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Décisions | Chambre des prud'hommes

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C/11271/2009

CAPH/216/2011 du 12.12.2011 sur TRPH/719/2010 ( CA ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 20.02.2012, rendu le 21.05.2012, REJETE
Normes : LTr.9; LTr.28; CO.321c
En fait
En droit

 

LES HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG)

Dom.élu: Me MARTIN-ACHARD Pierre
Lachat, Harari & Ass.
Rue du Rhône 100
Case postale 3403
1211 Genève 3

 

 

 

 

Partie appelante

 

 

 

 

 

 

 

D'une part


Madame A______

Dom.élu: Me WISARD Nicolas
BMG Avocats
Avenue de Champel 8C
Case postale 385
1211 Genève 12

 

 

 

 

 

 

Partie intimée

 

 

 

 

 

 

 

D'autre part


 

 

 

 

ARRÊT

 

du 12 décembre 2011

 

 

M. Guy STANISLAS, président

 

 

M. Claude MARTEAU, juge employeur

 

 

M. Laurent NEPHTALI, juge salarié

 

 

M. Pierre-Alain STÄHLI, greffier d'audience

 

 

 

EN FAIT

A. Par jugement du 14 octobre 2010, le tribunal des prud'hommes a condamné LES Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après « les HUG ») à verser à A______ la somme brute de 33'922 fr. 90, avec suite d'intérêts, à titre de rétribution pour travail supplémentaire en relation avec son activité de chef de clinique FMH pendant la période du 1er octobre 2005 au 30 septembre 2008. Les premiers juges ont considéré que les HUG ne pouvaient se prévaloir d'une dérogation à la loi sur le travail (Loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce - LTr) compte tenu de la fonction occupée par l'employée et que le décompte de 423 heures de travail supplémentaires invoqué par la demanderesse devait être retenu.

B. A l'encontre de ce jugement, notifié le 18 octobre 2010, les HUG interjettent appel, par acte du 16 novembre 2010. A l'appui de leur appel, les HUG indiquent, au regard de la difficulté d'application de la loi sur le travail au sein des HUG, avoir convenu de modalités d'application de cette réglementation à la suite de discussions entretenues avec les partenaires sociaux et en accord avec les autorités; il en est résulté, par accord du 1er novembre 2007, que les HUG étaient autorisés à calculer les heures de travail supplémentaires réalisées par les chefs de clinique FMH sur la base d'un lissage de deux semaines. Les HUG contestent également le décompte d'heures de travail supplémentaires invoqué par A______ aux motifs que (i) le décompte ne prend pas en considération des pauses journalières de midi pourtant prises par l'intéressée ou comptabilise des heures consacrées à la formation professionnelle, (ii) l'accomplissement des heures de travail supplémentaires n'a pas été validé par l'employeur et (iii) A______ a reçu une rémunération pour les heures supplémentaires que l'employeur est en droit d'invoquer en compensation avec sa créance en paiement d'heures de travail supplémentaires. Les HUG concluent ainsi à l'annulation du jugement du Tribunal des prud'hommes du
14 octobre 2010 et au déboutement de A______ de toutes ses conclusions. A titre reconventionnel, les HUG concluent à la condamnation de A______ à lui verser la somme de 5'742 fr. avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2009, compte tenu d'un trop perçu à titre de compensation d'heures supplémentaires.

C. Par mémoire du 3 janvier 2011, A______ conclut au rejet de l'appel et à la
confirmation du jugement entrepris. L'intimée nie la conclusion d'un accord par lequel les HUG, les partenaires sociaux et les autorités auraient convenu de
modalités dérogeant à la loi sur le travail en prévoyant que la durée hebdomadaire du travail de 50 heures ne devait être respectée que par une moyenne sur deux
semaines. L'intimée invoque ensuite la pertinence de son décompte d'heures de travail supplémentaires qui légitime la réclamation acceptée par les premiers juges.

D. Les faits pertinents du litige peuvent être établis comme suit :

a. Les HUG sont une entreprise de droit public, avec siège à Genève, dont le but social est la fourniture de soins.

b. Au bénéfice de contrats de travail successifs, A______ a été engagée par les HUG, à partir du 6 juillet 2001, en qualité de [médecin spécialisé en ______]
5ème année, chef de clinique adjointe 1ère année, [médecin spécialisé en ______] 6ème année, et chef de clinique 2ème année.

c. A compter du 1er octobre 2005, A______ a été engagée en qualité de chef de clinique FMH pour une durée déterminée d'une année, moyennant une
rémunération mensuelle brute de 10'949 fr.; son contrat, en qualité de chef de
clinique FMH, fut renouvelé pour une durée complémentaire avec la même
rémunération, puis pour une nouvelle durée complémentaire d'une année échéant le 30 septembre 2008, avec une rémunération brute mensuelle de 11'506 fr. 45. Enfin, le contrat de travail fut renouvelé une dernière fois pour une durée
déterminée d'une année couvrant la période du 1er octobre 2008 au 30 septembre 2009, la rémunération de l'employée étant portée à 11'824 fr.

d. Le 28 août 2008, A______ a souhaité mettre un terme à son contrat de travail avec effet anticipé au 31 décembre 2008, ce dont les HUG ont pris note par
courrier du 8 septembre 2008.

e. A la suite de l'extension de la LTr aux médecins assistants (englobant les chefs de clinique), les HUG précisèrent, dans un document intitulé « Aide-mémoire sur l'application de la loi sur le travail aux HUG au 1er janvier 2005 » que la LTr était applicable dès le 1er janvier 2005 à l'ensemble des collaborateurs des HUG, à l'exception des travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée (cf. art.3 lit. d LTr) qui était listée en annexe, ladite liste ne visant pas les chefs de clinique avec FMH.

