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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2666/2020

ATAS/921/2022 du 17.10.2022 ( AI ) , REJETE

Rectification d'erreur matérielle : p. 24/25 et 25/25
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2666/2020 ATAS/921/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 17 octobre 2022

6ème Chambre

 

En la cause

 

Monsieur A______, domicilié ______, LES AVANCHETS, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Maxime CLIVAZ

 

 

recourant

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

 

intimé

 


EN FAIT

A. a. Monsieur A______ (ci-après l’assuré ou le recourant), né le ______ 1970, a effectué sa scolarité au Kosovo et y a travaillé deux ans comme polisseur. En Suisse depuis 1989, l’assuré, au bénéfice d’un permis d’établissement C, a travaillé de 1989 à 2002 pour le compte d’B______, comme ouvrier polyvalent de 2002 à 2003, vendeur de meubles d’occasion de 2003 à 2004, puis dès 2005, il a exercé diverses missions dans le bâtiment pour le compte d’agences de travail temporaire.

b. Selon un résumé d’observation des hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 11 mai 2006, le patient a été hospitalisé du 6 au 13 avril 2006. Il a subi deux traumatismes de l’œil droit, le premier en 1992 et le deuxième en 2005. Il présentait une hypertonie intraoculaire sévère de l’œil droit ayant nécessité plusieurs interventions, dont la pose d’un implant le 12 avril 2006 pour un glaucome post traumatique post sclérectomie profonde. L’assuré a perdu la vue de l’œil droit.

B. a. Selon l’attestation de C______ du 26 février 2010, l’assuré a travaillé du 27 août 2007 au 28 août 2009 comme maçon « A », pour un salaire horaire brut de CHF 37.40, y compris indemnités de vacances, jours fériés et gratification. L’horaire de travail était de 9h par jour, soit 45 heures par semaine.

b. L’assuré a été en incapacité de travail totale du 12 décembre 2008 au 1er février 2009 et du 23 juillet au 27 août 2009, date à laquelle son contrat de travail a pris fin. Le dernier jour de travail effectif était le 17 juillet 2009. L’assuré a perçu des indemnités de chômage dès le 28 août 2009, calculées sur la base d’un salaire assuré de CHF 6’026.-.

c. Dans un rapport d’expertise du 4 mai 2011, les docteurs D______, FMH ophtalmologie, médecin adjoint, et E______, FMH ophtalmologie, médecin assistante, de l’Hôpital F______, ont diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, une cécité légale de l’œil droit, et, sans répercussion sur la capacité de travail, concernant l’œil droit, un status postcontusion oculaire avec cataracte traumatique et désorganisation du segment antérieur, une pseudophakie, un status postcapsulotomie laser et post chirurgie filtrante ; concernant l’œil gauche, un syndrome de dispersion pigmentaire. La cécité de l’œil droit était irréversible. Pour l’œil gauche, la baisse de l’acuité visuelle nécessitait une surveillance périodique, afin de dépister le développement d’un glaucome pigmentaire. Dans l’activité de maçon, l’incapacité de travail était totale, car l’assuré ne pouvait plus exécuter des activités qui impliquaient une vision stéréoscopique, par exemple le travail sur un terrain accidenté, sur des échelles et des échafaudages ou avec des machines tournant à haute vitesse. Dans une activité adaptée, par exemple un travail de bureau, une capacité de 100% pourrait être envisagée, avec un rendement de 100%. Du point de vue médical, l’incapacité de travail de 20% au moins existait depuis le courant de l’année 2009, les informations étant toutefois à cet égard insuffisantes selon les experts. Quant à l’évolution de l’incapacité de travail, les experts ne pouvaient pas répondre. Des mesures de réadaptation professionnelle étaient envisageables, pour autant que l’activité soit adaptée au status monoculaire. Les experts ont encore précisé que l’assuré ne pouvait pas exercer des activités qui nécessitaient un effort visuel important et soutenu, ni des activités nécessitant une vision stéréoscopique.

d. La doctoresse G______, FMH psychiatrie et psychothérapie, a établi un rapport médical à l’attention de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après : OAI) en date du 23 juillet 2013. Elle a diagnostiqué, avec effet sur la capacité de travail, un trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique (F33.11), depuis 2012. L’évolution psychique était instable, avec deux rechutes dépressives pendant l’année 2012. Le raisonnement était factuel, la capacité d’introspection faible et le discours de l’assuré, souvent sur stimulation, restait concentré sur ses souffrances physiques mélangées, parfois, avec des éléments dysmorphophobiques (quasi délirants), sur la perception très particulière des maux de tête et sur l’aspect de son visage. L’incapacité de travail était de 100% depuis 2010 ; la stabilité thymique, la baisse de manifestations anxieuses et une meilleure représentation de soi pourraient aider ce patient à mieux s’organiser dans sa vie, à fixer différemment les priorités et son indépendance, mais elle restait dubitative sur la possibilité réelle de l’assuré de retrouver une capacité de travail.

e. Par avis du 4 décembre 2014, le docteur H______, médecin du service médical régional (ci-après : SMR), a relevé que le stage d’entrainement à l’endurance mis en place avait été interrompu le 13 juin 2014, en raison d’un état dépressif moyen avec syndrome somatique.

f. La Dresse G______ a rendu un rapport en date du 26 février 2016, dans lequel elle a indiqué les dates de suivi jusqu’à janvier 2014, les traitements prescrits (précisant qu’elle n’avait pas fait de dosage de Cipralex), ses diagnostics et son appréciation concernant l’évolution de la situation. Elle a notamment indiqué que l’assuré présentait une personnalité anxieuse, brutalement et totalement déstabilisée par l’accident qui avait entrainé une baisse de l’acuité visuelle. Il ne disposait pas des moyens pour remonter la pente. Selon les observations de l’époque, tenant compte des capacités de l’assuré, de la multitude des souffrances physiques, des somatisations apparues, du manque de courage et des moyens d’investissements de l’assuré, elle estimait que le pronostic était mauvais. Seul un approfondi et soutenant travail d’évaluation pourrait aider l’assuré à réinvestir une vie professionnelle.

