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Décisions | Tribunal pénal

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P/9841/2019

JTDP/1040/2022 du 29.08.2022 sur OPMP/8612/2021 ( OPOP ) , JUGE

Normes : CP.139
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

pouvoir judiciaire

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL DE POLICE

Chambre 4


29 août 2022

 

MINISTÈRE PUBLIC

A______, domicilié p.a. B______ B______ SA (rectification d'erreur matérielle, art. 83 al. 1 CPP), sise ______, partie plaignante

contre

X______, né le ______1990, Domicile élu : c/o Me C______, ______ Genève, prévenu, assisté de Me C______


CONCLUSIONS FINALES DES PARTIES :

Le Ministère public conclut à un verdict de culpabilité du chef de vol. Il requiert une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 80.-, sous déduction de 43 jours de détention avant jugement, assortie du sursis avec délai d'épreuve de 3 ans, la levée du séquestre opéré en mains de POSTFINANCE SA sur le compte IBAN CH1______ au nom de X______ et la condamnation du prévenu aux frais de la procédure.

B______ SA s'en rapporte à justice.

X______, par la voix de son Conseil, conclut à son acquittement, à l'octroi de ses prétentions en indemnisation et à la restitution des biens figurant aux inventaires.

*****

Vu l'opposition formée le 28 septembre 2021 par X______ à l'ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 21 septembre 2021;

Vu l'ordonnance sur opposition du Ministère public du 29 novembre 2021;

Vu l'art. 356 al. 2 CPP selon lequel le Tribunal de première instance statue sur la validité de l'ordonnance pénale et de l'opposition;

Attendu que l'ordonnance pénale et l'opposition sont conformes aux prescriptions des art. 352, 353 et 354 CPP.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant sur opposition :

Déclare valables l'ordonnance pénale du 21 septembre 2021 et l'opposition formée contre celle-ci par X______ le 28 septembre 2021.

et statuant à nouveau :

EN FAIT

A. Par ordonnance pénale du 21 septembre 2021 valant acte d'accusation, il est reproché à X______ d'avoir, le 1er mai 2019, dans les locaux de la société B______SA (ci-après également: B______) à ______, au sein de laquelle il était employé en qualité de livreur, de concert avec D______, également manutentionnaire au sein de B______, dérobé deux colis (n° 2______ et n° 3______) contenant 20 téléphones de marque APPLE (Iphone XS 256GB Space Grey) et 5 coques Tech21 Evo Check (pour Iphone X), d'une valeur totale de CHF 24'898.56, dans le dessein de se les approprier et de s'enrichir illégitimement à concurrence de leur valeur, faits qualifiés de vol au sens de l'art. 139 ch. 1 CP.

B. Les éléments pertinents suivants ressortent de la procédure.

a. La société B______ SA est une entreprise de livraison, sise ______, pour laquelle X______ était chauffeur-livreur depuis plus de 3 ans et D______ occupait le poste de manutentionnaire depuis environ une année. La mission de D______ consistait à faire des recherches d'adresse lorsqu'elles étaient erronées, à scanner les colis et à recevoir les clients au dépôt. Il travaillait de manière indépendante, dans le local "______".

b.a. Le 8 mai 2019, A______, agissant en sa qualité de superviseur au sein de B______, a fait appel à la police suite à des colis dérobés. Il s'est ensuite rendu à la police pour déposer une plainte pénale.

Il a indiqué que, suite à des réclamations de la part d'un client expéditeur informant B______ qu'un destinataire n'aurait pas reçu deux de ses colis, soit les colis n° 2______ et n° 3______, il a effectué des recherches internes qui ont permis de mettre en lumière que la trace de ces colis avait été perdue le 1er mai 2019. Il a donc décidé de visionner les images de vidéosurveillance.

Durant son audition, A______ a expliqué qu'en date du 8 mai 2019, il avait questionné D______ au sujet des colis manquants et lui avait montré les vidéos. Celui-ci avait immédiatement reconnu les faits. En revanche, lorsqu'il lui avait été demandé de restituer les colis, D______ avait tenu des propos incohérents.

