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Décisions | Tribunal pénal

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P/2262/2023

JTCO/1/2025 du 06.01.2025 ( PENAL ) , JUGE

Normes : CP.111
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

 

Chambre 4


6 janvier 2025

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

Monsieur A______, né le ______1981, domicilié ______[GE], prévenu, assisté de Me C______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au prononcé d'un verdict de culpabilité de tentative de meurtre, subsidiairement de lésions corporelles graves, ainsi que d'une peine privative de liberté de 4 ans sous déduction de 22 jours de détention avant jugement et se réfère pour le surplus à son acte d'accusation.

A______, par la voix de son Conseil, conclut principalement au prononcé d'un verdict de culpabilité de lésions corporelles simples aggravées (art. 123 al. 2 CP), subsidiairement de lésions corporelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP), à une réduction de peine (art. 19 al. 2 CP) ainsi qu'à ce qu'il soit fait application de l'article 48a CP si une tentative devait être retenue et qu'il lui soit infligé une peine assortie du sursis complet, sous déduction de la détention avant jugement.

EN FAIT

A.           Par acte d'accusation du 1er novembre 2024, il est reproché à A______ une tentative de meurtre (art. 111 cum 22 al. 1 CP), subsidiairement des lésions corporelles graves (art. 122 let. c CP), pour avoir le 1er janvier 2023 vers 5h30 aux alentours de la rue de la D______ 2 à Genève, asséné au moins quatre coups de tesson de bouteille en verre, qu'il avait préalablement cassée pour s'en servir comme objet tranchant et piquant, au niveau de la tête et du cou de E______, lui occasionnant une ecchymose de l'avant-bras droit, des dermabrasions de la jambe droite et de la cuisse gauche ainsi que plusieurs plaies au niveau du cuir chevelu, du visage, du cou et de la nuque, dans le but de le tuer ou à tout le moins en envisageant et acceptant cette issue fatale.

B.            Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 1er janvier 2023 aux alentours de 5h47, plusieurs patrouilles de police ont été dépêchées devant l'établissement F______ à la rue de la D______ 2 afin de prévenir une bagarre. Une fois sur place, les personnes concernées s'étaient déjà dispersées.

Parallèlement, la Centrale du 144 a informé la police qu'elle venait de recevoir un appel d'une personne, identifiée par la suite comme étant E______, se disant victime d'un coup de couteau à la gorge devant F______. L'intéressé souffrait d'une coupure à la tête qui saignait abondamment et devait être pris en charge sans délai. Les urgentistes sur place ont évalué son état avec un score NACA de 4, correspondant à un blessé grave pouvant évoluer vers un risque vital en l'absence de traitement hospitalier.

b. Les images de vidéosurveillance prises par des caméras situées à la rue de la D______ montraient notamment un individu, identifié par la suite comme étant A______, sortant de F______ avec une autre personne, identifiée par la suite comme étant G______. A______ a ensuite ramassé par terre avec sa main droite un objet, ressemblant à une bouteille, qu'il a cassée pour n'en conserver que le tesson. Ce dernier et G______ ont par la suite attendu durant plusieurs minutes que E______ sorte de l'établissement.

Dès sa sortie, le précité, suivi de I______ et d'un autre individu, s'est directement dirigé de manière agressive vers A______ et l'a frappé. A ce moment, ce dernier, qui semblait se tenir prêt avec sa main droite à hauteur de la poche droite de sa veste, a répliqué en lui donnant deux coups rapides avec l'objet ramassé juste avant sur la face gauche de la tête. Deux autres personnes, dont G______, sont intervenues rapidement pour les séparer.

Alors que G______ parlait à E______ un peu plus loin, A______, qui n'avait pas remis la main dans sa poche, a échappé à celui qui le retenait, l'a contourné, de même que I______, puis a asséné à nouveau à E______ deux coups horizontaux en piqué de la main droite à la tête du côté gauche, à proximité du cou. Plusieurs personnes, dont G______, ont cherché à séparer A______ et E______. Les agents de sécurité de F______ sont intervenus et ont séparés les précités. Au moment où un des agents a repoussé A______, ce dernier tenait un objet à la main droite ressemblant à un tesson de bouteille. Enfin, le précité a enjoint G______ à quitter les lieux avec lui.

c. Entendu à la police le 11 janvier 2023 et au Ministère public le 6 mars 2023, E______ n'a pas souhaité déposer plainte pénale contre inconnu suite à l'agression dont il avait été victime le 1er janvier 2023 devant F______. En revanche, il souhaitait participer à la procédure comme partie plaignante au civil.

Le soir en question, aux alentours de 1h30, il s'était rendu dans cette boîte de nuit pour rejoindre un ami, H______. Son amie I______ l'avait également retrouvé vers 4h00 mais elle n'était pas restée longtemps.

Vers 5h00 ou 6h00, avant la fermeture de l'établissement, il était allé récupérer sa veste au vestiaire et la personne au vestiaire lui avait donné une veste similaire à la sienne. Celle-ci ne lui appartenant pas, il l'avait prise pour demander si elle n'était pas à quelqu'un. A cet instant, au niveau du fumoir, plusieurs personnes l'avaient entouré en le provoquant, dont l'individu qui l'avait par la suite blessé et qui avait été identifié comme étant A______. Ce dernier avait dû penser qu'il allait partir avec sa veste alors que tel n'était pas le cas. Il le ne connaissait pas, concédant par la suite qu'il l'avait rencontré à une reprise deux ans auparavant et qu'il s'était rendu à son appartement situé près de l'Hôtel de police. Voyant que le précité allait l'agresser, il l'avait mis par terre pour le contrôler et lui dire de se calmer. Il lui avait peut-être donné un coup à cette occasion, soutenant ensuite l'avoir uniquement mis au sol avec ses mains sans le frapper. Il était énervé et l'alcool avait fait dégénérer la situation. La sécurité était intervenue et avait sorti A______, tandis qu'il était resté encore 5 minutes à l'intérieur de la discothèque.

Confronté au fait que selon le précité, il avait été mis à terre au moment de récupérer sa veste qu'il lui avait tendue, il a reconnu que cet évènement lui disait quelque chose, ajoutant qu'ils s'étaient tous les deux pris la tête.

