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Décisions | Tribunal pénal

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P/4795/2022

JTDP/70/2024 du 23.01.2024 sur OPMP/5435/2022 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.173
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 1


23 janvier 2024

 

MINISTÈRE PUBLIC

Monsieur A______, partie plaignante, assisté de Me Anaïs BRODARD

contre

Monsieur X______, né le ______ 1950, domicilié ______, prévenu, assisté de Me ______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut au maintien de son ordonnance pénale et à ce que X______ soit reconnu coupable de diffamation (art. 173 ch. 1 CP), à ce qu'il soit condamné à une peine pécuniaire de 80 jours-amende à CHF 50.- avec sursis pendant 3 ans ainsi qu’à une amende de CHF 800.- et au paiement des frais de la procédure, arrêtés à CHF 510.-.

A______, par la voix de son Conseil, conclut à un verdict de culpabilité du prévenu et au versement d’une indemnité d’un montant de CHF 13'341.75 sur la base de l’art. 433 al. 1 let. a CPP.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement et persiste dans ses conclusions en indemnisation. Il conclut au rejet des conclusions déposées par la partie plaignante.

*****

Vu l'opposition formée le 5 juillet 2022 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 22 juin 2022;

Vu la décision de maintien de l'ordonnance pénale du Ministère public du 19 juin 2023;

Vu l'art. 356 al. 2 et 357 al. 2 CPP selon lequel le tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP;

EN FAIT

A.a. Par ordonnance pénale du 22 juin 2022, valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, à Genève, atteint A______ dans son honneur, en rédigeant deux rapports, en sa qualité de thérapeute de B______, épouse de A______. Dans le premier rapport, daté du 14 septembre 2021 et adressé "pour qui de droit", il a indiqué, en substance, que A______ avait infligé à sa patiente ainsi qu'à son fils un traitement sous forme de violence psychologique, ce dernier ayant également vécu un épisode de violence physique. B______ était constamment sous la pression de son époux et souffrait d'une situation de stress post‑traumatique. A teneur du deuxième rapport, daté du 10 octobre 2021 et adressé à "qui de droit de la Cour", il a indiqué en outre que A______ avait des capacités élargies de manipulation envers C______, la fille du couple, ou toute personne intervenue dans les divers processus, qu'il ne respectait pas les règles imposées, tant celles liées à la pandémie que celles concernant les contacts téléphoniques entre B______ et C______, qu'il avait refusé durant 8 mois que sa fille continue de voir une psychologue et avait conditionné son acceptation à ce que cette dernière lui envoie un rapport détaillé de ce qui s'était dit lors de la séance et enfin qu'il était difficile, voire impossible pour B______ d'être en présence de A______. Ces rapports ont été produits auprès du Tribunal d'arrondissement de la Côte dans le cadre de la procédure de divorce des époux B______-A______.

Ces faits ont été qualifiés de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP.

b. Il lui est également reproché d'avoir, à Genève, atteint A______ dans son honneur, en rédigeant deux autres rapports à l'attention de tiers, en sa qualité de thérapeute de B______. A l'appui du premier rapport, daté du 14 septembre 2020 et adressé "pour qui de droit", il a indiqué que A______ exerçait une pression psychologique importante sur B______, qui pouvait être qualifiée d'harcèlement. Selon le deuxième rapport, daté du 10 mars 2022 et adressé "à qui de droit à la Cour", il a indiqué qu'il était "plus que probable" que A______ ait une personnalité narcissique perverse.

Ces faits ont été qualifiés de diffamation au sens de l'art. 173 ch. 1 CP.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure:

a.a. En date du 2 mars 2022, A______ a déposé une plainte pénale, accompagnée de diverses pièces, à l'encontre de X______ pour calomnie, respectivement diffamation. Il en ressort que A______ avait rencontré B______ en 2012 en Espagne et qu'ils avaient rapidement débuté une relation amoureuse. Elle avait un fils, D______, issu d'un précédent mariage. En 2015, ils avaient déménagé à E______ [Emirats Arabes Unis]. Le ______ 2016, ils avaient eu un enfant, C______. Durant l'année 2018, ils avaient déménagé à Genève. Ils s'étaient finalement séparés en 2019 et, depuis le 15 avril 2021, une procédure de divorce les opposait devant le Tribunal civil d'arrondissement de la Côte (TAC). Dans ce cadre, le 23 septembre 2021, A______ avait déposé une requête sur mesures provisionnelles afin d'obtenir la garde alternée de leur fille. A l'appui de ses déterminations sur ladite requête, B______ avait versé diverses pièces, dont deux rapports rédigés par son thérapeute, X______.

A l'aune du premier rapport, daté du 24 septembre 2021 et adressé au "médecin conseil de l'assurance", X______ avait expliqué qu'il suivait B______ depuis le 23 janvier 2020 "pour des problèmes dus à une situation de stress post-traumatique, suite à la recommandation de son ancienne thérapeute Mme F______ de E______ [Emirats Arabes Unis]. Elle [était] en effet sous le choc du traitement que son mari (duquel elle [était] séparée) lui a[vait] infligé (comme à son propre fils) et continu[ait] de lui infliger sous forme de violence surtout psychologique (mais avec aussi un épisode de violence physique envers le fils de Mme B______). Le traitement consist[ait] essentiellement en des séances de psychothérapie de soutien, avec quelques séances de traitement EMDR. [Il avait] pu constater des améliorations dans le comportement de Mme B______, mais comme elle [était] constamment sous la pression des injonctions pas toujours plausibles de Mr A______, la situation stressante pour elle ne [faisait] que continuer".

Aux termes du second rapport daté du 10 octobre 2021 et adressé "pour qui de droit de la Cour", X______ avait confirmé la teneur du premier certificat et avait précisé que la situation de sa patiente "vis-à-vis de son époux ne sembl[ait] pas s'améliorer, bien au contraire, pour les raisons suivantes:

- M A______ montr[ait] des capacités élargies de manipulation, que ça soit avec leur fille C______ (qu'il cherch[ait] à influencer négativement vis-à-vis de sa mère et de son frère) ou envers toutes les personnes qui [étaient] intervenues dans les divers processus, en voulant montrer que la situation [était] bonne, autant dans la relation avec la mère qu'avec leur fille. Comme cela ne correspond[ait] en rien à l'expérience de Mme B______, tant pendant la vie commune avec son ex-mari que le temps après la séparation, cela augment[ait] l'anxiété de Mme B______, tout particulièrement lorsqu'elle se trouv[ait] en présence de M A______: en cela, elle montr[ait] très clairement des signes de syndrome de stress post-traumatique.

