a déclaré faire partie de l'association D______ – présente dans le monde entier – laquelle revendique consommer religieusement l'ayahuasca. Il ressort de la brochure officielle, connue du prévenu puisqu'il l'a lui-même remise à la police, que la consommation du thé Hoasca de manière religieuse est légale au Brésil et aux Etats-Unis, mais que D______ peine à la faire reconnaître légalement dans les autres pays, notamment en Europe. Les membres de D______ sont donc parfaitement conscients que la légalité de la consommation de l'ayahuasca est une question qui relève de chaque Etat et de ses lois propres. Le prévenu en était dès lors conscient.

Le prévenu se retranche, au soutien de sa défense, derrière le courrier de Swissmedic, dont il a admis qu'il n'en était pas le destinataire. Ce courrier date de 2012 et les faits reprochés au prévenu remontent à 2019. Il est notoire que les types de stupéfiants présents sur le marché évoluent régulièrement. Pour cette raison déjà, le prévenu se devait de procéder à toutes vérifications utiles avant de prendre part à une importation d'ayahuasca.

Au demeurant, ce courrier indique clairement que c'est l'importation de plantes, de parties de plantes et d'extraits de plantes, tels que du thé qui contiennent du DMT en concentration naturelle qui ne tombe pas sous le coup de la législation sur les stupéfiants. Les produits saisis ne répondent à l'évidence pas à cette définition, puisqu'il s'agissait d'une préparation composée de plusieurs extraits de plantes - et non de feuilles de thé - dont l'un a la vertu de donner à l'autre ses vertus psychotropes. D'ailleurs Swissmedic, après avoir constaté que son courrier du 25 mai 2012 avait passablement circulé, a publié en 2013 – soit plusieurs années avant les faits qui occupent le Tribunal – une information faisant clairement la distinction entre "plantes" et "préparations contenant de la N,N-DMT".

Ainsi, conformément aux exigences posées par la jurisprudence, il appartenait au prévenu d'entreprendre les vérifications nécessaires (par exemple en interpellant Swissmedic), afin de clarifier ou de lever tout doute quant à la légalité de sa démarche, doute qui était assurément présent dans son esprit au moment des faits, dès lors que le statut légal de l'ayahuasca n'a été reconnu qu'au Brésil et aux Etats-Unis.

Enfin, le prévenu ne peut tirer aucun argument du fait que les précédentes importations auxquelles il a pris part se sont déroulées sans problème, puisque retenir le contraire reviendrait, dans le cas d'un auteur qui effectue des transports de cocaïne, à considérer que son comportement n'est pas punissable, dès lors qu'il n'a pas été interpellé lors des précédentes importations. On ignore, au demeurant si et dans l'affirmative, quels contrôles douaniers ont eu lieu lors des précédentes importations d'ayahuasca.

Au vu de ce qui précède, le prévenu a donc agi intentionnellement, à tout le moins par dol éventuel en acceptant le risque que l'ayahuasca importé soit considéré comme illégal en Suisse et en s'accommodant de la réalisation de ce risque. L'élément subjectif de l'infraction étant établi, il ne sera dès lors pas mis au bénéfice de l'erreur sur les faits. Pour les mêmes raisons qu'évoquées ci-dessus, aucune erreur sur l'illicéité ne sera retenue, le prévenu étant parfaitement conscient du statut problématique de l'ayahuasca en Suisse.

Violation de la liberté religieuse

2.8.1. En dernier lieu, le prévenu invoque une violation de sa liberté religieuse.

2.8.2. La liberté religieuse est un droit fondamental garanti par l'art. 15 Cst. A l'instar des autres droits fondamentaux, cette liberté n'a toutefois pas une valeur absolue. Des restrictions peuvent y être apportées si elles sont fondées sur une base légale, sont justifiées par un intérêt public ou par la protection d'un droit fondamental d'autrui et demeurent proportionnées au but visé (art. 36 Cst.).

2.8.3. L'art. 9 § CEDH prévoit que toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.

Le § 2 de cet article est libellé comme suit: la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui.