En outre, il a indiqué que X______ avait poussé les deux colis hors du tapis, alors que ceux-ci auraient dû y rester. Ayant déjà effectué des livraisons chez cet expéditeur, X______ savait que ce client avait des marchandises à forte valeur ajoutée.

b.b. Sur les images de vidéosurveillance du 1er mai 2019, on voit un individu, identifié plus tard comme étant X______, pousser les deux colis hors du tapis. On voit ensuite un individu, identifié plus tard comme étant D______, en train de récupérer deux colis qui avaient été placés sur le tapis convoyeur, les cacher sous son sac, se rendre dans le local où il travaillait, ranger le premier colis au fond du local, l'ouvrir puis dissimuler le butin, soit des téléphones, dans son sac. Il ressort aussi des images de vidéosurveillance qu'il cache ensuite le second colis sous une palette. Quelques instants plus tard, il le place dans une poubelle et sort à l'extérieur du dépôt, muni de la poubelle. Finalement, il revient à l'intérieur du dépôt, la poubelle vide.

c.a. Auditionné par la police le 8 mai 2019, D______ a immédiatement reconnu les faits reprochés.

Il a déclaré que, quelques jours avant les faits, il avait discuté avec X______. Ce dernier lui avait expliqué qu'il savait déterminer quel colis contenait des appareils électroniques et qu'il y avait "de l'argent à se faire". Il pouvait mettre de côté des colis, faisant semblant qu'il s'agissait de colis non réceptionnés que D______ devrait traiter. Après plusieurs discussions durant les pauses cigarettes, ils avaient pris la décision de passer à l'acte. Il a précisé avoir la même responsabilité que X______.

Le 1er mai 2019, il avait commencé le travail à son habitude en scannant les colis puis en passant dans le dépôt pour vérifier auprès des chauffeur-livreurs que tout se passait bien. X______ lui avait fait signe en indiquant qu'il y avait des colis intéressants "à traiter". En milieu de matinée, X______ l'avait interpelé lors de son passage de vérification et lui avait signifié qu'il avait "un problème avec deux colis". Il avait compris qu'il fallait prendre ces deux colis et les mettre de côté. Avant d'ouvrir les colis, D______ et X______ ne savaient pas exactement ce qu'il y avait dans les colis, mais seulement qu'il s'agissait de produits de valeur. Il avait mis un premier colis directement dans un sac poubelle, destiné à être récupéré par X______, et l'avait placé à l'extérieur du local. Il avait ensuite ouvert le second paquet et avait tout de suite mis les téléphones dans son sac.

Il a également avoué avoir dérobé d'autres colis à son travail, mais seul, notamment un iPhone 8 un mois auparavant environ et des Airpods.

c.b. Entendu à nouveau le 9 mai 2019 par la police, D______ a fourni des détails sur les objets dont il s'était emparé dans les locaux de B______ et a réitéré sa mise en cause à l'égard de X______. Il a aussi déclaré qu'il avait dérobé des colis à plusieurs reprises, mais une seule fois avec X______ et ce, en date du 1er mai 2019. Il ignorait si ce dernier avait pour habitude de voler, mais il lui semblait qu'il connaissait "la combine" pour se servir dans les cartons ou dérober des colis.

Sur présentation d'une planche photographique, D______ a formellement reconnu le n° 7, X______, comme étant "XA______", à savoir celui avec qui il avait dérobé les deux colis.

d. Lors de la perquisition de l'appartement de D______, la police a découvert un sac comprenant les 10 boîtes originales contenant chacune un téléphone de marque APPLE (iPhone XS 256GB Space Grey), ainsi que trois boîtes contenant chacune une coque Tech21 Evo Check (pour iPhone X). S'agissant des téléphones, les numéros de série correspondaient aux objets qui se trouvaient dans l'un des colis subtilisés.

e. Auditionné le 10 mai 2019 par le Ministère public, D______ a confirmé en substance ses précédentes déclarations, notamment que X______ était son complice pour le vol. Il a admis avoir voulu obtenir un enrichissement personnel, désirant revendre les téléphones dérobés même s'il n'avait pas encore de plan pour ce faire. Il a expliqué avoir conservé 10 iPhones et que X______ en avait gardé 10 autres.

f. X______ a été interpellé sur son lieu de travail le 13 mai 2019, date de son retour au travail après des vacances.

Lors de ses deux auditions à la police le même jour, X______ a contesté les faits reprochés. Il n'était pas au courant que D______ avait été arrêté, ce dernier ne l'ayant pas contacté. Il n'avait pas de contact particulier avec lui, à l'exception de messages occasionnels.

