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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3450/2010

DCSO/318/2011 du 15.09.2011 ( PLAINT ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.09.2011, rendu le 23.11.2011, DROIT PUBLIC
Descripteurs : Séquestre. Nullité. Refus d'exécution. Insaisissabilité.
Normes : LP.92.1.ch.11
Résumé : Insaisissabilité des avoirs séquestrés en mains de la IATA appartenant à un Etat. Recours interjeté au TF par la créancière le 29 septembre 2011, rejeté par arrêt du 23 novembre 2011 (5A_681/2011).
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3450/2010-AS DCSO/318/11

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Autorité de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 15 SEPTEMBRE 2011

 

Plainte 17 LP (A/3450/2010-AS) formée en date du 11 octobre 2010 par S______, élisant domicile en l'étude de Me Marc GILLIERON, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- S______
c/o Me Marc GILLIERON, avocat
Rue du Mont-Blanc 3 Case postale 1363 1211 Genève 1.

- République Z______
Par la voie diplomatique

- Office des poursuites.


EN FAIT

A. a. Le 8 septembre 2010, S______ a requis et obtenu une ordonnance de séquestre fondée sur l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP, à hauteur de 11'201'792 fr. 17, visant "tous avoirs et biens, valeurs, papiers-valeurs, titres, certificats, titres représentatifs de marchandises, documents, cessions, créances actuelles ou futures, droits réels ou personnels, participations et autres biens, métaux précieux, valeurs et droits patrimoniaux de quelque nature que ce soit, en compte courant ou autres, dépôt, coffre-fort, dossiers ou autres, sous nom propre ou pseudonyme, désignation conventionnelle ou numérique, au nom de "X______", appartenant en réalité à l'Etat Z______, en mains d'International Air Transport Association 33, route de l'Aéroport, 1215 Genève". La cause de l'obligation mentionnée était une sentence arbitrale CIRDI du 9 septembre 2009.

b. Ce séquestre, enregistré sous n° 10 xxxx41 B, a été exécuté par l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) le 8 septembre 2010.

c. Par décision du 29 septembre 2010, communiquée à S______ sous pli recommandé posté le même jour, l'Office a constaté la nullité du séquestre considéré en ce qu'il vise les redevances de la République Z______ en mains d'International Air Transport Association (ci-après : IATA) et révoqué son exécution. En substance, l'Office, qui déclare se fonder sur une "note verbale" du Ministère des Transports et de la Communication de la République Z______ du 17 septembre 2010 adressée à la Mission Permanente de la Suisse auprès de l'Office des Nations Unions dont il résulte que les redevances perçues par IATA sont exclusivement affectées à la surveillance de l'espace aérien, c'est-à-dire à des tâches relevant de l'exercice de la puissance publique, a considéré que les conditions posées à l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP étaient remplies.

B. a. Par acte déposé auprès du greffe de l'Autorité de surveillance le 11 octobre 2010, S______ a porté plainte, assortie d'une demande d'effet suspensif, contre cette décision. Elle conclut à son annulation et à ce qu'il soit dit que le séquestre n° 10 xxxx41 B est maintenu, sans fourniture de sûretés. En résumé, S______, se référant à une décision de l'Autorité de surveillance (DCSO/690/2006 du 30 novembre 2006), soutient que les tâches de la "X______" se situent clairement en dehors du cercle des activités relevant de la puissance publique (iure imperii) et que l'art. 92 al. ch. 11 LP est inapplicable aux avoirs visés par le séquestre n° 10 xxxx41 B. Elle relève, par ailleurs, que la note "verbale" sur laquelle s'est fondé l'Office ne constitue nullement une preuve indubitable de l'affectation des actifs à séquestrer et qu'elle doit être traitée avec la plus grande circonspection, nul ne pouvant ignorer que "cet état est parmi les plus corrompus au monde, et que sa "parole" ne saurait ainsi avoir valeur de preuve absolue".

b. Par ordonnance du 12 octobre 2010, l'Autorité de céans a accordé l'effet suspensif à la plainte.

Par ordonnance du 14 octobre 2010, elle a imparti à la République Z______ un délai de trente jours à compter de la notification par voie diplomatique de l'ordonnance du 12 pour lui communiquer sa détermination.

