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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/111/2021

ATAS/920/2021 du 10.09.2021 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/111/2021 ATAS/920/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 8 septembre 2021

4ème Chambre

 

En la cause

A______ SA, sise ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Blaise GROSJEAN

 

 

recourante

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI, sis rue des Gares 16, GENÈVE

 

 

intimé

 

EN FAIT

1.        Le 20 mars 2020, A______ SA (ci-après : la société) exploitant l’Hôtel B______(ci-après : l’hôtel) a transmis à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé) un préavis de réduction de l’horaire de travail (ci-après : RHT) pour toute l’entreprise, pour la période du 23 mars au 30 avril 2020, avec un taux probable de perte de travail de 100%. La société précisait que les heures de travail avaient été de 56'000 en mars 2020, de 170’934 en mars 2019 et de 168'068 en mars 2018. Il n’y avait plus de clients potentiels pour l’hôtel et beaucoup d’annulations de réservations, de sorte que la société avait pris la décision de fermer l’établissement. À ce jour, il n’y avait plus aucune réservation jusqu’à la fin du mois d’avril.

2.        Par décision du 24 mars 2020, l’OCE n’a pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT pour la période du 23 mars au 22 juin 2020.

3.        Le 3 juin 2020, la société a demandé à l’OCE une prolongation de la RHT jusqu’au 15 septembre 2020, pour toute l’entreprise, soit 6,5 travailleurs, avec un pourcentage prévisible de perte de travail par mois de 30%, précisant qu’elle allait rouvrir l’hôtel le 15 juin.

4.        Par décision du 3 juin 2020, l’OCE n’a pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT jusqu’au 15 septembre 2020.

5.        Le 19 août 2020, la société a transmis à l’OCE un nouveau préavis de RHT pour l’hôtel, ainsi que deux autres préavis pour le Café C______ et le D______ qu’elle exploitait également. L’effectif de l’hôtel comptait 7,5 personnes, dont une travaillant sur appel, et 5,5 personnes étaient concernées par la RHT, qui était demandée jusqu’au 30 novembre 2020, avec un pourcentage prévisible de perte de travail par mois de 20%. L’absence de congrès à Palexpo en raison de la pandémie avait provoqué l’effondrement du chiffre d’affaires de l’hôtel, qui enregistrait beaucoup d’annulations de réservations de clients.

6.        Par décision du 21 août 2020, l’OCE n’a pas fait opposition au paiement de l’indemnité en cas de RHT pour la période du 16 septembre au 15 décembre 2020.

7.        Le 29 septembre 2020, la société, se référant à la décision du 21 août précédent, a demandé à l’OCE s’il devait soumettre une nouvelle demande de RHT pour l’hôtel pour annoncer le changement du taux de perte de travail. Vu le très faible taux d’occupation de l’hôtel depuis le début du mois de septembre, il était contraint de le fermer jusqu’au printemps prochain.

8.        Par courriel du 9 octobre 2020, le service juridique de l’OCE a informé la société que si elle souhaitait augmenter le taux de sa perte de travail, elle devait déposer une nouvelle demande en respectant un délai de préavis de dix jours.

9.        Le 9 octobre 2020, la société a transmis à l’OCE une nouvelle demande de RHT concernant l’hôtel, en attirant son attention sur le fait que sa première demande avait été faite le 20 septembre, soit avant le préavis de dix jours, et qu’elle n’avait appris devoir déposer un nouveau préavis que le 9 octobre.

Selon le préavis de RHT du 9 octobre 2020, la RHT devait être introduite pour toute l’entreprise, en raison de la pandémie et de l’absence totale de tourisme d’affaires ainsi que de congrès à Palexpo, ce qui avait provoqué l’effondrement des revenus de l’hôtel. Les travailleurs concernés par la RHT étaient au nombre de 5,5 sur 6,5 et la RHT était demandée pour la période du 10 septembre 2020 au 31 mai 2021. Le pourcentage prévisible de perte de travail par mois était de 100%.

10.    Par décision du 5 novembre 2020, annulant et remplaçant sa décision du 21 août 2020, l’OCE a formé partiellement opposition au préavis du 19 août 2020, en ce sens que les indemnités en cas de RHT étaient accordées à la société du 16 septembre au 8 octobre 2020. Il était établi que la société avait, de son propre chef, décidé de fermer l’hôtel le 9 octobre 2020 pour une durée indéterminée. Dès lors qu’elle n’avait pas pris les mesures pour éviter une perte de travail, ayant au contraire augmenté le dommage en procédant ainsi, les conditions du droit à l’indemnité n’étaient plus réunies dès le 9 octobre 2020.

11.    Par décision du 6 novembre 2020, l’OCE a formé opposition au préavis de RHT de la société du 9 octobre 2020. La perte de travail n’était pas inévitable, dès lors qu’il avait de son propre chef décidé de fermer l’hôtel dès le 9 octobre 2020. Pour le surplus, la requête n’avait pas été envoyée au moins dix jours avant le début de la période souhaitée de RHT. Par conséquent, cette mesure n’aurait pas pu débuter à la date requise et la RHT n’aurait pu être acceptée que pour une période maximale de trois mois. La société était au bénéfice d’une décision d’octroi de l’indemnité en cas de RHT valable jusqu’au 8 octobre 2020.