Confronté aux images de vidéosurveillance sur lesquelles on le voyait pousser deux colis à l'extérieur du tapis roulant, il a précisé qu'il devait sortir tous les jours des paquets du tapis roulant. Dès lors, cela ne constituait pas un comportement suspect. Il avait d'ailleurs entendu qu'il était "sur la sellette" et n'était guère étonné d'être licencié. Les accusations à son encontre étaient complètement mensongères et il trouvait inadmissible que D______ l'implique de cette manière. Il avait déjà été condamné en France pour des bagarres et des vols, mais depuis à tout le moins 7 ans, il n'avait plus eu à faire à la justice.

g. Lors de cette audition, la police a saisi le téléphone de X______ afin d'en analyser les données. Toutefois, le téléphone avait été réinitialisé le 12 mai 2019. A ce sujet, X______ a indiqué avoir réinitialisé son téléphone la veille de son retour au travail et de son arrestation car il fonctionnait mal. Il s'agissait d'un hasard si cette réinitialisation avait eu lieu le jour précédant son retour de vacances.

h. La perquisition de l'appartement de X______ n'a pas permis à la police française de retrouver le second colis dérobé ni son contenu. En revanche, certains objets de provenance douteuse, notamment 20 câbles USB de marque APPLE (pour iPhone), se trouvant dans leur emballage d'origine, ont été saisis.

i. Entendu par le Ministère public le 14 mai 2019, X______ a persisté à contester les faits. Il a indiqué notamment qu'un chauffeur était absent le 1er mai 2019, raison pour laquelle il avait dû pousser tous les paquets qui passaient devant lui. Les vidéos montraient d'ailleurs qu'il avait poussé bien plus de paquets.

j.a. Au cours de l'audience de confrontation du 5 juin 2019, D______ a confirmé ses déclarations en lien avec les faits du 1er mai 2019, précisant que X______ et lui s'étaient mis d'accord pour se partager le butin à parts égales. Ils ne s'étaient pas appelés pour se coordonner. Toutefois, ils avaient parlé du butin après le vol. Il n'avait pas informé X______ de son arrestation, mais elle avait eu lieu en présence de certains de ses collègues de travail. Ses employeurs ne lui avaient rien promis en échange d'informations pertinentes sur X______.

j.b. X______, quant à lui, a continué de nier les faits, indiquant qu'il n'était pas en conflit avec D______ et que la réinitialisation de son téléphone la veille de son retour au travail et de son arrestation avait été effectuée alors qu'il ignorait que D______ avait été arrêté. Il y avait entre 8'500 et 10'000 colis qui passaient tous les jours. Son travail consistait, entres autres, à sortir des colis qui appartenaient à son secteur de la chaîne. L'identité du destinataire était visible sur le colis, mais pas celle de l'expéditeur. Il arrivait tous les jours qu'il pousse des colis qui n'appartenaient pas à sa zone, parfois pour donner un coup de main à un collègue.

k.a. A teneur du rapport de police du 17 juin 2019, une extraction du téléphone de X______ a confirmé que ce dernier avait réinitialisé son téléphone le 12 mai 2019. Dès lors, l'analyse des données n'avait pas permis de mettre en évidence des éléments en lien avec le vol. Ledit rapport de police précise qu'il restait possible que les données réinitialisées aient été sauvegardées via iCloud, mais que X______ avait refusé de donner le mot de passe, ce qui avait rendu son analyse impossible. Pour le surplus, le numéro de D______ était absent du répertoire du téléphone de X______ et les appels entre le 5 mars 2019 et le 12 mai 2019 avaient été effacés de l'historique.

k.b. Toujours selon ce même document, un examen approfondi du téléphone de D______ a permis relever que ce dernier et X______ s'étaient appelés par téléphone qu'à deux occasions, soit les 4 avril et 1er mai 2019. Durant la journée du 1er mai 2019, ils s'étaient appelés au total 10 fois entre 6h57 et 19h34, dont 3 appels manqués. Les appels avaient duré entre 4 secondes et 4 minutes. Parmi ces appels téléphoniques, 4 d'entre eux avaient eu lieu après 19h30, soit après leurs heures de travail, D______ ayant terminé son travail à 19h30 et X______ à 15h00. En revanche, aucune conversation (SMS, Whatsapp ou autres) n'a été retrouvée. Le rapport de police relève toutefois que D______, le jour de son arrestation, avait son téléphone dans la main et le manipulait entre le moment où il a été convoqué par sa hiérarchie et l'intervention de la police. Il avait ainsi pu effacer définitivement un certain nombre de données (messages, photographies, etc.) susceptibles de l'incriminer pour ce vol.