- M A______ ne respect[ait] pas les règles imposées, tant celles liées à la pandémie que celles concernant l'heure et les modalités des contacts téléphoniques entre la mère et l'enfant, lorsque ce dernier [était] avec son père. Il a[vait] également refusé pendant 8 mois à C______ de continuer à voir une psychologue, malgré les résultats positifs que quelques séances [avaient] permis en fin d'année dernière. Le fait que M A______ ait conditionné son acceptation à ce que la jeune fille continue d'être soignée par sa psychologue, Mme G______, à ce que cette dernière lui envoie un rapport détaillé de tout ce qui s'[était] dit après chaque séance, provoqu[ait] une grande consternation à Mme B______. Cela montr[ait] le manque d'intérêt de M A______ pour le bien-être de sa fille et sa seule préoccupation à utiliser cette question importante comme une arme à utiliser en sa faveur au tribunal. Pour Mme B______, il [était] fondamental que les séances avec Mme G______ soient un espace sûr pour C______ et qu'elles aient uniquement pour but d'aider l'enfant, en particulier avec les éventuels dommages dus au désaccord entre les parents. L'école de C______ [devait] être traitée de la même manière, c'est-à-dire tenue à l'écart de la dispute et représenter un lieu sûr pour la petite fille.

- […] Comme il [était] très difficile, voire impossible, pour Mme B______ d'être en présence de M A______, elle [craignait] que cela revienne à lui reprocher l'échec de la thérapie proposée par le COUFAM et donc à devoir porter le blâme de toute la situation".

A______ a contesté la teneur des rapports de X______. Il a expliqué que ce dernier n'avait rencontré ni lui-même ni sa fille C______ avant la rédaction desdits rapports. X______ n'avait pas réussi à garder la distance nécessaire dans ses propos et avait fait siennes les déclarations de sa patiente, sans détenir des preuves ou sans avoir procédé à des vérifications. Par ailleurs, ses propos, outre d'être faux, étaient en contradiction avec ceux tenus par d'autres intervenants dans les procédures concernant la garde de C______ qui n'avaient relevé aucune violence physique ou psychique, ni des "capacités élargies de manipulation" à l'égard de sa fille.

a.b. En date du 29 avril 2022, A______ a déposé une nouvelle plainte pénale contre X______ pour calomnie, respectivement diffamation. Il a exposé que B______ avait déposé, le 15 mars 2022, un mémoire réponse à sa demande de divorce, à l'appui duquel elle avait produit diverses pièces, dont quatre rapports de X______. Outre les deux rapports datés des 24 septembre et 10 octobre 2021 (supra a.a.), il y avait également un rapport daté du 14 septembre 2020 et adressé "pour qui de droit". Il en ressort que "les relations avec son ex-conjoint [A______] avaient un caractère particulier, en ce sens que ce dernier était en train d'exercer une pression psychologique importante sur Madame. Cette pression [était] en augmentant de manière inacceptable, usant de tous les moyens (messages aux thérapeutes, juges et avocats impliqués; messages écrits et maintenant téléphoniques à Madame) que l'on [pouvait] parler d'un véritable harcèlement. […] Ce [qu'il devait] également constater, [était] que Madame a[vait] de plus en plus de difficulté à supporter ce qu'on [pouvait] sans peine appeler une mascarade et un harcèlement, se sentant relativement impuissante face à cette déferlante de mails et d'appels téléphoniques". X______ avait enfin rédigé un quatrième rapport, daté du 10 mars 2022 et adressé "pour qui de droit de la Cour", lequel faisait suite à celui du 24 septembre 2021. Il avait précisé que "depuis lors, la situation de Mme B______ ne s'[était] pas améliorée, tant s'en faut. Les tracasseries dont elle fai[sai]t l'objet de la part de M. A______ ne [faisaient] que continuer, dans des registres bien différents et dont la liste sera[it] trop longue pour être énumérée ici. Force [lui était] de constater, sur la base de cette énumération factuelle et également basée sur [s]on expérience de plus de quarante années de thérapeute, que la probabilité qu'on se trouve en présence d'une personnalité narcissique et perverse [était] plus que probable".

A______ a contesté le contenu de ces rapports et a réitéré les arguments développés dans sa première plainte pénale. Il a ajouté que X______ avait tenu ces propos uniquement dans le but de nuire à son honneur, dans la mesure où aucun élément ne venait appuyer ses dires. Par ailleurs, certains de ces rapports avaient été portés à la connaissance de différentes institutions, autorités et personnes proches de leur fille.

b.a. X______ a été entendu par la police le 13 avril 2022. Il a confirmé avoir rédigé le rapport du 10 octobre 2021 ainsi que sa teneur. Il n'avait jamais rencontré A______. Il a précisé que son but n'avait pas été de nuire à ce dernier, mais uniquement de donner son avis professionnel quant à l'état de sa patiente. Il estimait avoir fait preuve de la distance nécessaire lors de l'établissement du rapport. Afin de retenir que B______ souffrait de violences psychologiques et psychiques de la part de son époux, il s'était basé sur plusieurs documents, dont trois émanaient de la précédente psychologue de la précitée, ainsi que sur un courrier de l'avocat de B______. Pour arriver aux conclusions de son rapport, il s'était basé sur les déclarations de sa patiente, qu'il avait comparées avec les rapports établis par l'Association d'aide aux victimes de violence en couple (AVVEC), ainsi que sur une attestation médicale des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Pour retenir que A______ montrait des capacités élargies de manipulation, il s'était basé sur les déclarations de sa patiente ainsi que sur les documents susmentionnés. S'agissant du non-respect par A______ des règles liées à la pandémie COVID-19, il avait écrit cela sur la base des déclarations de B______. Enfin, il avait écrit que B______ souffrait d'un état de stress post-traumatique, provenant du traitement infligé par A______, et qu'elle ne pouvait que difficilement se retrouver en la présence de ce dernier, sur la base des déclarations de sa patience et des différents documents susmentionnés. Il était professionnellement habilité à émettre un tel diagnostic. Il avait adressé ce rapport "à qui de droit" à la demande de B______, laquelle l'avait transféré au tribunal qui devait juger de la garde de C______.