En sortant de F______, il était seul et avait toujours la veste d'A______ dans la main, concédant au Ministère public l'avoir rendue avant que tout cela ne dégénère. Il était ensuite allé le retrouver pour obtenir des explications et s'excuser, ce qu'il n'aurait pas dû faire. A cet instant, une autre personne l'avait pris et lui avait dit de ne pas continuer à s'embrouiller avec A______. Il avait répondu à cette personne qu'il n'y avait pas de problème. A ce moment, A______ s'était approché de lui sur sa gauche avec les mains derrière le dos puis lui avait donné un coup de tesson de bouteille sur le côté gauche de sa tête. En un coup, ce dernier l'avait blessé à trois endroits. Sur le moment, il n'avait pas vu la bouteille. En revanche, il avait entendu un bruit de verre cassé. Inconsciemment, il voulait encore lui parler mais son ami H______ lui avait dit qu'il saignait. Il s'était alors éloigné et avait appelé une ambulance, alors qu'il se trouvait avec I______. Il ne se souvenait pas avoir parlé de couteau lors de son appel au 144. A aucun moment il n'avait perdu connaissance.

Confronté aux images de vidéosurveillance montrant qu'il y avait eu deux épisodes de coups, il a indiqué qu'il ne s'en souvenait pas, se demandant si ces deux moments avaient été commis par la même personne. En revanche, il contestait avoir donné un coup à A______ à l'extérieur de F______. Après avoir visionné ces images, il a concédé l'avoir frappé parce qu'il était énervé et qu'il avait bien bu.

Il avait eu au total entre une vingtaine et une trentaine de points de suture. Les médecins lui avaient dit qu'il aurait des cicatrices visibles et que s'il avait attendu cinq minutes de plus, il aurait pu perdre connaissance et mourir. En effet, il avait une cicatrice de 20 centimètres qui partait du haut de la nuque et qui revenait sous l'oreille gauche. Il en avait une deuxième juste devant l'oreille de 5 centimètres, puis une dernière au-dessus de l'oreille de quelques centimètres.

Par ailleurs, il pardonnait A______.

d. Les rapports d'imagerie forensique et de constat de lésions traumatiques établis les 24 janvier 2023 et 30 août 2023 par le Centre universitaire romand de médecine légale ont conclu en substance que E______ présentait le 1er janvier 2023 une ecchymose à l'avant-bras droit, des dermabrasion à la jambe droite et à la cuisse gauche ainsi que huit plaies au niveau du visage (devant l'oreille gauche), du cou, de la nuque et du cuir chevelu, dans la région temporale gauche avec notamment la présence de fragments de verre et une infiltration des tissus mous. Aucun saignement intracrânien et aucune fracture au niveau de la calotte crânienne n'ont été décelés. Les lésions constatées n'ont pas mis en danger la vie de E______.

Les plaies et dermabrasions avaient les caractéristiques de lésions provoquées par un instrument tranchant ou tranchant et piquant, pouvant correspondre à du verre brisé. L'ensemble des lésions constatées au niveau de la partie gauche de la tête et de la partie gauche du cou ne pouvait pas avoir été provoqué par un seul coup.

e. La police et le Ministère public ont procédé à l'audition de plusieurs personnes présentes sur les lieux.

e.a. Les agents de sécurité de F______, J______ et K______, de même que le Sergent-major L______ intervenu le premier sur les lieux, ont en substance déclaré qu'ils n'avaient pas assisté à l'altercation entre A______ et E______. En effet, le Sergent-major L______ était arrivé après que les coups aient été portés, tandis que les agents de sécurité étaient uniquement intervenus pour séparer plusieurs individus qui voulaient en découdre. Ils n'avaient pas vu les coups échangés mais seulement un des individus qui était en sang.

e.b. I______ a notamment expliqué avoir passé la soirée à F______ avec E______ qui avait eu « une embrouille » à la sortie de l'établissement. Etant ivre, elle n'avait pas vu ce qui s'était passé et ne se rappelait pas avoir tenté de séparer les personnes impliquées. En revanche, elle avait suivi le précité qui quittait les lieux et avait constaté qu'il « pissait le sang littéralement ». Cependant, il n'avait pas perdu connaissance. Elle lui avait dès lors appelé une ambulance.

e.c. G______ a entre autres indiqué s'être rendu le 1er janvier 2023 aux alentours de 2h00 à F______ avec une dizaine de personnes, parmi lesquelles ne figurait pas A______. Il ne connaissait pas ce nom mais il était possible qu'il connaissait cette personne et qu'il l'avait rencontrée durant la soirée. Sur présentation de ce dernier au Ministère public, il a reconnu qu'il le connaissait sous le nom de M______.

Durant la soirée, il était très alcoolisé et au moment de sortir de l'établissement, il avait remarqué une altercation entre plusieurs individus au niveau du fumoir et avait tenté de faire de son mieux pour s'interposer. La sécurité était ensuite intervenue. Il n'avait pas réellement prêté attention à ce qui se passait car cela ne le concernait pas directement, précisant toutefois devant le Ministère public qu'il avait vu A______ être happé par un mouvement de balayette et glisser dans les escaliers. En revanche, il ignorait si un problème était survenu au niveau des vestiaires. Il ne pouvait pas non plus expliquer l'état du précité car « c'[était] là où ça [devenait] flou ».

Il était ensuite sorti de F______ avec certains membres du groupe avec lequel il était venu, composé aussi d'autres personnes. En attendant à l'extérieur d'autres membres du groupe, il avait vu deux personnes qui avait commencé « à se rentrer dedans » mais qui ne faisaient pas partie de ses amis. En revanche, il les connaissait de vue. Il s'était mis devant eux pour les stopper car il voyait qu'ils allaient arriver à plusieurs sur une personne pour le frapper et non pour discuter. Plus particulièrement, il avait vu un individu arriver face à lui sur sa droite et qui « chargeait » en direction d'A______ qui se trouvait derrière lui. Il s'était à nouveau interposé en tentant de lui bloquer le passage, puis tout le monde s'en était mêlé dont un groupe qui s'approchait de façon déterminée vers le précité, de sorte qu'il s'était à nouveau interposé.