l. En date du 16 juillet 2019, D______ et X______ ont à nouveau été entendus par le Ministère public.

l.a. Confronté durant l'audience du 16 juillet 2019 aux appels répétés en date du 1er mai 2019, D______ a affirmé ne pas se souvenir de l'existence de ces appels ni de leur contenu, puis a indiqué qu'ils avaient peut-être un lien avec le vol commis le jour-même. Pour le surplus, il a confirmé ses déclarations en lien avec l'implication de X______ dans le vol du 1er mai 2019.

l.b. X______ a déclaré que les appels étaient en lien avec leur travail. La durée des appels s'expliquait par le fait qu'ils se donnaient des numéros de références qui permettaient à D______ de retrouver les données clients d'un colis, lorsqu'il y avait un problème. Il a ajouté qu'il avait également réinitialisé son téléphone après ses vacances à cause de photos compromettantes qu'il ne souhaitait pas que sa copine voie.

m. A teneur du relevé du compte bancaire du prévenu auprès de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, le solde de ce compte était négatif pour chaque relevé mensuel de février à mai 2019.

n. Lors de l'audience du 11 juin 2021, X______ a indiqué, entre autres, avoir "repris sa vie en main" et qu'il avait retrouvé un travail en octobre 2019 en tant que chauffeur-livreur.

o. D______ a fait l'objet d'une ordonnance pénale le condamnant pour vol au sens de l'art. 139 ch. 1 CP, laquelle est entrée en force.

p. X______ a formé opposition à l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 21 septembre 2021.

q. Lors de l'audience sur opposition du 16 novembre 2021, X______ a une fois de plus contesté les faits, indiquant qu'il n'avait "rien à voir avec cette histoire". Il ne pouvait toujours pas expliquer pourquoi D______ l'avait impliqué pour le vol du 1er mai 2019.

C.a. Lors de l'audience de jugement du 29 août 2022, X______ a persisté à contester les faits reprochés. Les images tirées des caméras de surveillance ne faisaient que refléter ce qui était son comportement habituel au travail, dès lors qu'il lui était demandé tous les jours de sortir des colis du tapis. Il ne pouvait fournir d'explications sur les éventuelles motivations de D______ qui continuait de l'accuser de manière constante.

Confronté aux échanges téléphoniques qu'il avait entretenus avec D______ les 4 avril et 1er mai 2019, y compris plusieurs appels le soir, il a indiqué qu'il avait l'habitude d'avoir des contacts téléphoniques avec lui dans l'hypothèse d'un problème d'adressage et que le 1er mai 2019, il avait "laissé un colis".

Confronté à ses explications s'agissant de la réinitialisation de son téléphone et le fait qu'il aurait pu se limiter à effacer les photos gênantes, il s'est contenté d'affirmer que "les photos restaient". Il a ajouté que ces photos gênantes avaient été prises durant des vacances passées en compagnie de sa copine.

b. B______, représentée par A______, a confirmé sa plainte pénale. A______ a précisé n'avoir jamais vu X______ adopter un comportement contraire à ce qui lui était demandé dans le cadre de son travail. La plainte n'avait été déposée qu'après le constat des actes commis par D______.

D. X______ est né le ______1990 à ______, en France, pays dont il est originaire. Il est séparé et n'a pas d'enfant. Selon ses dires, il travaille en qualité de chauffeur-livreur et perçoit un salaire mensuel net de CHF 4'063.-, impôts déduits.

X______ n'a pas d'antécédent judiciaire en Suisse. A teneur de son casier judiciaire français, il a été condamné à 5 reprises entre 2009 et 2014, essentiellement pour des infractions en matière de circulation routière, mais également en mai 2009 à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour vol avec violence.