2.8.4. Selon le guide sur l'article 9 de la CEDH, mis à jour au 31 août 2024, ni le texte de l’article 9, ni la jurisprudence de la Cour ne définissent le terme de « religion ». Cette omission est tout à fait logique car une telle définition devrait être à la fois suffisamment flexible pour englober toute la diversité des religions du monde (grandes et petites, anciennes et nouvelles, théistes et non théistes) et suffisamment précise pour pouvoir s’appliquer à des cas concrets – une tâche trop délicate voire même impossible à réaliser. D’une part, le champ d’application de l’article 9 est très large : il protège tant les opinions et les convictions religieuses que non religieuses. D’autre part, tous les avis ou convictions n’entrent pas nécessairement dans ce champ d’application, et le terme « pratiques » employé à l’article 9 § 1 ne recouvre pas tout acte motivé ou influencé par une religion ou une conviction (arrêt CEDH, Pretty c. Royaume-Uni, 2002, § 82).

À cet égard, la Cour rappelle que le but de la Convention consiste à protéger des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs. Or le droit consacré par l’article 9 se révélerait éminemment théorique et illusoire si la latitude accordée aux États leur permettait de donner à la notion de « culte » ou de « religion » une définition trop restrictive au point de priver une forme non traditionnelle et minoritaire d’une religion d’une protection juridique. De telles définitions limitatives ont des répercussions directes sur l’exercice du droit à la liberté de religion et sont susceptibles de restreindre l’exercice de ce droit dès lors que la nature religieuse d’un culte est niée. En tout état de cause, ces définitions ne peuvent être interprétées au détriment des formes non traditionnelles de la religion (arrêts CEDH, İzzettin Doğan et autres c. Turquie [GC], 2016, § 114 ; Föderation der Aleviten Gemeinden in Österreich c. Autriche, 2024, § 48). Par ailleurs, il serait fondamentalement contraire à la logique de l’article 9 de limiter la jouissance des droits au titre de cette disposition aux seules religions et organisations religieuses reconnues par l’État et à leurs adeptes (arrêt CEDH Hamzayan c. Arménie, 2024). Pour qu’une conviction personnelle ou collective puisse relever du droit à la « liberté de pensée, de conscience et de religion », il faut qu’elle atteigne un degré suffisant de force, de sérieux, de cohérence et d’importance.

Si la liberté religieuse relève d’abord du for intérieur, elle implique de surcroît, notamment, celle de « manifester sa religion » individuellement et en privé, ou de manière collective, en public et dans le cercle de ceux dont on partage la foi. L’article 9 énumère les diverses formes que peut prendre la manifestation d’une religion ou d’une conviction, à savoir le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites (arrêt CEDH, Église métropolitaine de Bessarabie et autres c. Moldova, 2001, § 114; Guide de l'art. 9 CEDH, p.35).

L’article 9 ne protège pas n’importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d’une manière dictée ou inspirée par sa religion ou ses convictions (arrêt CEDH, Kalaç c. Turquie, 1997). De même, en règle générale, il ne donne pas le droit de se soustraire, sous prétexte des convictions religieuses, de l’application d’une loi neutre et à portée générale qui est elle-même conforme à la Convention (arrêt CEDH, Fränklin-Beentjes et Ceflu-Luz da Floresta c. Pays-Bas (déc.), 2014). Un acte inspiré, motivé ou influencé par une religion ou des convictions ne constitue une « manifestation » de celles-ci au sens de l’article 9 de la Convention que s’il est étroitement lié à la religion ou aux convictions dont il est question (Guide de l'art. 9 CEDH, p. 35).

2.8.5. La CourEDH a eu l'occasion de se prononcer sur la question de l'importation de fûts de thé Hoasca à destination d'usage religieux dans l'affaire Fränklin-Beentjes et Ceflu-Luz da Floresta c. Pays-Bas n°28167/07 du 6 mai 2014 (arrêt en anglais).

Tout d'abord, la Cour régionale d'Amsterdam a reconnu que le "Santo Daime Church" (église impliquée dans cette affaire) est une association religieuse légitime dont les enseignements constituent une conviction religieuse (§22 de l'arrêt précité).

Ensuite, la CourEDH a également reconnu que dénier le droit des recourants à utiliser l'ayahuasca dans leur rite religieux revenait à interférer dans leur droit de manifester leur religion dans leur culte, ce qui était garanti par l'art. 9 CEDH. Partant, l'art. 9 CEDH était applicable. S'agissant des restrictions à la liberté religieuse, la Cour a retenu que la base légale de la législation interne était suffisante, celle-ci prohibant la possession de DMT (§39 de l'arrêt précité). Elle a confirmé que les intérêts de protection de l'ordre public et de la santé publique sont légitimes au sens de l'art. 9 § 2 CEDH, étant précisé que les recourants n'avaient pas contestés les intérêts publics soulevés par leur Gouvernement (§40-41 de l'arrêt précité). Enfin, selon la Cour, il est depuis longtemps reconnu que les restrictions à la liberté religieuse peuvent être justifiées en cas de protection de la santé publique. Elle a considéré que l'interdiction de la consommation de DMT était nécessaire dans une société démocratique pour la protection de la santé, considérant les effets décrits (notamment hallucinations, réactions gastro-intestinales telles que nausées et vomissements, hypertension et hyperventilation). La Cour a noté que la nature illicite du DMT ressortait non seulement de la législation interne mais également de la Convention internationale à laquelle les Pays-Bas étaient partie. Le grief de violation de la liberté religieuse était ainsi infondé (§ 47 à 50 de l'arrêt précité).

