Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des prud'hommes

1 resultats
C/28643/2005

CAPH/243/2006 (2) du 08.12.2006 sur TRPH/520/2006 ( CA ) , CONFIRME

Descripteurs : CONTRAT INDIVIDUEL DE TRAVAIL; VOITURIER; FARDEAU DE LA PREUVE; LIBRE APPRÉCIATION DES PREUVES; RÉSILIATION IMMÉDIATE; JUSTE MOTIF; SOMMATION; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL); RESPONSABILITÉ CONTRACTUELLE; DILIGENCE ; RETENUE SUR LE SALAIRE ; RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CC.8; CO.321e; CO.337; CO.337c
Résumé : T est engagé par E comme coursier. Un accident a lieu alors que son véhicule était correctement garé. E retient le montant de la franchise sur son salaire. E et T ont plusieurs divergences donnant lieu à des avertissements, notamment parce qu'il ne complétait pas systématiquement et automatiquement les feuilles de route, et parce qu'il a, à une reprise, encaissé fr. 100.- en trop d'un client, montant qu'il a ensuite restitué dès réclamation d'E. T encaisse à nouveau fr. 40.- en trop d'un client. Il est licencié avec effet immédiat. Les justes motifs ne sont pas admis, les faits reprochés ne revêtant pas une gravité suffisante. Les montants retenus sur le salaire de T doivent lui être restitués, l'un d'entre eux n'étant pas justifié et T n'ayant pas engagé sa responsabilité contractuelle pour l'autre.
En fait
Par ces motifs

 

E___________ SARL

Dom. élu : Me Karin BAERTSCHI

Rue du XXXI-Décembre 41

1207 Genève

 

 

 

 

Partie appelante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’une part

Monsieur T___________________

Rue de __________

12__ Genève

 

 

 

 

 

Partie intimée

 

 

CAISSE DE CHOMAGE A____

Rue des Chaudronniers 16

Case postale 3287

1211 Genève 3

 

 

Partie intervenante

 

 

 

 

D’autre part

 

 

 

ARRET

 

du 8 décembre 2006

 

 

M. Louis PEILA, président

 

 

MM. Emile BATTIAZ et Tito VILA, juges employeurs

 

MMES Yasmine MENETREY et Agnès MINDER JAEGER, juges salariés

 

 

Mme Julie MANCILLA, greffière d’audience

 

 

 

 

EN FAIT

 

A. Par demande formée au greffe de la Juridiction des prud’hommes le 8 décembre 2005, T___________________ a assigné E___________ Sàrl en paiement de 11'327 fr. 20 brut et 15'627 fr. 48 net, correspondant d'une part au salaire dû pendant le délai de congé, y compris le solde du mois d'octobre 2005, qui accusait un manco de 227 fr. 20 et, d'autre part, à une indemnité pour licenciement immédiat injustifié équivalant à quatre mois de salaire, soit 14'800 fr., au remboursement de 327 fr. 48, prélevés indûment sur son salaire pour des prestations sociales et de 500 fr., retenus à titre de franchise pour des frais de réparation du véhicule de l’entreprise.

 

T___________________ a encore sollicité la remise d’un certificat de prévoyance LPP et la délivrance d'un certificat de travail.

 

E___________ Sàrl a d'emblée contesté toutes les prétentions du demandeur.

 

 

B. Par lettres des 21 décembre 2005 et 15 mars 2006, la Caisse de chômage A____ a déclaré intervenir à la présente procédure, en vertu de sa subrogation dans les droits de T___________________, à hauteur de 5'413 fr. 55, plus intérêts à 5% l’an dès le 31 janvier 2006, en remboursement des indemnités qu'elle lui a versées en décembre 2005 et en janvier 2006.