 

EN DROIT

Culpabilité

1.1.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence garantie par l'art. 6 § 2 CEDH et, sur le plan interne, par l'art. 32 al. 1 Cst. et l'art. 10 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, ce principe signifie qu'il incombe à l'accusation d'établir la culpabilité de l'accusé, et non à ce dernier de démontrer son innocence. Il est violé lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a, in JdT 2004 IV 65; 120 Ia 31 consid. 2c et 2d, in JdT 1996 IV 79).

Comme règle de l'appréciation des preuves, le principe in dubio pro reo signifie que le juge ne peut se déclarer convaincu d'un état de fait défavorable à l'accusé, lorsqu'une appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à l'existence de cet état de fait (ATF 127 I 38 consid. 2a, in JdT 2004 IV 65; 124 IV 86 consid. 2a, in JdT 1999 IV 136; 120 Ia 31 consid. 2c, in JdT 1996 IV 79). Le juge peut forger sa conviction quant aux faits sur la base d'un ensemble d'éléments ou d'indices convergents. Un jugement de culpabilité peut reposer, à défaut de témoignages oculaires ou de preuves matérielles irréfutables, sur des indices propres à fonder la conviction du Tribunal (ATF 144 II 246 consid. 6.4.3; arrêt du Tribunal fédéral 1P_221/1996 du 17 juillet 1996 consid. 2).

1.1.2. Selon l'art. 139 ch. 1 CP, celui qui, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier, sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Le vol est consommé dès que la soustraction est parfaite, soit dès qu'une nouvelle possession est créée, et l'infraction est achevée avec l'appropriation effective de la chose mobilière soustraite et avec la réalisation de l'enrichissement recherché par l'auteur ou par un tiers (Petit commentaire du Code pénal, Helbing & Lichtenhahn, 2ème édition, 2017, N. 16 et 17 ad art. 139 CP). La soustraction se définit comme la rupture de la possession d'autrui, contraire à la volonté de l'ayant droit, aboutissant à la création d'une nouvelle possession, en général en faveur de l'auteur lui-même (ATF 132 IV 108 consid. 2.1 ; 112 IV 9 consid. 2a, in JdT 1987 IV 5).

1.1.3. Est un coauteur celui qui collabore, intentionnellement et de manière déterminante, avec d'autres personnes à la décision de commettre une infraction, à son organisation ou à son exécution, au point d'apparaître comme l'un des participants principaux. Il faut que, d'après les circonstances du cas concret, la contribution du coauteur apparaisse essentielle à l'exécution de l'infraction. La seule volonté quant à l'acte ne suffit pas. Il n'est toutefois pas nécessaire que le coauteur ait effectivement participé à l'exécution de l'acte ou qu'il ait pu l'influencer. La coactivité suppose une décision commune, qui ne doit cependant pas obligatoirement être expresse, mais peut aussi résulter d'actes concluants, le dol éventuel quant au résultat étant suffisant. Il n'est pas nécessaire que le coauteur participe à la conception du projet; il peut y adhérer ultérieurement. Il n'est pas non plus nécessaire que l'acte soit prémédité; le coauteur peut s'y associer en cours d'exécution. Il est déterminant que le coauteur se soit associé à la décision dont est issue l'infraction ou à la réalisation de cette dernière, dans des conditions ou dans une mesure qui le font apparaître comme un participant non pas secondaire, mais principal (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.1; 130 IV 58 consid. 9.2.1, in JdT 2004 IV 486; 125 IV 134 consid. 3a; in SJ 2008 I 373 consid. 7.3.4.5).

1.2. En l'espèce, dans la mesure où le prévenu nie toute implication et en l'absence de témoins des événements, le Tribunal doit se baser sur les déclarations des parties et leur valeur probante ainsi que sur les autres éléments matériels du dossier venant les corroborer. Le Tribunal retient que les déclarations de D______ sont crédibles, cohérentes et convaincantes. En effet, ces déclarations ont été d'emblée détaillées et elles sont restées constantes tout au long de la procédure. En particulier, D______ a immédiatement avoué devant la police son implication ainsi que celle du prévenu en fournissant des détails sur la manière dont ils en étaient venu à agir et leur façon de procéder. Il n'a par ailleurs aucune raison de mentir en mettant en cause le prévenu, soit un autre employé plus expérimenté dans la société. En sus, D______ et le prévenu ne font état d'aucun conflit qui aurait pu engendrer de fausses accusations de sa part. Le Tribunal retient ainsi qu'il n'y a pas de volonté soupçonnable de la part de D______ de vouloir impliquer à tort le prévenu, d'autant plus qu'il s'incrimine pour d'autres vols - qui d'ailleurs n'avaient même pas été signalés par la plaignante - et non pas le prévenu. Pour le surplus, ses premières déclarations à la police, au cours desquelles il a expliqué son mode opératoire le jour des faits, correspondent aux constatations de la police - et du Tribunal - découlant des images de vidéosurveillance.