2.9.1. En l'espèce, le Tribunal ne dénie pas à D______ son statut de religion et ne remet pas en cause le fait que l'utilisation de l'ayahuasca relève, pour ses membres, de la manifestation de leur religion dans le cadre de cérémonies, conformément à la jurisprudence de la CourEDH.

Se pose donc la question de la restriction de cette liberté.

2.9.2. S'agissant tout d'abord de l'exigence d'une base légale, comme retenu précédemment, l'ayahuasca saisi est une préparation contenant du DMT soumise au contrôle et à la LStup dont l'importation et la détention sont punissables par le biais de l'art. 19 al. 1 LStup.

Cette base légale est donc suffisante.

2.9.3. S'agissant de l'intérêt public, la LStup a pour but de prévenir la consommation non autorisée de stupéfiants et de substances psychotropes, notamment en favorisant l’abstinence; de réglementer la mise à disposition de stupéfiants et de substances psychotropes à des fins médicales et scientifiques; de protéger les personnes des conséquences médicales et sociales induites par les troubles psychiques et comportementaux liés à l’addiction; de préserver la sécurité et l’ordre publics des dangers émanant du commerce et de la consommation de stupéfiants et de substances psychotropes; de lutter contre les actes criminels qui sont étroitement liés au commerce et à la consommation de stupéfiants et de substances psychotropes (art. 1 LStup).

Ces buts relèvent ainsi de la sécurité publique, de la protection de l’ordre et de la santé publiques et sont légitimes au sens de l'art. 9 § 2 CEDH.

S'agissant plus particulièrement de l'ayahuasca, il sera rappelé les effets dangereux pour la santé décrits par les experts, soit une sédation pouvant aller jusqu'à l'immobilité dans un premier temps, puis une forte nausée, souvent un vomissement et enfin un effet psychédélique. Les experts ont précisé toutefois que le corps pouvait s'habituer à ces effets en cas de consommation régulière.

Au demeurant, la liste établie par le DFI se fonde sur les recommandations internationales et celles de Swissmedic, de sorte que le seul fait qu'une substance figure dans la liste en fait une substance dangereuse pour la santé, qui doit être soumise au contrôle, ce qui est le cas du DMT contenu dans l'ayahuasca. Swissmedic revoit régulièrement les tableaux en fonction de l’évolution internationale et des nouveaux dangers présumés et présente au DFI des demandes d’adaptation (art. 7 OTStup-DFI). Or, le DMT figure toujours dans cette liste. Il sera d'ailleurs rappelé que le DMT est classé dans le tableau d dit des "substances soumises au contrôle qui sont prohibées" (dont il est possible d'obtenir une autorisation exceptionnelle de consommation de l'OFSP au sens de l'art. 8 OCStup; cf. par exemple la psychothérapie assistée par psychédéliques pratiquée aux HUG).

Ainsi, les recherches scientifiques produites par la défense – lesquelles sont plus optimistes sur les effets de l'ayahuasca – ne viennent pas remettre en cause les conclusions des experts auxquelles le Tribunal se rattache, en l'absence d'élément commandant de s'en écarter. Il n'appartient au demeurant pas au Tribunal de revoir la classification du DFI et la prise de position de Swissmedic.

Partant, il ne fait nul doute aux yeux du Tribunal que l'interdiction du DMT (y compris de l'ayahuasca en tant que préparation contenant du DMT) est justifié par un but de sécurité publique et de santé publique.

2.9.4. S'agissant de la proportionnalité, cette restriction est nécessaire dans une société démocratique pour la protection de la santé au vu des effets connus de l'ayahuasca – le fait que le prévenu soit ou non accoutumé à la prise de cette substance n'y changeant rien, étant d'ailleurs précisé qu'il ne bénéficie d'aucune autorisation de consommation de l'OFSP. Le prévenu se limite, en définitive, à opposer sa propre appréciation de la dangerosité de l'ayahuasca sous l'angle de la santé publique, à celle des autorités qui, considérant que ce produit présentait une dangerosité suffisante pour la santé publique, l'ont énuméré dans le tableau idoine. Au vu des conclusions auxquelles est parvenue la CourEDH, la restriction légale est proportionnée.

