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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2294/2019

DCSO/392/2019 du 12.09.2019 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Séquestre fiscal
Normes : LP.22.al1; LP.275
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2294/2019-CS DCSO/392/19

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 12 SEPTEMBRE 2019

 

Plainte 17 LP (A/2294/2019-CS) formée en date du 17 juin 2019 par A______ LTD, élisant domicile en l'étude de Me Rodolphe Gautier, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- A______ LTD

c/o Me GAUTIER Rodolphe

Walder Wyss SA

Rue d'Italie 10

Case postale 3770

1211 Genève 3.

- ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Service juridique

Rue du Stand 26

case postale 3937

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A.           a. Le 28 mai 2019, l'Administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a remis à l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) deux ordonnances de séquestre datées du même jour et dirigées à l'encontre de B______, indiqué comme étant domicilié à C______.

La première ordonnance (séquestre n° 1______), à laquelle était annexée une demande de sûretés datée du 28 mai 2019 également, avait été prononcée en application des art. 38 et 39 de la Loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales du
26 juin 2008 (LPGIP - D 3 18) par l'AFC (art. 3 LPGIP) et portait sur une créance fiscale alléguée de 154'318'856 fr. plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 29 mai 2019 de l'Etat de Genève, relative à divers impôts cantonaux et communaux dus pour les années 2008 à 2017.

La seconde ordonnance (séquestre n° 2______), à laquelle était de même annexée une demande de sûretés datée du 28 mai 2019, avait été prononcée par l'AFC, sur délégation de la Confédération, en application des art. 169 et 170 de la Loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), et portait sur une créance fiscale alléguée de 3'431'615 fr. plus intérêts au taux de 3% l'an à compter du 29 mai 2019 de la Confédération, relative à l'impôt fédéral direct.

Les deux ordonnances comportaient une liste identique des valeurs patrimoniales à séquestrer, parmi lesquelles, sous chiffre 4 :

"Tous biens, avoirs, pièces, valeurs, titres, droits, créances, notamment comptes courants, dépôt, coffres forts, sous nom propre, désignation conventionnelle, pseudonyme ou numéro, dont est titulaire Monsieur B______ ou dont il est ayant droit économique, en particulier le compte n° 3______ en mains de D______ SA, 4______ Genève, titulaire A______ LTD (E______)[Grande-Bretagne] dont l'ayant droit économique est notamment Monsieur B______ : ce dernier peut disposer dans les faits des avoirs de F______ (Ile de Man) qui est elle-même titulaire de 100% du capital-actions de G______ SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de H______ (Panama), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de I______ SA (Luxembourg), elle-même titulaire de 100% du capital-actions de A______ LTD (E______) [Grande-Bretgagne], ainsi que les rendements de ceux-ci".

b. Toujours le 28 mai 2019, l'Office a exécuté les séquestres n° 1______ et 2______ par l'envoi à D______ SA d'"avis concernant l'exécution d'un séquestre" au sens des art. 98 et 99 LP.

Par courrier daté du 4 juin 2019, D______ SA a communiqué ces avis à A______ LTD, qui en a pris connaissance le 7 juin 2019.

B.            a. Par actes séparés (un par séquestre) adressés le 17 juin 2019 à la Chambre de surveillance, A______ LTD a formé deux plaintes (causes A/2294/2019 et A/5______/2019) contre les avis de séquestre adressés le 28 mai 2019 par l'Office à D______ SA, concluant à leur annulation en tant qu'ils visaient le compte n° 3______ dont elle était titulaire auprès de cet établissement. Elle a requis a titre préalable que l'effet suspensif soit octroyé à ses plaintes.

En substance, A______ LTD a expliqué qu'elle déployait une activité réelle et que B______, qui n'était pas et n'avait jamais été un de ses actionnaires et n'exerçait aucune fonction en son sein, ne disposait d'aucun pouvoir ou contrôle sur elle et ses actifs, de telle sorte que le séquestre de son compte bancaire ne pouvait être ordonné en application des art. 169 et 170 LIFD, respectivement 38 et 39 LPGIP. Les séquestres étaient donc nuls, voire annulables, ce que l'Office et la Chambre de surveillance devaient constater, avec pour conséquence que les avis d'exécution datés du
28 mai 2019 devaient être annulés.

b. Par ordonnance datée du 18 juin 2019, la Chambre de céans, après avoir ordonné la jonction des causes n° A/2294/2019 et A/5______/2019 sous
n° A/2294/2019, a rejeté les requêtes d'effet suspensif formées par la plaignante.

c. Dans ses observations datées du 9 juillet 2019, l'Office a conclu au rejet des plaintes au motif qu'il s'était borné à exécuter l'ordonnance de séquestre, dont il ne lui appartenait pas de vérifier le bien-fondé quant à l'appartenance des biens séquestrés.

d. Par détermination datée du 28 juin 2019, l'AFC a conclu à l'irrecevabilité des plaintes au motif que la question de l'appartenance des biens séquestrés ne pouvait être remise en cause que devant le juge ordinaire. Elle a pour le surplus relevé que les ordonnances de séquestre prononcées respectaient les conditions de forme prévues par les réglementations fiscales.

e. La cause a été gardée à juger le 8 août 2019.

 

EN DROIT

1.           1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP), telles l'exécution de la saisie ou la communication du procès-verbal de saisie.

A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). C'est en principe toujours le cas du débiteur poursuivi et du créancier poursuivant (Erard, in CR LP, 2005, Dallèves/Foëx/Jeandin [éd.], n° 25 et 26 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, Hunkeler [éd.], n° 11 et 12 ad art. 17 LP).