b.b. Lors de son audition, X______ a produit une copie des documents susmentionnés, lesquels ont été versés à la procédure.

b.b.a. F______, psychologue au sein du centre médical ______ à E______ [Emirats Arabes Unis], a rédigé deux rapports en anglais, datés des 13 juin 2014 et 22 décembre 2019 et adressés "à qui de droit". Il en ressort, d'après la traduction libre du Tribunal, que B______ bénéficiait d'un suivi depuis le 4 octobre 2017. Au début de son suivi, B______ ressentait des baisses d'humeur et une faible estime de soi. L'un des principaux facteurs déclencheurs était sa relation avec A______. Le couple B______-A______ avait en effet commencé à connaitre des difficultés peu après avoir déménagé à E______ [Emirats Arabes Unis]. A______ avait rapidement adopté un comportement agressif, menaçait son épouse de divorcer et d'épuiser ses ressources financières, l'intimidait au sujet de la garde de leur fille et criait sur elle et sur les enfants. Ces derniers avaient par ailleurs été témoins de la plupart des disputes du couple. La vie commune jusqu'à la séparation avait été extrêmement stressante pour B______, en raison de l'intimidation constante de son époux et de l'inquiétude qu'elle éprouvait à l'égard de ses enfants. Son fils avait été gravement affecté par les conditions de vie à la maison, car il se sentait protecteur de sa mère et de sa sœur. B______ avait l'impression que son époux n'était pas à l'écoute des besoins de leur fille, qu'il se mettait en colère et criait en sa présence lorsqu'il était frustré. Depuis la décision de séparation en novembre 2018, B______ semblait vivre dans des circonstances extrêmement stressantes. Les comportements menaçants et abusifs de A______, lesquels avaient gagné en intensité après la séparation, et le stress de la procédure de divorce avaient un impact sur B______. Elle semblait triste au sujet de la condition de sa famille et effrayée que son époux continue les attaques incessantes contre elle et ses ressources financières. Après la séparation, elle avait des "flashbacks" des sentiments qu'elle avait éprouvés au cours de la période de séparation, laquelle avait été traumatisante. En outre, B______ avait commencé à se sentir anxieuse, en particulier lorsqu'elle devait voir ou interagir avec A______.

b.b.b. H______, psychologue spécialiste en psychothérapie au sein d'AVVEC, a rédigé diverses attestations adressées "à qui de droit" à la demande de B______, en date des 18 avril 2019, 13 juin 2019, 21 janvier 2020 et 10 mars 2022. Il en ressort, en substance, que la précitée était suivie depuis le 1er avril 2019 et souffrait de violences conjugales exercées par son ex-conjoint, de type psychologique et économique, lesquelles l'affectaient beaucoup psychologiquement. Lesdites violences s'étaient poursuivies malgré la séparation. B______ présentait une forte anxiété, des sentiments d'impuissance et de découragement importants, des troubles du sommeil et des symptômes de stress post‑traumatique, lesquels pouvaient être mis en relation avec la violence conjugale subie. Chaque nouveau contact avec son ex-conjoint provoquait encore une péjoration de son état émotionnel. La thérapeute a relevé enfin que le contenu des entretiens avec B______, son récit des événements et les effets de la violence conjugale présentaient une cohérence significative.

b.b.c. I______, psychologue au sein d'AVVEC, a également rédigé une attestation adressée "à qui de droit" et datée du 18 octobre 2021. Elle suivait B______ depuis le mois d'avril 2021 en raison de ses inquiétudes concernant sa fille, lesquelles s'inscrivaient dans le contexte de la séparation conflictuelle. Sa patiente l'avait informée de l'impossibilité d'amener sa fille aux entretiens en l'absence d'autorisation du père de l'enfant pour des soins psychologiques, soins auxquels il était opposé. La psychologue avait enfin noté que le contenu des entretiens et les effets de la violence conjugale présentaient une cohérence significative.

b.b.d. J______, conseil de B______, a adressé un courriel au TAC en date du 20 février 2020. Il y faisait référence à une correspondance que le conseil de A______ avait adressée à H______, laquelle reflétait, selon J______, le besoin de contrôle absolu de A______. Ce dernier aurait en outre employé un ton "extrêmement agressif" à l'appui de ce courrier et menacé de recourir à des démarches judiciaires à l'encontre d'AVVEC et de ses membres. J______ faisait également référence à un rapport du Service de protection de la jeunesse, à teneur duquel il était indiqué "nous relevons que Monsieur [A______] a[vait] aussi fait preuve d'insistance auprès des professionnels du réseau afin d'obtenir des attestations concernant leur fille. Nous nous questionnons sur la manière dont il a[vait] agi et quelles [étaient] ses réelles motivations". J______ estimait sur cette base que A______ persistait à tout mettre en œuvre afin d'exercer une pression sur les tiers qui ne partageaient pas son point de vue et avait même remis en question les conclusions du travail de H______, alors que celle-ci était une professionnelle. J______ relevait enfin que A______ avait récemment conditionné l'inscription de sa fille à l'Ecole K______ au renoncement par B______ de sa contribution d'entretien.

