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Décisions | Tribunal pénal

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P/12596/2022

JTCO/18/2023 du 09.02.2023 ( PENAL ) , JUGE

Normes : LStup.19; LStup.19
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL CORRECTIONNEL

Chambre 8


9 février 2023

 

MINISTÈRE PUBLIC

contre

X______, prévenue, née le ______ 1967, actuellement détenue à la Prison de Champ-Dollon, assistée de Me A______

Y______, prévenu, né le ______ 1992, actuellement détenu à la Prison de Champ-Dollon, assisté de Me B______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut :

- s'agissant de X______ à un verdict de culpabilité d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et g et al. 2 let. a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) et requiert le prononcé d'une peine privative de liberté de 36 mois assortie du sursis partiel, délai d'épreuve de 3 ans, la peine ferme étant fixée à 18 mois, l'expulsion de la prévenue pour une durée de 5 ans, sans inscription au SIS, et qu'elle soit condamnée à la moitié des frais de la procédure;

- s'agissant de Y______ à un verdict de culpabilité d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b et g et al. 2 let. a LStup et requiert le prononcé d'une peine privative de liberté de 36 mois assortie du sursis partiel, délai d'épreuve de 3 ans, la peine ferme étant fixée à 18 mois, l'expulsion du prévenu pour une durée de 5 ans, sans inscription au SIS, et qu'il soit condamné à la moitié des frais de la procédure.

X______, par la voix de son conseil, conclut à son acquittement d'infraction à l'art. 19 al 1 let. g LStup, ne s'opposant pas à un verdict de culpabilité au sens de l'art. 19 al. 1 let. b et 19 al. 2 let. a LStup, à ce qu'elle soit mise au bénéfice de la circonstance atténuante de la détresse profonde au sens de l'art. 48 let. a ch. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP; RS 311.0), au prononcé d'une peine clémente compatible avec le sursis, ne s'opposant pas à son expulsion, qu'il soit renoncé au signalement de l'expulsion au SIS, que ses téléphones lui soient restitués à l'exception de son téléphone Nokia, s'en rapportant à justice sur les frais de la procédure.

Y______, par la voix de son conseil, conclut au prononcé d'une peine clémente, compatible avec le sursis, s'en rapportant à justice pour le surplus.

 

EN FAIT

 

A. Par acte d'accusation du 14 novembre 2022, il est reproché :

- à X______ d'avoir, à Genève, dans la soirée du 8 juin 2022, été trouvée porteuse de 2 sacs en matière plastique de nourriture africaine dissimulant de la cocaïne sous forme d'ovules d'un poids total de 1'285,60 grammes de cocaïne à un taux de pureté oscillant entre 81,1 (+/- 1,2) % et 87,3 (+/- 1) %, drogue qu'elle avait transportée dans un vol de Lisbonne à Genève, puis de l'aéroport dans le bus TPG 10 jusqu'à l'arrêt Charmille, avant d'entrer en contact et de suivre à une trentaine de mètres de distance Y______, lequel était chargé de réceptionner ou d'aider à réceptionner la drogue. Le chiffre d'affaire à la revente de la drogue saisie a été estimé à CHF 385'680.

- à Y______ d'avoir, à Genève, pris toutes les mesures utiles pour, le 8 juin 2022, en soirée, réceptionner ou aider à réceptionner les 2 sacs en matière plastique transportés par X______ et contenant 1'285,60 grammes de cocaïne.

Ces faits ont été qualifiés de violation grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b et g et al. 2 let. a LStup).

