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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4996/2007

DCSO/238/2008 du 25.06.2008 ( PLAINT ) , ADMIS

Recours TF déposé le 07.07.2008, rendu le 18.09.2008, DROIT PUBLIC
Descripteurs : Nouvelle expertise.
Normes : ORFI 9.2; 99.2
Résumé : La Commission de surveillance des Offices des poursuites et des faillites retient l'estimation du second expert; son approche, selon laquelle il faut fixer le prix du terrain selon la méthode comparative, doit être approuvée. Recours au Tribunal fédéral interjeté le 7 juillet 2008. Rejeté par arrêt du 18 septembre 2008 (5A_451/2008 / frs).
En fait
En droit

DÉCISION

DE LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

DES OFFICES DES POURSUITES ET DES FAILLITES

SIÉGEANT EN SECTION

DU 25 JUIN 2008

Cause A/4996/2007, demande de nouvelle expertise formée le 13 décembre 2007 par Mme C______, M. A______, M. B______ et Mme H______, élisant domicile en l'étude de Me Jean-Jacques MARTIN, avocat à Genève.

Décision communiquée à :

- Mme C______

M. A______

M. B______

Mme H______

domicile élu : Etude de Me Jean-Jacques MARTIN, avocat

MDPF & Associés

Place du Port 2

1204 Genève

 

- F______ SA

 

 

- Office des Poursuites


 

EN FAIT

A. Dans le cadre des poursuites en réalisation de gage immobilier nos 05 xxxx28 F, 05 xxxx31 C, 05 xxxx32 B et 05 xxxx29 E requises à l'encontre, respectivement, de M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______par la F______ SA, portant sur les parcelles n° xxxx32 et xxxx33, plan xxxx5, sises 46, chemin Y______, commune de C______, l'Office des poursuites (ci-après : l'Office) a, par décisions du 3 décembre 2007, estimé les biens immobiliers susmentionné à 4'800'000 fr. (parcelle n° xxxx32) et 7'200'000 fr. (parcelle n° xxxx32), soit les montants retenus par M. D______, architecte mandaté par ses soins.

B. Le 13 décembre 2007, M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______ont adressé à la Commission de céans une demande de nouvelle expertise.

Par ordonnance du 20 décembre 2007, la Commission de céans a imparti aux prénommés un délai au 14 janvier 2008 pour effectuer une avance de frais de 2'500 fr. et a désigné, en qualité d'expert, Jean Zuber.

Suite à la demande de récusation dudit expert par M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______, la Commission de céans a, par ordonnance du 9 janvier 2008, désigné M. R______en cette qualité et confirmé le délai au 14 janvier 2008 pour verser l'avance de frais.

M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______ayant demandé la récusation de ce second expert, la Commission de céans a, par ordonnance du 11 février 2008, désigné M. J______et constaté que l'avance de frais de 2'500 fr. avait été effectuée le 14 janvier 2008.

C. M. J______a présenté son rapport le 12 mai 2008, avec une note d'honoraires de 1'102 fr. 90. Il a estimé la valeur vénale de la parcelle n° xxxx32 à 11'200'000 fr. et celle de la parcelle n° xxxx33 à 15'600'000 fr.

Les parties, ainsi que l'Office ont été invités à présenter leurs observations.

L'Office déclare "être tenté" de se rallier à la proposition de François Hiltbrand. Il relève, par ailleurs, une erreur dans le calcul de la parcelle n° xxxx32, le résultat de la soustraction (9'387'400 fr. - 200'000 fr.) représentant 9'187'400 fr. et non pas 11'187'400 fr., montant arrondi à 11'200'000 fr.

M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______ont déclaré s'en rapporter à justice sur la détermination finale du prix d'estimation, tout en se réservant de la contester devant l'autorité de recours "si ce prix d'estimation ne devait pas être conforme à la réalité, dont décidément il est très difficile de se faire une idée exacte".

La F______ SA n'a pas répondu dans le délai qui lui avait été imparti.

L'erreur de calcul relevée ci-dessus a été rectifiée par François Hiltbrand, le montant de l'estimation de la parcelle n° xxxx32 étant fixé à 9'187'400, montant arrondi à 9'200'000 fr.

 

EN DROIT

1. Tout intéressé a le droit d'exiger, en s'adressant à la Commission de céans dans le délai de dix jours de l'art. 17 al. 2 LP, que, moyennant avance des frais, une nouvelle estimation soit faite par des experts (art. 9 al. 2, art. 44 et 99 al. 2 ORFI).

La présente demande de nouvelle expertise a été déposée en temps utile ainsi que dans les formes prescrites par la loi. Elle est donc recevable.

2. Le fonctionnaire fait l'estimation des objets qu'il saisit. Il peut s'adjoindre des experts (art. 97 al. 1 LP ; art. 9 al. 1 ORFI).