 

 

C. Par jugement du 6 juillet 2006, notifié le lendemain, le Tribunal des prud’hommes a condamné E___________ Sàrl à payer à T___________________ 11'000 fr. brut, plus intérêts à 5% dès le 15 novembre 2005, sous déduction de 5'413 fr. 55 net, plus intérêts à 5% dès le 31 janvier 2006, cette somme revenant à la Caisse de chômage, 3'000 fr. net, plus intérêts à 5% dès le 8 décembre 2005 et 500 fr. net, plus intérêts à 5% dès le 31 octobre 2005.

 

Le Tribunal a notamment considéré que le licenciement immédiat de T___________________ était injustifié, quand bien même son attitude ne s'était pas révélée irréprochable, et que les faits qui avaient justifié ledit licenciement, différents de ceux pour lesquels il avait reçu deux avertissements, ne pouvaient être qualifiés de graves. Pour le surplus, les premiers juges ont relevé que la durée de l'emploi et les fautes commises par T___________________ permettaient de limiter l'indemnité de licenciement à un montant modique; enfin, d'une part le salaire brut d'octobre était, sans justification, inférieur au salaire conventionnel, de sorte que l'employeur devait s'acquitter de la différence, et, d'autre part, la preuve de la violation des obligations du travailleur n'ayant pas été rapportée, l'employeur ne pouvait lui faire prendre en charge les frais de réparation ou de franchise d'assurance du véhicule de l'entreprise.

 

En raison d'une erreur matérielle, le montant de 11'000 fr. a été corrigé dans une nouvelle expédition du jugement, le 29 août 2006, et porté à 11'100 fr., conformément à la valeur arithmétique de trois salaires mensuels brut.

 

 

D. Par acte posté le 8 août 2006, E___________ Sàrl appelle de cette décision et conclut à être libérée de tout paiement en faveur de T___________________. Ce dernier s'est opposé à ces conclusions et a formé un appel incident, reprenant ses conclusions en paiement de 4 mois d'indemnité de licenciement et de 227 fr. 20 à titre de complément pour le salaire brut d'octobre 2005. E___________ Sàrl conclut au rejet de l'appel incident. La Caisse de chômage A____ a persisté dans ses conclusions en appel.

 

 

E. Il ressort de la procédure les éléments pertinents suivants :

 

a. E___________ Sàrl est une société à responsabilité limitée, constituée le 21 décembre 1999, dont le but social est "services dans la demande de E___________ et la prolongation des passeports; livraisons urgentes.". Son capital nominal s'élève à 20'000 fr., entièrement libéré, et ses associés sont B__________________ et C__________.

 

b. Par contrat conclu en décembre 2004, E___________ a engagé T___________________, en qualité de coursier pouvant être éventuellement affecté à diverses tâches administratives.

 

Le salaire mensuel brut était fixé à 3'700 fr. et l'employé avait droit à quatre semaines de vacances par année. Chaque partie pouvait, après le temps d’essai, mettre fin au contrat moyennant un délai de congé de trois mois pour la fin d’un mois.

 

L’article III/c du contrat de travail prévoyait en outre que le véhicule de l’entreprise devait être conduit de manière prudente et que, dans l’hypothèse où le collaborateur serait impliqué dans un accident, qu’il en fût responsable ou non, il était tenu d’en informer immédiatement son employeur. Si la responsabilité de l’accident incombait à l'employé, il se verrait prélever, sur son salaire, une participation progressive, tant à la franchise casco qu’à la responsabilité civile, fixée toutefois forfaitairement à 500 fr. pour le premier événement.

 

c. Le vendredi 29 juillet 2005, vers 19h00, T___________________ est rentré au bureau avec un véhicule de service accidenté. Rencontrant son employeur, il lui a fait part de cet événement, apparemment sans autre commentaire, la discussion ayant rapidement pris un tour assez vif. Aucun constat d'accident ne figure à la procédure et aucune pièce ne traite des causes de l'accident ou de l'origine des dégâts occasionnés au véhicule. En revanche, il est établi que la Carrosserie D__ a adressé, le 1er septembre 2005, à B__________________ personnellement, une facture de 860 fr. 80 pour la dépose d'un pare-choc, le changement d'une charnière de porte et d'un phare, ainsi que pour des travaux de peinture. Devant la Cour, T___________________ a précisé que le véhicule avait été endommagé par un tiers resté inconnu, alors qu'il était régulièrement parqué.