Il n'avait aperçu personne, en particulier A______, ramasser une bouteille dont le bas était cassé ni entendu un bruit de verre. Par contre, il avait remarqué que des coups avaient été échangés de toute part, sans prêter attention s'il y avait des armes ou autres objets dans les mains des protagonistes, expliquant par la suite devant le Ministère public qu'il n'avait pas vu de coup. Il n'avait pas non plus constaté des personnes tomber par terre, perdre connaissance ou en sang.

Par la suite, il avait éloigné la personne qu'il considérait la plus en danger, soit A______, dans la mesure où un groupe de plusieurs personnes voulait s'en prendre à ce dernier. Cela étant, il ne se souvenait pas avoir quitté les lieux avec l'intéressé comme cela ressortait des images de vidéosurveillance, concédant devant le Ministère public être parti avec le précité qui n'était pas blessé et qui lui avait dit de partir.

f.a. Suite aux indications fournies par E______, la police a identifié et localisé A______. Le 13 février 2023, elle s'est rendue chez ce dernier afin de procéder à son interpellation et à la perquisition de son domicile. L'intéressé a d'abord refusé d'ouvrir la porte à la police, puis après discussion téléphonique avec son conseil, il a accepté de s'exécuter.

La fouille de l'appartement a notamment permis la découverte d'un téléphone portable appartenant au précité dont l'extraction des données a mis en évidence le message suivant adressé le 1er janvier 2023 à 6h55 au raccordement 1______ : « Habibi rouilla c'est important rappelle-moi le plus vite possible c'est urgent toi-même tu sais ».

f.b. Lors de son audition à la police le 13 février 2023 et le lendemain devant le Ministère public, A______ a expliqué que le 1er janvier 2023, vers 2h00, il s'était rendu à F______ avec un ami, dénommé « N______ ». Il ne se rappelait plus à quelle heure il était sorti de l'établissement. Durant cette soirée, il avait été blessé mais il n'avait pas fait constater ses blessures.

Pour le surplus, il a refusé de répondre aux questions.

f.c. Devant le Ministère public les 2 mars 2023 et 30 septembre 2024, après avoir consulté le dossier de la procédure, A______ a confirmé ses précédentes déclarations et se reconnaissait sur les images de vidéosurveillance. Il connaissait E______ qui était déjà venu chez lui par le passé. Le nom de G______ ne lui disait rien mais il confirmait que « N______ » avait été entendu par la police. Il ne comprenait pas pour quelle raison ce dernier ne le reconnaissait pas car c'était lui qui l'avait invité pour fêter le nouvel an ensemble. L'intéressé avait certainement peur de E______, raison pour laquelle il gardait le silence sur ce qui s'était passé.

Lorsqu'il était à F______, lui et ses amis avaient mis leur veste dans un coin car le vestiaire était plein. A la fin de la soirée, tout le monde avait récupéré sa veste sauf lui. Il l'avait alors recherchée avec « N______ » puis ne la trouvant pas, ils étaient remontés en direction du vestiaire pour sortir de la discothèque. A hauteur du coin fumeur, il avait vu E______ avec sa veste qu'il portait à une main. Il l'avait alors interpellé en lui disant qu'il s'était trompé de veste. E______ lui avait alors tendu la veste qu'il avait récupérée. A ce moment, ce dernier en avait profité pour lui faire sans raison une balayette, ce qui l'avait fait tomber dans les escaliers. Il s'était tapé la tête et avait les coudes en sang. En se relevant, il était « énervé » et avait demandé à E______ pour quelle raison il avait agi de la sorte. Il s'était ensuite fait sortir de F______ par un videur. Contrairement à ce que soutenait le précité, il ne l'avait pas entouré avec plusieurs personnes, puisqu'il était seul avec « N______ ».

Une fois à l'extérieur de F______, en raison de l'adrénaline et pour se défendre, il avait pris une bouteille se trouvant par terre, puis il s'était éloigné de la sortie par crainte que E______ sorte avec ses amis pour s'en prendre à lui, expliquant par la suite qu'il avait attendu un moment ce dernier avec la bouteille sous le bras car il voulait absolument s'expliquer avec lui. A un moment donné, la bouteille lui avait échappé de sous le bras, de sorte qu'elle était tombée par terre et s'était cassée. Il ne l'avait pas cassée exprès. Il l'avait ensuite ramassée et peu de temps après, il avait vu E______ sortir et venir dans sa direction, puis lui asséner un coup de poing au niveau de la tempe droite sans lui parler, ce qui lui avait occasionné une petite bosse. « N______ » les avait ensuite séparés. A cet instant, il avait eu un « acte de folie », à savoir qu'il était passé par derrière et qu'il avait mis deux coups sur la tête de E______. Il savait que c'était un acte dangereux et inconscient mais il n'avait en aucun cas voulu porter atteinte à la santé de ce dernier ni lui donner la mort même s'il savait qu'une bouteille cassée pouvait occasionner une grave blessure. « N______ » les avait séparés de nouveau, puis voyant la sirène d'un véhicule de police, il avait dit au précité de venir avec lui car il n'avait pas envie d'avoir des problèmes avec la police, étant précisé qu'il n'avait pas vu que E______ saignait sinon il serait resté. « N______ » devait savoir qu'il avait utilisé une bouteille puisqu'il avait vu la ramasser lorsqu'elle s'était cassée.

Une fois rentré chez lui, « N______ » lui avait demandé ce qu'il comptait faire. Au début, il voulait porter plainte mais y avait renoncé par peur d'avoir des problèmes avec la police et E______. Il n'avait rien entendu au sujet de l'état de santé du précité. Il n'avait réalisé la gravité de ses actes que lorsque la police était venue l'arrêter.

Confronté au fait que les images de vidéosurveillance le montraient en train de donner deux coups rapides au niveau de la tête de E______ puis revenir à la charge pour lui donner deux coups supplémentaires toujours au niveau de la tête, il a reconnu que juste après le coup du précité, il lui en avait donné un avec son bras droit à hauteur de l'épaule et de la tête. Ensuite, après avoir été séparé par « N______ », il avait contourné ce dernier pour donner deux coups supplémentaires à E______. En tout, il avait asséné trois coups et non quatre, expliquant par la suite qu'il ne se rappelait pas combien de coups il avait donné à cause de l'adrénaline. Il ne visait pas un endroit particulier lors du premier coup. S'agissant des deux autres, il ne pouvait dire s'il visait la tête mais vu l'épisode qui s'était déroulé à l'intérieur de la discothèque et le coup à l'extérieur, il était allé lui donner deux coups sur la tête.

