Aller au contenu principal

Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

1 resultats
A/1022/2015

DCSO/244/2015 du 20.08.2015 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : ETENDUE SEQUESTRE
Normes : LP.97
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1022/2015-CS DCSO/244/15

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 20 AOÛT 2015

 

Plainte 17 LP (A/1022/2015-CS) formée en date du 26 mars 2015 par Mme T______, élisant domicile en l'étude de Me Yves BONARD, avocat à Genève.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

- Mme T______
c/o Me Yves BONARD, avocat,
1, rue Monnier
Case postale 205
1211 Genève 12.

 

- M. B______
c/o Me Bernard CRON, avocat,
3, rue François-Bellot
Case postale 517
1211 Genève 12.

 

- Office des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Le 13 novembre 2014, dans le cadre d'une procédure C/23158/2014,
M. B______ a obtenu à Genève une ordonnance de séquestre dirigée contre Mme T______, portant sur une créance de 2'300'000 fr. de Mme T______ contre Me C______, notaire à Genève, à concurrence de la somme de 150'000 fr. plus intérêts à 5 % dès le 2 octobre 2014.

b. L'Office des poursuites (ci-après : l'Office) a enregistré le séquestre sous
n° 14 xxxxx7 J et envoyé l'avis de séquestre à Me C______ en date du
14 novembre 2014. Selon la communication de l'Office à celle-ci, ce séquestre portait à concurrence de "150'000 fr. plus intérêts et frais", sans autres précisions.

Le procès-verbal de séquestre indique, dans la colonne intitulée "valeur estimative", que les objets séquestrés en mains de Me C______ valent 150'000 fr., en référence au courrier de Me C______ du 28 janvier 2015, annexé au procès-verbal de séquestre, selon lequel "la somme de CHF 150'000 …. a été bloquée en notre comptabilité".

Dans la colonne "Observations", le procès-verbal de séquestre indique que l'Office a informé Me C______, par télécopie et courrier recommandé du
28 janvier 2015, que l'assiette totale du séquestre s'élevait à 237'125 fr., en priant Me C______ d'étendre le blocage à ce montant, mais que ce courrier été resté sans réponse de la part de Me C______, malgré un rappel du
4 février 2015.

c. Le procès-verbal de séquestre a été expédié aux parties le 11 février 2015 et reçu tant par M. B______ que par Mme T______ le 12 février 2015.

d. M. B______ a formé une deuxième requête de séquestre, en date du
6 mars 2015, qui a donné lieu à une deuxième ordonnance de séquestre (procédure C/4535/2015), exécutée le 9 mars 2015 (séquestre n° 15 xxxxx2 L), portant sur les avoirs de Mme T______ auprès d'UBS SA, à concurrence de 87'125 fr. (= 237'125 fr. - 150'000 fr.), pour couvrir les intérêts et frais présumés non couverts par le précédent séquestre, n° 14 xxxxx7 J.

e. Le 11 mars 2015, Mme T______ a écrit à l'Office :

"J'ai en ma possession un document que vous m'avez remis lors de mon passage dans vos bureaux, attestant de plusieurs courriers adressées à Maître C______, demeurés sans réponse, demandant de bloquer la somme de 237'125 fr. J'affirme que cette somme de 237'125 fr. est effectivement bloquée chez Maître C______ et ce depuis le 14 novembre 2014…"

f. Le même jour, Me P______, de l'Etude de Me C______, a confirmé à l'Office avoir bloqué la somme de 237'125 fr., en exécution du séquestre n° 14 xxxxx7 J.

g. Dans l'intervalle, le 19 janvier 2015, Mme T______ a formé opposition à l'ordonnance de séquestre du 13 novembre 2014.

h. Le 16 mars 2015, l'Office a transmis à l'avocat de Mme T______ un échange de courriels avec Me P______, comportant un courriel du
29 janvier 2015 de l'Office à celle-ci qui indiquait :

"Le montant de CHF 237'125.- découle ainsi de la créance de base de
CHF 150'000.- majorée des intérêts (5 %) de la période incluse entre le 2 octobre 2014 et le 13 novembre 2014, soit le jour de l'exécution du séquestre, d'intérêts futurs sur une période de 10 ans ainsi que de frais de la procédure de poursuite, estimés à CHF 10'000.- (y. c. les frais et dépens auxquels la débitrice pourrait être condamnée dans les procès des art. 79 ss LP)."

Était jointe à ce courriel la directive 08_02 de l'Office, à la base du calcul en question.

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 23 mars 2015, Mme T______ forme plainte contre la décision fixant l'assiette du séquestre n° 14 xxxxx7 J, décision qu'elle affirme avoir reçue le 16 mars 2015, en se référant aux courriels transmis par l'Office à cette date.

