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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3724/2017

ATAS/973/2018 du 26.10.2018 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3724/2017 ATAS/973/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 26 octobre 2018

8ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié aux Avanchets, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître David METZGER

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant), né le _______ 1970, a effectué sa scolarité au Kosovo et a travaillé deux ans comme polisseur. En Suisse depuis 1989, l’assuré, au bénéfice d’un permis d’établissement C, a travaillé de 1989 à 2002 pour le compte de B______, comme ouvrier polyvalent de 2002 à 2003, vendeur de meubles d’occasion de 2003 à 2004, puis dès 2005 il a exercé diverses missions dans le bâtiment pour le compte d’agences de travail temporaires.

2.        L’assuré a été en incapacité de travail totale du 12 décembre 2008 au 1er février 2009 et du 23 juillet 2009 au 27 août 2009, date à laquelle son contrat a pris fin. Le dernier jour de travail effectif était le 17 juillet 2009.

Selon l’attestation de C______ SA du 26 février 2010, l’assuré a travaillé du 27 août 2007 au 28 août 2009 comme maçon « A », pour un salaire horaire brut de CHF 37.40, y compris indemnités de vacances, jours fériés et gratification. L’horaire de travail était de 9h.45 par jour, soit 45 heures par semaine.

3.        L’assuré a perçu des indemnités de chômage dès le 28 août 2009 calculé sur la base d’un salaire assuré de CHF 6’026.-.

4.        Le 10 février 2010, l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’Office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après OAI ou l’intimé) indiquant souffrir de dépression et d’un problème ophtalmologique suite à un accident en 2002. Suite à une opération, il avait perdu la vue de l’œil droit.

5.        Dans son rapport du 31 mars 2010 à l’attention de l’OAI, la doctoresse D______ a indiqué que l’assuré est incapable de travailler à 100% depuis le 1.0. ( ?) 2009 (dès 23.07.2009 selon certificat médical). Le patient avait perdu la vue de l’oeil droit. Dans une activité adaptée, il pourrait travailler à 50%. La Dresse D______ a joint divers documents médicaux : selon le résumé d’observation des HUG du 11 mai 2006, le patient a été hospitalisé du 6 avril 2006 au 13 avril 2006. Il a subi deux traumatismes de l’œil droit, le premier en 1992 et le deuxième en 2005. Il présentait une hypertonie intraoculaire sévère de l’œil droit ayant nécessité plusieurs interventions. Dans son compte rendu opératoire du 24 mai 2006, le docteur E______, chef de clinique du service d’ophtalmologie des HUG, a diagnostiqué un glaucome post traumatique post sclérectomie profonde, pour lequel il est intervenu le 12 avril 2006 par, notamment, la pose d’un implant.

Le docteur F______, spécialiste FMH en ophtalmologie, a adressé un rapport à la Dresse D______ en date du 27 janvier 2010. Il avait vu ce patient pour la première fois en 2009 et confirmait que le patient avait perdu la vue de l’œil droit suite à l’accident.

6.        Interpellé par l’OAI quant à la capacité de travail, dans une activité sédentaire, le Dr F______ a répondu le 28 mai 2010 qu’il ne pouvait pas se prononcer, car de nouvelles plaintes étaient apparues. Il préconisait la mise en œuvre d’une expertise qui permettra de se prononcer sur la possibilité d’une réadaptation. Le patient ne pouvait pas conduire de véhicule.

7.        A la requête de l’OAI, la SUVA, assureur-accidents, a produit son dossier lequel ne contient aucun renseignement au sujet des deux accidents de 1992 et 2005.

8.        La Dresse D______ a indiqué dans son rapport intermédiaire du 24 septembre 2010 que l’état de santé de l’assuré s’était aggravé du point de vue ophtalmologique.

9.        Dans son avis du 21 octobre 2010, le docteur G______, médecin SMR, a recommandé la réalisation d’une expertise ophtalmologique. L’OAI a mandaté à cet effet l’Hôpital Jules Gonin, à Lausanne.