B. Les éléments pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 8 juin 2022, la brigade judiciaire de l'aéroport a procédé à différents contrôles de passagers en provenance d'Espagne et du Portugal. Alors que les policiers se trouvaient au bureau des douanes touristiques, leur attention s'était portée sur X______, qui se trouvait seule à proximité des tapis à bagages. X______, porteuse d'un trolley de cabine uniquement, avait paru nerveuse lors de son passage en douane. Elle avait regardé vers les douaniers et avancé d'un pas hésitant, ce qui avait décidé les policiers à la suivre. Elle s'était rendue dans le hall des arrivées et semblait "un peu perdue". Elle était finalement sortie de l'aérogare pour se rendre aux arrêts de bus situés au niveau des enregistrements. La police avait décidé de continuer la surveillance de cette voyageuse et l'avait suivie dans son parcours. X______ avait pris le bus No 10 (direction gare Cornavin), et était descendue à la place des Charmilles. A cet endroit, elle avait eu un rapide contact avec un homme (identifié plus tard comme étant Y______), qu'elle avait suivi en conservant une distance d'une trentaine de mètres. Y______ s'était montré de plus en plus méfiant et avait accéléré le pas tout en se retournant à intervalle régulier. Convaincu que la police les observait, Y______ s'était rendu à un arrêt de bus. La police avait décidé d'intervenir et avait interpellé les deux individus au moment où elle avait compris qu'elle avait pu être repérée et que les individus se séparaient (B-1ss et p.v d'audience de jugement du 9 février 2023).

b. Au moment de l'interpellation, X______ était porteuse de 3 téléphones portables, de EUR 75.45 et d'un passeport de Guinée-Bissau. Dans sa valise se trouvaient 1'285,60 grammes de cocaïne, dissimulés dans des sacs plastiques qui contenaient de la nourriture (B-4 et C-33). Au sujet de cette drogue, le détail des résultats de son analyse (C-32), effectuée par échantillonnage, a mis en évidence des taux de pureté, en pourcents, de 81.1 +/- 1.2 (P001, ovule 1), 81.7 +/- 0.6 (P001, ovule 2), 87.7 +/- 0.4 (P001, ovule 3), 81.0 +/- 2.0 (P002, ovule 1), 87.3 +/- 1.0 (P002, ovule 2), 81.6 +/- 0.7 (P002, ovule 3). Vu le taux moyen de pureté, la quantité de stupéfiants représentait à la revente, en faisant l'hypothèse d'une triple recoupe, selon les calculs de la police, une valeur de (3 x 1'285.6 x CHF 100.00.-) CHF 385'680 (C-34). L'analyse ADN des quatre prélèvements transmis n'a pas mis en évidence de profils ADN sur les couches intérieures des ovules (C-34).

Y______ était quant à lui porteur d'un passeport portugais, d'un téléphone portable et de CHF 207.20 (B-4).

c. X______ a reconnu les faits qui lui étaient reprochés dès sa première audition (B-8). Un homme qu'elle connaissait depuis 4 mois, qu'elle dénommait "E______", lui avait proposé de faire ce transport contre une rémunération de EUR 2'500 (C-5), qu'elle devait percevoir une fois la drogue remise à Genève. "E______" était un de ses compatriotes de Guinée-Bissau qu'elle avait connu à Lisbonne. Contrairement à ce qu'elle avait pu indiquer au début de la procédure, "E______" n'était pas C______ (C-62). Il lui avait proposé ce transport de drogue et la rémunération prévue pour qu'elle puisse faire face à ses difficultés financières, qui étaient notamment dues à son état de santé, et dont elle lui avait fait part. "E______" lui avait remis la drogue à Lisbonne, et s'était chargé de l'achat du billet d'avion (C-6). Elle ne connaissait ni le site de la livraison, où elle devait être guidée, ni l'homme qui devait l'y conduire, à savoir Y______ (B-8 ; p.v d'audience de jugement du 9 février 2023).