2.9.5. Au vu de ce qui précède, le grief de violation de la liberté religieuse doit être rejeté.

2.10. En conclusion, le prévenu sera reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et d LStup.

Peine

3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.1.2. A teneur de l'art. 34 al. 1 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur.

En règle générale, le jour-amende est de 30 francs au moins et de 3000 francs au plus. Il peut exceptionnellement, si la situation personnelle et économique de l'auteur l'exige, être réduit jusqu'à 10 francs. Le juge en fixe le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (art. 34 al. 2 CP).

3.1.3. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Si, durant les cinq ans qui précèdent l'infraction, l'auteur a été condamné à une peine privative de liberté ferme ou avec sursis de plus de six mois, il ne peut y avoir de sursis à l'exécution de la peine qu'en cas de circonstances particulièrement favorables (art. 42 al. 2 CP).

Le juge doit poser, pour l'octroi du sursis – ou du sursis partiel –, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 ; ATF 134 IV 1 consid. 4.2.2).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas anodine.

Il s'en est pris aux interdits en vigueur en matière de stupéfiants, en introduisant sur le territoire suisse, sans autorisation, une préparation contenant du DMT laquelle est prohibée et soumise à contrôle, voire autorisation.

Ses actes délictuels ont été déployés à deux reprises au moins, ce qui dénote une volonté délictuelle plutôt moyenne.

Ses mobiles sont égoïstes, en tant qu'ils relèvent de la convenance personnelle, le prévenu ayant privilégié l'exercice de sa liberté religieuse au détriment de la santé publique.

Sa situation personnelle n'explique ni ne justifie ses actes.

Le prévenu est sans antécédent.

Sa collaboration à l'établissement des faits a été plutôt bonne, puisqu'il a immédiatement admis les faits reprochés, même s'il a ensuite nié l'importation. Il a également indiqué à la police détenir d'autres bouteilles, ce qui en a permis la saisie. Il n'a en revanche exprimé aucun regret, s'échinant à se retrancher derrière la légalité de ses agissements, subsidiairement derrière sa liberté religieuse. Dans cette mesure, sa prise de conscience n'est qu'entamée.

Au vu de sa faute, une peine pécuniaire est suffisante pour sanctionner ses agissements.

En l'absence de pronostic défavorable, le sursis lui sera accordé.

Le prévenu sera condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende à CHF 30.-, laquelle sera assortie du sursis avec un délai d'épreuve de 3 ans.

Frais et indemnisation

4. Vu le verdict de culpabilité et la condamnation du prévenu, il sera condamné à l'entier des frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP).

Ses prétentions en indemnisation seront rejetées conformément à l'art. 429 CPP.

Inventaires

5.1. Selon l'art. 69 CP, alors même qu’aucune personne déterminée n’est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d’une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l’ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d’usage ou détruits (al. 2).

5.2. En l'espèce, l'ayahuasca saisi étant un stupéfiant dont la détention est constitutive d'une infraction, il tombe sous le coup de cette disposition. Dans la mesure où le tiers participant ne peut se prévaloir de la liberté de religion pour en exiger la restitution, la drogue sera confisquée et détruite. Il en ira de même pour les documents figurant à l'inventaire n° 24030320191101 qui ont un lien avec l'importation de l'ayahuasca saisi.

Les conclusions tendant à la levée du séquestre et à restitution de la drogue et des pièces saisies, prises aux débats par le tiers saisi, seront dès lors rejetées.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et d de la loi fédérale sur les stupéfiants (LStup).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 40 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue et des objets figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n° 24030320191101 et sous chiffre 1 de l'inventaire n° 24031120191101 (art. 69 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation de X______ (art. 429 CPP).

Rejette les conclusions en levée de séquestre et en restitution des objets saisis de A______, tiers participant.

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'333.-, y compris un émolument de jugement de CHF 700.- (art. 426 al. 1 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse et Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Juliette STALDER

Le Président

Niki CASONATO

 

 

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

510.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

45.00

Frais postaux (convocation)

CHF

21.00

Emolument de jugement

CHF

700.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1'333.00

==========

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

Notification par voie postale à :X______, soit pour lui son conseil
A______, soit pour lui son conseil
Ministère public