10.    Dans leur rapport d’expertise du 4 mai 2011, les docteurs H______, médecin adjoint, et I______, médecin assistante, de l’Hôpital Jules Gonin, ont diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, une cécité légale de l’œil droit, et, sans répercussion sur la capacité de travail, concernant l’œil droit, un status postcontusion oculaire avec cataracte traumatique et désorganisation du segment antérieur, une pseudophakie, un status postcapsulotomie laser et post chirurgie filtrante ; concernant l’œil gauche, un syndrome de dispersion pigmentaire. La cécité de l’œil droit est irréversible. Pour l’œil gauche, la baisse de l’acuité visuelle nécessite une surveillance périodique, afin de dépister le développement d’un glaucome pigmentaire. Dans l’activité de maçon, l’incapacité de travail est totale, car l’assuré ne peut plus exécuter des activités qui impliquent une vision stéréoscopique, par exemple le travail sur un terrain accidenté, sur des échelles et des échafaudages ou avec des machines tournant à haute vitesse. Dans une activité adaptée, par exemple un travail de bureau, une capacité de 100% pourrait être envisagée, avec un rendement de 100%. Du point de vue médical, l’incapacité de travail de 20% au moins existe depuis le courant de l’année 2009, les informations étant toutefois à cet égard insuffisantes selon les experts. Quant à l’évolution de l’incapacité de travail, les experts ne pouvaient pas répondre. Des mesures de réadaptation professionnelles étaient envisageables, pour autant que l’activé soit adaptée au status monoculaire. Les experts ont encore précisé que l’assuré ne pouvait pas exercer des activités qui nécessitent un effort visuel important et soutenu, ni des activités nécessitant une vision stéréoscopique.

11.    Le stage OSER de trois mois aux EPI, proposé à l’assuré par le service de réadaptation professionnelle de l’OAI, n’a pas eu lieu, l’assuré ayant déclaré ne pas s’en sentir capable.

12.    Par avis du 13 mai 2013, le SMR a demandé de reprendre l’instruction médicale, au vu des autres problèmes médicaux soulevés par l’assuré.

13.    La doctoresse J______, psychiatre et psychothérapeute, a établi un rapport médical à l’attention de l’OAI en date du 23 juillet 2013. Elle a diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.11), depuis 2012, et une perte totale d’acuité visuelle de l’œil droit suite aux accidents et interventions opératoires. Sans effet sur la capacité de travail, elle a mentionné une bronchite avec bronchectasies au niveau du poumon droit, depuis 2013. Elle suivait le patient depuis février 2012, auparavant le patient était suivi par le psychiatre du Centre médical K______ à L______. L’évolution psychique est décrite comme instable, avec deux rechutes dépressives pendant l’année 2012. Il n’y a pas de signes cliniques de prise de toxiques, d’intoxication ou de sevrage, ni d’évidence de rupture de contact avec la réalité ou de symptômes hallucinatoires franches. Le pronostic est plutôt défavorable en ce qui concerne ses capacités d’initier une activité structurée, de la continuer et d’être endurant au travail. Compte tenu de complications handicapantes apparues, du comportement maladie dans lequel il reste figé, les compétences actuelles du patient sont difficilement compatibles avec une activité professionnelle. Cependant, compte tenu du jeune âge du patient, il pourrait bénéficier d’un accompagnement plus poussé dans l’évaluation de ses compétences. L’incapacité de travail est de 100% depuis 2010. Des mesures de réadaptation professionnelle seraient envisageables : la stabilité thymique, la baisse de manifestations anxieuses et une meilleure représentation de soi pourraient aider ce patient à mieux s’organiser dans sa vie, à fixer différemment les priorités et son indépendance. Mais en même temps, la psychiatre restait dubitative sur sa possibilité réelle de retrouver une capacité de travail.