Par courrier du 29 juin 2011, l'Office fédéral de la justice a transmis à l'Autorité de surveillance la lettre du Ministère des affaires étrangères de la République Z______ confirmant la réception, le 7 décembre 2010, des documents qui lui avaient été transmis.

c. Dans le délai qui lui avait été imparti, l'Office a conclu au rejet de la plainte. Il a produit les pièces suivantes :

- un courrier du 24 septembre 2010 du conseil d'IATA à l'Office par lequel il lui transmet copie d'une note diplomatique, datée du 17 septembre 2010, émanant du Ministère des Transports et de la Communication de la République Z______, à teneur de laquelle ce dernier déclare que X______ est responsable de l'activité de contrôle de l'espace aérien du pays et confirme que les montant collectés par IATA sont pleinement et exclusivement alloués à cette activité;

- une télécopie de l'Ambassade de la République Z______ en Suisse à l'Office, datée du 1er octobre 2010 et se référant au séquestre n° 10 xxxx41 B, exposant qu'IATA est autorisée par l'entreprise d'Etat X______ à collecter les charges dues pour l'utilisation de l'espace aérien de la République Z______;

- un courrier du représentant mandataire officiel du Gouvernement de la République Z______, daté du 22 octobre 2010 et se référant au séquestre considéré, dont il ressort que "l'entreprise d'Etat "Z______" est une subdivision structurelle du Ministère des transports et de communication de la République X______ et est fondée sur le principe des biens affectés. Autrement dit, son activité comprend des fonctions de représentation de l'Etat conformément à son Statut, l'Ordonnance du Président de la République X______ du 28.12.1996 et l'arrêté du Gouvernement de la République X______ N° 610 du 18.10.1997. Donc tout patrimoine mobilier ou immobilier de l'entreprise, y compris les comptes courants en devise nationale ou étrangère ouverts à l'étranger ne sont passibles d'arrestation, et les moyens financiers ne sont pas exigibles. Les faits précités font l'objet des dispositions des articles 1.2, 1.3, 3.7 du Statut de l'Entreprise d'Etat. Comme il le suit des dispositions de l'art. 3.7. du Statut, l'Entreprise d'Etat "Z______" ne s'engage pas aux obligations de l'Etat X______". Etaient notamment jointes les pages 2 et 6 (art. 1.1 à 1.5 et 3.2 à 3.7) des statuts de l'entreprise en question, soit un document intitulé "Charter of State Enterprise on air traffic services and control over usage of airspace of the X______ Republic ("X______" SE)" agréé par le "State Committee on State Property Management" le 6 avril 2006 et approuvé par ordre du Ministère des Transports et de la Communication de la République Z______ du 9 mars 2006.

 

EN DROIT

1. 1.1. L'Autorité de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.2. Une décision de l'Office constatant la nullité d'un séquestre et révoquant son exécution constitue une mesure sujette à plainte. La plaignante, séquestrante, a qualité pour agir par cette voie. Elle a eu connaissance de la mesure le 30 septembre 2010 et a formé plainte le 11 octobre 2010, soit dans le délai prescrit, le 10 octobre 2010 étant un dimanche (art. 31 al. 1 et 3 LaLP).

La plainte sera en conséquence déclarée recevable.

2. 2.1. A teneur de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP applicable par analogie selon l'art. 275 LP, les biens appartenant à un Etat étranger ou à une banque centrale étrangère qui sont affectés à des tâches leur incombant comme détenteurs de la puissance publique sont insaisissables.

Cette disposition a été introduite par la révision de la LP du 16 décembre 1994, entrée en vigueur le 1er janvier 1997. La jurisprudence du Tribunal fédéral sur la question de l'immunité d'exécution des Etats étrangers a ainsi été intégrée dans la loi. Selon cette jurisprudence, l'Etat étranger jouit de l'immunité seulement pour ses actes souverains (dits actes de jure imperii) et non pour ceux qu'il accomplit en tant que détenteur de droits privés, comme tout particulier (dits actes de jure gestionis; ATF 111 Ia 62 = SJ 1986 p. 33, consid. 4 p. 38). Ainsi, l'affectation que l'Etat étranger donne à ses biens peut, le cas échéant, exclure l'exécution forcée. La protection offerte par l'immunité s'étend en particulier aux biens que l'Etat étranger possède en Suisse et qui sont destinés à son service diplomatique ou à une autre tâche qui lui incombe en sa qualité de détenteur de la puissance publique (FF 1991 III 94/95 et les jurisprudences citées).

Le Département fédéral de justice et police a d'ailleurs, en accord avec le Département fédéral des affaires étrangères et le Tribunal fédéral, rappelé les principes de droit international public et de droit des poursuites applicables en matière d'immunité d'exécution forcée. Selon cette circulaire, du 8 juillet 1986 (JAAC 1986 n. 43), un séquestre portant sur les biens d'un Etat étranger n'est admissible que si, d'une part, la créance litigieuse découle d'une activité de l'Etat étranger qui a agi "jure gestionis" et que la créance litigieuse présente un lien de rattachement suffisant avec le territoire suisse, c'est-à-dire qu'il y soit né, ou doive y être exécuté ou tout au moins que le débiteur ait accompli certains actes de nature à y créer un lieu d'exécution.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que le séquestre contre un Etat étranger ne peut être requis et exécuté qu'aux trois conditions cumulatives suivantes :

- l'Etat étranger n'a pas agi dans le cadre de l'exercice de sa souveraineté : cette condition, soit l'exigence que la créance à l'origine du séquestre trouve son origine dans une activité de l'Etat relevant de l'exercice de sa souveraineté et non pas de rapports juridiques privés doit être vérifiée par le juge du séquestre, dans la procédure d'autorisation ou d'opposition;