Lorsqu'ils avaient été séparés une deuxième fois, il avait peur que E______ s'en prenne à lui une nouvelle fois car ce dernier était avec des amis qui avaient commencé à s'en prendre à « N______ ».

Il aurait dû partir au lieu de ramasser cette bouteille mais puisqu'il connaissait déjà E______, cela l'avait rassuré et il était resté. Il était « en confiance » ne pensant pas que ce dernier allait de nouveau le frapper. Il tenait à savoir pour quelle raison le précité s'en était pris à lui. Il savait que ce qu'il avait fait était dangereux mais E______ avait commis sur lui un acte gratuit. Il avait agi de la sorte par peur. Toutefois, son acte n'était pas excusable et il en était responsable. Il reconnaissait que sa réaction était disproportionnée. Si E______ ne lui avait pas mis un coup de poing, il ne serait pas parti à sa rencontre.

Par ailleurs, il s'excusait auprès de E______, réalisant la gravité des actes qu'il avait commis.

C.           Lors de l'audience de jugement, A______ a confirmé qu'il n'avait jamais eu l'intention de blesser et de porter atteinte à la vie et à la santé de E______.

Avant d'aller à F______, il avait beaucoup bu et fumé de marijuana, de sorte que dans l'établissement, avant l'altercation avec E______, il se sentait « bourré ». Après la fermeture de F______, il devait retourner avec ses amis dans l'appartement où il était au début de la soirée. Cependant, la situation avait changé car il s'était fait agresser à l'intérieur de la discothèque. En effet, constatant que E______ était en train de lui voler sa veste qu'il tenait à la main, il était allé vers lui pour la récupérer. A ce moment le précité lui avait fait une balayette par derrière, ce qui l'avait fait tombé par terre. Les amis avec lesquels il avait passé la soirée, soit « N______ » et deux copines à lui, lui avaient ensuite dit de laisser tomber et ils étaient tous sortis à l'extérieur, étant précisé que lui et G______ avaient été sortis par les videurs.

Une fois dehors, il était resté devant F______ pour demander E______ pour quelle raison il avait agi de la sorte de façon gratuite. A ce moment, il avait raconté à G______ ce qui s'était passé, tout en lui disant qu'il voulait avoir des explications. Ce dernier lui avait répondu que cela ne valait pas la peine, qu'il était ivre, tout comme E______, et que ça n'aurait pas été possible de discuter. Ses amis lui disaient de laisser tomber mais il voulait des explications, même s'il avait peur car des amis du précité étaient présents. « 10 secondes avant l'accident », il était prêt à partir avec les autres, étant précisé qu'en parlant d'accident, il ne voulait pas minimiser ce qu'il avait fait. Il n'aurait pas dû agir de cette manière mais ses actes n'étaient pas volontaires. Il ne voulait pas en découdre ni se venger. D'ailleurs quand ce dernier lui avait rendu sa veste, il ne lui avait même pas mal parlé et l'avait remercié avant de dire à ses amis qu'il avait récupérer sa veste. Par la suite, E______ était venu vers lui et l'avait directement frappé au lieu de discuter, ce qu'il aurait fait même si la discussion aurait été houleuse. Tout était allé très vite.

Confronté au fait qu'il avait déclaré à la procédure qu'il était énervé après l'épisode de la balayette et qu'il avait attendu de longues minutes avec un tesson de bouteilles en main devant F______, il a indiqué qu'il avait vu qu'ils étaient plusieurs, de sorte que par peur il avait pris le tesson de bouteille, soit un débris de la taille de la moitié des 4 doigts de sa main, qu'il ne tenait pas avec bout des doigts mais avec sa main au point qu'il s'était coupé un peu entre le pouce et l'index. Il n'avait pas mentionné ce fait à la procédure par crainte que cela l'incrimine. Il ne pensait pas avoir pris le goulot de la bouteille, concédant par la suite que c'était probable mais qu'il n'en était pas sûr. En aucun cas, il ne l'avait pris pour blesser quelqu'un et ne pensait pas au moment de s'en saisir qu'elle était de nature à causer une blessure grave. Il avait tellement eu peur qu'il avait lâché la bouteille qu'il avait ramassée et qui s'est cassée. Il avait récupéré un débris et l'avait mis dans sa poche dans le but de faire peur, ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire. Pour lui, ce n'était pas le comportement de quelqu'un qui allait prendre une bouteille pour « leur casser sur la tête ». Il ne pouvait cependant pas dire à quoi il destinait cette bouteille. C'était un mélange d'adrénaline et de peur. Il regrettait de ne pas être simplement parti, ce qu'il aurait fait en temps normal mais l'alcool y était pour beaucoup.

Interrogé sur le fait qu'il avait indiqué devant le Ministère public qu'il était en « confiance » et qu'il pensait que le lésé ne le frapperai pas à nouveau, il a relevé qu'il s'était peut-être trompé car il était ivre, ajoutant qu'il avait dit tout et n'importe quoi à la police qui l'accusait de tentative de meurtre.

Le lendemain des faits, il avait réalisé ce qui s'était passé mais, à ce moment, il ne s'agissait pour lui que d'une petite bagarre. Ce n'était que quand les policiers l'avaient arrêté et lui avaient parlé de tentative de meurtre qu'il avait réalisé la gravité des faits. S'il avait vu du sang au moment des faits, il serait resté sur place et aurait aidé. Il reconnaissait toutefois qu'en donnant des coups à la tête avec un tesson de bouteille, « ça devait saigner », mais que sur le moment il avait agi de façon irrationnelle, étant précisé qu'il n'avait pas mis au total quatre coups. En effet, il avait d'abord donné des coups de poing, précisant par la suite qu'il n'en avait donné qu'un. Ensuite, il avait sorti le tesson de sa poche pour donner deux coups avec. Confronté au fait que le nombre de coups décrits était incompatible avec le constat de lésions traumatiques, il a maintenu sa position.