f. Par circulaire du 9 février 2005, les HUG informèrent les chefs de clinique avec ou sans FMH des éléments retenus pour le calcul de leur promotion à la suite des mécanismes salariaux ratifiés par le Conseil d'Etat; il était spécifié que les chefs de clinique porteurs d'un FMH sont soumis à la réglementation liée aux cadres supérieurs, à savoir le règlement sur les cadres supérieurs de l'administration
cantonale du 22 décembre 1975 (ci-après « RCSAC) et bénéficient à ce titre d'une sixième semaine de vacances par année académique et d'une rétribution des heures supplémentaires identique à celle des cadres supérieurs, soit une indemnité de 2% du revenu annuel dès que le collaborateur effectuait plus de 100 heures supplémentaires, portée à 3% s'il dépassait 200 heures supplémentaires dans l'année. Dans une circulaire de la direction des ressources humaines des HUG
intitulée « Synthèse des mesures relatives à l'application de la loi sur le travail pour tous les services médicaux », il était stipulé que la durée du travail des chefs de clinique avec FMH est de 40 heures par semaine, celle des chefs de clinique sans FMH étant de 50 heures par semaine. Dans une directive relative aux
modalités d'application de la loi sur le travail pour les médecins [spécialisés en ______] et chefs [de] clinique avec ou sans FMH, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, il était stipulé que les heures supplémentaires des chefs de clinique FMH
seraient rémunérées forfaitairement dans le cadre de l'application du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale, à concurrence de la limite prévue par la LTr (50 heures hebdomadaire). La même directive spécifiait que le chef de clinique avait l'obligation de procéder à la saisie, dans le logiciel « B______ », de ses heures d'activité une fois celles-ci réalisées, le médecin-chef de service validant les saisies effectuées par ses collaborateurs.

g. Dans le cadre d'une plainte émise par l'Association des médecins d'institutions de Genève (ci-après « AMIG ») auprès de l'Office cantonal de l'Inspection et des Relations du Travail (ci-après « OCIRT ») au sujet du non-respect de la LTr dans les services des HUG, la Chambre des relations collectives de travail (ci-après « CRCT ») a été amenée à émettre, le 25 mai 2007, une recommandation qui
rappelle les difficultés rencontrées par les HUG, à l'instar d'autres hôpitaux
publics, pour appliquer la LTr, difficultés qui ont conduit le Secrétariat d'Etat
à l'Economie (SECO) à diligenter une enquête nationale relative à cette
problématique.

h. Par courrier du 28 juillet 2006, l'AMIG s'est à nouveau plainte auprès de l'OCIRT d'une mauvaise application de la LTr dans les services des HUG. Il était notamment précisé que les directives (ainsi la directive du 1er juillet 2006) émises par les HUG pour définir les modalités d'application de la LTr au sein de ses
services ne respectaient pas les exigences de la loi.

i. Le 1er novembre 2007, une rencontre eu lieu entre les représentants de l'OCIRT, du SECO, de l'AMIG et des HUG ayant pour objectif de régler les modalités d'application de la LTr pour les médecins [spécialisés en ______] et chefs de clinique au sein des HUG. Les parties divergent sur le contenu de cette réunion, les HUG soutenant qu'un accord a été trouvé avec l'AMIG concernant un lissage bihebdomadaire des heures de travail, l'AMIG et A______ contestant tout accord à ce sujet.

j. Par courrier du 7 novembre 2007, l'OCIRT confirma les points discutés lors de la séance du 1er novembre 2007 et demanda aux HUG, afin de répondre aux
exigences de la LTr et dans la perspective d'une modification de l'Ordonnance 2 envisagée par le SECO, (i) d'organiser le travail des médecins-assistants et chefs de clinique avec ou sans FMH de façon à ce que la durée hebdomadaire de
50 heures soit respectée en moyenne sur deux semaines (la durée maximale de travail hebdomadaire ne pouvant toutefois dépasser 70 heures), (ii) de ne pas dépasser la limite des 140 heures de travail supplémentaires par année, soit
35 heures par trimestre (heures travaillées au-delà des 50 heures en moyenne sur deux semaines). Un délai au 1er octobre 2008 était assigné pour la mise en
conformité de ces deux points.

k. Par courrier du 14 décembre 2007, l'AMIG a sollicité l'intervention du SECO pour ordonner à l'OCIRT de prendre des mesures à l'encontre des HUG en vue d'assurer le respect de la LTr, en particulier la limite hebdomadaire fixée par
l'art. 9 de la loi. L'association invitait notamment le SECO à indiquer que la durée maximale de travail était limitée à 50 heures par semaine, sans possibilité de
lissage sur une période plus longue. Il était précisé que la mesure proposée par l'OCIRT dans son courrier du 7 novembre 2007 consistant à lisser le temps de travail maximum sur deux semaines constituait une violation de l'art. 9 LTr, dès lors qu'elle n'était pas justifiée par l'obtention d'une autorisation dérogatoire au sens de l'art. 28 LTr. En conséquence, l'AMIG exigeait que tout dépassement de la durée hebdomadaire de travail de 50 heures soit comptabilisé comme travail supplémentaires.

l. Par courrier du 11 janvier 2008, le SECO a répondu à l'AMIG que l'OCIRT était habilitée à proposer la mesure de lissage sur deux semaines, dès lors que l'autorité cantonale avait préalablement obtenu l'accord du SECO qui relevait que cette mesure constituait un garde-fou assurant la protection du personnel
concerné. Il était rappelé que l'application de la loi sur le travail posait des
problèmes au sein des établissements hospitaliers, raison pour laquelle l'OCIRT avait essayé de trouver une solution tenant en juste considération tant la protection des travailleurs concernés que la position des HUG.

m. Par lettre du 15 février 2008, l'Association Suisse des Médecins Assistants et Chefs de Clinique (ci-après « ASMAC/VSAO ») s'est opposée aux conclusions du SECO sur les points évoqués dans sa communication du 11 janvier 2008
en contestant notamment avoir admis que la durée maximum de travail
hebdomadaire pouvait être calculée sur une moyenne de deux semaines.

n. Par courrier du 3 mars 2008, le SECO indiquait à l'ASMAC/VSAO que le
régime particulier concédé aux HUG reposait sur l'art. 28 LTr et résultait d'un
accord formulé par les représentants de l'AMIG.

o. Par lettre du 28 mars 2008 adressée au SECO, l'AMIG s'est opposée à l'octroi en faveur des HUG d'une dérogation au titre de l'art. 28 LTr. L'association
confirmait être opposée à la proposition de l'OCIRT consistant à calculer la durée du travail par un lissage sur deux semaines.