Après avoir quitté l'aéroport et être arrivée à l'arrêt de bus, et selon l'instruction qu'elle avait reçue de "E______" par téléphone à son arrivée à Genève, elle avait suivi Y______. Elle l'avait reconnu grâce à une description physique que "E______" lui en avait faite par téléphone. Y______ avait marché rapidement et X______ avait peiné à le suivre. Elle avait téléphoné à "E______" pour qu'il demande Y______ de ralentir, mais ce dernier, qui avait eu un doute sur la présence de la police depuis le début de la rencontre (B-24), avait refusé et avait pressé le pas (p.v d'audience de jugement du 9 février 2023), jusqu'à être interpellé.

d. Après les avoir contestés à la police et au Ministère public, Y______ a reconnu les faits qui lui étaient reprochés mais a circonscrit son rôle à celui de "transporteur de la transporteuse". (p.v d'audience de jugement du 9 février 2023). Il avait reçu un appel d'un "ami qui est en Guinée-Bissau", qu'il nommera finalement "F______" (C-10) et que les investigations permettront d'identifier comme étant D______ (C-48, C-54). C'est ce "F______" qui lui avait demandé d'aller chercher une femme à la place des Charmilles et de la conduire au terminus de la ligne 7 ou 9 au Lignon (B-24, C-10 à 11).

Y______ a déclaré que pour ce service, il n'était censé toucher que CHF 100.00 (B-24, C-13, p.v d'audience de jugement du 9 février 2023) et que cette somme devait lui être remise par la personne censée "récupérer" X______ au Lignon. Il a finalement reconnu (p.v d'audience de jugement du 9 février 2023) qu'il savait que X______ transportait de la drogue mais a affirmé qu'il ignorait la nature et la quantité exacte des stupéfiants transportés.

e.a. X______ a déclaré qu'elle regrettait les faits. Elle était incarcérée depuis 7 mois et partageait sa cellule avec une toxicomane de 30 ans. Cette situation l'avait fait penser à sa fille et elle avait réalisé ce qu'elle avait fait (p.v d'audience de jugement du 9 février 2023).

e.b. Y______ a déclaré qu'il regrettait ce qu'il avait fait. Ses mois de détention lui avaient fait comprendre la leçon. Il avait causé du tort et de la souffrance à sa famille, dont il était l'unique source de revenu (p.v d'audience de jugement du 9 février 2023).

C.a. X______ est née le ______1967 à ______ en Guinée-Bissau, pays dont elle est ressortissante. Elle est célibataire et mère de 5 enfants, dont un fils mineur, avec lequel elle vit au Portugal au bénéfice d'un titre de séjour. Elle est sans formation et ne travaille plus depuis mars 2022 à cause de sa mauvaise santé. Elle est atteinte d'une infection au VIH-2, traitée au long cours et actuellement stable. Elle souffre également d'une insuffisance cardiaque, d'une fibrillation auriculaire et d'une hypertension artérielle. Elle devra vraisemblablement subir une intervention chirurgicale de la valve mitrale.

Selon ses déclarations, elle reçoit mensuellement EUR 37.00 d'allocations familiales au Portugal et EUR 600.00 de la part de ses filles.

X______ est sans antécédents judiciaires.

b. Y______, né le ______ 1992, est de nationalité portugaise. Il est célibataire et père d'une fille de 6 ans dont la mère s'occupe au Portugal. Il est arrivé en Suisse au mois de février ou mars 2021. Il avait cherché du travail en Suisse mais n'avait trouvé que des "petits boulots sans contrats" de nettoyage. Il avait réussi une fois à trouver un emploi avec la société ADECCO mais celle-ci avait rompu leur rapport de travail à cause de la langue. Il dormait "quelques fois en France, à Annemasse, chez [s]on oncle, quelques fois en Suisse à la Servette chez un ami".

Y______ a déclaré que lorsqu'il n'avait pas d'emploi, il travaillait dans le social, notamment en collaborant à l'armée du Salut.

Il est sans antécédents judiciaires.

 

EN DROIT

 

Culpabilité

1.1.1. Aux termes de l'art. 19 al. 1 LStup, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, sans droit, entrepose, expédie, transporte, importe, exporte des stupéfiants ou les passe en transit (let. b) ; celui qui prend des mesures aux fins de commettre une des infractions visées aux let. a à f (let. g).