Il ne s'expliquait pas pour quelle raison, après avoir frappé E______ une première fois, lorsqu'ils avaient été séparés et que ce dernier ne s'en prenait plus à lui, il avait contourné celui qui le retenait pour aller le frapper à nouveau. Il aurait pu à la rigueur lui rendre deux coups de poing vu ce qu'il lui avait fait mais il n'aurait pas dû le frapper avec le tesson de bouteille. Il ne parvenait pas à réaliser la gravité de la seconde volée de coup laquelle s'était faite avec le mouvement de tout le corps.

Par ailleurs, il ne se rappelait pas avoir écrit une heure après les faits un message à son ami O______ qui avait le raccordement 1______. Il était « bourré », précisant que lorsqu'il parlait avec ses amis, il leur disait toujours que c'était urgent et qu'ils devaient le rappeler. Cela n'avait rien avoir avec les faits.

Il estimait qu'il avait sa part de responsabilité car il était responsable de ses actes, tout comme E______ qui lui avait fait une balayette et lui avait donné un coup de poing. Il n'était pas une menace à l'extérieur, dans la mesure où il ne tenait pas de bouteille à la main. Ils auraient pu discuter.

Enfin, lors de son interpellation, il avait refusé d'ouvrir la porte à la police car il avait peur et il voulait voir un mandat afin que ses droits soient respectés.

D.           A______ est un ressortissant suisse, né le ______ 1981 à P______. Il est arrivé en Suisse à l'âge de 8 ans. Son père vit à Q______ et sa mère est décédée en 2007. Il a six sœurs et cinq frères dont trois qui vivent à Q______, les autres habitant à Genève. Il déclare s'être marié religieusement en 2024 et être sans enfant.

Après avoir effectué sa scolarité, il a suivi une formation d'animateur et obtenu un CFC de la R______. De 2001 à 2007, il a d'abord travaillé comme animateur socio-culturel, puis, après une période sans emploi en raison d'une dépression suite au décès de sa mère, comme livreur durant plusieurs années auprès de S______. Il a également exercé de façon ponctuelle des emplois dans des festivals, à raison de deux mois par année.

Actuellement, il est sans emploi et bénéfice de l'aide de l'Hospice général à hauteur de CHF 1'678.70 par mois et d'un subside prenant intégralement en charge sa prime d'assurance-maladie. Son loyer mensuel s'élève à CHF 428.05.

A teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ n'a aucun antécédent.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.             Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst et l'art. 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence mais aussi lorsqu'il résulte du jugement que, pour être parti de la fausse prémisse qu'il incombait à l'accusé de prouver son innocence, le juge l'a condamné parce qu'il n'avait pas apporté cette preuve (ATF 127 I 38 consid. 2a et ATF 120 Ia 31 consid. 2c et d).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a ; ATF 124 IV 86 consid. 2a ; ATF 120 Ia 31 consid. 2c).

2. 2.1.1. Aux termes de l'art. 111 CP, quiconque tue une personne intentionnellement est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au moins, en tant que les conditions prévues aux articles suivants ne sont pas réalisées.

2.1.2. Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP).

Le dol éventuel suppose que l'auteur tient pour possible la réalisation de l'infraction mais qu'il agit tout de même, parce qu'il accepte ce résultat pour le cas où il se produirait et s'en accommode, même s'il le juge indésirable et ne le souhaite pas. En l'absence d'aveux de la part de l'auteur, le juge ne peut, en règle générale, déduire la volonté interne de l'intéressé qu'en se fondant sur des indices extérieurs et des règles d'expérience. Font partie de ces circonstances l'importance, connue de l'auteur, de la réalisation du risque, la gravité de sa violation du devoir de diligence, ses mobiles et sa façon d'agir. Plus la probabilité de la réalisation de l'état de fait est importante et plus la violation du devoir de diligence est grave, plus l'on sera fondé à conclure que l'auteur a accepté l'éventualité de la réalisation du résultat dommageable. De la conscience de l'auteur, le juge peut déduire sa volonté, lorsque la probabilité de la survenance du résultat s'imposait tellement à lui que sa disposition à en accepter les conséquences ne peut raisonnablement être interprétée que comme son acceptation. Il peut également y avoir dol éventuel lorsque la survenance du résultat punissable, sans être très probable, était seulement possible. Dans ce cas, on ne peut cependant pas déduire que l'auteur s'est accommodé du résultat à partir du seul fait qu'il était conscient qu'il puisse survenir. D'autres circonstances sont au contraire nécessaires (arrêt du Tribunal fédéral 6B_465/2024 du 8 janvier 2025, consid. 2.1.2 et les références citées).

L'intention homicide peut être retenue lors d'un unique coup de couteau sur le haut du corps de la victime. Même un seul coup de couteau porté contre le torse de la victime peut être considéré comme un homicide volontaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_775/2011 du 4 juin 2012, consid. 2.4.2).

2.1.3. L'infraction n'est que tentée si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire (art. 22 al. 1 CP).

La tentative de meurtre est retenue, lorsque l'auteur, agissant intentionnellement, commence l'exécution de cette infraction, manifestant ainsi sa décision de la commettre, sans que le résultat ne se produise. L'équivalence des deux formes de dol – direct et éventuel – s'applique à la tentative de meurtre (ATF 122 IV 246 consid. 3a ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1177/2018 du 9 janvier 2019 consid. 1.1.3).

Il n'est ainsi pas nécessaire que l'auteur ait souhaité la mort de la victime, ni que la vie de celle-ci ait été concrètement mise en danger, ni même qu'elle ait été blessée pour qu'une tentative d'homicide soit retenue dans la mesure où la condition subjective de l'infraction est remplie (arrêt du Tribunal fédéral 6B_246/2012 du 10 juillet 2012 consid. 1.2 s.). La nature de la lésion subie par la victime et sa qualification d'un point de vue objectif est sans pertinence pour juger si l'auteur s'est rendu coupable de tentative de meurtre (ATF 137 IV 113 consid. 1.4.2 p. 115 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_924/2017 du 14 mars 2018 consid. 1.4.5). Il importe cependant que les coups portés aient objectivement exposé la victime à un risque de mort (arrêt du Tribunal fédéral 6B_86/2019 du 8 février 2019 consid. 2.1 et les références citées).