Quant au prévenu, il s'est contenté de nier de façon persistante, sans apporter d'autres explications plus convaincantes, allant même jusqu'à accuser son employeur de chercher, par le biais du dépôt d'une plainte, une manière de le licencier.

La réinitialisation du téléphone, la veille de son retour au travail, s'explique difficilement par une autre raison que celle de vouloir cacher des éléments susceptibles de l'incriminer. A ce sujet, le prévenu n'a pas fourni d'explications claires et convaincantes, en commençant d'abord par indiquer que son téléphone dysfonctionnait puis qu'il cherchait à cacher des photos compromettantes à sa copine, bien qu'une simple suppression des photos eût suffi. La disparition de D______ en tant que contact dans le répertoire téléphonique laisse également supposer que le prévenu a cherché par tous les moyens à supprimer des éléments compromettants le liant à son comparse. Les différents contacts téléphoniques le jour des faits, seule date – mise à part le 4 avril 2019 – où D______ et le prévenu ont échangé des appels téléphoniques, semblent difficilement explicables par d'autres raisons que pour discuter du vol ou des suites de celui-ci.

Ainsi, les déclarations du prévenu n'emportent pas la conviction du Tribunal.

Les images de vidéosurveillance, sur lesquelles on voit le prévenu pousser deux colis, sont certes peu parlantes. Toutefois, juxtaposées aux autres éléments, elles apparaissent cohérentes et mettent clairement en cause le prévenu pour le vol des deux colis.

L'absence des objets volés dans l'appartement du prévenu ne fait pas obstacle à une condamnation, dès lors que la perquisition a eu lieu plus de 10 jours après le vol et qu'il a amplement eu le temps, dans l'intervalle, de se débarrasser du butin ou encore le revendre, d'autant plus s'il avait été mis au courant de l'arrestation de D______.

Au vu de ce qui précède, en particulier des déclarations constantes et cohérentes de D______, le Tribunal a acquis la conviction que le prévenu a participé au vol des deux colis, l'ensemble des éléments évoqués ci-dessus constituant un faisceau d'indices suffisant.

Partant, il sera reconnu coupable d'infraction de vol au sens de l'art. 139 ch. 1 CP.

Peine

2.1.1. La peine sera fixée d'après la culpabilité de l'auteur (art. 47 al. 1 phr. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP). Il sera tenu compte des antécédents de l'auteur, de sa situation personnelle ainsi que de l'effet de la peine sur son avenir (art. 47 al. 1 phr. 2 CP). Il appartient au juge de pondérer les différents facteurs de la fixation de la peine (ATF 134 IV 17 consid. 2.1).

2.1.2. Selon l'art. 34 CP, sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe leur nombre en fonction de la culpabilité de l'auteur (al. 1), ainsi que le montant selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital (al. 2).

2.1.3. Selon l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits. Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis - ou du sursis partiel -, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur. En l'absence de pronostic défavorable, il doit prononcer le sursis. Celui-ci est ainsi la règle dont le juge ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable ou hautement incertain (ATF 135 IV 180 consid. 2.1; 134 IV 1 consid. 4.2.2).

Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

2.1.4. A teneur de l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure.

2.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas négligeable. Il s'en est pris au patrimoine de clients de son employeur, trahissant ainsi la confiance de ce dernier. Il a agi au mépris de la législation suisse en vigueur, par appât du gain facile, de manière à augmenter ses revenus réguliers et par pure convenance personnelle, soit des mobiles égoïstes.

Sa collaboration est mauvaise, dès lors qu'il a, de manière constante, nié les faits, accusant même son employeur d'avoir de toute manière cherché à le licencier.