12.    Le 17 novembre 2020, la société a formé opposition à la décision du 6 novembre 2020. Il n’était pas exact que la direction de l’hôtel n’avait pas examiné toutes les possibilités en vue d’éviter la mise au chômage partiel de son personnel. Sans doute par manque d’informations, le préavis de RHT ne contenait pas suffisamment d’informations quant au fondement de la décision de fermeture de l’hôtel, mais l’OCE aurait pu solliciter des renseignements complémentaires.

En règle générale, le taux d’occupation annuelle de l’établissement était de l’ordre de 90% avec un prix moyen par chambre de CHF 145.-. Le chiffre d’affaires était de l’ordre de CHF 1'500'000.- avec un bénéfice brut d’exploitation (hors amortissements, travaux d’entretien, investissements, charges financières et administratives ) de l’ordre de CHF 400'000.-. En 2020, la perte envisagée pourrait atteindre les CHF 200'000.- selon les options choisies, soit un écart de CHF 600'000.- par rapport aux exercices précédents.

Au cours de l’exercice 2020, la direction avait relevé une évolution variable selon les mois. En janvier, il y avait eu une légère perte due à la fermeture de deux étages de l’hôtel pour rénovations et au report du Salon de l’horlogerie au mois d’avril. Le mois de février avait été très bon avec un taux d’occupation de 96%. En mars, pratiquement toutes réservations avaient été annulées et il y avait eu une perte record pour un mois de mars de CHF 13'000.-. Afin de limiter la perte, la société avait dû fermer l’hôtel et demander la RHT pour tous les collaborateurs de celui-ci. En juillet et août, il y avait eu une très bonne occupation de l’hôtel, en particulier plus de 87% en juillet, grâce à des sacrifices consentis sur le prix des chambres. Il s’agissait d’une clientèle essentiellement suisse-allemande en déplacement pour des vacances. Le taux d’occupation en août avait été de 83%, soit légèrement moins élevé qu’en juillet, avec une perte, importante pour un mois d’août, de CHF 7'000.-. La profession constatait que l’on se dirigeait vers un automne difficile. Il y avait peu de réservations à court terme et aucune à moyen terme, pour le dernier trimestre 2020. En septembre, il y avait eu un effondrement du taux d’occupation, autour des 40%. Il n’y avait toujours pas de congrès à Genève, plus de tourisme régional et l’épidémie était en train de repartir en Suisse. À ce stade, la société avait fait des scénarios tendant à essayer de préserver l’outil de travail et les emplois, tout en stoppant l’hémorragie du chiffre d’affaires qui risquait, à assez court terme, de mettre en péril l’existence même de l’hôtel.

Les options suivantes avaient été soigneusement examinées :

-          maintenir l’hôtel ouvert avec un personnel réduit ;

-          fermer l’hôtel jusqu’à une reprise des activités et placer les collaborateurs au chômage technique, ce qui permettait de limiter les pertes grâce au remboursement d’une partie de leurs salaires, à l’exception des charges sociales ;

-          fermer sine die l’hôtel, procéder au licenciement de tous les collaborateurs et chercher à convertir l’immeuble en surfaces commerciales par exemple.

Après avoir pris en compte ces différents paramètres, la société avait décidé que la seule option envisageable était la fermeture temporaire de l’établissement en demandant l’indemnité en cas de RHT afin de ne pas mettre en danger l’exploitation. La société avait le devoir de réduire le dommage au maximum tout en tenant compte des intérêts des collaborateurs. D’autres établissements avaient été contraints de prendre une décision de fermeture totale, notamment l’Hôtel E______. L’OCE n’avait procédé à aucune mesure d’instruction et ne lui avait pas posé de questions. Sa décision était fondée sur l’a priori que la fermeture de l’établissement était évitable, alors que chacun savait, au début du mois d’octobre 2020, que l’hôtellerie subissait de plein fouet une baisse drastique du taux d’occupation et que toutes les manifestations qui drainaient de la clientèle dans les hôtels étaient annulées. Compte tenu de la forte érosion du chiffre d’affaires et constatant que depuis début septembre la situation devenait intenable, la seule solution avait été la fermeture temporaire de l’hôtel, afin de préserver l’outil de travail et éviter le licenciement de presque tout le personnel d’exploitation.

13.    Par décision sur opposition du 21 décembre 2020, l’OCE a constaté que la société avait expressément mentionné contester la décision du 6 novembre 2020 et qu’il n’y avait donc pas lieu de revoir la décision du 5 novembre 2020, cette dernière étant entrée en force. Attendu que le but de la RHT était de préserver les emplois existants, que la perte du chiffre d’affaires n’était pas couverte par la RHT et que la société avait indiqué avoir pris la décision de fermer son établissement afin de limiter ses pertes d’exploitation, c’était à juste titre que l’OCE avait considéré que la perte de travail n’était pas inévitable. En effet, les hôtels n’avaient pas été contraints de fermer dès le 2 novembre 2020 à 19h00, selon l’art. 11 al. 1 de l’Arrêté du Conseil d’État genevois du 1er novembre 2020. En conséquence l’opposition du 17 novembre 2020 était rejetée.