1.1.2. L'art. 19 al. 2 LStup prévoit les cas aggravés pour lesquels une peine privative de liberté d'un an au moins doit être prononcée. Il réprime notamment le comportement de l'auteur qui sait ou ne peut ignorer que l'infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes (let. a). Cette formulation contient une condition objective (la mise en danger, directe ou indirecte, de la vie de nombreuses personnes) et une condition subjective (le fait que l'auteur le sache ou ne puisse l'ignorer). Les deux conditions sont cumulatives: l'intention de l'auteur (y compris le dol éventuel) ne peut suppléer l'absence de la condition objective (ATF 145 IV 312 c. 2.1.1; arrêts 6B_894/2020 du 26 novembre 2020 c. 1.1; 6B_1428/2019 du 5 février 2020 c. 1.1.2). 

Pour apprécier la mise en danger, directe ou indirecte, de la santé de nombreuses personnes, la quantité de stupéfiants en cause constitue un élément central d'appréciation, même si d'autres critères sont également susceptibles d'être pris en considération, tels les risques liés à une drogue particulièrement pure ou à un mélange dangereux (ATF 145 IV 312 consid. 2.1.1 et 2.1.2 et les références citées). Le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup lorsque le trafic de cocaïne porte sur une quantité supérieure à 18 g de substance pure (ATF 145 IV 312 c. 2.1.1; 138 IV 100 c. 3.2; 109 IV 143 c. 3b; arrêts 6B_281/2022 du 8 juin 2022 c. 1.2; 6B_894/2020 du 26 novembre 2020 c. 1.1). 

1.2.1. En l'espèce, il est établi par les constatations de la police, par les aveux de la prévenue et par les découvertes faites lors de son interpellation, que le 8 juin 2022 la prévenue a pris un avion du Portugal à Genève et importé puis transporté à Genève la quantité de 1285,60 grammes de cocaïne à un taux de pureté moyen de 85%. Une quantité de cocaïne de ce niveau de pureté pouvait être coupée 4 fois pour être revendue dans la rue à un taux de pureté de 20% pour un prix de CHF 100 le gramme.

Eu égard à la quantité saisie et au taux de pureté retenu, l'aggravante est réalisée. La prévenue a importé et transporté des stupéfiants et n'a pris aucune mesure au sens de l'art. 19 al. 1 let. g LStup. Il n'y a toutefois pas lieu à acquittement, les faits reprochés étant établis et constitutifs de l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. b LStup.

En conséquence, la prévenue sera reconnue coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b et al. 2 let. a LStup).

1.2.2. S'agissant de Y______, celui-ci a escorté la prévenue, qui transportait les stupéfiants, une fois celle-ci arrivée sur sol suisse. Ces faits sont établis sur la base des observations de la police, des aveux du prévenu, et des déclarations de la prévenue.

Y______ a pris en charge la prévenue à l'arrêt de bus de la place des Charmilles dans le but de la conduire jusqu'à sa destination, soit le terminus de la ligne 7 ou 9 au Lignon, pour la remise des stupéfiants à un tiers, connu de lui.

Les deux prévenus ont agi en qualité de coauteurs dans la mesure où ils ont agi ensemble, bien qu'ils aient évité de s'adresser la parole directement. Leurs agissements communs tendaient en effet à ce qu'ils transportent ensemble la marchandise jusqu'à sa destination finale, étant précisé qu'ils n'ont été arrêtés dans leur projet que par l'intervention de la police.

S'agissant de l'aggravante de la quantité, Y______ savait que la prévenue transportait de la drogue et qu'elle l'avait importée. Il s'est ainsi rendu coupable d'un transport de stupéfiant au sens de l'art. 19 al. 1 let. b LStup. La mission du prévenu était d'escorter la porteuse de la drogue, selon des instructions bien définies. L'ensemble de ces circonstances implique que le prévenu ne pouvait pas ignorer que la drogue à acheminer était importante.