g. Dans un rapport d’expertise du 21 juillet 2016, le docteur I______, FMH psychiatrie et psychothérapie, mandaté par l’OAI, a indiqué avoir examiné l’assuré le 29 janvier 2016. Au niveau somatique, il existait deux traumatismes oculaires de l’œil droit, le premier en 1992 et le second en 2005, pour lesquels il avait subi cinq opérations successives. La vision de l’œil droit était jugée irrécupérable. Lors de l’entretien, l’assuré s’était montré assez agressif, refusant de réaliser les tests psychométriques, arguant ses problèmes de vue. Il était peu collaborant et le contact visuel avait été très mauvais. Il s’exprimait relativement bien en français, mais donnait des renseignements flous, incertains. Il n’y avait pas de dépressivité marquée dans le sens d’une anhédonie ou d’aboulie. Il était surtout irritable, un peu tendu. L’examen clinique était dès lors très difficile à effectuer. D’un point de vue anxieux, il n’avait pas d’argument pour un trouble de l’anxiété ou un trouble panique. Il n’y avait pas de signe floride de la lignée psychotique. L’expert a diagnostiqué sur l’axe I un épisode dépressif majeur récurrent actuellement en rémission ou (subclinique) une éventuelle dysthymie. Sur l’axe IV, il n’y avait pas de facteur de stress aigu. Analysant la cohérence, l’expert a relevé le manque de collaboration de l’assuré, de la psychiatre, et également lors des entretiens de réadaptation et du stage aux EPI. Malgré son jeune âge, toutes les propositions constructives semblaient irrémédiablement mises en échec, le patient adoptant une attitude de résistance, passive-agressive. Celle-ci ne prenait pas racine sur une atteinte psychopathologique majeure. Il semblait exister de nombreux facteurs qui sortaient du champ médical, telle qu’une maitrise relative du français, l’absence de qualification professionnelle spécifique, un parcours professionnel marqué par de nombreuses périodes de chômage. En conclusion, concernant la capacité de travail, mis à part un éventuel épisode dépressif en 2012 et en 2013, l’expert estimait que la capacité de travail médico-théorique de l’assuré était entière dans une activité adaptée à ses limitations somatiques objectives, dès le début 2013. La valeur incapacitante de l’éventuel épisode dépressif en 2012 était difficile à estimer rétrospectivement, mais l’assuré avait effectué cette année-là toutes les démarches médicales astreignantes pour avoir un nouvel enfant en pratiquant des FIV. Au vu de la nature et de l’importance des sollicitations qu’imposaient ce type de décision et les démarches y relatives, cela semblait aussi confirmer indirectement que la symptomatologie dépressive ne pouvait dès lors pas être jugée comme incapacitante, probablement déjà à cette période.

h. Par décision du 6 juillet 2017, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité à l’assuré, motif pris que l’incapacité de travail dans l’activité habituelle était de 100%, mais que la capacité de travail dans une activité adaptée à son état de santé était de 100% dès le 1er octobre 2009. Après comparaison des gains, le degré d’invalidité était de 23%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.

i. Par acte du 13 septembre 2017, l’assuré, représenté par son mandataire, a interjeté recours contre la décision précitée, en concluant principalement à l’annulation de la décision de l’OAI et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2010. L’instruction médicale effectuée par l’intimé était lacunaire.

j. Par arrêt du 26 octobre 2018 (ATAS/973/2018), la chambre de céans a admis le recours. Elle a constaté que le recourant présentait plusieurs atteintes à la santé, sur les plans ophtalmologique, physique et psychiatrique et qu’une expertise pluridisciplinaire était nécessaire. Sur le plan psychiatrique, on relevait une discordance entre les conclusions de l’expert et celles du psychiatre traitant, notamment quant au diagnostic et à ses répercussions sur la capacité de travail du recourant. Les motifs avancés par l’expert quant à l’appréciation rétrospective de la capacité de travail du recourant n’emportaient pas la conviction. La psychiatre évoquait une personnalité anxieuse, brutalement et totalement déstabilisée par l’accident qui avait provoqué une baisse de l’acuité visuelle et estimait que le recourant ne disposait pas des moyens pour remonter la pente. L’expert considérait en substance que le recourant avait effectué des démarches pour des FIV, de sorte que sa capacité de travail n’était pas affectée. Enfin, le recourant présentait d’autres atteintes à la santé, notamment sur le plan pulmonaire. Cet aspect n’avait pas été investigué. Les experts devaient notamment se déterminer sur l’ensemble des atteintes à la santé présentées par le recourant, décrire les limitations fonctionnelles, le type d’activité adaptée entrant en considération, l’éventuelle diminution de rendement et, en consilium, déterminer la capacité de travail résiduelle du recourant. Les experts devaient motiver leur appréciation et indiquer en particulier pour quelles raisons ils s’écartaient éventuellement des diagnostics et conclusions des experts et médecins traitants.

k. A la demande de l’OAI, la Policlinique médicale universitaire (ci-après : PMU), soit les docteurs J______, FMH médecine interne, K______, FMH pneumologie, L______, FMH psychiatrie et psychothérapie, et M______, FMH ophtalmologie, a rendu un rapport d’expertise le 22 octobre 2019.

Les experts ont posé les diagnostics de cécité légale de l’œil droit avec status post contusion oculaire, avec cataracte traumatique et désorganisation du segment antérieur, pseudophakie, status post chirurgie filtrante, status post capsulotomie laser (H 54.4) ; syndrome de dispersion pigmentaire de l’œil gauche (H 41) ; bronchectasies (J 47) ; épisode dépressif léger (F 32.0) et majoration des symptômes pour raison psychologique (F 68.0).

En raison de sa cécité droite, l'activité professionnelle de l’assuré ne devait pas nécessiter une vision stéréoscopique. Du fait de sa pathologie pulmonaire, l’assuré ne devait pas être exposé aux poussières organiques ou non organiques ni aux intempéries. Si des séances de physiothérapie de drainage bronchique ou des aérosols devenaient nécessaires, du temps pour la réalisation de ses soins devrait être envisagé et donc une baisse de rendement d'une à deux heures par semaine. Les activités de maçon et polisseur ne respectaient pas ces limitations fonctionnelles et n’étaient donc plus adaptées à l'état de santé de l'assuré. L'activité de vendeur de meubles en revanche restait adaptée. Le parcours de l'assuré jusqu'à son traumatisme oculaire témoignait d'une personnalité bien structurée. Depuis la cécité droite, sans souffrir d'un dysfonctionnement pathologique avéré, l’assuré s'enfermait dans un vécu de victime et adoptait une position régressive. L'assuré avait jusqu'alors fait preuve de ressources. Ses ressources semblaient cependant actuellement peu mobilisables du fait du fonctionnement inconscient actuel avec sentiment de préjudice et attitude passive. L'épisode dépressif léger ne participait que très modérément à cette évolution. La faible collaboration ne permettait pas d'évaluer l'ensemble des domaines de la vie qui étaient globalement décrits par l'assuré comme impactés par des limitations. Cependant, les pathologies médicales de l’assuré n’étaient pas en mesure d'expliquer ces limitations. Les mesures professionnelles proposées à l'assuré avaient échoué en raison d’un manque de collaboration. Il était probable qu'une nouvelle tentative se solderait de la même façon Dans l'activité de maçon ou polisseur de métaux, la capacité de travail de l'assuré était nulle. Dans une activité adaptée, la capacité de travail de l’assuré était estimée entière. Les pathologies ophtalmiques et pulmonaires ne justifiaient actuellement que des limitations fonctionnelles. L'état dépressif léger n'était pas susceptible en l'état d'entrainer une diminution de la capacité de travail. Sans impact sur la capacité de travail, mais pour améliorer la qualité de vie et pour éviter une aggravation de la pathologie, une reprise d'un suivi pulmonaire était fortement recommandée.