 

d. T___________________ s’est trouvé en incapacité totale de travailler du 2 au 5 août 2005, puis du 12 août au 3 octobre, en raison d’un accident non professionnel, sans qu'aucun détail ne soit fourni à ce sujet.

 

e. Par lettre recommandée du 5 août 2005, E___________ a adressé un avertissement à son employé, lui reprochant d’avoir utilisé le véhicule de l'entreprise en dehors des heures de service et de n'avoir pas spontanément annoncé l'accident du 29 juillet 2005.

 

f. T___________________ a répliqué, par courrier du 12 août 2005, en contestant aussi bien l’avertissement que le défaut d'annonce de l'accident.

 

g. Par lettres des 12 et 14 septembre 2005 adressées à E___________, le syndicat de T___________________, après avoir brièvement relaté l'accident non professionnel, a demandé une copie de la déclaration ad hoc, la délivrance d’un certificat de prévoyance professionnelle et la remise de la fiche de salaire du mois d’août, s'opposant à toute déduction sur les revenus de son membre, que ce soit en raison de son accident ou des dommages occasionnés au véhicule de l'entreprise.

 

h. Par lettre du 27 septembre 2005, B__________________ a répondu qu’en dépit de ses nombreuses invitations, T___________________ ne s’était jamais présenté au bureau pour compléter avec lui le formulaire de déclaration d’accident, de sorte qu’il avait fini par le faire sur la base des maigres informations dont il disposait. S’agissant de l’accident du 29 juillet, l'employeur rappelait les exigences contractuelles et soutenait que T___________________ ne les avait pas respectées; de plus, l’employé, en offrant spontanément de réparer le véhicule à ses frais, démontrait qu'il s'estimait responsable dudit accident.

 

i. Le 10 octobre 2005, E___________ a écrit à T___________________ pour l'informer que les indemnités de la SUVA n'étaient pas encore versées, en raison du retard observé dans l'accomplissement des formalités administratives.

 

j. T___________________ a repris son travail le 5 octobre 2005. Par lettre du 24 octobre 2005, E___________ lui a adressé un « dernier avertissement », lui reprochant notamment de ne pas compléter correctement et systématiquement ses feuilles de route.

 

k. Par lettre du 31 octobre 2005, remise en mains propres le même jour, E___________ a déclaré résilier le contrat de travail de T___________________ avec effet immédiat, pour faute grave, au motif qu’il avait gardé pour lui le trop-perçu sur deux montants que lui avaient remis des clients, F__________________ et G___, et qu’il n’avait pas spontanément restitué les sommes concernées, soit respectivement 100 fr. et 40 fr., en précisant, au sujet des manquements allégués, qu'ils s'étaient passés "il y a quelques jours".

 

l. Il résulte des fiches de salaire de T___________________ que son employeur a déduit de son salaire 327 fr. 48 en juillet 2005 ("ajustement salaire") et 500 fr. en août 2005 ("franchise accident"), alors que le salaire d'octobre 2005 ne s'est élevé qu'à 3'472 fr. 80.

 

Au sujet du montant de 327 fr. 48, T___________________ a déclaré que E___________ avait opéré une déduction indue au titre de l’assurance perte de gain, alors que celle-ci prétend qu’il s’agit d’un ajustement du salaire lié au nouveau taux de cotisation à l’assurance-maladie, dont tous les employés avaient été informés.