p. Par courrier du 8 avril 2008, le SECO a constaté que, compte tenu du refus de l'AMIG de consentir au lissage sur deux semaines, l'art. 28 LTr ne trouvait pas application. Partant, aucune dérogation ne pouvait être octroyée à la proposition de l'OCIRT formulée lors de la réunion du 1er novembre 2007 concernant un
lissage des heures de travail supplémentaires sur deux semaines.

q. Par courrier du 15 avril 2008, l'OCIRT a informé les HUG que les propositions discutées lors de la séance du 1er novembre 2007 ne pouvaient être retenues.

r. A la demande de l'OCIRT, les HUG ont confirmé, le 19 août 2008, s'être
engagés à garantir l'application de la LTr aux médecins [spécialisés en ______] et chefs de clinique avec et sans FMH. Les HUG ont alors informé l'OCIRT que la nouvelle directive entrerait en vigueur le 1er octobre 2008.

s. Par demande du 30 novembre 2008 adressée à la direction des ressources
humaines, A______ a réclamé le paiement d'heures de travail supplémentaires correspondant à 428 heures, soit 46 heures effectuées en 2005, 121 heures en 2006, 191 heures en 2007 et 70 heures pour la période du 1er janvier 2008 au
30 septembre 2008. Elle a chiffré sa réclamation à 37'332 fr. 55. Sur demande des HUG qui souhaitaient des précisions sur le mode de calcul des heures de travail supplémentaires, A______ a indiqué que le nombre d'heures avait été calculé sur la base de ses fiches-horaires extraites du système « B______ » et expliqué que, suite à un nouvel examen, elle était parvenue à un montant total de 125 heures et 50 minutes au lieu de 128 heures initialement réclamées.

t. Par courrier du 14 mai 2009, les HUG ont contesté le décompte-horaire de leur ancienne employée considérant que cette dernière avait omis de déduire les heures consacrées aux repas et avait comptabilisé des heures pour la formation
professionnelle; les HUG ont également contesté les décomptes au motif qu'ils n'avaient pas été contrôlés et approuvés par l'employeur.

E. Par demande déposée au greffe de la Juridiction des prud'hommes, A______ a assigné les HUG en paiement de 35'133 fr. 31, avec suite d'intérêts, à titre d'heures de travail supplémentaires, prétention réduite avant la clôture des débats à 34'916 fr. 06 avec intérêts à 5% dès le 6 novembre 2006. Elle a remis l'intégralité des décomptes-horaires afférents aux années 2005 à 2008 laissant
apparaître 423 heures de travail supplémentaires pour la période concernée. Elle a expliqué que les HUG étaient tenus d'appliquer la LTr n'ayant jamais obtenu de dérogation valable et que les décomptes n'avaient pas été contestés par son
employeur qui les recevait de façon régulière chaque mois.

F. Les HUG se sont opposés à la demande considérant que, jusqu'au 1er octobre 2008, les heures supplémentaires accomplies par les chefs de clinique porteurs du titre FMH étaient indemnisés en application du règlement du Conseil d'Etat sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale qui prévoyait une
sixième semaine de vacances, ainsi qu'une indemnité forfaitaire au-delà de l'accomplissement de 100 heures supplémentaires. Les HUG ont en outre
contesté les décomptes d'heures supplémentaires présentés par A______ au motif que les déductions relatives aux heures de repas n'avaient pas été opérées et ont arrêté à 71 heures supplémentaires la quotité de la prétention de son ancien
employée. Cette dernière ayant bénéficié d'une sixième semaine de vacances
pendant la période du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2008, correspondant à une
compensation en temps de 148 heures, l'employeur a déclaré vouloir compenser ce trop-perçu de vacances avec les 74 heures supplémentaires admises impliquant que A______ restait débitrice de 74 heures de travail supplémentaires rémunérées mais non effectuées donnant lieu à une demande reconventionnelle de 4'884 fr. avec suite d'intérêts.

G. Le Tribunal a procédé à l'audition de plusieurs témoins qui se sont prononcés sur l'application de la LTr au sein des HUG et sur les horaires de travail de A______.

En substance, C______, ______ [fonction] de l'Association Suisse des Médecins Assistants et Chefs de Clinique, D______, ______ [fonction] auprès de l'OCIRT, E______, inspectrice du travail auprès de l'OCIRT, F______, juriste auprès du SECO, ont indiqué que des discussions avaient été entreprises entre les partenaires sociaux sur diverses modalités d'application de la LTr aux chefs de clinique,
notamment sur la possibilité d'un lissage sur deux semaines des heures de travail supplémentaires. Cette solution n'avait pu être retenue faute d'avoir été acceptée par l'AMIG.

Les témoins G______ (chef de clinique responsable des plannings des médecins assistants et chefs de cliniques), H______ (médecin), I______ (médecin), J______ (médecin), K______ (médecin) ont confirmé que les heures de travail saisies
par A______ sous le logiciel « B______ » étaient le reflet de la durée effective
de travail des chefs de cliniques porteurs d'un FMH; le témoin L______ (chef du service ______ de A______) a également confirmé que les horaires saisis par A______ sous B______ correspondaient bien aux horaires de travail
effectivement effectués, « en dehors de la pause de midi ».

Les témoins G______, I______, K______ ont relevé que les chefs de clinique avec FMH étaient souvent occupés à diverses tâches qui les empêchaient de
prendre leur pause de midi, situation qui a été confirmée par le témoin L______ qui a précisé que les heures de travail effectuées le midi pouvaient s'expliquer par les nécessités du service.

Les témoins K______ et J______ ont en outre précisé que les horaires continus pendant les week-ends s'expliquaient également par les nécessités du service et les responsabilités accrues des chefs de clinique durant ces jours moins dotés en personnel.