En agissant de la sorte, le prévenu s'est rendu coupable, à tout le moins par dol éventuel, d'infraction à l'art. 19 al. 1 let b et al. 2 let. a LStup.

 

Peine

2.1.1.  La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur (art. 47 al. 1 phr. 1 CP).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP).

Il est tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 phr. 2 CP).

2.1.2. En matière de trafic de stupéfiants, la jurisprudence (ATF 127 IV 101) a dégagé les précisions suivantes. Le critère de la quantité de drogue trafiquée, même s'il ne joue pas un rôle prépondérant dans l'appréciation de la gravité de la faute, constitue sans conteste un élément important. Il perd toutefois de l'importance au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la limite à partir de laquelle le cas doit être considéré comme grave au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LStup. Le type et la nature du trafic en cause sont aussi déterminants. L'appréciation est différente selon que l'auteur a agi de manière autonome ou comme membre d'une organisation. Dans ce dernier cas, il importera de déterminer la nature de sa participation et sa position au sein de l'organisation : la faute d'un simple passeur est moins grave que celle de celui qui joue un rôle décisif dans la mise sur pied des opérations et qui participe de manière importante au bénéfice illicite (ATF 121 IV 202 c. 2d/cc p. 206). L'étendue du trafic entrera également en considération. Un trafic purement local sera en règle générale considéré comme moins grave qu'un trafic avec des ramifications internationales. Enfin, le nombre d'opérations constitue un indice pour mesurer l'intensité du comportement délictueux; celui qui écoule une fois un kilo d'héroïne sera en principe moins sévèrement puni que celui qui vend cent grammes à dix reprises. Outre les éléments qui portent sur l'acte lui-même, il faut tenir compte des mobiles de l'auteur, de ses antécédents et de sa situation personnelle. Ont aussi une grande importance la durée des infractions, leur but, notamment la recherche d'un profit rapide ou au contraire le dessein d'assurer de la sorte sa consommation personnelle.

2.1.3. A teneur de l'art. 40 CP, la durée de la peine privative de liberté est en règle générale de trois jours au moins et de 20 ans au plus. Lorsque la loi le prévoit expressément, la peine privative de liberté est prononcée à vie.

Selon l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d’une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l’auteur d’autres crimes ou délits (let. a) ; s’il y a lieu de craindre qu’une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).

Le juge peut suspendre partiellement l’exécution d’une peine privative de liberté d’un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l’auteur (art. 43 al. 1 CP).

2.1.4.1 Selon l'art. 48 let. a ch. 2 CP, le juge atténue la peine si l'auteur a agi dans une détresse profonde.

La détresse profonde au sens de cette disposition peut être une détresse matérielle comme d’une détresse morale. L’auteur croit ne pouvoir trouver une issue que dans la commission d’une infraction. Sa liberté de décision est donc restreinte par une représentation des circonstances de l’acte qui se rapproche d’un état de nécessité. Il s’agit toutefois d’une représentation subjective. L’auteur n’a pas, contrairement à ce que prévoit l'art. 18 al. 1 CP, à sacrifier un bien juridiquement protégé, mais il agit poussé par ce qu’il croit être un besoin impérieux ou craignant des conséquences qu’il perçoit comme dramatiques, par exemple, pour sauver sa carrière professionnelle ou ne pas perdre l’estime de ses proches. Le fait que la détresse résulte d’une faute ou d’une négligence de l’auteur ne suffit pas à exclure l’application de l'art. 48 let. a ch. 2 CP. Toutefois, une certaine proportionnalité doit être respectée entre les motifs qui ont poussé l’auteur à agir et l’importance des biens qu’il a lésés (CR CP I, 2009).