 

m.a. Pour justifier le licenciement de T___________________, E___________ a notamment fait valoir que la procédure usuelle en son sein, dûment expliquée aux coursiers, consistait à indiquer, dans la marge des documents accompagnant les livraisons, si une avance avait été versée ou non par le client. Or, s'agissant de F__________________, le montant de l'avance de 100 fr. figurait dans la marge du document d'accompagnement, de sorte que T___________________ aurait dû encaisser 10 fr. au lieu de 110 fr., étant admis que l'employé avait rendu l’argent le lendemain, après avoir reçu un appel téléphonique de son supérieur à ce sujet. Ce dernier, H____________, a confirmé tant la pratique de E___________ que l'attitude de T___________________ dans le cas susvisé. Selon ce témoin toujours, une semaine après cet événement, un incident semblable s'était produit, qui portait sur 40 fr., au préjudice de G___. Les deux sociétés concernées avaient avisé E___________ que, si de tels problèmes devaient persister, elles ne feraient plus appel à ses services.

 

m.b. Concernant le véhicule de la société, E___________ a déclaré que, le 29 juillet 2005, T___________________ l’avait utilisé à des fins personnelles, ce qu'elle déduisait de son heure de retour, vers 18h30 ou 18h45, alors que le dernier client visité fermait ses bureaux à 17h30.

 

m.c. Pour sa part, T___________________ a contesté l'ensemble des reproches que formulait son employeur. Pour les incidents à caractère financier, il a précisé qu'il se fiait aux indications qu'il recevait et que, dès l'annonce des problèmes, il avait restitué l'argent. Concernant son heure de retour au bureau le 29 juillet 2005, T___________________ a déclaré qu’en général, certains employés de G___ travaillaient au-delà de l’horaire de fermeture de l’entreprise, et que, au vu de l'intensité du trafic entre la rue des Alpes et Vernier, un retour vers 18h30 ou 18h45 n'avait rien d'extraordinaire.

 

m.d. Le témoin I______________, coursier spécialisé en documents officiels, sous-traitant de E___________ depuis septembre 2004, a confirmé qu'il devait remplir des feuilles de route et qu'il indiquait, sur chaque enveloppe, les montants qui lui étaient remis ainsi que le coût réel facturé par les Consulats sur sa feuille de route.

 

m.e. J____________, employée de bureau et coursier chez E___________, et ex-épouse du gérant de cette société, a notamment déclaré avoir reçu quelques plaintes au sujet de T___________________, qui était trop « amical » avec certains clients. Elle a par ailleurs confirmé les incidents F__________________ et G___.

 

m.f. F__________________ a écrit à E___________ une lettre non datée et non signée exposant que T___________________ aurait encaissé 40 fr. de trop le 24 octobre, ce dont F__________________ aurait immédiatement avisé E___________. F__________________ a par ailleurs adressé à E___________ un mail le 11 novembre 2005 relatant que T___________________ avait encaissé 110 fr. le 11 octobre 2005, alors que le montant en recouvrement s'élevait à 10 fr. Le responsable de F__________________ s'était rendu compte de cela peu après le départ de T___________________ et en avait aussitôt informé E___________. T___________________ était venu restituer le trop perçu le lendemain et F__________________ avait considéré l'incident comme clos.

 

n. Pour le surplus, l’argumentation des parties sera examinée ci-après, dans la mesure utile à la solution du litige.

 

 

 

EN DROIT

 

 

1. 1.1. Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi (art. 59 LJP), l’appel est recevable.

 

1.2. Il n'est pas contesté que les parties étaient liées par un contrat de travail au sens des art. 319 et ss CO et que la juridiction spéciale des Prud'hommes est compétente en l'espèce.

 

 

2. Chaque partie doit, à défaut de prescriptions contraires, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC, 186 LPC).

 

L'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve pour toutes les prétentions fondées sur le droit fédéral et détermine, sur cette base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de l'échec de la preuve (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; 127 III 519 consid. 2a p. 522). On déduit également de l'art. 8 CC un droit à la preuve et à la contre-preuve (ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêts cités). En particulier, le juge enfreint cette disposition s'il tient pour exactes les allégations non prouvées d'une partie nonobstant leur contestation par la partie adverse, ou s'il refuse toute administration de preuve sur des faits pertinents en droit (ATF 130 III 591 consid. 5.4 p. 601 s. et l'arrêt cité).