H. Par jugement du 14 octobre 2010, notifié aux parties le 18 octobre 2010, le
Tribunal des prud'hommes a condamné les HUG à verser à A______ la somme brute de 33'922 fr. 90 avec intérêts à 5% dès le 16 novembre 2006; la juridiction prud'homale a également débouté les HUG de leur demande reconventionnelle. En substance, les premiers juges ont retenu que les HUG n'étaient pas au bénéfice d'une autorisation permettant de déroger aux prescriptions de la LTr applicable au litige et que les conditions d'application de l'art. 28 LTr permettant une
dérogation n'étaient pas réunies en l'espèce, faute d'un accord intervenu entre les partenaires sociaux. Se prévalant des témoignages recueillis dans la procédure concernant notamment les participants à la séance du 1er novembre 2007, le
Tribunal des prud'hommes a considéré qu'un accord n'avait pas été trouvé lors de cette séance, faute d'avoir été ratifié par l'AMIG. Le Tribunal des prud'hommes a en outre retenu que les 423 heures de travail supplémentaires invoquées par l'employée, basées sur les grilles horaires d'un programme informatique fourni par l'entreprise, paraissaient conformes aux heures de travail réellement
effectuées, les témoins entendus à la procédure ayant pu confirmer que les
décomptes horaires saisis par A______ étaient corrects, à tout le moins
vraisemblables et l'employeur ne pouvant invoquer sa propre défaillance dans la vérification de ces grilles-horaires. Les premiers juges ont condamné de ce chef les HUG à verser A______ la somme brute de Fr. 33'922.90 à titre de rétribution des heures de travail supplémentaires au taux de base majoré de 25%. Les
premiers juges ont en outre rejeté la demande reconventionnelle formée par les HUG considérant que la sixième semaine de vacances allouée à A______, en
application du RCSAC, ne constituait un avantage indu donnant lieu à restitution.

I. A l'encontre de ce jugement, les HUG interjettent appel par acte du 16 novembre 2010, sollicitant l'annulation du jugement du Tribunal des prud'hommes, le
déboutement de la réclamation de A______ et la condamnation de cette dernière à verser aux HUG la somme de 5'742 fr., avec intérêts à 5% dès le 14 mai 2009, au titre de trop-perçu. En substance, l'appelant rappelle les difficultés de l'application de la LTr au sein des hôpitaux suisses et retient qu'un accord avait été trouvé entre les partenaires sociaux et les autorités d'exécution sur les
modalités d'application de la LTr au sein des HUG permettant à ces derniers de calculer, jusqu'au 1er octobre 2008, la durée maximale de travail sur deux
semaines (et non sur une semaine) pour les chefs de clinique avec FMH.

L'appelant conteste en outre l'exactitude des décomptes fournis par A______ aux motifs qu'ils ne prennent pas en considération la pause de midi, les jours fériés et les heures consacrées à la formation professionnelle; les HUG retiennent que seules 61 heures de travail supplémentaires peuvent être admises de ce chef et
invoquent à ce sujet une compensation avec la sixième semaine de congé octroyée à l'employée (soit 148 heures) créant ainsi un solde créditeur de 87 heures de congé octroyées en trop à l'employée et autorisant les HUG à réclamer une somme de 5'742 fr. à titre de demande reconventionnelle.

J. Par mémoire de réponse du 3 janvier 2011, A______ s'est opposée à l'appel et a conclu à la confirmation du jugement entrepris. L'intimée indique avoir démontré la légitimité des heures de travail supplémentaires accomplies qui, à teneur de la LTr applicable au litige, donnent droit à une compensation dès lors qu'aucune
dérogation n'a été convenue. L'intimée invoque également la réalité des heures de travail supplémentaires invoquées en procédure, dont le bien-fondé a été confirmé par les nombreux témoins entendus dans le cadre des débats.

K. A l'audience de ce jour, les HUG ont à nouveau précisé que, en raison de la
difficulté d'adaptation de la loi sur le travail au sein de leurs services, ils avaient convenu de modalités d'application de cette réglementation à la suite de
discussions avec les partenaires sociaux et en accord avec les autorités; il résultait de ces discussions que les HUG étaient autorisés à calculer les heures de travail supplémentaires réalisées par les chefs de clinique FMH sur une base d'un lissage sur deux semaines et ceci jusqu'au 1er octobre 2008. Le témoin M______, dont l'audition a été sollicitée par l'appelant, a indiqué avoir travaillé en qualité de
juriste au sein des HUG jusqu'au 31 décembre 2008 et avoir participé à la séance du 1er novembre 2007 liée aux conditions d'aménagement de l'application de la LTr aux HUG, en présence des représentants de l'OCIRT et du SECO. Elle a
indiqué se souvenir que cette séance s'était tenue à une époque où des discussions étaient entreprises entre les HUG et l'AMIG sur les conditions d'application de la LTr; elle a également indiqué se souvenir que la question du lissage avait été
discutée sans pouvoir toutefois indiquer si le lissage avait été formellement
accepté lors de cette séance, bien que, de son point de vue, les autorités (SECO et OCIRT) avaient constaté une convergence de vues au sein des partenaires sociaux qui avait justifié la communication de l'OCIRT du 7 novembre 2007 permettant un lissage.

L______, supérieur hiérarchique de A______, a confirmé que cette dernière n'avait pas contesté la procédure d'indemnisation liée à l'accomplissement d'heures supplémentaires; il a précisé ne pas avoir validé les horaires de travail de sa subordonnée et considéré que les plannings d'octobre 2006 étaient
représentatifs de l'activité d'un chef de clinique à l'hôpital; il a enfin indiqué que, à sa connaissance, les chefs de clinique de son service exerçaient leur activité dans un cadre de 50 heures hebdomadaires et qu'il était exceptionnel que cette limite soit dépassée.

L. Les arguments des parties sont repris dans la mesure utile.

EN DROIT

1. Dirigée contre une décision intervenue le 14 octobre 2010, la procédure d'appel est régie par l'ancien droit et non par les dispositions du Code de procédure civile entré en vigueur le 1er janvier 2011 (art. 404 al. 1 CPC). Interjeté dans le délai et la forme prescrits par la loi (art. 59 a LJP), l'appel des HUG est recevable.