14.    Le 13 janvier 2021, la société a formé recours contre la décision précitée, faisant valoir qu’il était évident que les mesures de police sanitaire avaient provoqué l’effondrement des réservations de la clientèle hôtelière, notamment à Genève, et rendu impossible de garder l’hôtel ouvert, sans pertes très conséquentes mettant en péril la trésorerie de l’entreprise. Il n’était pas envisageable de réduire le nombre des collaborateurs au-dessous de cinq. Il fallait en effet compter au minimum trois personnes pour le service, sans compter les rocades dues aux vacances, jours de congé et absences pour causes diverses. La fermeture temporaire de l’hôtel et la mise au chômage temporaire du personnel avaient été la seule alternative permettant d’éviter des licenciements.

Par ailleurs, c’était la date du 10 octobre 2020 qui devait être retenue pour la prise d’effet de la RHT, alors même que le préavis avait été envoyé le 9 octobre, car si l’intimé avait répondu tout de suite à sa question, le préavis de dix jours aurait été respecté dès le 9 octobre 2020 et la décision aurait pu prendre effet le 10 octobre 2020.

La recourante a produit un article de la Tribune de Genève du 13 novembre 2020 qui indique que le 2 novembre, l’Hôtel E______ avait fermé ses portes en raison d’un taux d’occupation de 5% en septembre et octobre et du fait qu’il fallait payer 27% des salaires en RHT, sans compter les quelques CHF 200'000.- de charges mensuelles sans rentrées d’argent. Le secteur hôtelier restait sinistré à Genève, comme le confirmaient les derniers chiffres publiés par l’office cantonal de la statistique. Ainsi, de juillet à septembre 2020, le nombre de nuitées avait chuté de 73% par rapport à la même période en 2019. Sur les neuf premiers mois de l’année, elles avaient diminué de 65% comparativement aux mois correspondants en 2019. Selon un communiqué de presse, à l’échelon suisse, où la part de tourisme et de loisirs était plus importante que dans le canton de Genève, qui dépendait en grande partie du tourisme d’affaires, le recul des nuitées était nettement moindre au troisième trimestre (- 27%). Le Grand Conseil devait encore se prononcer sur le projet de loi d’aide à fonds perdus pour les cas de rigueur, comme l’hôtellerie, dont les besoins étaient estimés à 50 millions de francs. Une ordonnance fédérale en consultation proposait une enveloppe de 200 millions pour toute la Suisse, tous secteurs de rigueur confondus. Les cantons étaient à la manoeuvre pour tenter de faire entendre raison à la Confédération, car les espoirs étaient très minces de retrouver le même niveau d’activités.

15.    Le 26 janvier 2021, l’intimé a conclu au rejet du recours, considérant que la recourante n’apportait aucun élément nouveau permettant de revoir la décision querellée.

16.    Le 2 février 2021, la recourante a informé la chambre de céans que dans la mesure où la situation liée à la pandémie allait en s’empirant, elle avait dû prendre la décision de licencier toutes les personnes qui travaillaient pour l’hôtel le 20 janvier 2021. Dès lors, la RHT ne pouvait plus lui être accordée à compter de cette date. Le recours était maintenu pour ce qui concernait la période antérieure.

17.    Lors d’une audience du 21 avril 2021 :

a. Le représentant de la recourante a déclaré à la chambre de céans que la décision de licencier les employés de l’hôtel avait été prise pour la survie de la société, qui exploitait deux autres établissements. Financièrement, elle ne pouvait pas continuer à exploiter l'hôtel, car la situation n'allait pas s'améliorer dans ce secteur avant le printemps 2022. Elle était en plus dans l'incertitude par rapport aux RHT. Si elle avait touché les indemnités en cas de RHT, elle n'aurait pas licencié ses employés et aurait pu s’adapter à la situation, en reprenant par exemple l’activité de l’hôtel dès le mois de juin 2021 et en fermant pendant les mois creux. La clientèle de l’hôtel était essentiellement composée du tourisme d'affaires. Grâce aux efforts de Genève, elle avait bénéficié d'un tourisme suisse pendant la saison d'été 2020, mais la situation était redevenue difficile dès le mois de septembre 2020. L’hôtel était un trois étoiles, qui n’offrait que le petit-déjeuner et n’avait pas de restaurant. Il ne proposait pas une offre lui permettant de diversifier sa clientèle. Plus personne ne venait pour les organisations internationales ou les congrès. La décision de fermer l'hôtel avait été nécessaire pour la survie de la société, qui avait au total 80 employés. L'hôtel en employait sept et demi et avait vingt-huit chambres. Il fallait trois employés par jour pour le maintenir ouvert. Vu sa grandeur limitée, la société ne pouvait pas mettre que certains employés en RHT, cela n’aurait pas suffi à réduire les pertes. Le but de la société n'était pas de garder l'hôtel fermé. Au mois d'août, elle avait demandé les RHT à 20% pour le reste de l'année, comme filet de sécurité, mais cela n'avait pas été suffisant. Elle avait déjà fermé l’hôtel de fin mars au 14 juin 2020 et on ne lui avait pas dit qu’elle ne pouvait pas le faire. C'était courant dans la branche de fermer par moments les hôtels. Beaucoup d'hôtels avaient fermé temporairement au courant de l'automne 2020. Il avait appris que certains d’entre eux étaient restés ouverts avec seulement une personne à la réception. Ce n'était pas comme cela que la société entendait gérer l'hôtel. Dans ces cas, ce qui se faisait dans le milieu était de prendre la réservation et de renvoyer le client à un autre hôtel ouvert. Certains hôtels s'arrangeaient pour ouvrir à tour de rôle. À cette époque, elle ne savait pas que cela se pratiquait. Si elle l’avait su, elle aurait éventuellement réfléchi différemment. Elle ne pensait pas abuser du système en demandant les RHT et l’avait fait en toute bonne foi. Si elle avait laissé l'hôtel ouvert, cela lui aurait causé une perte de CHF 40'000.- par mois, représentant le loyer, qui était payé même si l'hôtel était fermé (sic). Ses charges étaient constituées principalement du personnel. Il fallait au minimum trois personnes à la réception en alternance et une femme de chambre pour faire tourner l'hôtel, même avec une seule chambre occupée.