l. Le 16 décembre 2019, la Dresse N______, du SMR, a estimé que l’expertise de la PMU était convaincante. L’assuré était totalement incapable de travailler dans l’activité habituelle d’aide-maçon - polisseur et totalement capable de travailler dans une activité adaptée dès le 1er octobre 2009. Il présentait les limitations suivantes : ophtalmologiques : vision monoculaire uniquement, absence de vision stéréoscopique (ne pas utiliser d’échelles, d’échafaudages, pas d’utilisation de machines tournant à grande vitesse entre autres) ; pulmonaires : pas d’exposition aux poussières ni au froid.

m. Par projet de décision du 10 mars 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité était de 23% (revenu sans invalidité de CHF 71'657.- et revenu d’invalide de CHF 55'048.-).

n. Le 4 mai 2020, l’assuré a écrit à l’OAI que l’instruction de son dossier était lacunaire, que sa capacité de travail était nulle et que la comparaison des revenus n’était pas correcte.

o. Le 25 mai 2020, le docteur O______, FMH médecine interne, a écrit à l’OAI ; il suivait l’assuré depuis environ un an, à la suite du départ à la retraite du Dr P______; il manquait au dossier un bilan neuropsychologique ; on s’interrogeait sur les capacités d’apprentissage, en présence d’une vision insuffisante pour lire ou regarder la télévision, avec survenance de céphalées. L’assuré ne pouvait travailler sur un ordinateur, il se déplaçait avec des vertiges qu’il convenait d’investiguer ; il avait une importante diminution de l’estime de lui-même et un état dépressif ; il n’avait pratiquement pas d’amis, il n’était vraisemblablement pas capable d’apprendre un nouveau métier ni d’être productif dans un travail.

p. Le 20 mai 2020, la Dresse G______ a attesté qu’elle suivait l’assuré depuis trois / quatre ans ; amaigri et épuisé par ses maladies chroniques, l’assuré présentait des manifestations dépressives récurrentes de gravité moyenne à sévère, avec des répercussions sur la perte d’élan vital, le plaisir de vivre, sur l’engagement dans la vie sociale et dans ses projets d’avenir. L’assuré (avec une personnalité anxieuse brutalement et totalement déstabilisée par l’accident qui avait entrainé une baisse visuelle ainsi que d’autres problèmes somatiques) ne disposait pas des moyens pour remonter la pente, se sentait perdu et était à la recherche de la confirmation que ses souffrances physiques et ses autres maladies l’empêchaient de retourner dans une vie active. Son comportement maladif était devenu chronique et ses préoccupations tournaient autour de sa quête de prouver « que ses maux de la vue, à la tête, aux poumons, que ses vertiges, etc, avaient la raison de son désespoir et de l’impossibilité d’être comme avant ». L’incapacité de travail était totale.

q. Le 4 juin 2020, la Dresse N______, du SMR, a relevé que le problème ophtalmologique avait été clairement évalué par l'expert ophtalmologue, qui n'avait pas mis en évidence d'atteinte spécifique à l'œil gauche ; il avait conclu qu'une capacité de travail ne demandant pas une vision stéréoscopique était tout à fait exigible d'un point de vue ophtalmologique. Il n'y avait pas lieu de remettre en question cette analyse.

L'assuré se plaignait de vertiges depuis la perte de vision de l'œil droit. L'examen neurologique effectué au cours de l'expertise n'avait pas relevé d'anomalies permettant d'exclure une atteinte cérébelleuse ou de sensibilité profonde. Cependant, l'expert avait mis en évidence une attitude démonstratrice au Romberg, sans corrélation avec une pathologie quelconque hormis une majoration de symptômes. Ces vertiges étaient survenus parallèlement à la perte de vision de l'œil droit, et normalement une adaptation s'effectuait, surtout après de nombreuses années. Le psychiatre expert n'avait pas mis en évidence de troubles cognitifs à l'examen clinique, mais une majoration des symptômes pour raisons psychologiques ; par ailleurs, tous les experts avaient relevé une attitude majorante et non cohérente avec les atteintes à la santé. Il n'y avait pas lieu de pratiquer un examen neuropsychologique, qui serait ininterprétable en l'absence de collaboration. L'expert psychiatre avait retenu des symptômes dépressifs d'une intensité légère, en se basant sur des critères objectifs tels que l'examen clinique. Le psychiatre traitant n'apportait pas de nouvel élément clinique objectif permettant de remettre en question l'évaluation de l'expert.

r. Par décision du 30 juin 2020, l’OAI a rejeté la demande de prestations, en constatant que le degré d’invalidité était de 23%.

C. a. Le 2 septembre 2020, l’assuré, représenté par un avocat, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l’encontre de la décision de l’OAI du 30 juin 2020, en concluant à son annulation et à l’octroi d’une rente entière d’invalidité dès le 1er août 2016.

La Dresse J______ n’était pas membre de la FMH contrairement à ce que le rapport d’expertise indiquait. La Dresse K______ était médecin assistante, sans titre postgrade ; l’expertise n’exposait pas pourquoi les différentes atteintes à la santé n’entrainaient pas d’incapacité de travail.