2. Les parties s'accordent à reconnaître que la loi fédérale du 13 mars 1964 sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, dite loi sur le travail (ci-après « LTr ») s'applique au litige à compter du 1er janvier 2005. Jusqu'à la fin 2004, les médecins-assistants étaient en effet exclus du champ d'application de la loi (art. 3 lit. e dans sa version valable jusqu'au 31 décembre 2004). Sur la base d'une initiative parlementaire, visant à soumettre les médecins-assistants à la loi sur le travail, une commission à la sécurité sociale et de la santé du Conseil National est arrivée à la conclusion qu'il n'existait aucun motif objectif et légal d'exclure les
médecins-assistants du champ d'application de la loi. La commission proposa alors de supprimer cette exception de l'art. 3 lit. e LTr et la modification entra en vigueur le 1er janvier 2005.

La notion de médecins-assistants était définie dans l'ordonnance (art. 12 al. 1a OLT1) et prescrivait que, par médecin-assistant on entendait les médecins qui, après avoir réussi leurs examens d'Etat en médecine humaine, dentaire ou vétérinaire, suivaient une formation post-grade en vue d'obtenir leur premier titre de médecin-spécialiste ou de satisfaire aux critères d'admission d'ouverture de leur propre cabinet. L'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (OLT1) du 10 mai 2000, révisée avec effet le 1er janvier 2005, stipule que la loi s'applique aux
hôpitaux et cliniques publics dans le cadre des rapports de travail qui les lient à des médecins-assistants au sens de la définition précitée (art. 4a OLT1). Dans un document intitulé « Aide-mémoire sur l'application sur la loi sur le travail aux HUG au 1er janvier 2005 », l'appelant a indiqué que la LTr était applicable, dès le
1er janvier 2005, à l'ensemble des collaborateurs des HUG, à l'exception des
travailleurs exerçant une fonction dirigeante élevée qui était listée en annexe. Les médecins-chefs de clinique, même porteurs d'un titre FMH, n'étant pas considérés comme des travailleurs exerçant une fonction dirigeante au sens de l'art. 3 lit. d LTr, ils sont ainsi assimilés à des médecins-assistants au sens de l'art. 4a al. 3 OLT1.

3. Les parties divergent sur les modalités d'application de la LTr au sein des HUG, dont elles reconnaissent les difficultés d'application, dans la mesure où les HUG allèguent être au bénéfice d'un système dérogatoire impliquant un lissage des heures supplémentaires sur une moyenne de deux semaines, voire un délai de grâce pour la mise en application de la LTr, alors que l'intimée soutient que cette réglementation s'appliquait dès le 1er janvier 2005 sans dérogation ou délai de grâce.

3.1 La LTr prévoit un régime de dérogation permettant à l'autorité, à titre
exceptionnel, d'apporter de minimes dérogations aux prescriptions de la loi et de l'ordonnance lorsque l'application de ces prescriptions entraînerait des difficultés extraordinaires et pour autant que la majorité des travailleurs intéressés ou leurs représentants dans l'entreprise consente à ces dérogations. En tant qu'il permet de déroger à un système d'autorisation, l'art. 28 LTr se conçoit dès lors comme un système d'exception aux normes dont l'application est contrôlée par l'autorité administrative par le biais d'une autorisation, et non comme une règle dérogatoire générale. L'octroi par l'autorité d'une dérogation n'est pas uniquement régi par des critères objectifs plus ou moins quantifiables, mais également par un élément subjectif : la dérogation est subordonnée à l'accord des travailleurs. Cet accord n'est cependant pas individuel, mais collectif et il suffit que la majorité des travailleurs ou leur représentation dans l'entreprise ait manifesté leur consentement (Olivier Subilia, Commentaire de la loi sur le travail, Berne 2005, Nos 2 et 7 ad art. 28 LTr).

3.2 Les parties reconnaissant que la première condition (difficulté d'application dans la mise en oeuvre de la LTr) est réalisée, il convient d'examiner si l'appelant peut se prévaloir d'un consentement des travailleurs au sens de l'art. 28 in fine LTr relatif à un « lissage » des heures de travail sur deux semaines. A l'appui de son argumentaire, l'appelant indique que diverses modalités d'application de la LTr au sein des HUG avaient été convenues entre les partenaires sociaux et avaient rencontré l'aval des autorités administratives de contrôle. Ces modalités d'exécution concernaient notamment l'art. 9 LTr relatif à la durée maximale de la semaine de travail et la possibilité pour les HUG, à titre transitoire, de calculer cette durée maximale en moyenne sur deux semaines. L'appelant fait à ce sujet
référence à la séance tenue le 1er novembre 2007 entre les représentants de l'OCIRT, du SECO, de l'AMIG et des HUG dont la teneur a été confirmée par un courrier de l'OCIRT du 7 novembre 2007. Cette communication (i) demandait aux HUG d'organiser le travail des médecins-assistants et chefs de clinique avec ou sans FMH de façon à ce que la durée hebdomadaire de 50 heures soit respectée en moyenne sur deux semaines, (ii) rappelait que la limite de 140 heures de travail supplémentaires par année, soit 35 heures par trimestre (heures travaillées au-delà de 50 heures en moyenne sur deux semaines) ne devait pas être dépassée; l'OCIRT accordait un délai au 1er octobre 2008 pour la mise en conformité de ces deux points. Si les participants à la séance du 1er novembre 2007 se sont accordés à reconnaître qu'une discussion constructive permettait de dégager une solution satisfaisante, ces mêmes participants n'ont pas constaté d'accord formel de l'AMIG, représentante des médecins-assistants, sur une dérogation à la LTr par la voie d'un lissage du travail supplémentaire sur deux semaines. Le témoin F______, représentante du SECO, a indiqué que la proposition du lissage, qui avait été effectuée par l'OCIRT avec l'accord préalable de l'autorité fédérale, n'avait pu être mise en pratique faute d'avoir obtenu l'accord de l'AMIG; elle a confirmé que les discussions avaient certes été menées pour trouver des solutions dérogatoires, mais qu'aucune n'avait aboutie de telle sorte que la LTr avait
toujours été applicable aux médecins-assistants depuis son entrée en vigueur le
1er janvier 2005. E______ a précisé qu'aucune dérogation n'avait été octroyée par l'OCIRT, dès lors que le SECO était le seul compétent en la matière et que,
faute d'accord entre les différents partenaires, une dérogation ne pouvait être
effective. D______, également membre de l'OCIRT, a indiqué avoir eu l'impression que l'AMIG allait appuyer la proposition de l'OCIRT lors de la
réunion du 1er novembre 2007, mais cette proposition n'avait finalement pas pu être concrétisée faute d'avoir rencontré un accord formel sur une dérogation.
Entendue par la Cour d'appel à la demande de l'appelant, M______, à l'époque juriste auprès des HUG, a rappelé que la séance du 1er novembre 2007 avait donné lieu à un dialogue constructif qui s'était instauré avec l'AMIG et qui permettait d'entrevoir de possibles aménagements à la LTr. Le témoin n'a pu toutefois
indiquer si le lissage sur deux semaines avait été formellement accepté lors de cette séance, même si elle a indiqué avoir eu le sentiment d'une convergence de vues.