b. La représentante de l’intimé a indiqué que vu la modification de la loi COVID, si des RHT devaient être octroyées à la recourante, ce serait depuis la date de dépôt du préavis et jusqu'à la date du licenciement. L'obligation de réduction du dommage n'avait pas été remplie par la recourante, qui aurait pu obtenir les RHT à 100%, si elle n'avait pas fermé l'hôtel.

c. Un délai a été octroyé à la recourante pour produire les pièces attestant de la baisse du chiffre d'affaires sur trois ans, du taux moyen d'occupation et du prix moyen des chambres.

18.    Le 5 mai 2021, la recourante a transmis à la chambre de céans des tableaux retraçant l’évolution de 2017 à 2020 du chiffres d’affaires de l’hôtel, résultats avant amortissement, et le taux d’occupation de l’hôtel de mars à octobre 2017 à 2020.

Il en résulte que :

-      le taux d’occupation moyen de l’hôtel a été de 91,54% en 2018, 94,20 en 2019 et 53,97 en 2020 ;

-      en 2018, il a été au minimum de 94,35% en août et octobre et au maximum de 98,50 en mars ;

-      en 2019, il a été au minimum de 97,24% en août et au maximum de 98,69% en septembre ;

-      en 2020, il a été de 49,91% en mars, 58,93% en juin, CHF 75,52% en juillet, CHF 74,94 en août, 32,50% en septembre et 17,06% en octobre.

Le chiffre d’affaires de l’hôtel a été de CHF 1'526'234.- en 2018, CHF 1'551'677.- en 2019 et de CHF 506'310.- en 2020.

Les charges de l’hôtel étaient constituées :

-      de marchandises : CHF 130’745.- en 2019 et CHF 53'413.- en 2020 ;

-      de charges de personnel : CHF 478'104.- en 2019 et CHF 328'080.- en 2020 ;

-      de charges d’exploitation directes : CHF 243'628.- en 2019 et CHF 113'158.- en 2020 ;

-      de charges d’exploitation indirectes : CHF 279'094.- en 2019 et CHF 189'662.- en 2020 ;

-      du loyer et de la prime de rendement : CHF 198'420.- en 2019 et CHF 104'250.- en 2020 ;

soit un résultat avant amortissement de CHF 221'687.- en 2019 et de moins CHF 282'253.- en 2020.

19.    Le 21 mai 2021, l’intimé a observé que les chiffres produits par la recourante montraient un chiffre d’affaires stable de 2017 à 2019, mais plus en 2020, ce qui s’expliquait par la pandémie, mais surtout par le fait qu’elle avait décidé de fermer son établissement en avril et mai 2020 ainsi que dès le mois d’octobre 2020. En agissant ainsi, il était manifeste qu’elle n’avait aucune chance d’accueillir le moindre client. Si cette décision pouvait être compréhensible du point de vue économique, elle était contraire au principe de l’obligation de diminuer le dommage, qui incombait à tout employeur sollicitant des indemnités RHT. De plus, du fait de la vente de l’établissement et du licenciement de tous les employés, le but premier des RHT, qui était de maintenir les emplois, ne pouvait être atteint.

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté en temps utile, le recours est recevable (art. 60 LPGA).

3.        Le litige porte sur le droit de la recourante à l’indemnité en cas de RHT pour la période du 9 octobre 2020 au 20 janvier 2021.

4.        4.1. Afin de surmonter des difficultés économiques passagères, un employeur peut introduire, avec l’accord de ses employés, une RHT, voire une suspension temporaire de l’activité de son entreprise (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ch. 1 relatif aux remarques préliminaires concernant les art. 31ss). En effet, selon l’art. 31 al. 1 let. b et d LACI, les travailleurs dont la durée normale du travail est réduite ou l’activité suspendue ont droit à l’indemnité en cas de RHT lorsque la perte de travail doit être prise en considération et RHT est vraisemblablement temporaire, et si l’on peut admettre qu’elle permettra de maintenir les emplois en question. Une perte de chiffre d’affaires ne suffit pas à entraîner une indemnisation. Encore faut-il que cette perte se traduise par une diminution des heures travaillées (cf. RUBIN, op. cit., n. 4 ad art. 32 LACI). L’indemnité s’élève à 80% de la perte de gain prise en considération (art. 34 al. 1 LACI). L’indemnité en cas de RHT doit être avancée par l’employeur (art. 37 let. a LACI) et sera, par la suite, remboursée par la caisse de chômage à l’issue d’une procédure spécifique (art. 36 et 39 LACI), étant précisé qu’un délai d’attente de deux à trois jours doit être supporté par l’employeur (art. 32 al. 2 LACI et 50 al. 2 de l’ordonnance sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité du 31 août 1983 [ordonnance sur l’assurance chômage, OACI - RS 837.02], étant précisé que l’art. 50 al. 2 OACI a été supprimé temporairement en raison de la pandémie de coronavirus).