L’expertise n’indiquait pas si l’assuré pouvait travailler sur un ordinateur, ce qui était contesté par le médecin traitant. Les troubles dysmorphophobiques évoqués par la Dresse G______ n’étaient pas mentionnés dans l’expertise, alors même que celle-ci relevait une difficulté à supporter le regard et le jugement des autres, amis et membres de sa famille ; aucune incohérence n’avait été constatée. L’experte pneumologue ne se prononçait pas sur une activité qualifiée d’éventuelle et notait une baisse de rendement certaine ; elle avait proposé une instruction médicale complémentaire qui n’avait pas été discutée ; l’expert ophtalmologue n’avait pas analysé l’évolution de l’état de santé depuis 2010 et pas répondu à toutes les questions de la mission ; on ignorait les performances de l’assuré au travail, les caractéristiques d’une activité adaptée et le pronostic ; il avait exercé comme monteur et non vendeur de meubles et seulement lors d’un stage d’insertion professionnelle au Centre social protestant dix-sept ans auparavant ; par ailleurs, il était contesté qu’il puisse faire un travail de bureau. Il n’y avait pas de discussion sur l’interaction des diagnostics.

b. Le 27 octobre 2020, l’OAI a conclu au rejet du recours. Le titre de spécialiste FMH n’était pas une condition de validité de l’expertise et les compétences de la Dresse J______ n’étaient pas remises en question ; l’OAI avait dû transmettre le mandat à la plateforme Suisse@MEDAP qui l’avait attribuée à la PMU et le recourant n’avait soulevé aucun motif de récusation. L’expertise de la PMU était probante.

c. Le 24 novembre 2020, le recourant a répliqué, en relevant que l’experte avait ignoré certains éléments, dont les troubles dysmorphophobiques ; l’OAI ne se prononçait pas sur les incohérences et contradictions de l’expertise, ni sur l’absence d’examens complémentaires ; l’OAI ne pouvait se réfugier derrière la plateforme Suisse@MEDAP pour ne pas contrôler la qualité des expertises.

d. Le 25 janvier 2021, la chambre de céans a entendu les parties en audience de comparution personnelle.

e. Le 17 février 2021, le recourant a communiqué les pièces suivantes :

-     Un rapport du docteur Q______, FMH maladie des poumons médecine interne, du 22 juillet 2013 attestant de bronchectasies prédominant dans le lobe moyen.

-     Un rapport de radiologie du thorax du 28 mars 2019.

-     Deux rapports des 4 et 18 septembre 2020 du docteur R______, FMH cardiologie, concluant à un examen clinique sans particularité, un ECG et une échographie dans les limites de la normale ainsi qu’un test d’effort négatif et des symptômes (douleurs thoraciques oppressives avec dyspnée d’effort) probablement d’origine extra-cardiaque.

-          Un certificat du 16 février 2021 du docteur O______, FMH médecine interne générale, selon lequel l’assuré présentait une dépression qui était certainement à mettre en relation avec les pertes dans la fonction visuelle, mais aussi dans la perte de l’estime de soi. Ce maçon coffreur, qui avait perdu toute confiance en lui-même, cachait ce symptôme derrière une certaine nonchalance. Il avait commencé à travailler à 12 ans. Il ne pouvait envisager d’être sans travail. Il lui avait confié qu’il n’osait plus regarder les gens en face (même au niveau de la famille) de peur de se sentir déshonoré. De ce fait, une activité avec interaction avec d’autres personnes était difficile, surtout en ce qui concernait le contact dans la vente. L’assuré n’avait pratiquement pas de scolarité, ce qui ne lui permettait pas d’apprendre un nouveau métier. L’assuré était totalement inapte à une réintégration professionnelle quelconque et dans les conditions actuelles, l’exigence d’une capacité de travail n’était pas possible. Mais un travail à titre occupationnel n’était pas exclu.

f. Le 2 mars 2021, la Dresse N______, du SMR, a rendu un avis selon lequel le diagnostic de bronchectasies était connu du SMR et des experts, de sorte que les professions de polisseur de pierre et de maçon avaient été reconnues comme non exigibles, en raison de l’exposition aux poussières et au froid. Les bronchectasies étaient connues et stables radiologiquement. La symptomatologie n’était pas cardiaque selon le cardiologue ; le Dr O______ n’amenait pas de nouvel élément médical objectif et mettait en avant des facteurs extra-médicaux.

g. Le 9 mars 2021, l’OAI a maintenu ses conclusions, en se ralliant à l’avis du SMR précité.

h. A la demande de la chambre de céans, la PMU, par le biais du Centre universitaire de médecine générale et santé publique, a indiqué que la Dresse J______ était au bénéfice d’un titre postgrade fédéral de médecin spécialiste en médecine interne générale depuis le 22 novembre 2012.

i. Par ordonnance du 20 août 2021, la chambre de céans a confié une expertise judiciaire au docteur S______, FMH psychiatrie et psychothérapie, en considérant ce qui suit :

« En l’occurrence, l’expertise pluridisciplinaire de la PMU du 22 octobre 2019 a conclu à une capacité de travail totale du recourant dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles somatiques. Le recourant admet les conclusions de l’expertise ophtalmologique et conteste principalement celles de l’expertise psychiatrique (procès-verbal d’audience du 25 janvier 2021).

A cet égard, l’expert psychiatre a conclu à des diagnostics de majoration des symptômes pour raison psychologique et épisode dépressif léger avec une capacité de travail totale. Le Dr O______, dans ses avis des 25 mai 2020 et 16 février 2021, a décrit une dépression réactive à la perte de la fonction visuelle du recourant et de l’estime de lui-même, avec perte de toute confiance et état dépressif ; quant à ceux de la Dresse G______, des 26 février 2016 et 20 mai 2020, ils ont relevé que le recourant était épuisé, avec des manifestations dépressives récurrentes de gravité moyenne à sévère et une personnalité anxieuse brutalement et totalement déstabilisée par la baisse visuelle et les autres problèmes somatiques, sans moyen pour remonter la pente, entrainant une incapacité de travail totale. Au demeurant, ces avis mentionnent un état psychiatrique du recourant d’une sévérité beaucoup plus importante que celle relevée par l’expert et congruent à la journée-type du recourant, retranscrite par l’expert lui-même (expertise p. 3). Dans ces conditions, une pleine valeur probante ne peut être reconnue au volet psychiatrique de l’expertise de la PMU ».

j. Le 1er mars 2022, le Dr S______ a rendu son rapport d’expertise. Il a posé les diagnostics de trouble panique avec des attaques de panique récurrentes apparues en 2021 et d’épisode dépressif moyen. A l’examen clinique, il retenait un épisode dépressif léger qui était finalement qualifié de moyen en raison d’un score à l’échelle de Beck indiquant une dépression sévère et de la présence d’éléments anxieux. On pouvait se demander si la discordance entre l’examen clinique et le score de l’échelle de Beck témoignait d’une exagération des symptômes. Il n’y avait pas de trouble de la concentration en lien avec le trouble dépressif. L’assuré présentait aussi un trouble de la personnalité anxieuse et des traits de personnalité émotionnellement labile de type impulsif, entrainant un repli sur soi et un isolement, ainsi qu’une augmentation du trouble anxieux et des éléments dépressifs. Le trouble anxieux, qui était sévère, entrainait depuis janvier 2021 une incapacité de travail de 20%, laquelle pouvait devenir nulle à 12 mois. La dépression légère n’influençait pas le rythme de travail mais la dépression moyenne le limitait à un taux de 50% ; les limitations liées à la dépression, si tant est qu’elles existaient, dataient de 2008, en se rapprochant plus d’un épisode dépressif léger (comme cela avait été relevé en août 2019 par l’expertise de la PMU). En cas de stress au travail, le rythme de travail diminuait à 50%. Compte tenu de l’interaction entre le trouble anxieux et le trouble dépressif, l’incapacité de travail était totale, pour une durée de six mois, de 50% ensuite, de 25% à un an et nulle à vingt-quatre mois, en fonction des soins prodigués. La diminution de rendement était de 50%.