b.b.e. L______, ______ [médecin] de l'Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence au sein des HUG, a rédigé une attestation datée du 22 mars 2022 et adressée "à qui de droit". Il en ressort que B______ était venue le consulter les 4 et 18 mars 2022. Elle avait rapporté une situation de violences psychologiques et économiques de la part de son conjoint, dont elle était séparée depuis 2019, avec des conséquences sur sa santé physique, psychique et sociale. Elle avait indiqué subir encore des menaces, du chantage, des pressions psychologiques, de la calomnie, des insultes, de la manipulation et des représailles. Son conjoint faisait en outre un "travail de sape" sur sa fonction maternelle, essayant d'utiliser les enfants contre elle. B______ était très affectée par cette situation durable, avec un sentiment d'impuissance et de culpabilité par rapport à sa fille. Elle avait décrit des difficultés majeures à pouvoir exercer une coparentalité de qualité pour sa fille et à développer des projets personnels bénéfiques pour elle, mais aussi ses enfants, notamment par rapport aux conséquences financières et à l'épuisement dû aux procédures en cours et à ce qu'elle vivait au quotidien. Elle était suivie par deux psychologues et se questionnait encore sur comment se protéger de son conjoint et quand cela allait se terminer. Elle réfléchissait même à retourner en Espagne, alors qu'elle avait un bon travail, espérant trouver davantage de paix et de réconfort auprès de ses proches, "ce qui [était] très compréhensible".

c.a. Entendu par le Ministère public le 3 août 2022, X______ a indiqué s'être basé sur de nombreux documents pour rédiger ses rapports. Il a confirmé ne pas avoir rencontré A______, précisant que cet entretien ne lui aurait rien amené de plus sur les faits dont il avait déjà connaissance. En outre, A______ savait donner une bonne impression alors qu'il était "quelqu'un d'autre derrière". Il était suffisamment qualifié pour affirmer que le stress post-traumatique diagnostiqué chez B______ était causé par A______. Il avait rédigé ses rapports de bonne foi et en se fondant sur l'intérêt supérieur de sa patiente et de sa fille. Il ne les avait pas écrits au conditionnel et en replaçant les propos de sa patiente dans la bouche de cette dernière car il trouvait "cela tellement évident". Il savait que ces documents seraient produits auprès de l'assurance et de l'autorité civile. Il savait également que les destinataires étaient soumis au secret médical et que la Cour allait apprécier le sens de ses écrits. Il avait remis ces attestations à B______, qui souhaitait les transmettre à la justice.

c.b. Lors de cette audience, X______ a produit 16 documents, soit ceux sur lesquels il s'était basé pour rédiger ses rapports, dont notamment l'attestation du 13 juin 2019 de F______ produite lors de son audition à la police et les pièces citées infra.

c.b.a. L'école de danse M______ (info@M______.ch) a adressé deux courriels à A______ en date des 8 et 11 février 2019. Il en ressort que l'interlocuteur de ladite école ne pouvait pas indiquer à A______ le nombre de fois où sa fille et sa femme étaient venues, car il ne comptait pas les présences pour les gens ayant le "full pass". Il avait également demandé à A______ d'arrêter "ce harcèlement" dont l'école avait souffert ces dernières semaines, la situation étant "très inconfortable" car A______ posait la même question continuellement.

c.b.b. N______, psychologue spécialiste en psychologie clinique FSP de l'Ecole K______ de Genève, a rédigé une attestation "à qui de droit" datée du 24 juin 2019. Il en ressort que D______ avait été régulièrement suivi entre les mois de janvier et juin 2019. Il avait été orienté par sa mère, B______, en raison des signes de mal-être qu'il présentait, se répercutant notamment sur son travail scolaire. Il souffrait de symptômes anxieux, persistant au fil des mois. D______ était exposé à une situation conflictuelle dans son entourage immédiat, qui le maintenait dans un état d'insécurité et d'hyper vigilance.

c.b.c. L'attestation de H______ du 14 septembre 2020 indiquait que B______ était inquiète des répercussions des violences qu'elle subissait, sur son fils D______.

c.b.d. D______ a adressé un courriel en anglais à N______ le 14 avril 2019. Il ressort de la traduction libre de ce document que A______, quelques instants avant l'envoi de l'email, s'était fâché contre B______. D______ avait voulu le calmer, mais A______ s'était mis à crier de plus en plus, avant de l'attraper, de le pousser contre la porte et de le traiter de "salop" et d'"idiot".

c.b.e. O______, femme de ménage du couple, a rédigé deux témoignages datés des 16 septembre 2019 et 17 octobre 2021. Il en ressort que, depuis la séparation des époux et durant un peu moins de deux mois, elle avait vu A______ une fois par semaine le matin, durant environ 20 minutes. Durant ces rencontres, il "l'accablait" en lui disant par exemple qu'il n'avait jamais voulu avoir d'enfant et que c'était sa femme qui l'avait obligé. Il lui avait également proposé de l'argent et un travail à condition qu'elle écrive un témoignage disant que B______ était "folle" et ne prenait pas soin de C______, ce qu'elle avait refusé de faire car cela était faux. Il avait en outre insisté pour qu'elle écrive un témoignage sur la façon dont il s'occupait de sa fille, alors qu'elle ne disposait pas assez d'éléments pour ce faire. Face à l'insistance de A______, elle avait fini par demander à B______ de changer ses horaires de travail pour ne plus le croiser. Une fois cela fait, A______ l'avait à nouveau contactée par téléphone lui demandant d'écrire un témoignage.

c.b.f. P______, employé du Q______ à Genève, a rédigé une attestation en anglais datée du 24 août 2020 à l'attention du "Président du Tribunal". Il avait rencontré B______ dans le cadre de son travail au Q______. Elle lui avait exposé être en cours de séparation avec son époux. Elle avait peur de se retrouver sans logement et de perdre la garde de ses enfants. Au cours d'un entretien téléphonique, il avait réalisé l'état d'agitation élevé dans lequel B______ se trouvait. Par ailleurs, au cours d'un entretien au Q______, lors duquel elle s'était montrée très stressée et n'avait pas cessé de pleurer, elle avait expliqué la situation de violence que lui faisait subir son époux. Sur la base de ces échanges, ils avaient recommandé à B______ de dénoncer le cas à la police et de contacter des associations telles que la LAVI ou l'AVVEC afin d'obtenir un soutien professionnel.

c.b.g. J______ a adressé un courrier le 9 novembre 2020 à ______, conseil de A______, duquel il ressort que ce dernier n'occuperait plus son logement sis à ______, mais résiderait avec sa compagne en France. En tout état, il s'y rendrait tous les week-ends, en dépit des restrictions liées au COVID, avec C______, en sollicitant de cette dernière qu'elle ne dise rien à B______.