4.2. Le but de l’indemnité en cas de RHT consiste, d’une part, à garantir aux personnes assurées une compensation appropriée pour les pertes de salaire dues à des réductions de temps de travail et à éviter le chômage complet, à savoir des licenciements et résiliations de contrats de travail. D’autre part, l’indemnité en cas de RHT vise au maintien de places de travail dans l’intérêt tant des travailleurs que des employeurs, en offrant la possibilité de conserver un appareil de production intact au-delà de la période de réduction de l’horaire de travail (ATF 121 V 371 consid. 3a).

Une perte de travail est prise en considération lorsqu’elle est due, entre autres conditions, à des facteurs économiques et qu’elle est inévitable (art. 32 al. 1 let. a LACI). Ces conditions sont cumulatives (ATF 121 V 371 consid. 2a). Le recul de la demande des biens ou des services normalement proposés par l’entreprise concernée est caractéristique pour apprécier l’existence d’un facteur économique (DTA 1985 p. 109 c. 3a). L’art. 32 al. 3 phr. 1 prévoit en outre que pour les cas de rigueur, le Conseil fédéral règle la prise en considération de pertes de travail consécutives à des mesures prises par les autorités, à des pertes de clientèle dues aux conditions météorologiques où à d’autres circonstances non imputables à l’employeur. L’art. 51 OACI concrétise l’art. 32 al. 3 LACI en énumérant, à son al. 2, de façon non exhaustive (cf. ATF 128 V 305 consid. 4), différentes situations (notamment des mesures d’autorités) permettant de prendre en considération une perte de travail (interdiction d’importer ou d’exporter des matières premières ou des marchandises (let. a) ; contingentement des matières premières ou des produits d’exploitation, y compris les combustibles (let. b) ; restrictions de transport ou fermeture des voies d’accès (let. c) ; interruptions de longue durée ou restrictions notables de l’approvisionnement en énergie (let. d) ; dégâts causés par les forces de la nature (let. e). L’art. 51 al. 4 OACI précise encore que la perte de travail causée par un dommage n’est pas prise en considération tant qu’elle est couverte par une assurance privée.

4.3. Les pertes de travail au sens de l’art. 51 OACI ne peuvent toutefois être prises en considération que si l’employeur ne peut les éviter par des mesures appropriées et économiquement supportables ou s’il ne peut faire répondre un tiers du dommage (cf. art. 51 al. 1 OACI ; RUBIN, op. cit, n. 15 et 18 ad art. 32 LACI et les références citées). Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage voulant que l’employeur prenne toutes les mesures raisonnables pour éviter la perte de travail. La caisse niera le droit à l’indemnité uniquement si des raisons concrètes et suffisantes démontrent que la perte de travail aurait pu être évitée et s’il existe des mesures que l’employeur a omis de prendre (ATF 111 V 379 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 218/02 du 22 novembre 2002 consid. 2 ; Bulletin LACI RHT du Secrétariat d’État à l’économie [SECO], état au 1er janvier 2021, C3 et C4).

La seule présence d’un motif de prise en considération de la perte de travail au sens des art. 31 et 32 LACI n’est pas suffisante pour conduire à une indemnisation. Lorsque la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, l’indemnisation est exclue. Ainsi, lorsqu’en plus des mesures prises par les autorités ou des circonstances indépendantes de la volonté de l’employeur au sens de l’art. 51 al. 1 OACI, l’une des conditions de l’art. 33 LACI est réalisée, par exemple en présence d’un risque normal d’exploitation, l’indemnisation est exclue (RUBIN, op. cit., n. 18 ad art. 32 LACI et n. 4 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment ATF 138 V 333 consid. 3.2 et ATF 128 V 305 consid. 4a).

Selon la jurisprudence, doivent être considérés comme des risques normaux d’exploitation au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI les pertes de travail habituelles, c’est-à-dire celles qui, d’après l’expérience de la vie, surviennent périodiquement et qui, par conséquent, peuvent faire l’objet de calculs prévisionnels. Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque employeur sont des circonstances inhérentes aux risques d’exploitation généralement assumés par une entreprise. Ce n’est que lorsqu’elles présentent un caractère exceptionnel ou extraordinaire qu’elles ouvrent droit à une indemnité en cas de RHT. La question du risque d’exploitation ne saurait par ailleurs être tranchée de manière identique pour tous les genres d’entreprises, ce risque devant au contraire être apprécié dans chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circonstances liées à l’activité spécifique de l’exploitation en cause (ATF 119 V 498 consid. 1 ; cf. aussi RUBIN, op. cit, n. 10 ad art. 33 LACI et les références citées).

Les pertes de travail liées aux risques économiques ordinaires, tels que le risque commercial, le risque de baisse de compétitivité par rapport à la concurrence, ou le risque de ne pas se voir attribuer un marché public, ne sont pas indemnisables. Dans le domaine de la construction, des délais d’exécution reportés à la demande du maître de l’ouvrage et des annulations de travaux en raison de l’insolvabilité de ce dernier ou à cause d’une procédure d’opposition ne représentent pas des circonstances exceptionnelles. De telles circonstances constituent dès lors des risques normaux d’exploitation. Pour une entreprise qui traite essentiellement avec un seul client important, la perte de ce client ou la perspective certaine d’une réduction des mandats constitue également une circonstance inhérente aux risques normaux d’exploitation (cf. RUBIN, op. cit., n. 13 et 16 ad art. 33 LACI et les références citées, notamment DTA 1998 consid. 1 p. 292).