k. Le 22 mars 2022, le SMR a rendu un avis médical selon lequel l’expertise judiciaire n’était pas probante et, en particulier, la capacité de travail retenue par l’expert n’était pas claire.

l. Le 28 mars 2022, l’OAI s’est rallié à l’avis du SMR et a conclu au rejet du recours.

m. Le 4 avril 2022, le recourant a observé que l’expertise judiciaire, incomplète et contradictoire, ne motivait pas clairement la capacité de travail, laquelle était indiquée comme nulle, tout en retenant curieusement une diminution de rendement de 50%, puis de 25% avec une possibilité d’augmenter ce taux ; la date d’apparition des crises d’angoisse, en janvier 2021, était erronée, celles-ci étant bien antérieures et l’incapacité de travail pour le trouble dépressif n’était pas spécifiée.

n. Le 9 juin 2022, l’assuré a subi une intervention chirurgicale à l’œil droit, aux HUG, dans le cadre de son glaucome traumatique (selon l’attestation de la Dresse T______, cheffe de clinique au service d’ophtalmologie des HUG, du 9 juin 2022).

o. La chambre de céans a entendu le Dr S______ en audience le 27 juin 2022. Celui-ci a déclaré qu’on pouvait admettre un trouble de concentration de l’assuré en cas de pic d’anxiété. L’état dépressif moyen seul n’était pas incapacitant mais il l’était en lien avec le trouble anxieux, récurrent et sévère depuis 2021, lequel était incapacitant à hauteur de 20%.

La capacité de travail était nulle depuis janvier 2021, mais pourrait évoluer à 25% avec un traitement, dans une activité non stressante ; ce taux de 25% comprenait une diminution de rendement en raison de la fatigue de 50% ; il y avait ainsi une fatigabilité et une diminution de la récupération physique et psychique. L’exagération des symptômes ne concernait que l’état dépressif mais pas le trouble anxieux et les éléments cliniques montraient également des symptômes dépressifs.

p. Le 12 juillet 2022, le SMR a rendu un avis médical selon lequel « l’expert n’avait pas retrouvé de trouble de la concentration de manière objective lors de son examen clinique ; il s’agit ainsi de plaintes subjectives de l’assuré. L’expert retient un épisode dépressif léger de manière objective ; il ne peut le modifier en intensité moyenne sur des autotests subjectifs. Nous ne comprenons toujours pas l’évaluation qu’il fait de la CT : il estime que l’épisode dépressif n’est pas incapacitant, que le trouble de la personnalité anxieuse non plus, que le trouble anxieux entraine une IT de 20%, mais conclut finalement à une IT de 100%, en tenant compte d’une baisse de rendement de 50% ».

L’opération de l’œil droit du recourant en juin 2022 ne remettait pas en question l’appréciation de la capacité de travail d’ordre ophtalmique retenue antérieurement.

q. Le 13 juillet 2022, l’OAI s’est rallié à l’avais du SMR précité.

r. Le 9 août 2022, l’assuré a observé que l’expert était peu convaincant sur la date retenue de début de l’incapacité de travail ; les activités qu’il proposait n’étaient pas compatibles avec la cécité de son œil droit, ni avec la nécessité d’éviter tout stress ; sa capacité de travail était nulle.

 


EN DROIT

 

1.              

1.1 Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

1.2 A teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597 ; erratum de la CdR de l’Ass. féd. du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358). Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

1.3 Le 1er janvier 2022, sont entrées en vigueur les modifications de la LAI du 19 juin 2020 (développement continu de l’AI ; RO 2021 705).

En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste, en principe, celle en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits et le juge se fonde, en règle générale, sur l'état de fait réalisé à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références).

En l’occurrence, la décision querellée a été rendue antérieurement au 1er janvier 2022, de sorte que les dispositions légales applicables seront citées dans leur ancienne teneur.

2.             Le litige porte sur le droit du recourant à une rente d’invalidité, singulièrement sur l’évaluation de sa capacité de travail.

3.              

3.1 Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

3.2 En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Selon les art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA.

3.3 Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraine une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

4.              

4.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entrainer une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanent d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 ; ATF 141 V 281 consid. 2.1 et 2.1.1 ; ATF 130 V 396 consid. 5.3 et 6).

4.2 Dans l’ATF 141 V 281, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d'évaluation de la capacité de travail, respectivement de l'incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d'affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d'évaluation au moyen d'un catalogue d'indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d'évaluation aux autres affections psychiques (ATF 143 V 418 consid. 6 et 7 et les références). Aussi, le caractère invalidant d'atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d'un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, au sein desquels figurent notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l'art (ATF 143 V 409 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2019 du 17 mars 2020 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d'exclusion définis dans l'ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d'assurance, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d'un trouble au sens de la classification sont réalisées. Des indices d'une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact (ATF 141 V 281 consid. 2.2.1 et 2.2.2 ; ATF 132 V 65 consid. 4.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_16/2016 du 14 juin 2016 consid. 3.2).

4.3 L'organe chargé de l'application du droit doit, avant de procéder à l'examen des indicateurs, analyser si les troubles psychiques dûment diagnostiqués conduisent à la constatation d'une atteinte à la santé importante et pertinente en droit de l'assurance-invalidité, c'est-à-dire qui résiste aux motifs dits d'exclusion tels qu'une exagération ou d'autres manifestations d'un profit secondaire tiré de la maladie (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_756/2018 du 17 avril 2019 5.2.2 et la référence).

4.4 Pour des motifs de proportionnalité, on peut renoncer à une appréciation selon la grille d’évaluation normative et structurée si elle n’est pas nécessaire ou si elle est inappropriée. Il en va ainsi notamment lorsqu’il n’existe aucun indice en faveur d’une incapacité de travail durable ou lorsque l’incapacité de travail est niée sous l’angle psychique sur la base d’un rapport probant établi par un médecin spécialisé et que d’éventuelles appréciations contraires n’ont pas de valeur probante du fait qu’elles proviennent de médecins n’ayant pas une qualification spécialisée ou pour d’autres raisons (arrêt du Tribunal fédéral 9C_101/2019 du 12 juillet 2019 consid. 4.3 et la référence ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_724/2018 du 11 juillet 2019 consid. 7). En l’absence d’un diagnostic psychiatrique, une telle appréciation n’a pas non plus à être effectuée (arrêt du Tribunal fédéral 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2).