 

Cette répartition du fardeau de la preuve ne réglemente toutefois pas l'appréciation des preuves, qui relève de l'intime conviction du juge, auquel l'art. 8 CC n'interdit pas, lorsque les moyens de preuve ordinaires font défaut, de procéder par indices ou de se fonder sur une très grande vraisemblance (Bertossa/Gaillard/Guyet/ Schmidt, op. cit., n. 1 ad art. 186 LPC et les références; kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 1978, p. 123 no 3), ou encore sur l'expérience générale de la vie et du cours ordinaire des choses, sorte de présomption naturelle facilitant l'apport de la preuve (ATF 117 II 256 consid. 2b et les références).

 

L'art. 8 CC interdit en revanche au juge de tenir pour exactes les allégations non prouvées d'une partie, contestées par la partie adverse (ATF 114 II 289 consid. 2a).

 

 

3. Le Tribunal n'a pas statué au sujet du montant de 327 fr. 48. Aucune des parties n'ayant formé appel sur ce point, il échappe à la cognition de la Cour. Il en va de même des questions relatives à la délivrance du certificat de prévoyance LPP et au certificat de travail, qui ont été tranchées définitivement par les premiers juges.

 

 

4. L'appelante soutient que la décision attaquée enfreint l'art. 337 al. 1 CO, dans la mesure où les premiers juges ont considéré que le congé immédiat signifié à l'intimé était injustifié.

 

4.1.1. Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs. Doivent notamment être considérées comme tels toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate pour justes motifs doit être admise de manière restrictive (ATF 130 III 28 consid. 4.1, 213 consid. 3.1; 127 III 351 consid. 4a). D'après la jurisprudence, les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail. Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 28 consid. 4.1, 213 consid. 3.1; 129 III 380 consid. 2.1). Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail (ATF 130 III 28 consid. 4.1; 127 III 351 consid. 4a), comme par exemple le devoir de fidélité (ATF 127 III 351 consid. 4a; 121 III 467 consid. 4d), mais d'autres facteurs peuvent aussi justifier un licenciement immédiat (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 31; cf. également ATF 129 III 380 consid. 2.2 et les références citées). En principe, des prestations de travail mauvaises ne constituent pas un juste motif de résiliation immédiate du contrat de travail (arrêt 4C.329/1998 du 23 décembre 1998, publié in JAR 1999 p. 271, consid. 2b p. 273; plus récemment arrêt 4C.403/2004 du 1er février 2005, consid. 2.1). Dans ce domaine, il convient de tenir compte de toutes les circonstances du cas concret, en particulier de la nature de l'activité promise. La mauvaise exécution ou l'insuffisance du travail pourra également justifier un licenciement immédiat si elle résulte d'un manquement grave et délibéré du travailleur (cf. ATF 108 II 444 consid. 2; arrêt 4C.329/1998 du 23 décembre 1998, publié in JAR 1999 p. 271, consid. 2b p. 273; plus récemment arrêt 4C.403/2004 du 1er février 2005, consid. 2.1).

 

4.1.2. Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 CO). Il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des manquements (ATF 130 III 28 consid. 4.1 p. 32; 127 III 351 consid. 4a p. 354).

 

4.1.3. Par ailleurs, eu égard à la diversité des Situations envisageables, le Tribunal fédéral a refusé de poser des règles rigides sur le nombre et le contenu des avertissements qui doivent précéder un licenciement immédiat, lorsque le manquement imputable au travailleur n'est pas assez grave pour justifier une telle mesure sans avertissement. Il a rappelé que ce n'est pas l'avertissement en soi, fût-il assorti d'une menace de résiliation immédiate, qui justifie un tel licenciement, mais bien le fait que l'attitude du travailleur ne permet pas, selon les règles de la bonne foi, d'exiger de l'employeur la continuation des rapports de travail jusqu'à l'expiration du délai de congé. Ce comportement pourra certes résulter de la réitération d'actes contraires aux obligations contractuelles, mais savoir s'il y a gravité suffisante à cet égard restera toujours une question d'appréciation (cf. ATF 127 III 153 consid. 1c).