4.4. En raison de la propagation de la COVID-19, le Conseil fédéral a, le 28 février 2020, qualifié la situation prévalant en Suisse de « situation particulière » au sens de l’art. 6 al. 2 let. b de la loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme (loi sur les épidémies ; LEP - RS 818.101). Sur cette base, le Conseil fédéral a édicté l’Ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 28 février 2020 (RO 2020 573) puis l’Ordonnance 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus du 13 mars 2020 (Ordonnance 2 COVID-19 ; RO 2020 773) qui limitait notamment l’accueil dans les restaurants, les bars, les discothèques et les boîtes de nuit à cinquante personnes (art. 6 al. 2). Après avoir qualifié la situation en Suisse de « situation extraordinaire » au sens de l’art. 7 LEP, le Conseil fédéral a procédé à des modifications de cette ordonnance, notamment en ordonnant la fermeture des restaurants (art. 6 al. 2 let. b). Cette modification est entrée en vigueur le 17 mars 2020 (RO 2020 783). Les magasins et marchés ont pu rouvrir dès le 11 mai 2020 (RO 2020 1401).

À la suite de ces mesures, il y a eu de nombreuses annulations de vols et des restrictions de voyager, de sorte que les clients internationaux ne se sont plus déplacés à Genève et les expositions internationales, congrès et autres événements de masse prévus au printemps 2020 ont été annulés.

Le 28 octobre 2020, le Conseil fédéral a étendu l’obligation du port du masque aux espaces publics extérieurs des installations et établissements (art. 3b al. 1 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière), limité le nombre de clients à quatre par table dans les restaurants et imposé leur fermeture entre 23h00 et 6h00 (art. 5a de l’ordonnance COVID-19 situation particulière). Ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 octobre 2020 (RO 2020 4503).

Le 12 décembre 2020 est entrée en vigueur une modification de l’ordonnance COVID-19 situation particulière prévoyant que les établissements de restauration devaient demeurer fermés entre 19h00 et 6h00 (art. 5a de l’ordonnance COVID-19 situation particulière). Tout canton pouvait toutefois prévoir d’étendre ces heures d’ouverture si les capacités hospitalières étaient garanties, que le taux de reproduction effectif du virus était inférieur à 1 durant au moins sept jours consécutifs et que le nombre de nouvelles infections par 100'000 personnes était inférieur à la moyenne suisse au cours des sept derniers jours également ; le cas échéant, il pouvait décider que les établissements de restaurations restaient ouverts au plus tard jusqu’à 23h00 (art. 7 al. 2 et 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière).

Le 18 décembre 2020, le Conseil fédéral a procédé à une modification de l’ordonnance COVID-19 situation particulière, entrée en vigueur le 22 décembre 2020, et a notamment interdit l’exploitation des établissements de restauration (art. 5a al. 1 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière), sous réserve des allègements pouvant être ordonnés par les cantons au sens de l’art. 7 al. 2 et 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière (RO 2020 5813).

Le 9 janvier 2021, le Conseil fédéral a abrogé l’art. 7 al. 2 et 3 de l’ordonnance COVID-19 situation particulière sur les exceptions cantonales concernant notamment l’ouverture des établissements de restauration (RO 2021 2).

4.5. Sur le plan cantonal, le Conseil d’État a adopté, le 1er novembre 2020, l’arrêté d’application de l’ordonnance COVID-19 situation particulière et sur les mesures de protection de la population (ci-après : l’arrêté COVID-19), publié dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 2 novembre 2020, entré en vigueur le 2 novembre 2020, qui, à son art. 11 al. 1 qui fermait :

-    les installations et établissements aménagés pour la danse, où l’on débite des boissons et/ou l'on assure un service de restauration au sens de l’art. 3 let. g de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (let. a) ;

-    les installations et établissements de divertissements et de loisirs, notamment cinémas, musées et salles d’expositions, bibliothèques, salles de jeu, salles de concert, théâtres, casinos, patinoires, les lieux clos des jardins botaniques, parcs zoologiques (let. b) ;

-    les installations et établissements de sports et de bien-être, notamment centres sportifs et de fitness, piscines, centres de bien-être, à moins qu’ils n’appartiennent à un hôtel et qu’ils ne soient accessibles qu’à la clientèle de l’hôtel (let. c) ;

-    les installations et établissements offrant des consommations, notamment bars, cafés-restaurants, cafeterias, buvettes et établissements assimilés ouverts au public (let. d).

4.6. S’agissant du domaine particulier de l’indemnité en cas de RHT, le Conseil fédéral a adopté, le 20 mars 2020, l’ordonnance sur les mesures dans le domaine de l’assurance-chômage en lien avec le coronavirus (Ordonnance COVID-19 assurance-chômage ; RS 837.033), avec une entrée en vigueur rétroactive au 1er mars 2020 (art. 9 al. 1), qui prévoyait, à son art. 8b al. 1 que la société n’était pas tenue de respecter un délai de préavis, lorsqu'il avait l'intention de requérir l'indemnité en cas de RHT en faveur de ses travailleurs. Cette disposition a été abrogée avec effet au 1er juin 2020 (RO 2020 3569). Quant à l’art. 8c de l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage, il prévoyait qu’en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis devait être renouvelé lorsque la RHT durait plus de six mois. Cette disposition a été abrogée par modification du 12 août 2020, avec effet au 1er septembre 2020 (RO 3569).