5.             Selon la jurisprudence, en cas de troubles psychiques, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée, en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs incapacitants et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources) (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). L'accent doit ainsi être mis sur les ressources qui peuvent compenser le poids de la douleur et favoriser la capacité d'exécuter une tâche ou une action (arrêt du Tribunal fédéral 9C_111/2016 du 19 juillet 2016 consid. 7 et la référence).

Il y a lieu de se fonder sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4).

-          Catégorie « Degré de gravité fonctionnel » (ATF 141 V 281 consid. 4.3),

A.      Complexe « Atteinte à la santé » (consid. 4.3.1)

Expression des éléments pertinents pour le diagnostic (consid. 4.3.1.1), succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à cet égard (consid. 4.3.1.2), comorbidités (consid. 4.3.1.3).

B.     Complexe « Personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles ; consid. 4.3.2) 

C.     Complexe « Contexte social » (consid. 4.3.3)

-          Catégorie « Cohérence » (aspects du comportement; consid. 4.4) 

Limitation uniforme du niveau d'activité dans tous les domaines comparables de la vie (consid. 4.4.1), poids des souffrances révélé par l'anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation (consid. 4.4.2).

Les indicateurs appartenant à la catégorie « degré de gravité fonctionnel » forment le socle de base pour l’évaluation des troubles psychiques (ATF 141 V 281 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_618/2019 du 16 mars 2020 consid. 8.2).

6.              

6.1 Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

6.2 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

6.3 En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

6.4 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

6.5 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

7.             Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4 ; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

8.             En l’occurrence, la chambre de céans a ordonné une expertise psychiatrique judiciaire, laquelle a conclu à une incapacité de travail totale du recourant depuis janvier 2021.

8.1 L’audition de l’expert judiciaire a permis de préciser et d’éclaircir certains points de l’expertise. Tout d’abord, le diagnostic d’épisode dépressif moyen. En effet, l’expert judiciaire a, dans un premier temps, retenu, selon son examen clinique, un état dépressif léger. Il estime cependant que le score à l’échelle de Beck démontre que cet état dépressif est plus sévère ; il l’est également compte tenu du trouble anxieux récurrent et sévère qui alimente l’état dépressif depuis 2021. C’est en raison de cette interaction que le recourant est considéré totalement incapable de travailler. L’écart notable entre l’examen clinique et le score à l’échelle de Beck peut témoigner d’une exagération des symptômes mais n’invalide pas le résultat du test. Le recourant est authentique et la journée-type décrite par lui est considérée comme crédible par l’expert, lequel relève que le recourant ne fait rien de ses journées ; le niveau d’activités sociales est nul, tout comme celui des activités ménagères ; la dépression, de par la perte de l’élan vital qui l’accompagne, limite les activités de la vie quotidienne ; les plaintes du recourant sont ainsi en adéquation avec le comportement de celui-ci au quotidien ; l’absence de prise de décision chez le recourant et un comportement nonchalant pourraient même être en lien avec une dépression sévère ; l’absence de recherche de solution et un refus catégorique de propositions de solutions de la part du recourant engendre un repli sur lui-même et entraine un cercle vicieux, aboutissant à davantage d’isolement. Le trouble de personnalité anxieuse contribue à cet enfermement sur lui-même, renforçant le trouble anxieux, lequel contribue à son tour à augmenter les éléments dépressifs.

S’agissant de la capacité de travail, le trouble dépressif, majoré par le trouble anxieux, engendre des limitations fonctionnelles de fatigabilité à l’effort, une diminution de la récupération physique et psychique liée aux troubles du sommeil et des limitations de concentration, générées par un stress ou un pic d’anxiété. Même si l’examen clinique n’a pas laissé paraitre des troubles de la concentration, il est vraisemblable que ceux-ci surviennent lors de stress ou d’anxiété, qui diminuent les capacités cognitives. Une capacité de travail de 25% (comprenant une diminution de rendement de 50%) peut ainsi être envisagée moyennant une prise en charge thérapeutique.

S’agissant du traitement, il est important d’instaurer un traitement médicamenteux ayant une action sur le trouble panique, doublé d’une prise en charge psychothérapeutique (comme une thérapie cognitive et comportementale), ainsi qu’une psychothérapie de soutien et d’acceptation du handicap, voire une thérapie de groupe. Une hospitalisation, qui pourrait aussi être seulement de jour, pour le trouble de l’anxiété et de la dépression pourrait être efficace. Actuellement, le suivi est décousu avec la psychiatre traitante et le recourant est faiblement engagé dans la thérapie, la compliance médicamenteuse est également, au vu des dosages sanguins, mauvaise ; il y a donc une inobservance thérapeutique.

Au vu de ce qui précède et tenant compte des indicateurs jurisprudentiels précités, l’incapacité de travail totale du recourant, depuis janvier 2021, est probante. En particulier, les limitations fonctionnelles retenues, les faibles ressources du recourant, la limitation uniforme des activités dans tous les domaines de la vie, permettent de reconnaitre le caractère incapacitant de ses atteintes. S’agissant du traitement, le manque de compliance est un élément en défaveur de la gravité des troubles. Cependant, il doit être remis dans le contexte et, à cet égard, l’expert judiciaire a relevé que toute proposition d’aide (au niveau médical, psychologique et social) était refusée par le recourant, qui ne cessait de revenir sur son atteinte ophtalmologique, comportement que l’expert judiciaire a attribué à une potentielle dépression sévère. Dans ces conditions, le manque de compliance du recourant semble plutôt être lié à son fonctionnement, soit une absence de décision et un comportement, selon l’expert judiciaire, assez nonchalant, qu’il relie à l’atteinte psychique elle-même, de sorte qu’elle ne peut, à elle seule, écarter le caractère incapacitant de l’atteinte psychique.

8.2 Fondée sur toutes les pièces du dossier, comprenant une anamnèse, la description des plaintes du recourant, des tests de dépression et d’anxiété, un dosage sanguin médicamenteux, des diagnostics clairs et une motivation convaincante, l’expertise judiciaire psychiatrique, complétée par l’audition de l’expert judiciaire, remplit les critères jurisprudentiels précités pour qu’il lui soit reconnu une pleine valeur probante.

8.3 Le SMR a rendu deux avis les 22 mars et 12 juillet 2022, auxquels l’intimé s’est rallié. Il a émis plusieurs critiques à l’encontre de l’expertise judiciaire.