La jurisprudence a retenu qu'une tentative d'atteindre le cou de la victime impliquait un risque élevé de réalisation de l'infraction, c'est-à-dire la mort de la victime, risque reconnaissable à tout un chacun, et pouvait donc conduire à retenir que l'auteur ne pouvait ignorer le risque d'atteinte à la vie, risque qu'il acceptait (arrêt du Tribunal fédéral 6B_264/2022 du 8 mai 2023 consid. 2.7.)

2.1.4. Selon l'art. 122 CP, est puni d'une peine privative de liberté d'un à dix ans quiconque, intentionnellement blesse une personne de façon à mettre sa vie en danger; mutile le corps d'une personne, un de ses membres ou un de ses organes importants ou rend ce membre ou cet organe impropre à sa fonction, cause à une personne une incapacité de travail, une infirmité ou une maladie mentale permanentes, ou défigure une personne d'une façon grave et permanente ou encore fait subir à une personne toute autre atteinte grave à l'intégrité corporelle ou à la santé physique ou mentale.

2.1.5. En vertu de l'art. 123 ch. 1 CP, quiconque, intentionnellement, fait subir à une personne une autre atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est puni sur plainte d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

L'auteur est poursuivi d'office, s'il fait usage notamment du poison, d'une arme ou d'un objet dangereux (art. 123 ch. 2 al. 1 CP).

2.1.6. En cas d'atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé par négligence, l'auteur sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 125 al. 1 CP). Si la lésion est grave, l'auteur est poursuivi d'office. (art. 125 al. 2 CP).

2.1.7. Il existe en principe un concours imparfait entre la tentative de meurtre et les lésions corporelles simples ou graves, en ce sens que les lésions corporelles sont absorbées par la tentative de meurtre (ATF 137 IV 113 consid. 1.4 et 1.5).

2.2.1. En l'espèce, le prévenu admet une partie des faits, soit d'avoir frappé la victime à deux reprises à la tête, à proximité directe du cou notamment, avec un tesson de bouteille.

S'il paraissait admettre à la procédure avoir donné des coups de tesson de bouteille uniquement (cf. C-53), il a soutenu à l'audience de jugement avoir d'abord donné des coups de poing au moment où la victime s'est approchée de lui puis, dans un second temps seulement, avoir donné des coups de tesson à la victime.

En cela, le prévenu est contredit par les images de vidéosurveillance qui montrent :

-       que le prévenu ne remet pas la main dans sa poche pour y prendre un tesson de bouteille entre les premiers coups qu'il porte puis les seconds, toujours avec la main droite ;

-       que la position de la main du prévenu au moment des deux premiers coups ne correspond pas à un coup donné avec le poing mais bien à la prise d'une main tenant un objet.

Par ailleurs, les lésions occasionnées au lésé se situent sur trois zones distinctes à tout le moins (devant l'oreille, sur le côté gauche de la tête, sur la nuque), ce qui atteste que plus de deux coups de tesson ont été portés.

Il est ainsi établi que le prévenu a frappé le lésé au moyen d'un tesson de bouteille à deux reprises, chaque fois en portant deux coups.

Pour le reste, les faits sont étayés par les déclarations de la victime, les images de vidéo-surveillance et le constat de lésions traumatiques.

Ils sont ainsi établis.

2.2.2.1. Le prévenu conteste cependant avoir tenté de tuer la victime ou d'avoir voulu la blesser en agissant de la sorte.

Il convient dès lors d'analyser si le prévenu a su et voulu occasionner la mort – sans y parvenir – et/ou blesser gravement la victime. Pour ce faire, le Tribunal doit apprécier les éléments extérieurs, lesquels sont de nature à renseigner sur l'intention du prévenu au moment d'agir.

2.2.2.2. Quant à la relation entre les parties avant les faits, il est établi qu'avant le soir des faits, la victime et le prévenu se connaissaient pour s'être rencontrés à une reprise. A suivre leurs déclarations concordantes, il n'y avait pas de litige entre eux.

Quant au soir des faits, il est admis par le lésé et le prévenu qu'une première altercation a eu lieu entre eux au niveau du fumoir à la fermeture de F______ à l'issue de laquelle le lésé a mis le prévenu au sol au moyen d'une balayette.

Les circonstances de l'altercation sont pour le reste peu claires.

Le prévenu est constant dans ses déclarations à ce sujet, soutenant que le lésé l'avait mis au sol gratuitement.

Ses déclarations sont corroborées par le témoin G______ et elles ne sont pas contredites par le lésé.

Il sera ainsi retenu que lors de cette première phase, c'est le lésé qui est à l'origine du premier acte de violence entre les parties en faisant chuter le prévenu au sol gratuitement.

2.2.2.3. Quant à l'état d'esprit du prévenu au moment des faits, il est admis par le prévenu lui-même qu'après l'épisode de la balayette, il était « énervé ».

Il est par ailleurs établi par les images de vidéosurveillance et admis par le prévenu qu'il a attendu la victime devant la boîte de nuit jusqu'à ce qu'elle sorte et qu'il s'est ce faisant muni d'un tesson de bouteille.

Quant à ses intentions, le prévenu a soutenu de manière confuse qu'il voulait uniquement parler au lésé pour comprendre pourquoi celui-ci l'avait mis au sol, tout en déclarant :

-       tantôt qu'il avait peur que le lésé ne le frappe à nouveau et qu'il s'était dès lors saisi d'un tesson de bouteille mais sans expliquer pourquoi il n'avait pas plutôt quitté les lieux;

-       tantôt qu'il était « confiant » dans le fait que le lésé ne le frapperait pas, sans pouvoir expliquer alors pour quelle raison il devait se munir d'un tesson de bouteille pour discuter avec le précité.

Le prévenu nie par ailleurs de manière constante avoir voulu ne serait-ce que blesser le lésé, ce que contredit tant le fait qu'il se soit muni d'un tesson de bouteille pour se protéger puisque cela impliquait nécessairement la possibilité de s'en servir, que le comportement ultérieur du prévenu qui a frappé à deux reprises la victime.

Les explications du prévenu sur ses intentions sont ainsi fluctuantes, incohérentes et contredites par la matérialité des faits. Elles ne paraissent dès lors pas crédibles.