14.    Dans un rapport médical reçu par l’OAI le 23 août 2013, la Dresse D______ a noté une toux et expectoration importante sur 24 heures, avec de rares râles bronchiques disséminés. Au CT-SCAN, broncoctasie lobe moyen et lingua. La capacité de travail dans une activité adaptée est de 0 %. Un traitement par antibiotiques, préconisé par le docteur M_____, spécialiste FMH des maladies des poumons, a été instauré.

15.    Le SMR, par avis du 21 octobre 2013, a estimé souhaitable, au vu de la situation, de proposer des mesures de réadaptation à l’assuré, sur une période de trois mois, afin de lui permettre de restaurer sa confiance dans sa capacité de travail et son utilité de trouver une piste professionnelle.

16.    Le service de réadaptation professionnelle, dans son rapport du 19 mai 2014, a proposé la prise en charge de mesures de réinsertion, sous la forme d’un stage d’entrainement à l’endurance, du 19 mai au 17 août 2014.

17.    Le 23 mai 2014, le docteur N______, spécialiste FMH, maladie des yeux, a établi un rapport médical à l’attention des EPI. Concernant l’acuité visuelle de l’œil droit, il a noté une perception lumineuse non orientés. L’acuité visuelle de l’œil gauche avec correction est de 0,3 avec +0,25 = -0,25 à 165°. La vision de près est de 0,32 avec addition + 1D. Les examens complémentaires effectués montrent à l’OCT de l’œil gauche une structure fovéolaire conservée, pas d’altération. Lotmar : œil gauche pas possible car le patient est ébloui par la lumière. Le Dr N______ a précisé lors d’un entretien téléphonique avec le maître d’atelier des EPI, que l’estimation de la vue de l’œil gauche à 30% a été impossible à objectiver, car le patient a manqué de collaboration et de compliance lors de l’examen. Le maître d’atelier a cherché à motiver l’assuré, sans succès, car ce dernier se sentait incapable de faire un travail et avait peur de perdre l’autre œil. Le maître d’atelier a conclu que l’état de santé de l’assuré ne lui permettait pas de suivre une mesure de type entraînement endurance. Il n’a pas laissé apparaître la moindre lueur d’espoir de réagir favorablement à la mesure lors des nombreux entretiens de motivation menés. Il est anxieux, a peur d’être handicapé des deux yeux. Il n’est pas prêt pour s’engager dans une réinsertion professionnelle, tant que cette crainte l’habite.

18.    Au vu de l’échec de la mesure, le service de réadaptation professionnelle de l’OAI a proposé, le 20 octobre 2014, une expertise pluridisciplinaire, se référant à l’avis SMR du même jour (pièce ne figurant pas au dossier), avec volets de médecine interne, ophtalmologique et psychiatrique. 

19.    Par avis du 4 décembre 2014, le docteur O______, médecin SMR, relève que la cause de l’interruption de la mesure le 13 juin 2014 est due à un état dépressif moyen avec syndrome somatique. Au vu du contexte et après relecture du dossier, notamment le rapport médical de la Dresse J______ du 23 juillet 2013, on met en évidence plusieurs facteurs psychosociaux qui jouent un rôle dans l’affaire. Afin de bien évaluer l’exigibilité et voir dans quelle mesure elle est influencée par ces facteurs, le médecin SMR a proposé une expertise psychiatrique ou un examen psychiatrique au SMR.

20.    Le 1er juillet 2015, l’OAI a mandaté le docteur P______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, pour expertise. La liste des questions à poser à l’expert a été communiquée à l’assuré, qui n’a pas formulé de questions complémentaires dans le délai imparti.

21.    A la demande de l’expert, la Dresse J______ lui a adressé un rapport en date du 26 février 2016, dans lequel elle a indiqué les dates de suivi jusqu’à janvier 2014, les traitements prescrits (précisant qu’elle n’avait pas fait de dosage de Cipralex), ses diagnostics et son appréciation concernant l’évolution de la situation. Elle a notamment indiqué que le patient présentait une personnalité anxieuse, brutalement et totalement déstabilisée par l’accident qui a entraîné une baisse de l’acuité visuelle. Il ne dispose pas des moyens pour remonter la pente. Selon les observations de l’époque, tenant compte des capacités du patient, de la multitude des souffrances physiques, des somatisations apparues, du manque de courage et des moyens d’investissements du patient, elle estime que le pronostic est mauvais. Seul un approfondi et soutenant travail d’évaluation pourrait aider le patient à réinvestir une vie professionnelle.