8.3.1 L’expert judiciaire retenait de façon contradictoire un trouble dépressif d’intensité moyenne, puisqu’il reconnaissait une exagération des symptômes et indiquait que l’examen clinique démontrait un état dépressif léger.

A cet égard, l’expert judiciaire a précisé que la discordance entre son examen clinique et le test de l’échelle de Beck pouvait attester d’une exagération des symptômes mais, qu’en l’occurrence, le recourant était authentique, sa description d’une journée-type crédible, démontrant des niveaux d’activités nuls, dans tous les domaines ; en conséquence, il ne pouvait écarter le résultat du test ; par ailleurs, l’état dépressif léger était majoré par l’interaction avec le trouble anxieux récurrent et sévère. Cette analyse permet, de façon convaincante, de comprendre pour quel motif l’état dépressif léger constaté est finalement qualifié par l’expert judiciaire de moyen.

8.3.2 L’expert judiciaire ne commentait pas depuis quand le trouble dépressif était d’intensité moyenne et était incapacitant.

A cet égard, l’expert judiciaire a précisé que c’était l’interaction avec le trouble anxieux, présent depuis janvier 2021, qui entrainait une incapacité de travail totale du recourant, de sorte que l’on peut suivre sa conclusion sur la présence d’une incapacité de travail totale du recourant depuis janvier 2021, peu importe à quelle date précise l’état dépressif est considéré comme moyen, étant néanmoins relevé que l’expert judiciaire a considéré que d’éventuelles limitations liées à la dépression étaient apparues en 2008.

8.3.3 Le trouble panique était décrit comme sévère, sans avoir été objectivé ; il était peu motivé, tout comme sa date de survenance en janvier 2021.

A cet égard, l’expert judiciaire a relevé que le recourant ne se plaignait pas de façon spontanée, probablement en raison d’une pudeur vis-à-vis de ses ressentis. Il a mentionné que le recourant s’était néanmoins plaint de vertiges, nausées et pesanteur gastrique, survenant de façon régulière. L’expert judiciaire a ensuite précisé que le recourant avait évoqué une crainte et un évitement des endroits où il y avait de la foule, des endroits publics, avec l’apparition de palpitations, tachycardies, transpiration excessive, souffle court, sensation de gêne et d’oppression thoracique, également abdominale, des nausées et des vertiges ; ces symptômes survenaient également à domicile non associés à une situation anxiogène, même en pleine nuit ; lors de ces crises, le recourant décrivait une gêne intense, de la tachycardie, de sueurs, tremblements des extrémités, une dyspnée ou respiration difficile avec oppression thoracique, douleurs abdominales, sensation d’estomac noué et de nausées, des bouffées de chaleur, des vertiges, voire des déréalisations. Cette symptomatologie, couplée au résultat du test de l’échelle d’anxiété (concluant à un trouble anxieux sévère), fonde le diagnostic de l’expert judiciaire, lequel a indiqué que, selon le recourant, ces attaques de panique étaient présentes depuis une année.

Ainsi, contrairement à l’avis du SMR, l’expert judiciaire décrit les symptômes dont s’est plaint le recourant, même si ceux-ci ne figurent en effet qu’en partie dans le chapitre « plaintes de la personne expertisée ». L’expert judiciaire a en outre considéré que le recourant était authentique et qu’il n’y avait pas, du point de vue de la description du trouble anxieux, une exagération des symptômes ; la journée-type du recourant témoignait par ailleurs de niveaux d’activités nuls, le recourant étant principalement chez lui, description qui a été considérée comme cohérente et crédible par l’expert judiciaire.

L’expert judiciaire a retenu janvier 2021 comme date de survenance des attaques de panique. Il a précisé, lors de son audition, que le recourant lui avait indiqué que les crises de panique avec oppression thoracique et sensation de peur et le trouble anxieux étaient apparues à ce moment-là de façon récurrente et invalidante, même si des crises d’angoisse avaient pu se produire avant janvier 2021.

Or, cette date est corroborée par le fait que, lors de l’entretien psychiatrique du 6 février 2019, l’expert L______ a relevé des plaintes du recourant limitées à des vertiges, des problèmes de respiration, une dépression et un mauvais moral. Certes, tout comme l’expert judiciaire, l’expert L______ a mentionné une difficulté à récolter les éléments anamnestiques, le recourant ne répondant que laconiquement aux questions. Cela dit, aucune plainte relative à une symptomatologie de crise de panique n’est mentionnée, ce qui conforte l’avis de l’expert judiciaire selon lequel, celle-ci serait survenue en janvier 2021. Il en est de même des appréciations des médecins traitants, la Dresse G______ ayant posé, d’abord, un diagnostic de trouble dépressif récurrent, épisode actuel moyen avec syndrome somatique depuis 2012 (rapport du 23 juillet 2013), puis d’état dépressif récurrent de gravité moyenne à sévère ainsi qu’une personnalité anxieuse (rapport du 20 mai 2020) et le Dr O______ ayant décrit un état dépressif, des vertiges et une importante diminution de l’estime de soi (rapport du 25 mai 2020). Aucun médecin traitant ne décrit la survenance, avant janvier 2021, d’attaques de panique telles que mentionnées par l’expert judiciaire. Enfin, le recourant conteste avoir indiqué que les crises d’angoisse étaient présentes seulement dès 2021, en alléguant qu’elles existaient bien antérieurement. Le recourant n’apporte cependant aucun élément permettant d’établir la réalité de la symptomatologie antérieurement à janvier 2021, ce d’autant que, comme relevé ci-avant, aucun rapport médical ne le mentionne avant l’expertise judiciaire. La date de janvier 2021 retenue par l’expert judiciaire peut ainsi être suivie.

8.3.4 L’incapacité de travail totale du recourant était en contradiction avec celle de 20% retenue pour le trouble anxieux.

A cet égard, l’expert judiciaire a précisé que c’était l’interaction du trouble anxieux avec le trouble dépressif qui engendrait une incapacité de travail totale. En conséquence, même si le taux d’incapacité de travail de 20% parait, de prime abord, peu élevé en comparaison avec l’incapacité de travail totale finalement retenue par l’expert judiciaire, on comprend que c’est l’interaction des troubles qui péjore le tableau et justifie cette incapacité de travail totale, laquelle peut, dès lors, être considérée comme suffisamment motivée et cohérente.

8.3.5 L’expert judiciaire n’avait pas tenu compte du défaut d’effort du recourant, de son comportement démonstratif, oppositionnel et victimaire, tel que relevé par les experts de la PMU.