Le résultat de l'estimation doit être communiqué au créancier qui requiert la vente ainsi qu'au débiteur et, le cas échéant, au tiers propriétaire. S'ils n'en sont pas informés par le biais de la publication de la vente prévue par l’art. 29 ORFI, ils doivent l'être par une communication ordinaire, conforme à l'art. 34 LP (cf. ATF 120 III 57, JdT 1996 II 192), comportant l'avis que, dans le délai de plainte, ils peuvent s'adresser à l'autorité de surveillance pour requérir une nouvelle estimation par des experts, telle qu'elle est prévue à l'art. 9 al. 2 ORFI (ATF 122 III 338, JdT 1998 II 171 ; Nicolas de Gottrau, in CR-LP, ad art. 97 n° 13).

Saisie d'une telle requête apparaissant recevable, la Commission de céans, par voie d'ordonnance présidentielle, fixe le montant de l'avance de frais à fournir par le requérant, désigne un expert qu'il charge d'effectuer l'expertise sitôt l'avance de frais payée, en permettant parallèlement aux parties de récuser l'expert désigné et en ordonnant à ce dernier, à défaut de récusation reconnue valable et en cas de paiement de l'avance de frais requise, d'effectuer l'expertise. Elle lui communique à cette fin l'estimation de l'Office et le cas échéant le rapport d'expertise sur lequel l'Office s’est basé, et lui enjoint de dresser un rapport écrit de ses opérations, constatations et conclusions, en motivant ces dernières de manière circonstanciée, dans la mesure où elles s'écartent de celles retenues dans l'estimation précédente.

3. La valeur d'estimation d'un bien immobilier doit être fixée en fonction du produit prévisible de sa vente aux enchères forcée (Nicolas de Gottrau, in CR-LP, ad art. 97 n° 6 et 8).

Compte tenu du fait que l'estimation d'un immeuble fait appel à des connaissances spécialisées dans le domaine de l'immobilier et de la construction, l'Office de même que, sur demande de nouvelle expertise, la Commission de céans, s'en remettent en principe à l'avis des experts, qui doit cependant être dûment motivé. En présence d'estimations différentes, émanant d'experts aussi compétents l'un que l'autre, la Commission de céans ne peut trancher pour un moyen terme entre les deux estimations en présence que si les deux expertises effectuées retiennent toutes deux des critères appropriés et tiennent compte des circonstances pertinentes, car la fixation du montant à retenir au titre de l'estimation des biens à réaliser relève alors pleinement de son pouvoir d'appréciation (ATF 120 III 79 consid. 1 et 2b, JdT 1996 II 199).

Il lui faut tenir compte, également, du fait que l'estimation du bien à réaliser ne vise pas à déterminer si celui-ci devrait suffire à couvrir la créance à recouvrer ou excéderait cette couverture, mais qu'elle doit servir à orienter les parties à la procédure sur le résultat prévisible de la réalisation et à renseigner d'éventuels enchérisseurs (ATF 120 III 79 consid. 3, JdT 1996 II 1999 ; Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire, ad art. 97 n° 16 ; Bénédict Foëx, in SchKG II, ad art. 97 n° 2).

La Commission de céans doit d'autant plus motiver sa décision qu’elle s’écarte, le cas échéant, des considérations retenues par les experts, de même qu’indiquer les motifs pour lesquels elle retiendrait l’avis de l’un plutôt que de l’autre en cas d’estimations divergentes des experts.

4. En l'espèce, l'expert mandaté par l'Office a estimé les biens immobiliers à réaliser à 4'800'000 fr. et 7'200'000 fr., alors que l'expert mandaté par la Commission de céans a retenu une valeur vénale de 9'200'000 fr. et 15'600'000 fr., pour, respectivement, les parcelles n° xxxx32 et n° xxxx33.

Les deux experts ont noté que ces terrains nus de 4'267 m2 (parcelle n° xxxx32) et de 6'375 m2 (parcelle n° xxxx33) étaient situés juste en dessous du golf de Cologny, idéalement orientés face au lac Léman. Situés en zone à bâtir, zone 5 de développement, ils ont une pente régulière qui ne réduit pas les possibilités de construire et sont rares et recherchés. Les servitudes inscrites n'ont pas d'influence négative sur la valeur, à l'exception de la servitude de restriction de hauteur, en charge, limitant les constructions à 2,5 mètres sur la moitié de la parcelle n° xxxx32 et sur la totalité de la parcelle n° xxxx33.

S'agissant de cette servitude, qui s'exerce sur la totalité de la parcelle n° xxxx33 et sur presque la moitié est de la parcelle n° xxxx32, le premier expert retient que son influence négative est importante sur la valeur vénale dans la mesure où elle implique que les futures constructions soient passablement enterrées. A cette affirmation, le second expert répond que si cette limitation est contraignante pour le concepteur d'un projet, elle ne réduit pas la capacité à réaliser un objet dans les limites de densité légale et qu'économiquement les parcelles considérées ont, théoriquement, la même valeur que la construction soit réalisée sur un ou sur deux niveaux. Il admet, cependant, que pratiquement cette contrainte oblige, notamment, de présenter son projet à ses voisins des fonds dominants et de n'avoir que l'option d'une construction pavillonnaire.