22.    Dans son rapport d’expertise du 21 juillet 2016, le Dr P______ indique avoir examiné l’assuré le 29 janvier 2016. Au niveau somatique, il relate deux traumatismes oculaires de l’œil droit, le premier en 1992, et le second en 2005 pour lesquels il a subi cinq opérations successives. La vision de l’œil droit est jugée irrécupérable. Lors de l’entretien, l’assuré s’est montré assez agressif, refusant de réaliser les tests psychométriques, arguant ses problèmes de vue. Il était peu collaborant et le contact visuel avait été très mauvais. Il s’exprimait relativement bien en français, mais donnait des renseignements flous, incertains. Il n’y avait pas de dépressivité marquée dans le sens d’une anhédonie ou d’aboulie. Il était surtout irritable, un peu tendu. L’examen clinique était dès lors très difficile à effectuer. D’un point de vue anxieux, il n’a a pas d’argument pour un trouble de l’anxiété ou un trouble panique. Il n’y a pas de signe floride de la lignée psychotique. L’expert a diagnostiqué sur l’axe I un épisode dépressif majeur récurrent actuellement en rémission ou (subclinique) une éventuelle dysthymie. Sur l’axe IV, il n’y a pas de facteur de stress aigu. Analysant la cohérence, l’expert a relevé le manque de collaboration de l’assuré, de la psychiatre, et également lors des entretiens de réadaptation et du stage aux EPI. Selon l’expert, la Dresse J______ n’aurait pas répondu à ses demandes de renseignements … (sic). Malgré son jeune âge, toutes les propositions constructives semblent irrémédiablement mises en échec, le patient adoptant une attitude de résistance, passive-agressive. Celle-ci ne prend pas racine sur une atteinte psychopathologique majeure. Il semble exister de nombreux facteurs qui sortent du champ médical, telle qu’une maitrise relative du français, l’absence de qualification professionnelle spécifique, un parcours professionnel marqué par de nombreuses périodes de chômage.

En conclusion, concernant la capacité de travail, mis à part un éventuel épisode dépressif en 2012 et en 2013, l’expert estime que la capacité de travail médico-théorique de l’assuré est entière dans une activité adaptée à ses limitations somatiques objectives, dès le début 2013. La valeur incapacitante de l’éventuel épisode dépressif en 2012 est difficile à estimer rétrospectivement, mais l’expert relève que l’assuré a effectué cette année-à toutes les démarches médicales astreignantes pour avoir un nouvel enfant en pratiquant des FIV. Au vu de la nature et de l’importance des sollicitations qu’imposent ce type de décision et les démarches y relatives, cela semble aussi confirmer indirectement que la symptomatologie dépressive ne pouvait dès lors pas être jugée comme incapacitante, probablement déjà à cette période.

23.    Le 28 juillet 2016, le Dr P______ a transmis à l’OAI le rapport que la Dresse J______ avait adressé à son cabinet le 26 février 2016, relevant que ce dernier n’apportait pas d’éléments complémentaires permettant de modifier son appréciation.

24.    Le SMR, dans son avis du 26 septembre 2016, prend acte de l’expertise selon laquelle la capacité de travail de l’assuré est entière du point de vue psychiatrique depuis 2013. Les mesures de réentraînement à l’endurance ont été interrompues en raison de facteurs psychosociaux. Dans une activité adaptée, la capacité de travail est de 100% depuis le 1er octobre 2009, selon l’avis du 8 juillet 2011.