A cet égard, l’expert judiciaire a procédé à une interprétation différente du comportement du recourant, à tout le moins plus nuancée que celle de l’expert H. L______, lequel, au vu de la rédaction de son expertise, a fait état d’une communication difficile avec le recourant, contraignant l’expert à effectuer des reconstitutions, avec une anamnèse quasiment impossible à établir, un contact et un entretien difficiles dus, selon l’expert L______, à « une attitude très peu collaboratrice, mauvaise, à la limite de l’hostilité et suscitant chez l’interlocuteur une contre-attitude plutôt négative ».

Au vu de cette description, le diagnostic de majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques posé par l’expert L______ n’est pas convaincant, l’analyse du comportement du recourant semblant manquer (vu le contexte de l’entretien) d’objectivité et être influencée par une relation difficile, voire conflictuelle entre l’expert L______ et le recourant. Cela est d’autant plus vrai que l’expert L______ indique que l’attitude générale du recourant, observée lors de son entretien, est également rapportée par les différents intervenants, experts ou soignants. Or, à cet égard, si la Dresse J______ a bien noté un comportement relativement opposant - le recourant étant sur la défensive et peu loquace, donnant des réponses floues et vagues -, elle a néanmoins relevé qu’au cours de l’entretien il s’était un peu détendu et l’anamnèse recueillie ne semble pas avoir posé de problème. Par ailleurs, l’expert U______ a, au contraire, relevé que le recourant était collaborant, qu’il comprenait la portée des questions et recourait à l’interprète si nécessaire. Il a en outre été à même d’établir un résumé de l’entretien approfondi mentionné dans son expertise. Quant à l’expert M______, il a mentionné qu’aucune observation particulière (relative au comportement et à l’apparence extérieure du recourant) n’avait été faite lors de l’examen du 23 juillet 2019. Ainsi, les constatations de l’expert L______, quant au comportement inadéquat du recourant, ne sont pas, contrairement à son avis, partagées par tous les intervenants experts, ce qui conforte le doute précité sur l’objectivité de ses constatations. Enfin, l’expert judiciaire a qualifié le recourant de coopérant, tout à fait apte à évaluer, comprendre et répondre aux questions, même si en fin d’entretien il a relevé des notes d’agacement chez le recourant, qu’il relie cependant à une souffrance psychologique. Par ailleurs, il estime que le comportement nonchalant du recourant, qui s’oppose à toute proposition de solution, pourrait relever d’une symptomatologie dépressive. Il ne retient finalement aucune majoration des symptômes pour des raisons psychologiques.

Au vu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de considérer que l’analyse faite par l’expert L______ du comportement du recourant l’emporte sur celle de l’expert judiciaire.

8.3.6 L’expert judiciaire ne précisait pas si le trouble de la personnalité anxieuse était décompensé et incapacitant. Or, à cet égard, il ressort du rapport de l’expert judiciaire, qu’il ne l’a clairement pas retenu dans les diagnostics incapacitants.

8.4 Quant au recourant, il critique en partie l’expertise judiciaire, dans la mesure où il conteste qu’une activité adaptée soit possible ainsi que la date de survenance de son incapacité de travail totale, soit janvier 2021.

S’agissant de ce dernier grief, il y a été répondu dans les considérants ci-dessus. Quant à la question de l’activité adaptée exigible, retenue par l’expert judiciaire, elle peut rester ouverte, dès lors que celui-ci estime qu’une activité n’est possible qu’après l’instauration d’un traitement, tant médicamenteux que psychothérapeutique, de sorte qu’en l’état, elle doit être considérée comme non exigible.

8.5 Au vu de ce qui précède, les conclusions de l’expertise judiciaire peuvent être suivies, soit la présence d’une incapacité de travail totale du recourant dès janvier 2021 et nulle antérieurement à cette date.

La décision litigieuse étant datée du 30 juin 2020, force est de constater que l’aggravation de l’état de santé du recourant, telle que décrite par l’expert judiciaire, sort de l’objet du présent litige. En effet, de jurisprudence constante, le juge apprécie en règle générale la légalité des décisions entreprises d'après l'état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 132 V 215 consid. 3.1.1). Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent en principe faire l'objet d'une nouvelle décision administrative (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 ; ATF 130 V 130 consid. 2.1).

En revanche, l’aggravation de l’état de santé du recourant, telle que constatée par l’expert judiciaire, peut être prise en compte dans le cadre d’une révision du dossier du recourant.

9.             S’agissant enfin de l’aspect somatique, le recourant a admis les conclusions de l’expertise ophtalmologique. Par ailleurs, une éventuelle aggravation somatique telle qu’alléguée par le recourant, qui a produit une attestation médicale du 9 juin 2022 mentionnant une intervention chirurgicale à son œil droit le 9 juin 2022, sort également, pour les motifs précités, de l’objet du présent litige. Enfin, s’agissant des rapports médicaux versés au dossier par le recourant, on constate que le rapport médical du 22 juillet 2013 du Dr Q______ (transmis par le recourant le 17 février 2021) n’est pas en contradiction avec les conclusions de l’expertise pneumologique, et le bilan cardiovasculaire des 3 et 17 septembre 2020 conclut à un examen clinique sans particularité et à des tests dans les limites de la normale. Au vu de ces avis, il convient de considérer que les conclusions du SMR du 16 décembre 2019 doivent être confirmées. Le recourant est ainsi reconnu totalement capable de travailler dans une activité adaptée dès le 1er octobre 2009, en respectant les limitations ophtalmologiques et pulmonaires décrites.

10.         Le calcul du degré d’invalidité opéré par l’intimé, sur la base d’une activité adaptée exercée à un taux de 100%, singulièrement les revenus retenus, ne sont pas spécifiquement contestés par le recourant.

Ce calcul, qui aboutit à un degré d’invalidité de 23%, peut ainsi être confirmé.

11.         Partant, le recours ne peut qu’être rejeté, la cause étant renvoyée à l’intimé pour réviser le cas du recourant, compte tenu de l’aggravation de son état de santé depuis janvier 2021. A cet égard, il incombera à l’intimé d’examiner, avec le concours de la Dresse G______, dans quelle mesure un traitement est exigible du recourant, l’expert judiciaire ayant considéré que l’engagement du recourant dans les traitements proposés était faible (art. 21 al. 4 LPGA).

12.         Au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner le recourant au paiement d'un émolument de CHF 200.- (art. 69 al. 1 bis LAI). * Rectification erreur matérielle art.85 LPA

Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique aucun émolument ne sera mis à sa charge (art. 69 al. 1bis LAI et 13 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986.[RFPA-ES 10.03 ]

 

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Renvoie la cause à l’intimé dans le sens des considérants.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à charge du recourant. *Erreur matérielle art.85 LPA Renonce à la perception d'un émolument

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Adriana MALANGA

 

La présidente

 

 

 

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le