Dans son rapport, M. D______ relève également que les deux parcelles sont incluses dans le champ d'application de la loi sur la protection des rives du lac (L 4 10), laquelle stipule qu'à l'intérieur du périmètre à protéger, la surface de constructions exprimée en m2 de plancher ne doit pas excéder 20% de la surface des terrains situés en 5ème zone (cf. art. 3 al. 1) et qu'en conséquence la liberté d'aménager cette parcelle est plus que limitée et que le prix au m2 subit une décote importante. M. J______souligne, quant à lui, que le critère de l'efficience est vrai pour des régions moins recherchées, mais que, pour le coteau le plus recherché du canton, avec vue sur le lac, le critère est le "snob appeal" et le luxe, une des définitions de celui-ci étant l'espace, et qu'il est fréquent d'observer une sous-densification dans la région de C______ sans pour autant en faire une région avec des prix inférieurs.

Le premier expert, calculant la valeur des parcelles selon l'usage possible, sa taille et son orientation, a retenu un prix de 1'300 fr. au m2, dont il a déduit des montants au titre de viabilisation du terrain (15 fr./m2), de chemin à créer (120 fr./m2) et de décote pour les servitudes de vue et de hauteur (150 fr./m2). Le second expert, appliquant la méthode comparative, s'est référé à la fourchette de prix constatée sur le flan de la colline avec vue sur le lac, laquelle était, à la fin de l'année 2007, de 2'000 fr. à 3'300 fr., et a estimé le prix au m2 à 2'200 fr. pour la parcelle n° xxxx32 et à 2'500 fr. pour la parcelle n° xxxx33, dont il a déduit une somme de, respectivement pour chacune des parcelles, 200'000 fr. et 300'000 fr. au titre de viabilisation et chemin d'accès. Dit expert a considéré qu'il n'était pas possible d'estimer ces parcelles dans le haut de la fourchette compte tenu des contraintes liées à la servitude de restriction de hauteur dont il est question ci-dessus. Il a retenu un prix au m2 supérieur pour la parcelle n° xxxx33, celle-ci bénéficiant d'un accès au domaine public et d'une plus belle vue.

La Commission de céans considère que les observations de M. J______au sujet du rapport du premier expert sont pertinentes et que son approche, selon laquelle il faut fixer le prix du terrain selon la méthode comparative, le prix maximum ne pouvant toutefois être retenu compte tenu de la restriction susmentionnée, doit être approuvée. Cette approche a d'ailleurs également été confirmée par la Commission de céans dans sa décision rendue ce jour (DCSO/237/2008) dans la cause A/4995/2008, fixant la valeur d'estimation d'une parcelle sise dans le même périmètre.

En conséquence, conformément à l'estimation de l'expert qu'elle a mandaté et à laquelle elle se réfère intégralement s'agissant d'un domaine spécifique et technique (ATF 120 III 79 précité), la Commission de céans fixera la valeur vénale de la parcelle n° xxxx32 à 9'200'000 fr. et celle de la parcelle n° xxxx33 à 15'600'000 fr.

5. Le second expert a fixé ses honoraires à 1'102 fr. 90 pour cette expertise. Ce montant paraît conforme aux tarifs usuellement pratiqués dans la branche. Sa note d'honoraires peut donc être approuvée.

Par ailleurs, la note d'honoraires et frais étant inférieurs au montant de l'avance de frais versée par les requérants, il y a lieu d'inviter la caisse du Palais de justice à restituer à ces derniers le solde de cette avance, soit 1'397 fr. 10 (2'500 fr.- 1'102 fr. 90).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,

LA COMMISSION DE SURVEILLANCE

SIÉGEANT EN SECTION :

A la forme :

Déclare recevable la demande de nouvelle expertise formée le 13 décembre 2007 par M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______dans le cadre des poursuites nos 05 xxxx28 F, 05 xxxx31 C, 05 xxxx32 B et 05 xxxx29 E.

Au fond :

1. Fixe à 9'200'000 fr. la valeur d'estimation de la parcelle n° xxxx32, plan xxxx5, sise 46, chemin Y______, commune de C______.

2. Fixe à 15'600'000 fr. la valeur d'estimation de la parcelle n° xxxx33, plan xxxx5, sise 46, chemin Y______, commune de C______.

3. Fixe à 1'102 fr. 90 les frais de l'expertise effectuée suite à la requête de M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______.

4. Dit que les frais de l'expertise sont à la charge de prénommés et sont couverts par l'avance de frais déjà effectuée.

5. Invite le service financier du Palais de justice à verser à M. J______la somme de 1'102 fr. 90 et à restituer le solde de l'avance de frais, soit 1'397 fr. 10, à M. A______, Mme H______, M. B______ et Mme C______.

 

Siégeant : Mme Ariane WEYENETH, présidente ; M. Didier BROSSET et M. Denis MATHEY, juges assesseurs

 

Au nom de la Commission de surveillance :

 

Véronique PISCETTA Ariane WEYENETH
Greffière : Présidente :

 

 

La présente décision est communiquée par courrier A à l’Office concerné et par courrier recommandé aux autres parties par la greffière le