2.1.4.2. A teneur de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.

2.2.1. S'agissant de la prévenue, sa faute est importante. Elle s'est adonnée à un transport important de stupéfiants, soit plus d'un kilo de cocaïne, représentant à la revente une quantité de 4 kilos et une valeur marchande d'environ CHF 400'000. Cette quantité était propre à mettre en danger la santé de nombreuses personnes. Le trafic est international, la prévenue ayant importé les stupéfiants depuis l'étranger.

Elle a agi à une seule reprise et son rôle a été celui d'une mule, soit d'une simple exécutante au bas de l'échelle.

Son mobile est égoïste, mû par l'appât du gain, dès lors qu'elle a agi pour de l'argent facilement gagné.

La prévenue a une situation financière difficile et est en mauvaise santé. Elle souffre notamment d'une pathologie cardiaque qui nécessitera peut-être une opération. Cette situation personnelle explique en partie ses agissements mais ne les excuse pas.

La collaboration de la prévenue à l'enquête a été sans particularité. Elle semble avoir une bonne prise de conscience. Ses regrets sont centrés sur sa famille et sur elle-même.

La prévenue n'a pas d'antécédents judiciaires, facteur neutre sur la peine.

Vu ce qui précède, seule une peine privative de liberté entre en ligne de compte. Celle-ci sera assortie du sursis partiel.

Une peine de 30 mois, dont une partie à exécuter de 10 mois, sanctionne adéquatement la faute de la prévenue.

2.2.2. S'agissant de la peine du prévenu, le tribunal considère que sa faute est importante. Il a participé à un transport important de stupéfiants, soit plus d'un kilo de cocaïne, susceptible de représenter à la revente une quantité de 4 kilos et une valeur marchande d'environ CHF 400'000. Cette quantité était propre à mettre en danger la santé de nombreuses personnes. Le trafic est international, le prévenu ayant importé les stupéfiants depuis l'étranger.

Il a agi à une seule reprise, son rôle consistant à réceptionner la mule, à l'escorter et à l'amener au lieu de livraison.

Le Tribunal suppose que son mobile est égoïste, mû par l'appât du gain, dès lors qu'il exclut toute forme de pression, de crainte ou de dépendance qui l'aurait poussé à agir.

Sa situation personnelle n'est pas documentée. Si ses explications étaient suivies, notamment sur le fait qu'il gagnait jusqu'à CHF 3'000.- selon les mois, cela aurait dû le détourner de commettre une telle infraction.

La collaboration du prévenu à l'enquête a été sans particularité.

Il semble avoir une bonne prise de conscience. Ses regrets sont centrés sur sa famille et sur lui-même.

Il n'a pas d'antécédents judiciaires, facteur neutre sur la peine.

Si la situation personnelle de la prévenue constitue un élément à décharge plus important que pour le prévenu, en revanche, les actes de celle-ci comportent une intensité délictuelle plus importante, ce qui justifie que les 2 prévenus soient condamnés à la même peine et à la même partie ferme.

En conséquence, une peine de 30 mois, dont une partie à exécuter de 10 mois, sanctionne adéquatement la faute du prévenu.

 

Expulsion

3.1.1. Selon l'art. 66a CP, le juge expulse de Suisse l’étranger qui est condamné pour infraction à l’art. 19 al. 2 LStup, quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans (al. 1 let. o CP).

3.1.2. Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. A cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (al. 2).

Il s'agit de faire une pesée des intérêts entre l'intérêt à l'éloignement et la situation personnelle du condamné (art. 8 CEDH), avec comme critères déterminants : la gravité de l'infraction, la culpabilité de l'auteur, le temps écoulé depuis l'infraction, le comportement de celui-ci pendant cette période, le degré de son intégration et la durée de son séjour antérieur, ainsi qu'aux inconvénients qui le menacent, lui et sa famille, en cas de renvoi, la durée du séjour en Suisse, l'intensité des liens de l'étranger avec la Suisse et des difficultés de réintégration dans son pays d'origine (GRODECKI, Nouveautés en droit des sanctions: de la peine pécuniaire à l’expulsion, Conférence organisée par le Comité de la Société genevoise de droit et de législation, janvier 2017).