Les éléments rappelés dans cette dernière déclaration sont trop ténus pour que la Cour d'appel retienne un accord des travailleurs pour déroger aux prescriptions de la loi. Même si l'AMIG a pu adopter, lors de la séance du 1er novembre 2007, une écoute favorable sur les aménagements proposés, il importait que ces
aménagements fussent dûment acceptés par la représentation des travailleurs pour être ensuite entérinés par le SECO, seule autorité habilitée à adopter la dérogation ainsi convenue. Or, au-delà des convergences de vues qui ont pu être exprimées lors de la réunion, force est de constater qu'un accord formel de la représentation des travailleurs n'a pas été communiqué aux différents intervenants. Au contraire, à réception du courrier de l'OCIRT du 7 novembre 2007, l'AMIG s'est plainte auprès du SECO, par une communication du 14 décembre 2007 - dont le délai de prise de position peut s'expliquer par la consultation de ses membres - qu'elle contestait expressément la proposition d'un lissage une semaine sur deux
présentée par l'OCIRT. Cette communication ne contient au demeurant aucune indication permettant de retenir que l'AMIG aurait pu donner son consentement le 1er novembre 2007 sur lequel elle aurait souhaité revenir. L'AMIG indique, au contraire, que l'OCIRT avait présenté, lors de la séance du 1er novembre 2007,
des « propositions » réitérées dans la communication du 7 novembre 2007,
propositions qui sont rejetées par l'AMIG dans la prise de position du
14 décembre 2007. La Cour d'appel constate d'ailleurs que le SECO a pris acte de l'absence de consentement des travailleurs au sens de l'art. 28 LTr pour indiquer que la dérogation envisagée ne pouvait être retenue en dépit des propositions
effectuées par l'OCIRT. L'OCIRT n'avait en effet aucune compétence légale à cet effet et le SECO a formellement considéré que les assouplissements envisagés en novembre 2007 étaient demeurés des simples propositions, finalement rendues caduques faute d'accord des partenaires. L'appelant ne peut ainsi se prévaloir d'un accord dérogatoire à la LTr.

4. L'appelant indique en outre que, indépendamment de l'accord de l'AMIG, les HUG bénéficiaient d'un délai au 1er octobre 2008 pour la mise en conformité à la LTr et étaient ainsi autorisés, jusqu'à cette échéance, à calculer les heures de
travail réalisées par les chefs de clinique avec FMH sur la base d'un lissage de deux semaines. Elle relève ainsi que l'autorité administrative l'avait expressément autorisée, par la communication du 7 novembre 2007, à procéder à un lissage des heures de travail supplémentaires sur deux semaines. Elle soutient que cette
décision administrative lie le juge civil.

Cet argument ne convainc pas. Tout d'abord, le juge civil n'est lié par la mesure adoptée par l'autorité administrative que dans la mesure où cette mesure constitue une véritable décision bénéficiant d'une force exécutoire impliquant que la
décision ait pu être sujette à recours. En l'espèce, l'OCIRT ne s'est prononcé que dans le cadre de la mise en oeuvre du régime de sanctions administratives de la LTr mais n'a pas pris de décision administrative sujette à recours, l'avertissement selon l'art. 51 al. 1 LTr ne constituant pas une décision administrative contre un régime de sanctions énoncé à l'art. 52 LTr, mais relevant d'une intervention
préalable de l'autorité (Laurent Moreillon, Commentaire de la loi sur le
travail, Berne 2005, n° 1 ad art. 51 LTr). Du reste, la Cour d'appel relève que seul le SECO avait qualité pour déroger à l'art. 28 LTr et pour libérer les HUG de leurs obligations civiles à l'égard des travailleurs concernés. Or, la dérogation proposée a été refusée par l'autorité fédérale de telle sorte qu'elle ne pouvait être délivrée par l'autorité cantonale.

De plus, la Cour d'appel indique que cette problématique relève de « compétences parallèles » : la même législation (LTr) fonde à la fois la compétence des autorités administratives pour les mesures que l'intérêt public commande et la compétence des juridictions civiles pour statuer sur les prétentions que les particuliers font
valoir en application de ladite législation. Ces compétences respectives visent des intérêts distincts et sont exercées dans des cadres procéduraux différents.

Pour ces motifs, ce moyen de l'appelant sera rejeté et la Cour d'appel considérera que, jusqu'au 1er octobre 2008, les HUG n'étaient pas dûment autorisés à calculer les heures de travail supplémentaires réalisées par les chefs de clinique avec FMH sur la base d'un lissage sur deux semaines.

5. L'appelant conteste la réclamation en paiement d'heures de travail supplémentaires admises par les premiers juges aux motifs que (i) les décomptes d'heures fournis par l'employée seraient inexacts dès lors qu'ils incluraient des jours fériés, des vacances et de la formation professionnelle qui auraient dû en être déduits, (ii) les décomptes d'heures n'ont pas fait l'objet d'une validation de la part de la
hiérarchie, (iii) les heures de travail supplémentaires réellement effectuées doivent être arrêtées à 61 heures en application de l'art. 42 CO.