c.b.h. R______, voisine de B______, a écrit une attestation à l'attention du Président du "Tribunal de Nyon" datée du 4 octobre 2021. Elle connaissait B______ depuis le mois de juillet 2019 et avait été témoin de la situation "très compliquée" qu'elle vivait en raison du comportement de A______. Ce dernier causait du stress à tous les membres de la famille. Elle avait remarqué l'état de nervosité d'B______ dû à la présence de A______, lequel se reflétait dans son comportement et par des tremblements.

c.b.i. Il ressort de l'ordonnance sur mesures provisionnelles rendue par le Président du Tribunal civil de la Côte en date du 9 décembre 2021 que le rapport de X______ du 10 octobre 2021, selon lequel A______ montrait des capacités élargies de manipulation, était corroboré par quatre documents, dont l'échange d'emails avec l'école de danse et l'attestation de O______. Le Tribunal a retenu, au vu du grand nombre de pièces produites, que A______ présentait vraisemblablement un tel trait de personnalité et ne voyait pas de raison de douter du syndrome de stress post-traumatique dont souffrait B______ qui était par ailleurs reporté par des spécialistes. Le lien de causalité entre le caractère manipulateur de A______ et ledit syndrome ne pouvait pas être retenu uniquement sur la base du rapport de X______. Cependant, ce lien de causalité devenait parfaitement vraisemblable une fois ce rapport confronté au reste des pièces.

c.b.j. La Cour d'appel civile a, par arrêt du 31 mai 2022, confirmé l'ordonnance susvisée. Elle a indiqué que le trait de caractère retenu par le premier juge ressortait de plusieurs éléments, à savoir les attestations de H______ des 13 juin 2019, 21 janvier et 14 septembre 2020 ainsi que les rapports des 14 septembre 2020 et 10 octobre 2021 de X______. S'agissant des différentes constatations de l'état d'B______, la Cour a retenu qu'elles étaient certes basées sur le ressenti et les déclarations de cette dernière, mais qu'elles émanaient également de professionnels et étaient corroborées par de nombreux autres éléments du dossier. En particulier, les courriels échangés avec l'école de danse démontraient le caractère pour le moins insistant des interventions répétées de A______. Les attestations de O______ et de R______ contenaient des "faits éloquents" et venaient s'ajouter aux constatations des divers professionnels. Par ailleurs, les pièces au dossier, en particulier les rapports de H______ et de X______, professionnels dans leur domaine, étaient suffisantes pour considérer l'état de stress post-traumatique d'B______ comme vraisemblable, étant relevé que le rapport du 10 octobre 2021 de X______ était "particulièrement éloquent" à cet égard. Enfin, la Cour a retenu que selon les rapports des 24 septembre 2021 et 10 octobre 2021, le stress ressenti par B______ perdurait.

c.b.k. Le Tribunal fédéral a rendu un arrêt daté du 3 mai 2023, rendu sur mesures provisionnelles concernant la garde et l'entretien de l'enfant C______, rejetant le recours interjeté par A______ contre l'arrêt de la Cour d'appel civile (supra point c.b.j). Il ressort de cet arrêt que la Cour s'était appuyée sur les rapports de X______, lesquels étaient corroborés par de nombreux éléments du dossier provenant de professionnels intervenant à différents titres, de proches ou de tiers. Ainsi, le premier juge avait personnellement constaté que B______ présentait un état de détresse qui semblait sincère et profond. Les courriels échangés avec l'école de danse de C______ démontraient le caractère pour le moins insistant des interventions répétées de A______, ce qui avait finalement conduit l'école à lui demander "d'arrêter ce harcèlement". La Cour n'avait pas versé dans l'arbitraire en retenant que les conflits et tensions persistaient entre les époux et que le système de garde en faveur de B______ devait être maintenu.

d. A______ a également été entendu par le Ministère public en date du 3 août 2022. Il a expliqué que les attestations de X______ avaient été envoyées, par emails par B______, à l'école et au pédiatre de C______. Ces attestations l'avaient détruit.

C.a. A l'audience de jugement, X______ a admis avoir rédigé les rapports des 24 septembre et 10 octobre 2021, à la demande de B______, qu'il suivait depuis le début du mois de janvier 2020. A l'époque, il avait constaté l'état de stress dans lequel se trouvait sa patiente. Il avait rapidement fait le constat du stress post‑traumatique en raison du traitement infligé par le mari de sa patiente. Il avait vu l'état de "très grande détresse" de sa patiente et il était de son devoir de dire la violence relationnelle - et non pas seulement une relation conflictuelle - dans laquelle elle se trouvait. Pour écrire ses rapports, il s'était basé sur les déclarations de B______ mais également sur d'autres documents et avait demandé à sa patiente de lui transmettre les différents écrits et témoignages dont elle lui avait parlé. Il avait également reçu D______ en thérapie, lequel lui avait fait part de la violence dont il avait été victime de la part de A______. Au moment de la rédaction de ses rapports, il était persuadé de la véracité de ses allégations. Il avait rédigé ces rapports soit pour un Tribunal soit pour un médecin. Il n'était pas d'usage, dans le traitement d'une patiente dans ce genre de configuration, de convoquer son conjoint. Il n'était pas non plus d'usage ni recommandé d'entendre le conjoint. Selon son expérience, de manière générale, un manipulateur mentait, utilisait le chantage et atteignait la personne en face dans son intégrité. A______ était incapable de se remettre en question, et seuls ses désirs comptaient. S'il n'obtenait pas ce qu'il voulait, il se positionnait en victime. Le pervers narcissique, en sus de ces caractéristiques, voulait détruire la personne psychologiquement et socialement.

b. A______ a indiqué que l'impact des attestations de X______ avait été terrible. Elles avaient été envoyées à de nombreuses personnes, telles que la Directrice et la psychologue de l'école de C______. Il avait beaucoup de mal à travailler et ne dormait plus, il avait dû appeler un psychiatre. Il se demandait au quotidien comment il allait sortir de tout cela et parler aux personnes qui avaient vu ces attestations.

c. B______ a expliqué que, depuis le premier jour où ils avaient vécu ensemble, A______ n'avait pas été content et avait adopté un comportement insultant et agressif à son encontre, également devant les enfants. Il s'en était pris physiquement à son fils. Il avait approché la femme de ménage et les personnes de l'école de danse pour obtenir des attestations selon lesquelles elle serait "folle". Il lui avait dit que si elle n'acceptait pas les termes de la séparation, il allait la "détruire" émotionnellement et financièrement. Depuis leur séparation, il était très difficile de communiquer avec A______. Ils échangeaient à travers leurs avocats. Concernant leur fille, ils communiquaient par téléphone et pour "les choses pas importantes", ils communiquaient grâce à un carnet dans le sac à dos de C______ car, un an auparavant, elle avait coupé toute communication par email. Depuis, elle avait "recommencé à vivre".