25.    Par projet de décision du 26 mai 2017, puis par décision du 6 juillet 2017, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité à l’assuré, motif pris que l’incapacité de travail dans l’activité habituelle est de 100%, mais que la capacité de travail dans une activité adaptée à son état de santé était de 100% dès le 1er octobre 2009. Après comparaison des gains, le degré d’invalidité est de 23%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente. Les pièces médicales produites par l’assuré ne montraient pas de faits nouveau susceptibles de modifier ses conclusions.

26.    Par rapport médical du 20 juin 2017, le Dr F______ indique qu’au dernier status, la meilleure vision du patient se limitait à une perception des mouvements de la main à l’œil droit avec -18,5 et 0,4 à gauche avec 0,5 = -0,25 à 93°. Le segment antérieur de l’œil droit était caractérisé par une pseudophakie et une pupille en mydriase alors qu’à gauche le segment antérieur était sans particularité. Le Dr F______ a joint un rapport de consultation neuro-ophtamologique où un champ visuel avait été pratiqué qui s’était montré fortement altéré.

27.    Par acte du 13 septembre 2017, l’assuré, représenté pas son mandataire, interjette recours contre la décision précitée. Le recourant conclut préalablement à la production de l’avis médical du SMR du 20 octobre 2014 et à la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire. Principalement, il conclut à l’annulation de la décision de l’OAI, à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2010, sous suite de frais et dépens. Selon le recourant, l’instruction effectuée par l’intimé est lacunaire ; alors que le SMR avait préconisé une expertise pluridisciplinaire dans une avis du 20 octobre 2014 qui ne figure pas au dossier, que la dernière expertise ophtalmologique date de mai 2011, que ses problèmes ophtalmologiques se sont aggravés, l’intimé a mis en œuvre uniquement une expertise psychiatrique et choisi le Dr P______, dont la valeur probante est contestée. Le recourant fait grief à l’intimé d’avoir pris une décision de refus de prestations AI sans connaître l’ensemble des faits d’ordre médical de manière précise et documentée. En particulier, les troubles physiques (pulmonaires, troubles du sommeil, etc.) n’avaient jamais été investigués sérieusement par un expert en médecine générale.

28.    Dans sa réponse du 12 octobre 2017, l’OAI conclut au rejet du recours, relevant en substance que le recourant s’est présenté à deux expertises successives, lesquelles ont pleine valeur probante.

29.    Par écriture du 15 novembre 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions.

30.    Par courrier du 30 juillet 2018, la chambre de céans a requis la production du rapport SMR du 20 octobre 2014 et des explications quant au fait que ledit avis n’avait pas été suivi.

31.    Le 7 août 2018, l’intimé explique que l’avis du SMR du 20 octobre 2014 ne figurait pas au dossier sous forme écrite et que c’est l’avis du 4 décembre 2014 qui a été suivi pour mettre en œuvre l’expertise psychiatrique.

32.    Après communication de la réponse de l’intimé au recourant, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

4.        Le litige porte sur le degré d’invalidité du recourant, singulièrement sur le point de savoir si l’intimé est fondé à refuser l’octroi de toutes prestations d’invalidité.

5.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

6.        En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon les art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

7.        Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.        Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

Dans l'éventualité où des troubles psychiques ayant valeur de maladie sont finalement admis, il y a alors lieu d'évaluer le caractère exigible de la reprise d'une activité lucrative par l'assuré, au besoin moyennant un traitement thérapeutique. A cet effet, il faut examiner quelle est l'activité que l'on peut raisonnablement exiger de lui. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 127 V 294, consid. 4c, ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références). Ces principes sont valables, selon la jurisprudence, pour les psychopathies, les altérations du développement psychique (psychische Fehlentwicklungen), l'alcoolisme, la pharmacomanie, la toxicomanie et pour les névroses (RCC 1992 p. 182 consid. 2a et les références; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 237/04 du 30 novembre 2004 consid. 4.2).