3.2. En l'espèce, l'expulsion est obligatoire selon l'art. 66a al. 1 let O CP. La prévenue est venue en Suisse dans le but de commettre l'infraction retenue. Le prévenu n'a pas non plus quelque attache que ce soit en Suisse, où il se trouve depuis moins de 2 ans. Ainsi pour les deux prévenus, l'intérêt public à l'expulsion prime tout considération de nature privée. Au demeurant, ils ne s'opposent pas à leur expulsion.

Les deux prévenus seront expulsés pour une durée de 5 ans.

Il sera renoncé à l'inscription SCHENGEN de cette expulsion pour la prévenue au vu du fait qu'elle a un titre de résidence au Portugal et des attaches ailleurs en Europe.

Frais, inventaires et indemnités

4.1.1.  A teneur de l'art. 69 CP, alors même qu'aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

4.1.2. L'art. 267 al. 1 CPP dispose que si le motif du séquestre disparaît, le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit. D'après l'alinéa 3 de ce même article, il est statué dans la décision finale sur la restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation.

4.2. S'agissant des inventaires, le téléphone NOKIA (chiffre 1 de l'inventaire 35185220220609) de la prévenue sera confisqué pour être détruit, tout comme le téléphone du prévenu (chiffre 1 de l'inventaire n° 35185020220609).

Les autres téléphones de la prévenue (chiffres 2 et 3 de l'inventaire 35185220220609) lui seront restitués.

La drogue (chiffres 5 et 6 de l'inventaire 35185220220609) sera confisquée et détruite.

5. Les prévenus seront condamnés pour moitié chacun aux frais de la procédure (art. 426 al. 1 CPP).

La créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure sera compensée à due concurrence avec le solde des valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffres 2 de l'inventaire n° 35185020220609 et 4 de l'inventaire n° 35185220220609 (art. 442 al. 4 CPP)

6. Les indemnités des défenseurs d'office sont fixées conformément à l'art. 135 CPP.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable d'infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b et 19 al. 2 let. a LStup).

Condamne X______ à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 246 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 10 mois.

Met pour le surplus X______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit X______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de X______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. o CP).

Dit que l'exécution de la partie ferme de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Renonce au signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS; RS 362.0).

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de X______ (art. 231 al. 1 CPP).

Déclare Y______ coupable d'infraction grave à la Loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. b et 19 al. 2 let. a LStup).

Condamne Y______ à une peine privative de liberté de 30 mois, sous déduction de 246 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Dit que la peine est prononcée sans sursis à raison de 10 mois.

Met pour le surplus Y______ au bénéfice du sursis partiel et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 43 et 44 CP).

Avertit Y______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de Y______ pour une durée de 5 ans (art. 66a al. 1 let. o CP).

Dit que l'exécution de la partie ferme de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Ordonne, par prononcé séparé, le maintien en détention pour des motifs de sûreté de Y______ (art. 231 al. 1 CPP).

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue figurant sous chiffres 5 et 6 de l'inventaire n° 35185220220609 (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation et la destruction des téléphones portables figurant sous chiffres 1 des inventaires n° 35185020220609 et 35185220220609 (art. 69 CP).

Ordonne la restitution X______ des téléphones portables figurant sous chiffres 2 et 3 de l'inventaire n° 35185220220609 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Fixe à CHF 7'723.90 l'indemnité de procédure due à Me A______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Fixe à CHF 4'912.30 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de Y______ (art. 135 CPP).