Elle était toujours suivie par X______. Elle avait arrêté le traitement psychiatrique depuis qu'elle avait coupé la communication par courriels avec A______. X______ n'avait jamais rencontré sa fille. Elle n'avait pas traité A______ de pervers narcissique car elle ne connaissait pas ce terme, mais L______ lui avait dit que le profil décrit de A______ correspondait à un pervers narcissique.

d. ______, compagne depuis 4 ans de A______, a indiqué que les rapports de X______ avaient été très destructifs pour son conjoint. Elle avait dû l'emmener à l'hôpital car il était dans un état émotionnel terrible et ne pouvait plus respirer. D'après elle, les "attaques" contenues dans les rapports n'étaient pas justifiées car il n'était pas comme cela.

D. X______ est né le ______ 1950 à ______. Il est originaire de ______ et ______[Suisse]. Il a divorcé, mais s'est remarié. Il est père de trois enfants majeurs. Il a obtenu un diplôme en psychologie de l'Université de Genève, un master spécialisé en sophrologie et un FSP en psychologie général. Il travaille en qualité de psychothérapeute depuis 1999 et réalise à ce titre un salaire mensuel d'environ CHF 10'000.-. Il exerce également une activité de sophrologue depuis 1979. Il est propriétaire d'un appartement à ______. Il a une dette hypothécaire.

Il n'a pas d'antécédent judiciaire.

 

EN DROIT

Culpabilité

1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d).

2.1.1. D'après l'art. 173 ch. 1 CP, quiconque, en s'adressant à un tiers, accuse une personne ou jette sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération, quiconque propage une telle accusation ou un tel soupçon, est, sur plainte, puni d'une peine pécuniaire.

Cette disposition protège la réputation d'être une personne honorable, c'est-à-dire de se comporter comme une personne digne a coutume de le faire selon les conceptions généralement reçues. L'honneur protégé par le droit pénal est conçu de façon générale comme un droit au respect, qui est lésé par toute assertion propre à exposer la personne visée au mépris en sa qualité d'homme (ATF 128 IV 53 consid. 1a). Il n'est pas nécessaire que l'auteur ait affirmé des faits qui rendent méprisable la personne visée, il suffit qu'il ait jeté sur elle le soupçon d'avoir eu un comportement contraire aux règles de l'honneur ou qu'il propage de telles accusations ou de tels soupçons (ATF 117 IV 27 consid. 2c). Il peut être réalisé sous n'importe quelle forme: verbalement, par écrit, par l'image, ou le geste, ou par tout autre moyen (arrêt du Tribunal fédéral 6S.368/2000 du 4 décembre 2000 consid. 2a). Toute critique ou appréciation négative d'une personne n'est pas de nature à porter une atteinte pénale à son honneur. L'atteinte doit revêtir une certaine gravité, dépassant ce qui est socialement acceptable. Le caractère véridique ou pas d'une assertion n'est par ailleurs pas pertinent pour apprécier son éventuel caractère attentatoire à l'honneur, mais permettra uniquement de qualifier l'infraction de diffamation ou de calomnie ou de déterminer si la preuve libératoire au sens de l'art. 173 al. 2 et 3 CP a été apportée (RIEBEN/MAZOU, CR-CP II, Bâle, 2017, n. 15, Introduction aux art. 173-178 CP). Pour apprécier si une déclaration est attentatoire à l'honneur, il faut se fonder non pas sur le sens que lui donne la personne visée, mais sur une interprétation objective selon la signification qu'un destinataire non prévenu doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer (ATF 133 IV 308 consid. 8.5.1; arrêt du Tribunal fédéral 6B_498/2012 du 14 février 2013 consid. 5.3.2). S'agissant d'un texte, il doit être analysé non seulement en fonction des expressions utilisées, prises séparément, mais aussi selon le sens général qui se dégage du texte dans son ensemble (ATF 128 IV 53 consid. 1a et les arrêts cités).

L'auteur de l'infraction de diffamation s'adresse à un tiers ou agit de manière à ce qu'un tiers puisse prendre connaissance de son allégation (RIEBEN/MAZOU, op. cit., n. 14 ad art. 173 CP et les références citées). L'auteur a ainsi l'intention de porter sa communication à la connaissance d'un tiers. Il n'est cependant pas nécessaire que ce tiers soit le destinataire de sa communication en ce sens qu'il suffit que l'auteur accepte qu'un tiers prenne connaissance de sa communication. L'infraction n'est cependant consommée que lorsque le tiers prend effectivement connaissance de l'allégation attentatoire à l'honneur (RIEBEN/MAZOU, op. cit., n. 15 ad art. 173 CP et les références citées). Le Tribunal fédéral applique largement la notion de tiers (ATF 86 IV 209). Par tiers, on entend une autre personne que l'auteur ou la victime de la diffamation. Le Tribunal fédéral soutient qu'il peut s'agir notamment d'un magistrat ou d'un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions (ATF 69 IV 116). Les autorités officielles peuvent aussi revêtir la qualité de tiers au sens de l'art. 173 CP (DUPUIS et al., PC CP, 2ème éd., Helbing 2017 Bâle, n. 19 ad art. 173 CP et les références citées).