9.        a) Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

b) Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

c) En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

d) On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

10.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

11.    En l’espèce, il ressort du dossier médical que le recourant présente plusieurs atteintes à la santé.

a)    Sur le plan ophtalmologique, il a subi une perte totale de la vision de l’œil droit suite à deux accidents et leurs suites opératoires et qu’il présente une vision abaissée de l’œil gauche. L’incapacité de travail de 100% depuis le 1er octobre 2009 dans l’activité habituelle d’ouvrier du bâtiment n’est pas contestée. Dans une activité adaptée, la Dresse D______, médecin traitant, estimait la capacité de travail à 50%, mais après une réinsertion professionnelle (rapport du 31 mars 2010), puis en septembre 2010, elle indiquait que l’état de santé s’était aggravé sur le plan ophtalmologique. Le Dr F______, qui ne pouvait se prononcer le 28 mai 2010 sur la capacité de travail dans une activité sédentaire, préconisait quant à lui une expertise et précisait que le recourant ne pouvait pas conduire de véhicule. Dans leur rapport d’expertise ophtalmologique du 4 mai 2011, les experts ont indiqué que le recourant avait subi un traumatisme de l’œil droit en 1985, puis un deuxième en 2006, avec mise en place d’un tube Express. Le recourant se plaignait de flou visuel, de loin comme de près, de photophobie, de vertige dans les espaces agglomérés et de céphalée quasi-quotidienne. Au status clinique, l’examen du champ visuel par confrontation a mis en évidence pour l’œil droit une perception des mouvements de la main seulement au centre, et pour l’œil gauche, le comptage des doigts dans les quatre quadrants. L’examen visuel de Goldmann et Octopus s’est révélé impossible pour l’oeil droit et a montré pour l’œil gauche des déficits non organiques, une perte globale de la sensibilité et des déficits périphériques concentriques. Les experts ont diagnostiqué avec répercussion sur la capacité de travail une cécité légale de l’œil droit et, sans répercussion sur la capacité de travail, pour l’œil droit, un status postcontusion oculaire avec cataracte traumatique et désorganisation du segment antérieur, une pseudophakie, un status postcapsulotomie laser et un status post chirurgie filtrante ; pour l’œil gauche, un syndrome de dispersion pigmentaire. Dans l’appréciation du cas, les experts ont relevé que la cécité légale de l’œil droit était à présent irréversible. Le patient était réadressé à son ophtalmologue traitant pour adapter le traitement afin de prévenir des pertes supplémentaires des fibres nerveuses du nerf optique. Pour l’œil gauche, il était noté une baisse d’acuité visuelle et une composante non organique ; une surveillance périodique était recommandée, afin de dépister le développement d’un glaucome pigmentaire. Concernant la capacité de travail, les experts attestaient une incapacité de travail de 100% depuis le courant de l’année 2009 dans l’activité de maçon, qui n’était plus exigible ; l’assuré ne pouvait pas exécuter des activités impliquant une vision stéréoscopique (travail sur un terrain accidenté, sur des échelles, des échafaudages ou avec des machines tournant à haute vitesse). En revanche, dans une activité adaptée, les experts estimaient que l’assuré pouvait travailler à 100%, avec un rendement possible de 100% pour autant que l’activité soit adaptée au status monoculaire, étant précisé que l’assuré ne peut pas exercer des activités qui nécessitent un effort visuel important et soutenu ou une vision stéréoscopique.

La chambre de céans constate toutefois que les experts, ne connaissant pas la nouvelle activité, ont indiqué qu’ils ne pouvaient pas se prononcer dans quelle mesure l’activité adaptée pouvait être exercée (par ex. le nombre d’heures par jour) ni sur la diminution de rendement. De même, si une activité de bureau a été envisagée, on ignore si le recourant peut travailler sur un ordinateur.

b) Sur le plan physique, la Dresse D______ indique dans son rapport du 31 mai 2013 que le recourant souffre d’une bronchectasie importante. La capacité de travail est nulle.