 

4.1.4. C'est à l'employeur qui entend se prévaloir de justes motifs de licenciement immédiat de démontrer leur existence (cf. Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, Commentaire du contrat de travail, 3e éd. Lausanne 2004, n. 13 ad art. 337 CO).

 

4.2. En l'espèce, l'intimé a fait l'objet d'un avertissement en août 2005, qu'il a aussitôt contesté, au sujet de l'utilisation du véhicule d'entreprise, et d'un autre au début octobre suivant, s'agissant de l'établissement des feuilles de route. Il a été licencié le 31 octobre 2005 pour ne pas avoir spontanément restitué des sommes de 100 fr., respectivement 40 fr., encaissées indûment auprès de clients. Il s'ensuit que ces deux avertissements, adressés pour des motifs qui ne sont pas, ou pas suffisamment, avérés, ne sont pas en relation avec les faits censés fonder le licenciement immédiat, de sorte qu'ils ne justifient pas que l'employeur s'en prévale pour donner consistance à celui-ci. Par ailleurs, les prétendus abus de confiance mis en exergue pour le licenciement n'ont pas été prouvés. Il s'agit plutôt, notamment pour le premier, de négligences du coursier, étant rappelé qu'il a restitué sans délai les 100 fr. en cause lorsque le fait lui a été signalé. Dans le deuxième cas, personne n'a rien dit à l'intimé, et il a été licencié avant d'avoir été mis en situation de s'expliquer. En conséquence, les faits reprochés, qui sont désagréables et susceptibles d'entraîner des désagréments pour l'employeur vis-à-vis de ses clients, ne revêtent pas le caractère de gravité nécessaire permettant de justifier un licenciement immédiat. Ceci est confirmé par le fait que leur aspect intentionnel n'a pas été démontré. Enfin, on peut douter que la condition de l'immédiateté de la décision soit respectée en l'occurrence, l'appelante ayant été les deux fois informée sans délai des problèmes survenus, soit les 11 et 24 octobre 2005, et n'ayant réagi que le 31 de ce mois, alors qu'elle avait adressé à l'intimé son deuxième avertissement le 24 octobre 2005, soit à une date où les faits ayant conduit au licenciement lui étaient déjà connus. C'est donc à juste titre que le licenciement immédiat n'a pas été admis par les premiers juges.

 

4.3. L'art. 337c al. 3 CO prévoit que le juge peut allouer au travailleur une indemnité dont il fixe librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances; cette indemnité peut atteindre six mois de salaire au plus.

L'indemnité est due, en principe, dans tous les cas de licenciement immédiat et injustifié. Une éventuelle exception doit répondre à des circonstances particulières, qui ne dénotent aucune faute de l'employeur et qui ne lui sont pas non plus imputables pour d'autres raisons (ATF 116 II 300 consid. 5a p. 301; voir aussi ATF 121 III 64 consid. 3c p. 68; 120 II 243 consid. 3e p. 247). L'indemnité est fixée d'après la gravité de l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur; d'autres critères tels que la durée des rapports de travail, l'âge du lésé, sa situation sociale, une éventuelle faute concomitante (ATF 121 III 64 consid. 3c) et les effets économiques du licenciement (ATF 123 III 391 consid. 3c p. 394) entrent aussi en considération.

Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation.