L'infraction de diffamation est intentionnelle. L'intention de l'auteur doit porter sur tous ses éléments constitutifs objectifs et celui-ci doit être conscient du caractère attentatoire à l'honneur de son allégation, le dol éventuel étant suffisant (DUPUIS et al., op. cit., n. 21 et 22 ad art. 173 CP). Il n'est pas nécessaire qu'il ait voulu blesser la personne visée ou causer une atteinte à sa réputation (ATF 119 IV 47 consid. 2a). Il importe peu qu'il ait tenu le fait attentatoire à l'honneur pour vrai ou qu'il ait eu ou exprimé des doutes (ATF 102 IV 185).

2.1.2. L'auteur n'encourt aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou qu'il a des raisons sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies (art. 173 ch. 2 CP).

La preuve de la vérité est apportée lorsque les allégations attentatoires à l'honneur correspondent, pour l'essentiel, à la vérité (ATF 71 IV 187 consid. 2 p. 188; arrêts du Tribunal fédéral 6B_333/2008 du 9 mars 2009 consid. 1.3. et 6B_461/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.3.2.).

L'auteur est de bonne foi s'il a cru à la véracité de ce qu'il disait. Il résulte de l'art. 173 ch. 2 CP que la bonne foi ne suffit pas; il faut encore que l'auteur établisse qu'il avait des raisons sérieuses de croire à ce qu'il disait. Un devoir de prudence incombe à celui qui porte atteinte à l'honneur d'autrui; il ne saurait s'avancer à la légère. Pour échapper à la sanction pénale, l'auteur de bonne foi doit démontrer qu'il a accompli les actes que l'on pouvait exiger de lui, selon les circonstances et sa situation personnelle, pour contrôler la véracité de ses allégations et la considérer comme établie. L'auteur doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Pour dire si l'auteur avait des raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce qu'il a dit, il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont il avait connaissance à l'époque de sa déclaration; il n'est pas question de prendre en compte des moyens de preuve découverts ou des faits survenus postérieurement. Il faut donc que l'auteur établisse les éléments dont il disposait à l'époque, ce qui relève du fait; sur cette base, le juge doit apprécier si ces éléments étaient suffisants pour croire à la véracité du propos, ce qui relève du droit. Il convient en outre de se demander si les faits allégués constituent des allégations ou jettent un simple soupçon. Celui qui se borne à exprimer un soupçon peut se limiter à établir qu'il avait des raisons suffisantes de le tenir de bonne foi pour justifié; en revanche, celui qui présente ses accusations comme étant l'expression de la vérité doit prouver qu'il avait de bonnes raisons de le croire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_974/2018 du Tribunal fédéral du 20 décembre 2018 consid. 2.2. et les références citées). Lorsqu'il n'avait que des raisons sérieuses de soupçonner, l'auteur ne doit pas avoir affirmé (CORBOZ, Les principales infractions, 3e éd. 2010, vol. I, n. 86 ad art. 173 CP).

Pour échapper à la sanction pénale, l'accusé de bonne foi doit prouver qu'il a cru à la véracité de ses allégations après avoir fait consciencieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour s'assurer de leur exactitude. Il faut se fonder exclusivement sur les éléments dont il avait connaissance à l'époque de sa déclaration (ATF 124 IV 149 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 6B_632/2015 du 9 octobre 2015 consid. 1). Plus l'allégation est préjudiciable ou invraisemblable, plus les exigences quant à la crédibilité des sources et aux mesures de vérification à prendre sont élevées. Les exigences sont notamment accrues lorsque les allégations sont publiquement formulées ou largement diffusées, d'autant plus en l'absence d'intérêt public (DUPUIS et al., op. cit., n. 38 ad art. 173 CP).

2.1.3. L'auteur n'est pas admis à faire ces preuves et il est punissable si ses allégations ont été articulées ou propagées sans égard à l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principalement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de famille (art. 173 ch. 3 CP).

L'admission à la preuve libératoire constitue la règle. Elle ne peut être refusée que si deux conditions sont réunies cumulativement : l'auteur a agi principalement dans le but de dire du mal d'autrui et il s'est exprimé sans motif suffisant (arrêt du Tribunal fédéral 6B_334/2018 du 28 juin 2018 consid. 1.2).

2.2.1. En l'espèce, il est établi par les pièces produites à l'appui des plaintes pénales de A______ que X______ est l'auteur et le signataire des rapports des 14 septembre 2020, 24 septembre et 10 octobre 2021 et 10 mars 2022, ce que le prévenu a admis.

Les propos relatés dans ces rapports sont objectivement attentatoires à l'honneur, dans la mesure où ils font apparaître le plaignant comme un pervers narcissique, manipulant et harcelant les tiers ainsi que ses proches et commettant des violences psychologiques et économiques à l'encontre de son épouse, respectivement de leur fille. Ils atteignent le plaignant dans sa réputation et son sentiment d'être une personne honorable qui se comporte comme une personne digne de confiance. Ainsi, le contenu des rapports est objectivement constitutif de diffamation.

Ces rapports étaient destinés au "médecin conseil de l'assurance", respectivement au tribunal civil, soit à des tiers. B______ a transmis ces rapports au TAC à l'appui de ses déterminations, respectivement de son mémoire réponse, de sorte que ces documents ont effectivement été propagés auprès de tiers. Le fait que ces rapports auraient également été transmis à d'autres personnes, soit la direction de l'Ecole K______ ou l'école de danse, n'est corroboré par aucun élément du dossier, étant précisé que la volonté du prévenu était de les adresser à des autorités médicales et judiciaires.

L'élément subjectif est réalisé, dans la mesure où le prévenu ne pouvait qu'avoir conscience, à tout le moins sous la forme du dol éventuel, du caractère attentatoire à l'honneur de ses propos.

2.2.2. Le prévenu est admis à apporter une preuve libératoire, dans la mesure où rien dans le dossier ne permet de retenir qu'il a établi et propagé ses rapports dans le but de nuire au plaignant. Le prévenu a, au contraire, affirmé durant la procédure qu'il souhaitait uniquement protéger les intérêts de sa patiente. Aucun élément au dossier ne permet de douter de la véracité de ses allégations.