c) Enfin, le recourant a été suivi sur le plan psychiatrique depuis 2011. Dans son rapport du 23 juillet 2013, la Dresse J______ a diagnostiqué un trouble dépressif récurent, épisode actuel moyen, avec syndrome somatique (F33.11). Une importante péjoration de l’humeur a été observée par le médecin traitant depuis la fin de l’année 2011, début de l’année 2012, avec la perte de plaisir dans ses loisirs et le manque d’investissement du patient dans la vie de sa famille. Malgré une certaine fidélité aux soins, l’évolution psychique est instable, avec deux rechutes dépressives pendant l’année 2012, chaque fois en lien avec des investigations laborieuses au niveau de l’oeil. Il a bénéficié d’un traitement psychiatrique et psychothérapeutique, ainsi que d’un traitement médicamenteux psychotrope. La psychiatre note que le patient se sent dépassé triste, désespéré et épuisé par les maladies. Le sommeil est superficiel. La psychiatre, prenant note des limitations fonctionnelles psychiques et des complications observées sur le plan somatique en général, émet un pronostic plutôt défavorable en ce qui concerne les capacités de l’assuré d’initier une activité structurée sur la durée et d’être endurant au travail. Cependant, vu le jeune âge du patient, il pourrait bénéficier d’un accompagnement plus poussé dans l’évaluation de ses compétences pour reprendre une activité structurante. Selon la psychiatre, l’incapacité de travail est de 100% depuis 2010. Elle ne pouvait définir avec certitude la date d’une possible reprise de l’activité professionnelle.

A la requête de l’intimé, le Dr P______ a procédé à l’expertise psychiatrique du recourant. Dans son rapport du 21 juillet 2016, l’expert retient le diagnostic d’épisode dépressif majeur récurrent, actuellement en rémission, et une éventuelle dysthymie, sans répercussion sur la capacité de travail. Le recourant ne présente pas d’humeur dépressive marquée, d’anhédonie, ni d’aboulie et de fatigabilité majeure. On relève une certaine irritabilité, des troubles du sommeil, mais l’appétit est normal. Selon l’expert, l’assuré se montre d’emblée assez agressif avec la secrétaire. Il est très peu collaborant, le contact visuel est très mauvais. L’assuré adopte une attitude très défensive, ne donnant qu’avec réticence quelques renseignements, souvent fous, incertains. Le manque de collaboration de l’assuré ne s’inscrit pas dans une pathologie psychique. L’observance au traitement est annoncée comme mauvaise, l’assuré n’a plus consulté depuis longtemps son médecin psychiatre. Concernant la capacité de travail attestée par la psychiatre depuis 2010, l’expert relève qu’elle ne le suivait que depuis février 2012. Si l’on peu admettre une éventuelle incapacité de travail pour des motifs psychiques difficiles à attester rétrospectivement dès février 2012, l’expert estime qu’il est difficile de la prolonger au-delà de fin 2012, quand on sait que l’assuré a effectué des démarches avec son épouse à cette époque pour pratiquer des FIV. En définitive, il n’y a aucune incapacité de travail ni baisse de rendement dans toute activité adaptée à ses limitations somatiques depuis début 2013. L’expert note dans son rapport avoir demandé à deux reprises des renseignements à la Dresse Q______ qui n’a pas donné suite à ses courriers. L’expert a toutefois communiqué le 28 juillet 2016 le rapport que lui avait adressé la psychiatre le 26 février 2016, indiquant qu’il n’amenait pas d’éléments complémentaires permettant de modifier son appréciation.

12.    En l’état actuel du dossier, la chambre de céans n’est pas en mesure de tirer des conclusions définitives sur les atteintes à la santé du recourant et leurs répercussions sur sa capacité de travail.