Condamne X______ et Y______, chacun pour moitié, aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 6'726.20, y compris un émolument de jugement de CHF 1'500.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec le solde des valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffres 2 de l'inventaire n° 35185020220609 et 4 de l'inventaire n° 35185220220609 (art. 442 al. 4 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Secrétariat d'Etat aux migrations, Office fédéral de la police, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Jessica GOLAY-DJAZIRI

La Présidente

Rita SETHI-KARAM

 

Voies de recours

Les parties peuvent annoncer un appel contre le présent jugement, oralement pour mention au procès-verbal, ou par écrit au Tribunal pénal, rue des Chaudronniers 9, case postale 3715, CH-1211 Genève 3, dans le délai de 10 jours à compter de la communication du dispositif écrit du jugement (art. 398, 399 al. 1 et 384 let. a CPP).

 

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

Etat de frais

Frais du Ministère public

CHF

4982.20

Convocations devant le Tribunal

CHF

180.00

Frais postaux (convocation)

CHF

14.00

Emolument de jugement

CHF

1'500.00

Etat de frais

CHF

50.00

Total

CHF

6'726.20

 

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

X______

Avocate :  

Me A______

Etat de frais reçu le :  

8 février 2023

 

Indemnité :

Fr.

5'525.85

Forfait 20 % :

Fr.

1'105.15

Déplacements :

Fr.

355.00

Sous-total :

Fr.

6'986.00

TVA :

Fr.

537.90

Débours :

Fr.

200.00

Total :

Fr.

7'723.90

Observations :

- Frais d'interprètes Fr. 200.–

- 26h40 à Fr. 200.00/h = Fr. 5'333.35.
- 1h45 à Fr. 110.00/h = Fr. 192.50.

- Total : Fr. 5'525.85 + forfait courriers/téléphones 20 % = Fr. 6'631.–

- 3 déplacements A/R à Fr. 100.– = Fr. 300.–
- 1 déplacement A/R à Fr. 55.– = Fr. 55.–

- TVA 7.7 % Fr. 537.90

 

Indemnisation du défenseur d'office

Bénéficiaire :  

Y______

Avocat :  

Me B______

Etat de frais reçu le :  

30 janvier 2023

 

Indemnité :

Fr.

3'153.35

Forfait 20 % :

Fr.

630.65

Déplacements :

Fr.

220.00

Sous-total :

Fr.

4'004.00

TVA :

Fr.

308.30

Débours :

Fr.

600.00

Total :

Fr.

4'912.30

Observations :

- Frais d'interprètes Fr. 600.–

- 28h40 admises* à Fr. 110.00/h = Fr. 3'153.35.

- Total : Fr. 3'153.35 + forfait courriers/téléphones 20 % = Fr. 3'784.–

- 4 déplacements A/R à Fr. 55.– = Fr. 220.–

- TVA 7.7 % Fr. 308.30

 

* En application de l'art. 16 al. 2 RAJ, réductions de 1h30 (poste "audiences") et 3h45 (poste "procédure"):
- les rédactions de divers courriers (MP, Tribunal correctionnel) sont des prestations comprises dans le forfait "courriers/téléphones".
- la préparation de l'entretien avec le prévenu n'est pas prise en charge par l'assistance juridique.
- l'assistance juridique admet 1h00, à bien plaire, pour les recherches juridiques pour les stagiaires

- le temps des déplacements aux audiences est compris dans le forfait "déplacements", le poste "audiences" a été ajusté en conséquence.


Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

Notification à X______
Reçu du présent prononcé
Genève, le 9 février 2023 Signature :

Notification à Y______
Reçu du présent prononcé
Genève, le 9 février 2023 Signature :

Notification au Ministère public
Reçu du présent prononcé
Genève, le 9 février 2023 Signature :

Notification à Me A______, défenseur d'office
Reçu du présent prononcé
Genève, le 9 février 2023 Signature :

Notification à Me B______, défenseur d'office
Reçu du présent prononcé
Genève, le 9 février 2023 Signature :