Aucune modification n’a toutefois été apportée aux critères relatifs à la perte de travail à prendre en considération (art. 31 al. 1 let. b et 32 al. 1 et 3 LACI).

4.7. Selon la directive du SECO 2020/15 du 30 octobre 2020, sur l’actualisation « des règles spéciales dues à la pandémie », du fait de sa soudaineté, de son ampleur et de sa gravité, une pandémie n’est pas un risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur, au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LACI même si dans certaines circonstances elle est susceptible de toucher tout employeur. Les pertes de travail résultant d’un recul de la demande de biens et de services pour ce motif peuvent dès lors être pris en considération en application de l’art. 32 al. 1 let. a LACI. Toutefois, l’employeur doit démontrer de manière crédible que les interruptions de travail attendues dans son entreprise sont attribuables à l’apparition de la pandémie. Il ne suffit pas simplement de mentionner la pandémie comme justification (ch. 2.2).

Selon le ch. 2.3, dans le cadre du des confinements progressifs, la plupart du temps, la justification en raison des mesures prises par les autorités devient caduque. L’activité doit reprendre normalement dès que cela est possible. Cette condition est l’expression de l’obligation de diminuer le dommage. Toutefois, le droit à l’indemnité en cas de RHT peut être maintenu, notamment lorsque l’entreprise doit rester fermée, parce que la perte consécutive à une réouverture serait plus importante que dans le cas d’une fermeture temporaire. Dans ce cas, l’employeur a droit l’indemnité en cas de RHT pour les travailleurs concernés, si les autres conditions du droit à l’indemnité sont réalisées. L’entreprise doit démontrer de manière admissible que la perte consécutive à une réouverture serait plus importante que dans le cas de fermeture temporaire. Si tel est le cas et que le risque de licenciement ou de fermeture définitive augmente, le droit à l’indemnité en cas de RHT s’applique de la même manière (3).

5.        5.1. En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a subi une perte de travail de 100% pour ses 5,5 employés dès le 9 octobre 2020, date à laquelle elle a fermé l’hôtel.

5.2. Il convient d’admettre que cette perte de travail est consécutive à des mesures prises par les autorités. Il n’est pas contesté que la clientèle de l’hôtel, qui n’exploitait pas de restaurant, était essentiellement composée de personnes voyageant pour affaires et que ce domaine d’activités a été particulièrement touché, notamment en raison de la fermeture des commerces, de la suppression des vols internationaux et de l’annulation des expositions internationales, congrès et autres événements de masse. Le ralentissement des affaires dans ces domaines a ainsi entraîné des conséquences directes sur l’activité de la recourante, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d’un cas de rigueur, au sens des art. 32 al. 3 LACI et 51 OACI, dont la liste n’est pas exhaustive, doivent être considérées comme étant réalisées.

5.3. Même dans un tel cas de figure, l’indemnisation est exclue si la perte de travail est due à l’un des motifs de l’art. 33 LACI, en particulier en présence d’un risque normal d’exploitation (al. 1 let. a). S’agissant de l’art. 33 al. 1 let. a LACI, il n’est pas contesté, ni contestable, que la pandémie du coronavirus constitue une circonstance exceptionnelle dépassant le cadre du risque normal d’exploitation à la charge de l’employeur (cf. Kurt Pärtli, Corona-Verordnungen des Bundesrates zur Arbeitslosenversicherung und zum Erwerbsausfall, in SZS 2020, p. 125). Il convient en effet d’admettre la présence de circonstances exceptionnelles non liées aux risques d’exploitation d’une entreprise.

5.4. Reste à examiner si, comme le prétend l’intimé, l’employeur aurait pu éviter les pertes de travail par des mesures appropriées et économiquement supportables.

L’intimé s’est opposé au paiement de l’indemnité en cas de RHT, au motif que la recourante aurait dû, en vertu du principe de l’obligation de diminuer le dommage, laisser l’hôtel ouvert, quand bien même la décision de le fermer pouvait être compréhensible d’un point de vue économique.

Il convient de relever à cet égard que la recourante avait déjà fermé l’hôtel en mars 2020, ce qui ne l’a pas empêchée de bénéficier de l’indemnité en cas de RHT. Par ailleurs, elle a rouvert l’établissement, pendant la saison d’été, ce qui démontre qu’elle a saisi l’occasion de diminuer la perte de travail dès que cela a été possible, en profitant des efforts faits par le canton de Genève pour attirer un tourisme de loisirs suisse pendant cette période. Dès septembre 2020, le taux d’occupation de l’hôtel a baissé et les perspectives étant mauvaises, la recourante a décidé de refermer l’hôtel.

Contrairement à ce semble soutenir l’intimé, l’on ne peut contraindre un employeur à prendre, pour limiter les pertes de travail, des mesures qui ne sont pas économiquement supportables (art. 51 OACI). La situation de la recourante est en effet assimilable à celle prévue par le ch. 2.3 (3) de la directive du SECO 2020/15, qui prévoit que l’obligation de réduire le dommage par l’ouverture de l’établissement trouve sa limite si l’entreprise démontre de manière admissible que la perte consécutive à une réouverture serait plus importante que dans le cas de fermeture temporaire et que le risque de licenciement ou de fermeture définitive augmente.