En effet, sur le plan ophtalmologique, la situation s’est apparemment aggravée depuis l’expertise de 2011. Le Dr R______, du Centre ophtalmologique, indique dans son rapport du 10 juin 2013 à l’attention du Dr F______, que l’acuité visuelle de l’œil gauche qui était de 1,0 sans correction en 2010 a chuté lors du dernier contrôle à 0,4, malgré une correction optique optimale. Les différents examens pratiqués montrent une acuité visuelle oscillant entre 0,4 et 1,0, malgré une correction optique inchangée. Il existe une atteinte campimétrique de l’œil gauche de type concentrique pouvant être parfaitement liée à un déficit attentionnel ou de la concentration. Le Dr R______ ajoutait que si l’examen neuro-ophtalmologique devait se péjorer, un examen neuro-radiologique pourrait être intéressant, afin de compléter le dossier du patient, ceci d’autant plus dans le cadre d’une atteinte pulmonaire. Il ne connaissait pas l’importance sur le plan médical. La chambre de céans relève encore que le Dr N______ note dans un certificat médical du 23 mai 2014 à l’attention des EPI avoir examiné l’assuré et mesuré une activité visuelle de l’œil gauche après correction de 0,3, impossible cependant à objectiver, au vu du manque de collaboration et de compliance de l’assuré lors de l‘examen. Les médecins ophtalmologues ne se sont toutefois pas prononcés sur la capacité de travail du recourant.

D’autre part, sur le plan psychiatrique, on relève une discordance entre les conclusions de l’expert et celles du psychiatre traitant, notamment quant au diagnostic et à ses répercussions sur la capacité de travail du recourant. Les motifs avancés par l‘expert quant à l’appréciation rétrospective de la capacité de travail du recourant n’emportent pas la conviction. La psychiatre évoque une personnalité anxieuse, brutalement et totalement déstabilisée par l’accident qui a provoqué une baisse de l’acuité visuelle et estime que le recourant ne dispose pas des moyens pour remonter la pente. L’expert considère en substance que le recourant a effectué des démarches pour des FIV, de sorte que sa capacité de travail n’en a pas été affectée.

Enfin, le recourant présente d’autres atteintes à la santé, notamment sur le plan pulmonaire. Cet aspect n’a pas été investigué, on ignore quels ont été les résultats du traitement prescrit par le pneumologue, quelle a été l’évolution de la maladie et si cette atteinte entraîne des limitations ou non. Par ailleurs, on comprend mal pour quelles raisons l’expertise pluridisciplinaire préconisée semble-t-il par le SMR en octobre 2014 n’a pas été mise en œuvre, ni pourquoi ledit avis ne figure pas au dossier sous la forme écrite. Or, une telle expertise apparaissait pertinente, compte tenu de l’imbrication des atteintes à la santé présentées par le recourant. Une appréciation globale de la situation médicale du recourant s’imposait.

Force est de constater que le grief d’une instruction lacunaire effectuée par l’intimé est bien fondé.

13.    Au vu de ce qui précède et de l’aggravation survenue notamment sur le plan ophtalmologique depuis l’expertise de 2011, la chambre de céans admet le recours et renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire, sous forme de la mise en œuvre d’une une expertise pluridisciplinaire et nouvelle décision. Il incombera aux experts notamment de se déterminer sur l’ensemble des atteintes à la santé présentées par le recourant, de décrire les limitations fonctionnelles, le type d’activité adaptée entrant en considération, l’éventuelle diminution de rendement et, en consilium, de déterminer la capacité de travail résiduelle du recourant. Les experts devront motiver leur appréciation et indiquer en particulier pour quelles raisons ils s’écartent éventuellement des diagnostics et conclusions des experts et médecins traitants.

14.    Le recourant obtenant gain de cause, une indemnité de CHF 3'500.- lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

Etant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 500.-.

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision de l’OAI du 6 juillet 2017.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour mise ne ouvre d’une expertise pluridisciplinaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Condamne l’intimé à payer au recourant la somme de CHF 3’500.- à titre de participation à ses frais et dépens ainsi qu’à ceux de son mandataire.

6.        Met un émolument de CHF 500.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irene PONCET

 

La présidente

 

 

 

 

Juliana BALDÉ

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le