- la prétention déduite en poursuite est issue d'un rapport de droit présentant un rattachement suffisant avec la Suisse : le rattachement de la créance avec la Suisse a été codifiée et intégrée à l'art. 271 al. 1 ch. 4 LP pour constituer une des conditions d'octroi de tout séquestre contre un débiteur à l'étranger. Il appartient donc au juge du séquestre de la vérifier. Il est exclu que l'Office procède à un nouvel examen sur ce point. En cas de contestation, c'est la voie de l'opposition à l'ordonnance qui doit être suivie;

- les biens que l'Etat étranger possède en Suisse et qui sont visés par le séquestre ne sont pas affectés à des tâches lui incombant comme détenteur de la puissance publique. C'est cette condition qui figure à l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP et c'est la seule qui peut être examinée par l'Office et, en cas de contestation par l'Autorité de surveillance (Michel Ochsner, Exécution du séquestre in JdT 2006 II 77; ATF 129 III 203 consid. 2.3; Walter Stoffel/Isabelle Chabloz, op. cit., n. 11 ad art. 275 LP).

2.2. En l'espèce, il est constant que la nature des avoirs séquestrés en mains d'IATA découle d'une prérogative de la République Z______, chaque Etat ayant la souveraineté complète et exclusive sur l'espace aérien au-dessus de son territoire et pouvant imposer des redevances pour l'utilisation de ses aéroports, installations et services de navigation aérienne (art. 1 et 15 de la Convention de Chicago du 7 décembre 1944, RS 0.748.0).

2.3. La plaignante soutient que les tâches de X______ se situent en dehors du cercle des activités relevant de la puissance publique et reproche à l'Office d'avoir fondé sa décision sur une seule et unique "note verbale" du Ministère des Transports et de la Communication de la République Z______.

Or, il s'avère qu'il s'agit d'une note diplomatique, datée du 17 septembre 2010 et adressée à IATA, émanant du Ministère des Transports et des Communications de la République Z______, à teneur de laquelle ce dernier déclare que X______ est responsable de l'activité de contrôle de l'espace aérien du pays et confirme que les montant collectés par IATA sont pleinement et exclusivement alloués à cette activité.

Postérieurement, l'Ambassade de la République Z______ en Suisse a confirmé qu'IATA était autorisée par l'entreprise d'Etat X______ à collecter les charges dues pour l'utilisation de l'espace aérien de la République Z______, puis, le représentant officiel du Gouvernement a déclaré que cette entreprise d'Etat était une subdivision structurelle du Ministère des Transports et des Communications, fondée sur le principe des biens affectés, et a produit les statuts de celle-ci corroborant ses allégués.

2.4. C'est en vain que la plaignante se réfère à une décision rendue par l'Autorité de surveillance le 30 novembre 2006 (DCSO/690/2006). Dans le cas d'espèce, le tiers visé - qui revendiquait la titularité des actifs séquestrés -, n'était pas une entreprise d'Etat mais une organisation interétatique disposant d'un patrimoine déterminé en pleine et exclusive propriété, séparé de celui des Etats qui lui avaient délégué le pouvoir de prélever les taxes du survol de leurs espaces aériens. Cette entité, dont l'activité avait pour but d'améliorer les services offerts aux compagnies aériennes et à leurs passagers en utilisant les infrastructures aéroportuaires des pays concernés affirmait par ailleurs qu'aucune somme qu'elle percevait n'était reversée aux Etats (consid. D. et 3.b).

2.5. Quant à l'arrêt du Tribunal fédéral paru aux ATF 104 Ia 367 (JdT 1980 II 108), que la plaignante cite également, il ne lui est d'aucun secours. Dans cet arrêt, la Haute Cour a en effet jugé qu'une personne morale de droit public étranger chargée du service réglementé des paiements entre le créancier et le débiteur d'un prêt n'est pas au bénéfice de l'immunité d'exécution forcée, car la réglementation des paiements n'affecte pas la nature privée du rapport juridique ou de la créance en remboursement (consid. 4).

2.6. Force est en conséquence de retenir, au vu des pièces produites par la République Z______, que les actifs séquestrés en mains d'IATA sont exclusivement affectés à des tâches relevant de la puissance publique au sens de l'art. 92 al. 1 ch. 11 LP et que c'est donc à bon droit que l'Office a constaté la nullité du séquestre considéré en ce qu'il vise les redevances de cet Etat en mains d'IATA et a révoqué son exécution.

3. Infondée, la plainte sera rejetée.

* * * * *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
L'Autorité de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 11 octobre 2010 par S______ contre la décision de l'Office des poursuites du 29 septembre 2010 dans le cadre du séquestre n° 10 xxxx41 B.

Au fond :

La rejette.

Déboute les partes de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Ariane WEYENETH, présidente; Messieurs Philipp GANZONI et Philippe VEILLARD; juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Ariane WEYENETH

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par l'Autorité de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.