La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17
al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 En l'occurrence, la plainte est expressément dirigée contre les avis d'exécution du séquestre adressés par l'Office au tiers dépositaire, débiteur ou détenteur des éléments patrimoniaux énumérés dans l'ordonnance de séquestre. Il s'agit là d'actes d'exécution du séquestre, pouvant être contestés par la voie de la plainte.

Respectant par ailleurs les formes et délai prévus par la loi, et émanant d'une personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, les plaintes sont donc recevables.

2.           2.1 Selon l'art. 170 al. 1 1ère phrase LIFD, dont la teneur est reprise par l'art. 39 LPGIP, la demande de sûretés prévue par l'art. 169 al. 1 LIFD (et par l'art. 38 al. 1 LPGIP) est assimilée à une ordonnance de séquestre au sens de l'art. 274 LP. Comme toutefois la demande de sûretés ne comporte pas la liste des biens à séquestrer nécessaire en vertu de l'art. 274 al. 2 LP, elle est en pratique complétée, au moment où elle est adressée pour exécution à l'office des poursuites compétent, par une ordonnance de séquestre énumérant les éléments patrimoniaux à séquestrer, ces deux documents ne constituant en réalité qu'une seule décision (ATF 143 III 573 consid. 4.1.1). Bien que la voie de l'opposition au séquestre de l'art. 278 LP ne soit pas ouverte lorsque le séquestre est ordonné en application des art. 169 et 170 LIFD ou d'une disposition cantonale équivalente (art.170 al. 2 LDIP; art. 39 al. 2 LPGIP), la demande de sûretés peut être contestée par les voies de droit ordinaire en matière administrative (art. 169 al. 3 LIFD; art. 38 al. 4 LPGIP). C'est dans le cadre d'un tel recours que seront contrôlées les conditions de fond de la demande de sûretés valant ordonnance de séquestre, en particulier l'existence de biens appartenant au débiteur (ATF 143 III 573 consid. 4.1.1).

Les compétences de l'office des poursuites saisi d'une ordonnance de séquestre rendue par une autorité fiscale sont - de la même manière que lorsqu'il est saisi d'une ordonnance prononcée par un juge civil - limitées aux mesures proprement dites d'exécution du séquestre (saisissabilité, ordre de la saisie, mesures de sûreté, conduite de la procédure de revendication; cf. ATF 129 III 203 consid. 2.3) ainsi qu'au contrôle de la régularité formelle de l'ordonnance de séquestre : ce pouvoir d'examen entre en effet par définition dans les attributions d'un organe d'exécution, qui ne peut donner suite à un ordre lacunaire ou imprécis, ni exécuter un séquestre entaché de nullité (ATF 143 III 573 consid. 4.1.2 et références citées). Une telle nullité résultera par exemple de l'incompétence manifeste de l'autorité ayant ordonné le séquestre, d'une description insuffisante des objets séquestrés ou encore de leur inexistence
(ATF 143 III 573 consid. 4.1.2; 142 III 291 consid. 2.1; 129 III 203 consid. 2.3).

L'examen de l'office des poursuites compétent pour exécuter le séquestre ne saurait en revanche porter sur les conditions matérielles du séquestre, qui relèvent du juge de l'opposition pour un séquestre civil et des juridictions administratives ordinaires pour une demande de sûretés au sens des art. 169 et 170 LIFD et des dispositions cantonales correspondantes (ATF 142 III 291 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_153/2018 du 13 décembre 2018 consid. 3.1.4). Il en va ainsi en particulier des questions touchant à l'appartenance ou à la détention des objets à séquestrer (ATF 136 III 379
consid. 3.1).

2.2 En l'occurrence, la plaignante soutient que les ordonnances de séquestre violent les art. 169 et 170 LIFD, respectivement 38 et 39 LPGIP, en tant qu'elles visent un actif (le compte bancaire n° 3______) dont le débiteur ne serait ni propriétaire ni titulaire ni bénéficiaire économique, et sur lequel il n'aurait aucun pouvoir et n'exercerait aucun contrôle. Elle paraît en déduire que l'Office - ou, sur plainte, la Chambre de surveillance - aurait dû, respectivement devrait constater ce vice et refuser d'exécuter le séquestre.

Or, savoir dans quelle mesure des éléments patrimoniaux appartenant juridiquement à un tiers peuvent être séquestrés dans une poursuite dirigée contre le débiteur constitue une question de droit matériel, dont l'examen incombe dans un premier temps à l'autorité - civile ou administrative - de séquestre et, dans un second temps et sur opposition ou recours, au juge de l'opposition selon l'art. 278 LP ou aux juridictions administratives.

L'Office ne pouvait ainsi ni examiner cette question ni, a fortiori, constater la nullité ou l'annulabilité des ordonnances de séquestre au motif que les objets à séquestrer n'auraient pas appartenu au débiteur. Saisi de deux ordonnances de séquestre répondant aux formes prévues par la législation fiscale, il était tenu de procéder à leur exécution.

C'est donc à juste titre que l'Office a établi et adressé à l'établissement bancaire concerné les "avis concernant l'exécution d'un séquestre" contestés. La plainte doit dès lors être rejetée.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 lit. a OELP) et il n'est pas alloué de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les plaintes déposées le 17 juin 2019 par A______ LTD contre les avis d'exécution des séquestres n° 1______ et
2______ adressés le 28 mai 2019 à D______ SA par l'Office cantonal des poursuites.

Au fond :

Les rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Marilyn NAHMANI et Monsieur Claude MARCET, juges assesseurs ; Madame Sylvie SCHNEWLIN, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Sylvie SCHNEWLIN

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.