Elle conclut à l'annulation de "la décision du 16 mars 2017 [recte : 2015] en tant qu'elle porte sur la somme séquestrable au titre des intérêts futurs et aux frais de poursuites", à ce que la Chambre de surveillance dise que le montant des intérêts futurs doit être calculé sur une période de 5 ans au maximum et que le montant séquestrable au titre des frais de poursuite doit être fixé en fonction de l'OELP et d'une appréciation réaliste mais au plus à 1'000 fr. et, enfin, à la condamnation de tout opposant en tous les frais judiciaires et de dépens, y compris un défraiement de son avocat.

Mme T______ allègue n'avoir pas pu comprendre la décision querellée avant la réception, le 16 mars 2015, du courriel adressé par l'Office à Me P______ en date du 29 janvier 2015, et de la directive jointe à ce courriel. Elle considère les estimations opérées par l'Office, sur la base de ladite directive, comme exagérées, notamment au vu du domicile genevois des parties et de l'évocation, par le créancier, d'un titre de mainlevée définitive. Par ailleurs, elle estime que les "frais de poursuite" visés par la directive 08_02 seraient limités au frais de l'Office.

La plainte de Mme T______ a été enregistrée sous A/1022/2015.

b. Dans son rapport du 23 avril 2015, l'Office conclut à l'irrecevabilité, sinon au rejet de la plainte. Il relève que le procès-verbal de séquestre, reçu par la plaignante 42 jours avant le dépôt de sa plainte, comportait déjà la décision querellée portant l'assiette totale du séquestre à 237'125 fr. Par ailleurs, il estime avoir déterminé cette assiette conformément à l'art. 97 al. 2 LP et à la pratique genevoise reflétée par la directive 08_02, les "frais de poursuite" visés par celle-ci n'étant nullement limités aux frais de l'Office. Pour le surplus, il estime n'avoir fait aucun usage excessif ou abusif de son pouvoir d'appréciation compte tenu, notamment, de la probabilité d'une future action en reconnaissance de dette.

L'Office relève, enfin, l'accessibilité de sa directive 08_02 sur son site internet.

c. Dans ses déterminations du 23 avril 2015 et du 11 mai 2015, M. B______ conclut à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la plainte.

Au sujet de la recevabilité de la plainte, il relève que Mme T______ était représentée par un avocat, lors de la réception du procès-verbal de séquestre.

Sur le fond, il conteste le domicile actuel de Mme T______ sur territoire genevois et relève que, dans le cadre de la procédure d'opposition à séquestre, Mme T______ conteste l'existence d'un titre de mainlevée définitive alors que, selon
M. B______, sa créance contractuelle ayant donné lieu au séquestre était soumise, par convention entre les parties, à une exécution directe au sens des art. 347 ss CPC.

S'agissant du montant des frais déjà encours, M. B______ allègue avoir dû débourser des frais d'avocat de 5'783 fr. 25 pour la requête de séquestre, de
7'175 fr. pour l'opposition au séquestre et de 3'108 fr. 30 pour la validation du séquestre. Il produit plusieurs notes d'honoraires de son conseil ainsi que sa requête de mainlevée définitive, déposée le 29 avril 2015 en validation du séquestre n° 14 xxxxx7 J.

Il résulte de ladite requête de mainlevée définitive que l'Office a notifié à Mme T______, à la requête de M. B______ et en date du 16 avril 2015, un commandement de payer, poursuite n° 15 xxxx11 N, auquel Mme T______ a immédiatement formé opposition.

d. Aux termes de sa détermination du 6 mai 2015 sur le rapport de l'Office,
Mme T______ persiste dans ses conclusions, estimant qu'en l'absence d'une motivation dans le procès-verbal de séquestre, la décision concernant l'assiette du séquestre n'avait pas été valablement notifiée.

e. L'Office a renoncé à dupliquer.

f. Dans l'intervalle, le 24 avril 2015, M. B______ a donné contrordre à l'Office pour le séquestre n° 15 xxxxx2 L, présumant que ce deuxième séquestre, portant sur les avoirs bancaires de Mme T______ à concurrence de
87'125 fr., était devenu inutile en raison de l'extension du séquestre
n° 14 xxxxx7 J à un montant total de 237'125 fr., bloqué en mains de
Me C______.

g. La directive 08_02 de l'Office, accessible sur le site internet de celui-ci, indique que "La décision fixant la portée du séquestre peut être contestée par la voie d'une plainte (art. 17 LP) dirigée contre le procès-verbal de séquestre ou contre la décision elle-même lorsque ce calcul est intervenu après l'envoi du procès-verbal."

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3, art. 7 al. 1 LaLP) contre des mesures non attaquables par la voie judiciaire
(art. 17 al. 1 LP).

Il est constant que l'exécution du séquestre est une mesure sujette à plainte que le plaignant, débiteur, a qualité pour contester par cette voie.

1.2 La plainte contre une mesure de l'Office doit être déposée dans les dix jours suivant celui où le plaignant en a eu connaissance (art. 17 al. 2 LP).

1.3 En l'espèce, l'exécution du séquestre a fait l'objet d'un procès-verbal que la plaignante a reçu le 12 février 2015.

Or, celui-ci indique que l'assiette totale du séquestre a été arrêtée, par l'Office, à 237'125 fr.