De l'avis du Tribunal, dans la mesure où aucune expertise psychiatrique n'a été rendue, la preuve de la vérité ne peut être apportée pour confirmer le diagnostic posé par le prévenu.

Le prévenu a affirmé avoir des raisons sérieuses de tenir ses déclarations pour vraies. Il a déclaré de manière constante que pour rédiger ses rapports il s'était basé sur les déclarations de sa patiente, mais également sur différents documents, qu'il a produits durant la procédure, à savoir:

- les attestations de l'ancienne psychologue de B______ à E______ [Emirats Arabes Unis], lesquelles attestent du comportement abusif et manipulateur de A______;

- les courriels de l'école de danse, demandant à A______ de cesser son harcèlement;

- le courriel de D______, faisant état des cris et du comportement agressif de A______;

- les diverses attestations d'AVVEC, relatant les violences psychiques et économiques de A______ ainsi que l'état de stress post-traumatique de B______;

- le témoignage de O______, attestant du caractère manipulateur et du harcèlement de A______;

- l'attestation de l'Ecole K______, faisant état du suivi de D______ en raison de son exposition à une situation conflictuelle dans son entourage immédiat;

- le témoignage de R______, attestant du stress infligé par A______ à B______, et

- la lettre de P______ affirmant que B______ a peur de son époux.

Par ailleurs, le TAC a retenu que le lien de causalité entre le caractère manipulateur du plaignant et le syndrome de stress post-traumatique de B______ pouvait être retenu sur la base des rapports confrontés aux différentes pièces, ce qui a été confirmé par la Cour d'appel civile, puis par le Tribunal fédéral.

Aux yeux du Tribunal, il est établi que le prévenu s'est basé sur les documents précités pour établir ses rapports litigieux. Au vu de l'ensemble de ces documents, X______ pouvait raisonnablement penser que A______ avait adopté à l'égard de sa patiente un comportement aussi grave que celui dont il a fait état dans ses rapports. De plus, les déclarations que B______ a faites au prévenu apparaissent à cet égard crédibles, eu égard à ce qu'elle a relaté, de manière constante, à F______, H______, I______, P______ et au Tribunal de céans. Finalement, le comportement du plaignant, a été constaté par les membres de l'école de danse de C______ ainsi que par D______, O______ et R______. L'ensemble de ces éléments a permis à X______ de soutenir l'opinion professionnelle qu'il s'était forgée sur B______. Il avait au demeurant les capacités et l'expérience nécessaires pour retenir que sa patiente faisait face à des violences conjugales et qu'elle souffrait d'un état de stress post-traumatique en raison desdites violences.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal retient que le prévenu a, au moment de la rédaction de ses rapports, pris en compte l'ensemble des pièces susvisées et les a mises en perspective avec les déclarations de B______. Il avait ainsi des raisons sérieuses de tenir pour vrais les faits relatés dans ses rapports. Il sera par ailleurs relevé que ces rapports étaient destinés à un médecin conseil de l'assurance, respectivement à un tribunal. Le prévenu savait ainsi qu'ils ne seraient pas diffusés à large échelle, ces autorités étant soumises au secret de fonction et au secret médical.

Le prévenu ayant apporté la preuve de sa bonne foi, il sera acquitté du chef de diffamation au sens de l'art. 173 CP.

 

Frais et indemnité

3.1. Le prévenu supporte les frais de procédure s'il est condamné (art. 429 al. 1 CPP). Les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton qui a conduit la procédure; les dispositions contraires du présent code sont réservées (art. 423 al. 1 CPP).

3.2. Compte tenu de l'acquittement prononcé, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'Etat.

4.1. Selon l'art. 433 al. 1 let. a CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure si elle obtient gain de cause.

4.2. En l'espèce, compte tenu de l'acquittement du prévenu, les conclusions en indemnisation de A______ seront rejetées.

5.1. Aux termes de l'art. 429 al. 1 let. a CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.

5.2. En l'espèce, au vu de l'acquittement prononcé, les conclusions en indemnisation déposées par X______ lui seront allouées, dans la mesure où l'intervention d'un avocat pour la défense de ses intérêts était nécessaire.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 22 juin 2022 et l'opposition formée contre celle‑ci par X______ le 5 juillet 2022.

et statuant à nouveau :

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Acquitte X______ de diffamation (art. 173 ch. 1 CP).

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation sur la base de l’art. 433 al. 1 let. a CPP.

Condamne l'Etat de Genève à verser à X______ CHF 14'446.16, à titre d'indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP).

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'Etat (art. 423 al. 1 CPP).

Informe les parties que, dans l'hypothèse où elles forment un recours à l'encontre du présent jugement ou en demandent la motivation écrite dans les dix jours qui suivent la notification du dispositif (art. 82 al. 2 CPP), l'émolument de jugement fixé sera en principe triplé, conformément à l'art. 9 al. 2 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale (RTFMP; E 4.10.03).

La Greffière

Carole PRODON

La Présidente

Alessandra ARMATI

 

Vu le jugement du 23 janvier 2024;

Vu l'annonce d'appel faite par A______ par la voix de son Conseil, le 31 janvier 2024 (art. 82 al. 2 lit. b CPP);

Vu l'annonce d'appel faite par X______ par la voix de son Conseil, le 1er février 2024 (art. 82 al. 2 lit. b CPP);

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 RTFMP, l’émolument de jugement fixé est en principe triplé en cas d'appel ;

Qu'il se justifie, partant, de mettre à la charge de A______ et X______ un émolument complémentaire.

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______ et X______, à raison de moitié chacun.

 

La Greffière

Carole PRODON

 

La Présidente

Alessandra ARMATI

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

510.00

Convocations devant le Tribunal

CHF

75.00

Frais postaux (convocation)

Indemnités payées aux interprètes

CHF

CHF

14.00

120.00

Emolument de jugement

CHF

300.00

Etat de frais

CHF

50.00

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

Total

CHF

1'076.00

(à la charge de l’Etat)

 

Emolument de jugement complémentaire

 

Total des frais

 

CHF

 

CHF

==========

600.00

==========

1'676.00

 

Notification aux parties et au Ministère public, par voie postale.