Sa situation personnelle, certes modeste, n'explique en rien ses agissements et les justifie encore moins, en particulier compte tenu du fait qu'il disposait d'un emploi qui lui procurait un revenu régulier.

Le prévenu n'a pas d'antécédents en Suisse. Il a des antécédents en France, notamment une condamnation de même nature, lesquels sont toutefois anciens.

Sa prise de conscience semble inexistante.

Le prévenu sera ainsi condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amendes. Au vu de sa situation financière, le montant des jours-amendes sera fixé à CHF 80.- l'unité.

En l'absence de pronostic défavorable, cette peine sera assortie du sursis, dont les conditions sont réalisées.

Le délai d'épreuve sera fixé à 3 ans, durée de nature à le dissuader de toute récidive.

Inventaires, indemnisation et frais

3.1. Aux termes de l'art. 267 al. 1 et 3 CPP, si le motif du séquestre disparaît, le ministère public ou le tribunal lève la mesure et restitue les objets et valeurs patrimoniales à l'ayant droit (al. 1). La restitution à l'ayant droit des objets et des valeurs patrimoniales séquestrés qui n'ont pas été libérés auparavant, leur utilisation pour couvrir les frais ou leur confiscation sont statuées dans la décision finale (al. 3).

Selon l'art. 268 al. 1 let. a CPP, le patrimoine d'un prévenu peut être séquestré dans la mesure qui paraît nécessaire pour couvrir les frais de procédure et les indemnités à verser. L'art. 442 al. 4 CPP prévoit que les autorités pénales peuvent compenser les créances portant sur des frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure pénale et avec des valeurs séquestrées.

3.2. En l'espèce, le Tribunal ordonnera la levée du séquestre opéré sur le compte IBAN CH1______au nom de X______ auprès de POSTFINANCE SA, dès lors que le solde de celui-ci est négatif.

Au vu de l'issue de la procédure, le séquestre sera maintenu sur les valeurs patrimoniales figurant sous ch. 1 de l'inventaire n° 21296820190513 du 13 mai 2019. Celles-ci seront affectées aux frais de la procédure.

S'agissant des différentes pièces à l'inventaire, le Tribunal ordonnera la restitution au prévenu des objets figurant sous ch. 1 à 3 de l'inventaire n° 21306920190513 du 13 mai 2019 et sous ch. 2 de l'inventaire n° 21296820190513 du 13 mai 2019, dès lors que ces objets et valeurs ne peuvent être reliés, sans doute raisonnable, à l'infraction dont le prévenu a été déclaré coupable.

4. L'indemnité due au conseil du prévenu sera fixée conformément à l'art. 135 CPP.

5. Vu le verdict de culpabilité, les conclusions en indemnisation du prévenu seront rejetées (art. 429 CPP).

6. Enfin, en application de l'art. 426 al. 1 CPP les frais de la procédure seront mis à la charge du prévenu.

 

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

statuant contradictoirement :

Déclare X______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP).

Condamne X______ à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sous déduction de 43 jours-amende, correspondant à 43 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 80.-.

Met X______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit X______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Rejette les conclusions en indemnisation X______ (art. 429 CPP).

Ordonne la levée du séquestre opérée sur le compte IBAN CH1______ au nom de X______ auprès de POSTFINANCE SA

Ordonne le maintien du séquestre sur les valeurs patrimoniales figurant sous ch. 1 de l'inventaire n° 21296820190513 du 13 mai 2019 (art. 268 al. 1 let. a CP).

Ordonne la restitution au prévenu des objets figurant sous ch. 1 à 3 de l'inventaire n° 21306920190513 du 13 mai 2019 et sous ch. 2 de l'inventaire n° 21296820190513 du 13 mai 2019 (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Fixe à CHF 9'571.95 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de X______ (art. 135 CPP).

Condamne X______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 1'208.-, y compris un émolument de jugement de CHF 300.- (art. 426 al. 1 CPP).

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous ch. 1 de l'inventaire n° 21296820190513 du 13 mai 2019 (art. 442 al. 4 CPP).

Ordonne la communication du présent jugement aux autorités suivantes : Casier judiciaire suisse, Office cantonal de la population et des migrations, Service des contraventions (art. 81 al. 4 let. f CPP).