5.1 Le travail supplémentaire, qui se distingue des heures supplémentaires au sens de l'art. 321c CO, est le travail dont la durée excède le maximum légal, soit 45 ou 50 heures selon la catégorie de travailleurs concernés (art. 9 LT). La rémunération du travail supplémentaire est régie par l'art. 13 LTr qui prévoit une rétribution à hauteur du salaire de base majorée de 25%, mais uniquement à partir de la
61ème heure supplémentaire accomplie dans l'année civile pour les employés de bureau, les techniciens ou autres employés.

Il appartient au travailleur de prouver, d'une part, qu'il a accompli des heures supplémentaires et, d'autre part, que celles-ci ont été ordonnées par l'employeur ou qu'elles étaient nécessaires à la sauvegarde des intérêts légitimes de ce dernier (Wyler, Droit du travail, 2ème éd., p. 125 et les références citées). Lorsque le temps de travail est vérifié par une machine de pointage, il est arbitraire de considérer qu'une partie de ce temps est un temps de travail effectif et que les heures
dépassant la durée convenue contractuellement ne constituent pas des heures
supplémentaires (Tribunal fédéral, arrêt du 7 août 1996, SARB 3/97 n° 17,
p. 231). A fortiori, l'employeur qui dispose d'un tel système de contrôle ne peut prétendre ignorer l'exercice d'heures supplémentaires de sorte que les prétentions du travailleur ne sauraient se périmer dans ce cas. La totalité du temps de travail enregistrée par une machine de pointage doit être prise en considération (Tribunal fédéral, arrêt
4P_96/2003 du 30 juillet 2003, consid. 2.3.2). Il a également été jugé que des relevés personnels du travailleur, fournis quotidiennement ou mensuellement à l'employeur, pouvaient constituer un moyen de preuve approprié, même s'ils n'étaient pas contresignés par l'employeur (arrêt de la Cour d'appel des prud'hommes du 9 août 1999, SARB 3/00 n° 151, p. 976). Il est également retenu que l'employeur est tenu à rémunération lorsqu'il n'a émis aucune protestation, tout en sachant que le travailleur effectuait des heures supplémentaires et que ce dernier a pu déduire de ce silence que lesdites heures étaient approuvées (ATF
86 II 155 consid. 2; Tribunal fédéral, arrêt 4C_177/2002 du 31 octobre 2002,
consid. 2.1).

5.2 En l'espèce, les grilles-horaires invoquées par l'employée à l'appui de sa réclamation proviennent d'un programme informatique « B______ » fourni par les HUG. Les décomptes étaient présentés mensuellement et trimestriellement à la hiérarchie (témoins H______ et K______).

Les enquêtes ont démontré que la charge de travail de A______ était difficilement compatible avec la prise de pauses journalières de midi, même pendant des
périodes durant lesquelles le médecin n'assumait pas de garde (témoins K______, G_____ et I______). Cette situation a été également confirmée par le supérieur hiérarchique de l'intimée, L______, qui a indiqué que les heures de travail
effectuées à midi, hors les semaines de garde, s'expliquaient par la nécessité du service (témoin L______).

S'agissant des jours fériés, de vacances et de formation professionnelle comptabilisés par l'intimée, cette dernière indique avoir rectifié les heures supplémentaires introduites automatiquement dans le programme « B______ » des HUG qui
attribuait 10 heures de travail pour toute journée fériée, de vacances ou de formation professionnelle, au lieu des 8 heures journalières correspondant à l'horaire
contractuel des chefs de clinique porteurs d'un FMH. Cette situation a été corrigée en cours de procédure par la déduction de 2.75 heures comptabilisées à tort. Enfin, s'agissant des heures de formation professionnelle, il ne ressort pas des décomptes qu'elles auraient été incluses à tort dans les grilles-horaires. La participation à ces séances de formation professionnelles, tenues le mardi entre 8.00 heures et 9.00 heures, n'était d'ailleurs pas indispensable et A______ indique ne pas y avoir
systématiquement pris part; les médecins qui assistaient à ces colloques ayant l'obligation de signer une liste de présence, il appartenait aux HUG de produire ces listes de présence pour établir que la comptabilisation d'heures de travail, pendant cette heure de formation, était erronée.

5.3 C'est en vain que l'appelant cherche à démontrer que les décomptes d'heures produits par A______ n'auraient pas été validés par sa hiérarchie. Cette
défaillance dans la validation est contraire aux prescriptions des HUG, dont la directive du 15 juin 2006 (directive relative aux modalités d'application de la loi sur le travail et sa réglementation d'exécution pour les médecins [spécialisés en ______] et chefs de clinique avec ou sans FMH au sein des HUG) prescrivait que, d'une part, chaque chef de clinique avec FMH avait l'obligation de procéder à la saisie précise de ses heures d'activité dans le logiciel « B______ » et, d'autre part, le médecin chef de service devait valider les saisies effectuées par ses collaborateurs. Ainsi, les HUG ne sauraient invoquer leur propre défaillance pour contester les décomptes-horaires du chef de clinique saisis conformément aux directives de l'employeur. Les HUG n'ayant émis aucune protestation sur les décomptes-horaires régulièrement produits et dressés conformément aux directives de l'employeur, A______ pouvait légitimement déduire de ce silence que lesdites heures étaient approuvées.

5.4 Les HUG relèvent enfin, au bénéfice d'une application de l'art. 42 al. 2 CO, que les heures de travail supplémentaires effectuées par l'intimée ascendent à
61 heures. Le recours à l'art. 42 al. 2 CO invoqué par l'appelant à l'appui de son argumentaire ne peut être pris en considération que lorsque le travailleur a prouvé avoir effectué des heures supplémentaires dont le nombre ne peut être établi de manière exacte. En l'espèce, les décomptes-horaires saisis conformément aux
directives de l'employeur, ainsi que les mesures probatoires effectuées à ce sujet, ont permis aux premiers juges de forger leur conviction sur les heures de travail supplémentaires effectuées par l'intimée. Entendus à la procédure, les témoins G______, I______, H______, J______ et K______, ont tous confirmé que les
décomptes-horaires saisis par A______ étaient conformes à l'activité déployée par cette dernière au sein des HUG. Ainsi, les décomptes-horaires établis selon les
directives de l'employeur, et confirmés par les témoins entendus à la procédure, emportaient légitimement la conviction des premiers juges sur la quotité des heures de travail supplémentaires invoquées. La critique de l'appelant sur ce point ne peut être accueillie. Le témoin L______, supérieur hiérarchique de A______, même s'il a indiqué que, en général, les chefs de cliniques de son service arrivent à exercer leur activité dans un cadre de 50 heures hebdomadaires, a relevé que les décomptes-horaires mensuels de l'intimée sous « B______ », notamment à partir du mois d'octobre 2006, étaient représentatifs de l'activité d'un chef de clinique à l'hôpital. La Cour d'appel constate ainsi que ce témoin, ré-auditionné en
procédure d'appel, n'a pas substantiellement remis en cause les relevés-horaires produits par l'intimée. Les premiers juges n'ont donc pas fait preuve d'arbitraire dans l'appréciation des preuves en retenant comme fondés les décomptes-horaires établis par A______ sur la base des documents produits et des témoignages
recueillis dans la procédure confirmant la conformité de ces décomptes avec la charge de travail de l'intéressée.