En l’occurrence, la recourante a expliqué qu’elle ne pouvait pas maintenir l’hôtel ouvert sans pertes conséquentes mettant en péril sa trésorerie.

Il résulte des tableaux qu’elle a produits qu’en 2020, elle a subi une perte de CHF 178'003.-, avec un total de charges de CHF 684'313.- (dont CHF 328'080.- de charges de personnel et sans tenir compte du loyer) et un taux d’occupation moyen de 53,97% et qu’en 2019, elle a obtenu un bénéfice de CHF 420'107.- avec un total de charges de CHF 1'131’571.- (dont CHF 478'104.- de charges de personnel et sans tenir compte du loyer) et un taux d’occupation moyen de 94,20%.

Il n’apparaît en conséquence pas contestable que dès le 9 octobre 2020, alors que le taux d’occupation potentiel aurait été certainement plus bas que le taux d’occupation moyen – puisqu’il avait été de 32,5% en septembre et s’annonçait encore moins bon en novembre à teneur des statistiques citées par la Tribune de Genève en novembre 2020 –, l’hôtel aurait subi des pertes qu’il soit resté ouvert ou pas et que le laisser ouvert aurait engendré des pertes plus importantes qu’en le fermant. En effet, dans cette dernière hypothèse, la société n’avait pas à payer les charges directement liées à l’exploitation de l’établissement et la marchandise, soit des montants conséquents, puisque ces charges représentaient CHF 374'373.- (CHF 243'628.- + CHF 130'745.-) en 2019 et CHF 166'571.- (CHF 53'413.- + 113'158.-) en 2020.

Il en résulte que l’intimé ne pouvait exiger que la recourante laisse l’hôtel ouvert pour réduire la perte de travail et que c’est donc à tort qu’elle a formé opposition au préavis du 9 octobre 2020.

6.        Selon les dernières conclusions de la recourante, elle requérait l’indemnité en cas de RHT du 10 octobre 2020 au 19 janvier 2021.

6.1. Le 19 mars 2021, l’Assemblée fédérale a adopté l’art. 17b de la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19 (loi COVID-19 – RS 818.102). D’après son al. 1er, en dérogation à l’art. 36 al. 1 LACI, aucun délai de préavis ne doit être observé pour la RHT. Le préavis doit être renouvelé lorsque la RHT dure plus de six mois. À partir du 1er juillet 2021, une RHT pour une durée de plus de trois mois ne peut être autorisée que jusqu’au 31 décembre 2021 au plus tard. Toute modification rétroactive d’un préavis existant doit faire l’objet d’une demande auprès de l’autorité cantonale jusqu’au 30 avril 2021 au plus tard.

D’après le ch. III al. 7 de la modification du 19 mars 2021 à la loi COVID-19 (RO 2021 153), l’art. 17b al. 1 entre en vigueur rétroactivement le 1er septembre 2020 et a effet jusqu’au 31 décembre 2021.

Il ressort du message du Conseil fédéral relatif à une modification de la loi COVID-19 du 17 février 2021 que l’art. 17b crée une disposition directement applicable qui, après son entrée en vigueur, n’a pas besoin d’être mise en œuvre dans l’ordonnance COVID-19 assurance-chômage. L’al. 1, 1ère phr. supprime totalement le délai de préavis pour toutes les entreprises. Le début de la RHT pourra être autorisé à partir de la date du préavis pour autant que toutes les autres conditions dont dépend le droit à l’indemnité soient remplies. Par ailleurs, selon l’art. 36 al. 1 LACI, le préavis doit être renouvelé et la RHT autorisée de nouveau si celle-ci dure plus de trois mois. L’al. 1, 2e phr. de l’art. 17b de la loi COVID-19 prévoit que l’autorisation de RHT émise par l’autorité cantonale sera désormais valable pendant six mois. Autrement dit, l’entreprise ne devra renouveler le préavis que si la RHT dure plus de six mois. Cette réglementation allégera la charge administrative des entreprises et des organes d’exécution (FF 2021 285, p. 29s.).

6.2. En application des dispositions précitées, la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT, sous réserve que toutes les conditions soient remplies, du jour du dépôt du préavis, soit le 9 octobre 2020 jusqu’au 19 janvier 2021, jour précédent le licenciement des employés de l’hôtel.

7.        Le recours doit en conséquence être admis.

8.        La recourante, représentée par un conseil, obtient ainsi gain de cause, de sorte qu’elle a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens, que la chambre de céans fixera à CHF 2’000.- (art. 61 let. g LPGA ; art. 89H al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 – LPA ; RS E 5 10 ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 ; RFPA - RS E 5 10.03).

9.        Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis a contrario LPGA).

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet.

3.        Annule la décision sur opposition du 21 décembre 2020.

4.        Dit que la recourante a droit à l’indemnité en cas de RHT du 9 octobre 2020 au 19 janvier 2021, sous réserve de l’examen par la caisse de chômage des conditions de l’art. 39 LACI.

5.        Alloue à la recourante, à charge de l’intimé, une indemnité de CHF 2’000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Isabelle CASTILLO

 

La présidente

 

 

 

 

Catherine TAPPONNIER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le