 

La Greffière

Françoise DUVOISIN

Le Président

Olivier LUTZ

 

 

 

Vu le jugement du 29 août 2022;

Vu l'annonce d'appel formée par X______ par le biais de son Conseil, le 1er septembre 2022 et la nécessité de rédiger un jugement motivé (art. 82 al. 2 let. b CPP);

Considérant que selon l'art. 9 al. 2 RTFMP, l'émolument de jugement fixé est en principe triplé en cas d'appel;

Qu'il se justifie, partant, de mettre à la charge de X______ un émolument complémentaire.

PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL DE POLICE

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de X______.

 

La Greffière

Françoise DUVOISIN

Le Président

Olivier LUTZ

 

 

Voies de recours

Selon l'art. 399 al. 3 et 4 CPP, la partie qui annonce un appel adresse une déclaration écrite respectant les conditions légales à la Chambre pénale d'appel et de révision, Place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, CH-1211 Genève 3, dans les 20 jours à compter de la notification du jugement motivé.

Si le défenseur d'office ou le conseil juridique gratuit conteste également son indemnisation, il peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours dès la notification du jugement motivé, à la Chambre pénale d'appel et de révision contre la décision fixant son indemnité (art. 396 al. 1 CPP).

L'appel ou le recours doit être remis au plus tard le dernier jour du délai à la juridiction compétente, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral (art. 91 al. 2 CPP).

 

 

 

 

 

 

 

Etat de frais

 

Frais du Ministère public

CHF

70.00

 

 

Frais de l'ordonnance pénale

CHF

700.00

 

 

Convocations devant le Tribunal

CHF

60.00

 

 

Frais postaux (convocation)

CHF

21.00

 

 

Emolument de jugement

CHF

300.00

 

 

Etat de frais

CHF

50.00

 

 

Frais postaux (notification)

CHF

7.00

 

 

Total

CHF

1'208.00

 

 

==========

 

Emolument de jugement complémentaire

CHF

600.00

==========

Total des frais

CHF

1'808.00

 

 

 

 

 

 

Indemnisation du défenseur d'office

Vu les art. 135 CPP et 16 RAJ et les directives y relatives ;

Bénéficiaire :  

X______

Avocat :  

C______

Etat de frais reçu le :  

16 août 2022

 

Indemnité :

Fr.

7'534.20

Forfait 10 % :

Fr.

753.40

Déplacements :

Fr.

600.00

Sous-total :

Fr.

8'887.60

TVA :

Fr.

684.35

Débours :

Fr.

0

Total :

Fr.

9'571.95

Observations :

- 34h25 à Fr. 200.00/h = Fr. 6'883.35.
- 5h55 à Fr. 110.00/h = Fr. 650.85.

- Total : Fr. 7'534.20 + forfait courriers/téléphones arrêté à 10 % vu l'importance de l'activité déployée (art 16 al 2 RAJ) = Fr. 8'287.60

- 6 déplacements A/R à Fr. 100.– = Fr. 600.–

- TVA 7.7 % Fr. 684.35

Selon EF des 16.08.2022 et 29.08.2022 + audience de jugement 1h40.
Déduction 1h30 d'activité stagiaire du 23.05.2019, activité excessive vu celle du chef d'étude le même jour.

 

Voie de recours si seule l'indemnisation est contestée

Le défenseur d'office peut interjeter recours, écrit et motivé, dans le délai de 10 jours, devant la Chambre pénale de recours contre la décision fixant son indemnité (art. 135 al. 3 let. a et 396 al. 1 CPP; art. 128 al. 1 LOJ).

 

Restitution de valeurs patrimoniales et/ou d'objets

Lorsque le présent jugement sera devenu définitif et exécutoire, il appartiendra à l'ayant-droit de s'adresser aux Services financiers du pouvoir judiciaire (finances.palais@justice.ge.ch et +41 22 327 63 20) afin d'obtenir la restitution de valeurs patrimoniales ou le paiement de l'indemnité allouée, ainsi que, sur rendez-vous, au Greffe des pièces à conviction (gpc@justice.ge.ch et +41 22 327 60 75) pour la restitution d'objets.

 

 

Notification à X______, soit pour lui son Conseil Me C______
(Par voie postale)

Notification à B______, soit pour elle A______
(Par voie postale)

Notification au Ministère public
(Par voie postale)