6. Dans la mesure où la Cour d'appel retiendrait l'accomplissement d'heures de
travail supplémentaires, l'appelant invoque le bénéfice d'une compensation avec les montants reçus par A______ au titre d'indemnités pour heures supplémentaires (18'359 fr. 05), ainsi qu'avec la 6ème semaine de congé allouée pendant la période incriminée et correspondant à 148 heures de congés supplémentaires.
Les vacances supplémentaires dépassant les 61 heures de travail supplémentaires
reconnues par les HUG, ces derniers font valoir une demande reconventionnelle en paiement de 5'742 fr. correspondant à 87 heures payées en trop (148 heures
- 61 heures). A l'appui de son exception de compensation et de sa demande
reconventionnelle, l'appelant invoque l'application du RCSAC en vertu duquel l'employée a reçu les compensations précitées.

6.1 Par circulaire du 5 février 2005, les HUG ont informé les chefs de clinique avec ou sans FMH des éléments retenus pour le calcul de leur promotion.
Il était précisé que les chefs de clinique porteurs d'un FMH étaient soumis à la
réglementation liée aux cadres supérieurs de l'administration cantonale (RCSAC). Ils bénéficiaient de ce fait d'une 6ème semaine de vacances par année académique et de la réglementation liée à la rétribution des heures supplémentaires dans le respect de l'application de la LTr. Le même document mentionnait que toutes les heures effectives de travail réalisées seraient prises en considération dans le calcul du temps de travail, dès lors que la LTr avait abandonné la notion de garde. Il était enfin spécifié que le nombre d'heures de travail de référence était arrêté à
50 heures par semaine en moyenne sur le trimestre, à titre de disposition
transitoire.

La directive relative aux modalités d'application de la loi sur le travail et sa
réglementation d'exécution pour les médecins [spécialisés en ______] et chefs de clinique avec ou sans FMH au sein des HUG, entrée en vigueur le 1er juillet 2006, stipulait à nouveau que les chefs de clinique avec FMH étaient soumis au règlement des cadres supérieurs de l'administration cantonale (RCSAC). Le même document
indiquait que, s'agissant des chefs de clinique FMH, les heures supplémentaires seraient rémunérées forfaitairement dans le cadre de l'application du RCSAC, à concurrence de la limite prévue par la LTr (50 heures hebdomadaires).

Il résulte ainsi du texte de ces deux documents (« dans le respect de la LTr ») (« à concurrence de la limite prévue par la LTr ») que le régime prévu par le RCSAC n'avait pas pour vocation de compenser les heures de travail supplémentaires puisqu'il ne s'appliquait qu'aux heures de travail inférieures à la limite
hebdomadaire de 50 heures. En réservant expressément l'application de la LTr pour les heures de travail supplémentaires (excédant 50 heures hebdomadaires), la réglementation stipulait qu'elle n'entendait pas se substituer aux garanties
spécifiques de la LTr concernant les heures de travail supplémentaires. L'application du RCSAC à A______ n'a pu ainsi compenser les heures de travail
supplémentaires effectuées par cette dernière.

6.2 A l'appui de leur demande reconventionnelle, les HUG prétendent que la
6ème semaine de vacances octroyée en application du RCSAC aurait été destinée à compenser les heures supplémentaires effectuées. Dans la mesure où A______ n'a effectué que 61 heures de travail supplémentaires et qu'elle a reçu une compensation en congé représentant 148 heures, elle reste redevable de 87 heures payées en trop représentant 5'742 fr. L'argument est vain. La 6ème semaine de vacances relevait d'un régime contractuel de rémunération des heures supplémentaires prévu dans le règlement RCSAC qui n'avait pas vocation à compenser les heures de travail supplémentaires excédant les 50 heures hebdomadaires; à teneur de l'art. 7 RCSAC, la première tranche d'heures supplémentaires jusqu'à 100 heures était compensée sous la forme d'une semaine de vacances supplémentaires. Les débats ont démontré que, en sus de son horaire contractuel de 40 heures par semaine, A______ avait effectué au moins 100 heures supplémentaires chaque année et était donc éligible à recevoir la semaine de vacances complémentaire prévue à l'art. 7 RCSAC pour compenser les heures supplémentaires ainsi effectuées. Le régime contractuel applicable aux chefs de clinique porteurs d'un titre FMH,
instaurant un mécanisme de compensation forfaitaire des heures supplémentaires, reste toutefois sans portée pour la compensation des heures de travail supplémentaires (et non les heures supplémentaires) et la 6ème semaine de vacances dont a bénéficié A______, du fait qu'elle remplissait les conditions de l'art. 7 RCSAC, ne peut avoir compensé les heures de travail supplémentaires accomplies par l'employée.

7. Le jugement déféré sera ainsi confirmé.

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des prud'hommes, Groupe 5:

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par les Hôpitaux Universitaires de
Genève à l'encontre du jugement du Tribunal des prud'hommes du 14 octobre 2010
rendu dans la cause C/11271/2009-5.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Laisse l'émolument d'appel à charge de l'appelant.

 

 

Le président La greffière

Guy STANISLAS Véronique BULUNDWE-LEVY