Le Tribunal retiendra ainsi que le prévenu a attendu délibérément la victime à la sortie de la boîte de nuit et qu'en se saisissant d'un tesson de bouteille, il n'a pu qu'envisager la possibilité d'en faire usage contre la victime.

2.2.2.4. Quant au déroulement de l'altercation, il est établi par les images de vidéosurveillance que :

-       c'est le lésé qui vient au contact du prévenu de manière agressive avec l'intention manifeste de le frapper ;

-       le prévenu frappe alors le lésé une première fois avec son tesson de bouteille au moment où ce dernier lui donne un coup de poing ;

-       les parties sont ensuite séparées ;

-       le prévenu échappe ensuite à celui qui le retenait pour frapper à nouveau le lésé en le contournant alors que celui-ci parlait avec « N______ » sans plus lui prêter attention ;

-       le prévenu frappe alors le lésé à deux reprises à la tête, à proximité directe du cou notamment, avec un tesson de bouteille.

Lors de sa seconde salve de coups, le prévenu a ainsi agi alors même qu'il ne faisait à ce moment-là plus l'objet d'une agression de la part de la victime et qu'il aurait pu rester à distance et quitter les lieux, mettant ainsi fin à l'altercation.

2.2.2.5. Quant aux coups portés, s'agissant tout d'abord de l'objet utilisé, le prévenu a fait usage d'un tesson de bouteille, ce qui est établi par le constat de lésions traumatiques et les images de vidéosurveillance et au demeurant admis.

A teneur du constat de lésions traumatiques, ce tesson de bouteille présentait les propriétés d'un objet piquant et/ou tranchant.

Quant à la taille de cet objet, contrairement à ce que soutient le prévenu, il ne peut s'agir uniquement d'un débris de bouteille de la taille de la moitié de quatre doigts.

En effet, le cas échéant, vu la profondeur des lésions occasionnées au lésé et la force des coups portés, le prévenu se serait nécessairement blessé profondément à la main en frappant, ce qu'il ne soutient pas. Aucune lésion n'a par ailleurs été observée par la police sur les mains du prévenu au moment de son arrestation.

Le prévenu s'est donc nécessairement muni d'un tesson qu'il a pu tenir par le goulot pour frapper sa victime, ce dont atteste l'extrait des images de vidéosurveillance mis en évidence par la police (B-12).

S'agissant de la zone visée par le prévenu, le Tribunal ne croit pas aux dénégations du prévenu qui soutient ne pas avoir visé la tête du lésé, un hasard à deux reprises ne paraissant pas probable, ce d'autant plus que lors de la seconde volée de coups, le prévenu a eu le temps d'ajuster sa frappe.

C'est donc bien la tête du lésé que le prévenu a visé.

Il a frappé à cet endroit à deux reprises, lors de sa première salve de coups comme de la seconde, atteignant sa cible à tout le moins à trois reprises.

Lors de la seconde salve de coup, le prévenu a porté ses deux coups avec force et dans un mouvement de piqué, soit de façon à planter son tesson de bouteille dans la tête du lésé.

L'expérience de la vie comme la jurisprudence apprennent qu'un coup à la tête au moyen d'un objet tranchant, à plus forte raison à proximité du cou de la victime comme c'est le cas ici, est de nature à causer la mort.

Sans que cela soit juridiquement pertinent, il est à cet égard établi à la procédure que les coups portés étaient de nature à mettre concrètement la vie du lésé en danger, vu en particulier l'évaluation en « NACA 4 » (un blessé grave pouvant évoluer vers un risque vital en l'absence de traitement hospitalier) faite par les urgentistes.

2.2.2.6. Quant au comportement du prévenu après les faits, il est établi par les images CVP que le prévenu a quitté les lieux peu après les faits en enjoignant « N______ » de venir avec lui.

Contrairement à ce que le prévenu a soutenu à la procédure, il ne pouvait qu'imaginer que la victime saignerait vu la nature des coups qu'il venait de lui porter.

Celle-ci était néanmoins toujours debout et elle ne saignait pas encore abondamment au moment où le prévenu a quitté les lieux, de sorte qu'il n'était alors pas décelable pour le prévenu qu'elle se trouverait en danger possiblement vital quelques instants plus tard.

2.2.3. En somme, vu l'analyse des éléments extérieurs, le Tribunal retient que :

-       le prévenu a agi alors qu'il était « énervé », en admettant dès le moment où il s'est saisi d'un tesson de bouteille qu'il pourrait en faire usage ;

-       le prévenu a asséné à tout le moins la seconde salve de deux coups à dessein avec force, en piqué, avec un objet piquant et tranchant à la tête de la victime, à proximité du cou notamment ;

-       alors même qu'à ce moment, la victime ne représentait plus une menace pour lui, que des tiers les avaient séparés et qu'il aurait pu mettre alors un terme au conflit.

En agissant de la sorte, le prévenu n'a pu qu'envisager et accepter une issue fatale.

Il sera ainsi reconnu coupable de tentative de meurtre.

3. 3.1.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

3.1.2. A teneur de l'art. 40 CP, la durée de la peine privative de liberté va de trois jours à 20 ans.

3.1.3. Aux termes de l'art. 43 al. 1 CP, le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur.

3.1.4. Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.1.5. En cas de tentative, le juge peut atténuer la peine (art. 22 al. 1 CP).

3.1.6. Le juge atténue la peine en application de l'art. 19 al. 2 CP si, au moment d'agir, l'auteur ne possédait que partiellement la faculté d'apprécier le caractère illicite de son acte ou de se déterminer d'après cette appréciation.

3.1.7. Le juge qui atténue la peine n'est pas lié par le minimum légal de la peine prévue pour l'infraction (art. 48a CP).

3.1.8. A teneur de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.

3.2. La faute du prévenu est grave. Il s'est est pris au bien juridique le plus précieux, la vie.

Il a agi pour un motif futile, suite à un différend au sujet d'une veste et après avoir été attaqué, ce qui l'a mis en colère.

Malgré l'intervention de ses proches qui l'ont enjoint de partir, il a décidé d'agir en attendant de longues minutes la sortie du lésé puis en le frappant lors de deux salves de coups successives alors-même, lors de la seconde salve de coups, que les parties avaient été séparées, en frappant le lésé par surprise.