Partant, la poursuivie en a pris connaissance en date du 12 février 2015, de sorte qu'elle devait déposer plainte dans les 10 jours suivants, ne serait-ce que pour défaut de motivation de la fixation de l'assiette du séquestre, si elle estimait qu'une telle motivation devait figurer dans le procès-verbal.

Expédiée le 26 mars 2015, sa plainte contre l'exécution du séquestre est tardive et, partant, irrecevable.

La Chambre de céans ne relève donc qu'à titre superfétatoire qu'elle est également mal fondée.

2. 2.1 Les art. 91 à 109 LP relatifs à la saisie s'appliquent par analogie à l'exécution du séquestre (art. 275 LP).

Selon l'art. 97 al. 2 LP, l'office des poursuites ne saisit que les biens nécessaires pour satisfaire le créancier en capital, intérêts et frais.

2.2 Si l’office chargé d’exécuter le séquestre est lié par le montant de la créance indiqué dans l’ordonnance de séquestre ainsi que par le taux de l’intérêt réclamé, il doit capitaliser l’intérêt réclamé pendant la durée probable des effets du séquestre, soit pendant la durée de la poursuite en validation du séquestre, jusqu'à la date de la conversion du séquestre en saisie définitive (DSCO 508/2009 du
10 décembre 2009 consid. 2a; DSCO 117/2009 du 26 février 2009 consid. 2a; DSCO 9/2008 du 17 janvier 2008 consid. 4a; DSCO 583/2004 du 29 novembre 2004 consid. 2a).

La durée probable relève d'une appréciation, ce qui complique la détermination de l'assiette du séquestre, respectivement de la saisie (Zopfi, in Hunkeler, Kurzkommentar SchKG, 2ème éd. 2014, n° 17 ad art. 97 LP; Foëx, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs I, 2ème éd. 2010, n° 22 ad art. 97 LP).

Si la durée des intérêts peut être estimée à sept ans lorsque le débiteur séquestré ne forme pas opposition au commandement de payer ou lorsque sa dette résulte d'un jugement exécutoire, l'Office peut retenir une durée jusqu'à dix ans lorsque tel n'est pas le cas. L'incertitude entourant la durée probable d'une procédure justifie une approche prudente de la question, puisque c'est avant tout pour protéger les intérêts du créancier séquestrant qu'un nombre suffisant d'années d'intérêts doit être pris en compte dans la détermination de l'assiette du séquestre (DSCO 508/2009 du 10 décembre 2009 consid. 2b; DSCO 9/2008 du 17 janvier 2008 consid. 4b).

2.3 En ce qui concerne les frais visés par l'art. 97 al. 2 LP, applicable par analogie à l'exécution du séquestre (art. 275 LP), il s'agit des frais de poursuite visés par l'art. 68 LP (Zopfi, loc. cit.; Foëx, loc. cit.; De Gottrau, in Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 15 ad art. 97 LP). Ceux-ci comprennent les frais (soit les frais judiciaires et les dépens en faveur du créancier) liés à une procédure judiciaire (de type sommaire) de mainlevée, à l'exclusion de ceux liés à une procédure judiciaire ordinaire en reconnaissance de dette et en annulation de l'opposition au commandement de payer (ATF 119 III 63 = JdT 1996 II 27
consid. 4b aa; ATF 73 III 133 = JdT 1948 II 114 consid. 1; Gehri, in Hunkeler, op. cit. , n° 3 ad art. 68 LP; Foëx, loc. cit.).

2.4 En l'espèce, la plaignante a formé opposition au commandement de payer, notifié à la requête de son créancier séquestrant dans le cadre de la poursuite destinée à valider le séquestre litigieux.

Depuis lors, le créancier a introduit une requête de mainlevée de l'opposition, estimant être au bénéfice d'un titre de mainlevée définitive. Toutefois, ce titre n'est pas un jugement exécutoire mais un contrat qui comporterait une clause d'exécution directe, contestée par la plaignante.

Dans ces conditions, l'Office n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant une durée de dix ans pour le calcul des intérêts, jusqu'à la transformation du séquestre en saisie définitive.

Concernant les frais de poursuite estimés par l'Office, celui-ci pouvait y intégrer, comme il l'a fait et conformément à la jurisprudence, ceux liés à la procédure judiciaire de mainlevée définitive, y compris d'éventuels dépens à payer par la plaignante au créancier séquestrant. Le montant total estimé par l'Office à
10'000 fr., pour tous les frais ainsi calculés, n'apparaît nullement excessif.

La décision querellée de l'Office est ainsi bien fondée, de sorte que la plainte devrait être rejetée si elle était recevable.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucun dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 23 mars 2015 par Mme T______ contre la décision de l'Office des poursuites fixant la portée du séquestre
n° 14 xxxxx7 J à une assiette de 237'125 fr.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Monsieur Philipp GANZONI et
Monsieur Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Véronique PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Véronique PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.