4.4. Pour fixer le montant de l'indemnité à moins d'un mois de salaire, les premiers juges ont tenu compte de la durée relativement brève des rapports de travail et des comportements pouvant être imputés à faute à l'intimé, soit notamment les faits qui sont à l'origine des deux avertissements qu'il a reçus. Même si l'aspect pénal des erreurs de l'intimé n'a pas été démontré, ce dernier a néanmoins adopté un comportement négligent, voire nonchalant, notamment au regard des efforts administratifs qui lui avaient été demandés, ce qui justifie le faible montant alloué. L'intimé, qui sollicite une indemnité supérieure, ne dit pas en quoi les premiers juges auraient statué en méconnaissance du dossier et n'avance aucun motif qui justifierait une indemnité plus importante. La Cour confirmera donc ce montant, en observant en sus, ce qui ressort de la subrogation de la caisse de chômage, que l'intimé a perçu très rapidement des indemnités de chômage et n'a pas allégué avoir éprouvé des difficultés à retrouver un emploi.

 

 

5. L'appelante persiste à solliciter le remboursement de 500 fr. pour les frais de réparation du véhicule de l’entreprise. Elle se base à cette fin sur l'art. III/c du contrat de travail, qui prévoit que le véhicule de l’entreprise doit être conduit de manière prudente et que, dans l’hypothèse où le collaborateur serait impliqué dans un accident, qu’il en fût responsable ou non, il était tenu d’en informer immédiatement son employeur, le premier incident impliquant une participation de 500 fr. aux franchises d'assurance.

 

De droit relativement impératif, l’article 321e CO prévoit que le travailleur répond du dommage qu’il cause à l’employeur intentionnellement ou par négligence (al. 1er). La mesure de la diligence incombant au travailleur se détermine par le contrat, compte tenu, notamment, du risque professionnel (al. 2).

 

Il appartient à l’employeur de prouver le dommage, son montant, la violation par le travailleur de ses obligations contractuelles et le rapport de causalité entre cette violation et le dommage (ATF 97 II 142 = JdT 1972 I, p. 157).

 

En l’espèce, si l’existence et le montant d’un dommage ne sont pas contestés, la démonstration de la violation par l'intimé de ses obligations n'a pas été rapportée par l'appelante, notamment en tant qu'il aurait failli à ses devoirs de conducteur. En effet, prima facie, le dommage a été causé alors que le véhicule était garé, et hors la présence de l'intimé, de sorte qu'il n'encourt aucune responsabilité. S'agissant de l'annonce tardive de l'accident, qui est intervenue le vendredi soir pour un événement de l'après-midi même, la position de l'appelante est mesquine, voire téméraire, en tout cas infondée. Partant, la responsabilité de l'intimé n'est engagée ni ex lege, ni ex contractu et la décision des premiers juges de ne pas mettre de frais à la charge de l'intimé doit être confirmée.

 

 

6. Les premiers juges avaient alloué à l'intimé, dans le corps du jugement, la somme de 227 fr. 20 qu'il sollicitait à titre de complément de son salaire d'octobre 2005. Ils n'ont toutefois pas repris cette conclusion dans leur dispositif. A l'évidence, le salaire mensuel brut de l'intimé étant de 3'700 fr., c'est sans justification que l'appelante lui a retenu la somme contestée sur le dernier versement. Les explications sous-jacentes relatives à un calcul lié aux indemnités de la SUVA sont sans fondement puisque, s'agissant d'une incapacité de travail due à un accident, l'intégralité du salaire doit être versée. La décision querellée sera donc modifiée dans cette faible mesure.

 

 

7. L'appelante succombe pour l'ensemble de ses conclusions. Compte tenu de la valeur litigieuse, aucun émolument d'introduction n'a été perçu.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

 

La Cour d'appel des prud'hommes, groupe 3,

 

 

A la forme :

 

Déclare recevable l'appel interjeté par E___________ Sàrl contre le jugement du Tribunal des prud'hommes du 6 juillet 2006 dans la cause C/28643/2005–3;

 

 

Au fond :

 

Confirme le jugement entrepris.

 

Condamne en sus E___________ Sàrl à payer à T___________________ 227 fr. 20 brut, plus intérêts à 5% dès le 15 novembre 2005.

 

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

 

 

 

 

 

La greffière de juridiction Le président