Les faits se sont déroulés après que le prévenu a été attaqué à deux reprises. L'enchaînement des faits a été rapide et le prévenu était sous l'effet de l'alcool. Les faits ont ainsi été aussi commis dans un coup de sang et en l'espace de quelques instants seulement, ce qui est à décharge du prévenu.

Les conséquences sur la victime sont relatives. Sa vie n'a pas été concrètement mise en danger grâce à l'intervention rapide des secours, il a pu ressortir de l'hôpital le lendemain des faits, les atteintes à sa santé sont moindres et le lésé – qui a accepté les excuses du prévenu – ne parait souffrir d'aucune séquelle psychique.

La période pénale est courte mais durant celle-ci, le prévenu a agi en assénant des salves de coups à la tête du lésé, à proximité du coup, à deux reprises.

La défense plaide une diminution de responsabilité au motif de l'alcoolisation du prévenu au moment des faits.

Or, le prévenu a été capable de faire un récit cohérent des faits. Les images de vidéosurveillance ne montrent pas que le prévenu présentait des signes d'ébriété évidents. De plus, il a été capable d'effectuer des mouvements complexes au moment de faits et a pu quitter les lieux, non sans avoir la présence d'esprit de tirer le dénommé « N______ » avec lui. Une heure plus tard, il a été capable d'écrire un message sans erreur notable à un proche. Il n'existe ainsi aucun indice de diminution de la responsabilité du prévenu. Il est néanmoins vraisemblable que tous les protagonistes étaient fortement alcoolisés, ce dont il sera tenu compte sous l'angle de la fixation de la peine.

La collaboration du prévenu a été mauvaise, à tout le moins dans un premier temps, puisqu'il a refusé d'ouvrir à la police lors de la perquisition de son domicile et qu'il ne s'est expliqué qu'après avoir pu consulter la procédure. Il a ensuite admis pour l'essentiel la matérialité des faits, étant précisé qu'il lui était difficile de faire autrement vu les preuves objectives figurant à la procédure.

Sa prise de conscience est plutôt bonne, quoiqu'il ait minimisé son implication. Il a, de façon constante à la procédure et jusqu'à l'audience de jugement, fait état de regrets, formulé des excuses et assumé ses torts.

Sa situation personnelle est sans particularité.

Le prévenu n'a pas d'antécédents judiciaires.

Au vu de ces éléments, seule une peine privative de liberté entre en considération. Au regard de la faute du prévenu, cette peine est néanmoins compatible avec le sursis partiel.

Ainsi, le prévenu sera condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 22 jours de détention avant jugement. Cette peine sera prononcée sans sursis à raison de 12 mois et assortie d'un délai d'épreuve de 3 ans.

 

 

Inventaire, indemnité et frais

4. Les vêtements figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n°2______ seront restitués au lésé.

Les vêtements et le téléphone portable figurant sous chiffres 1 à 6 de l'inventaire n°3______ seront quant à eux restitués au prévenu (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

5. Le défenseur d'office sera indemnisé conformément aux détails figurant en pied de jugement (art. 135 al. 1 CPP).

6. Compte tenu du verdict de culpabilité, le prévenu sera condamné aux frais de la procédure s'élevant à CHF 6'305.65, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP ; art. 10 al. 1 let. e RTFMP).

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Déclare A______ coupable de tentative de meurtre (art. 111 cum 22 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 22 jours de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 12 mois.

Met pour le surplus A______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne la restitution à E______ des vêtements figurant sous chiffres 1 et 2 de l'inventaire n°2______ du 2 janvier 2023 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Ordonne la restitution à A______ des vêtements et du téléphone figurant sous chiffres 1 à 6 de l'inventaire n°3______ du 13 février 2023 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 6305.65, y compris un émolument de jugement de CHF 1'000.- (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe à CHF 5'683.90 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office d'A______ (art. 135 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière
Léa Audrey BAZERJI-GARCIA

Le Président

Cédric GENTON

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit peut également contester son indemnisation en usant du moyen de droit permettant d'attaquer la décision finale, la présente décision étant motivée à cet égard (art. 135 al. 3 et 138 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

5151.65

Convocations devant le Tribunal

CHF

90.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

1000.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

6305.65

==========

 

Indemnisation du défenseur d'office

Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;

Bénéficiaire :  

A______

Avocat :  

C______

Etat de frais des :  

27 décembre 2024 et 6 janvier 2025

 

Indemnité :

CHF

4'244.15

Forfait 20 % :

CHF

848.85

Déplacements :

CHF

165.00

Sous-total :

CHF

5'258.00

TVA :

CHF

425.90

Débours :

CHF

0

Total :

CHF

5'683.90

Observations :

- 11h00 admises* à CHF 200.00/h = CHF 2'200.–.
- 18h35 admises* à CHF 110.00/h = CHF 2'044.15.

- Total : CHF 4'244.15 + forfait courriers/téléphones 20 % = CHF 5'093.–

- 3 déplacements A/R à CHF 55.– = CHF 165.–

- TVA 8.1 % CHF 425.90

*Réduction de :
- 4h15 (Chef d'étude) pour le poste "procédure" : les déterminations au client, les courriers au MP et au Tribunal correctionnel sont comprises dans le forfait "courriers/téléphones". La rédaction de l'état de frais n'est pas une prestation prise en charge par l'assistance juridique. Le suivi du dossier avec Me T______ est une activité relevant de la formation du stagiaire non-prise en charge par l'assistance juridique;
- 15h20 (stagiaire) pour le poste "procédure" : les rédactions et la finalisation de l'état de frais ne sont pas des prestations prises en charge par l'assistance juridique. La vacation au MP fait l'objet d'un forfait spécifique. La durée de la préparation de l'audience de jugement est excessive vu les préparations et études de dossiers antérieures (les opérations du stagiaires et du maître de stage ne sont pas indemnisées à double).
*Ajout de :
- 03h25 et 2 déplacements (stagiaire) pour l'audience de jugement et la lecture du verdict.

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

Notification à A______, soit pour lui son défenseur d'office,
Me C______

Par voie postale

Notification au Ministère public
Par voie postale