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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/425/2020

ATAS/905/2021 du 07.09.2021 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

A/425/2020 ATAS/905/2021

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d’expertise du 7 septembre 2021

15ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CONFIGNON, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Thierry STICHER

 

 

recourante

 

contre

SWICA ASSURANCES SA, Service Juridique, sise Römerstrasse 37, WINTERTHUR

 

 

intimée

 

 

 


 

EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1983, a travaillé en dernier lieu à temps partiel (à 80 % dès le 1er juin 2016) comme vendeuse de viande pour la B______.

2.        À une date indéterminée au courant du mois d’octobre 2016, l’assurée a fait une chute dans un escalier au travail. Son genou droit a heurté une marche.

3.        L’assurée a passé un examen IRM du genou droit, en raison d’une indication de « craquements et instabilité en montant les marches, bilan méniscal et ligamentaire » le 11 janvier 2017. Dans son rapport d’IRM du 11 janvier 2017, le docteur C______a retenu le diagnostic de « chondropathie focale de la crête patellaire de 7 mm de diamètre s’étendant jusqu’à l’os sous-chondral (grade III) ; chondropathie focale au niveau de la facette médiale de la trochlée fémorale mesurant 6 mm de diamètre (grade IV) ; pas de lésion ménisco-ligamentaire décelée ».

4.        Victime d’une chute sur le genou droit, le 18 janvier 2017, l’assurée a été mise en arrêt de travail dès le 19 janvier 2017 par son médecin traitant le docteur D______, médecin généraliste.

5.        Le 20 janvier 2017, l’employeur a fait une déclaration d’accident dans laquelle il indiquait qu’avant la chute du 18 janvier 2017 son employée avait déjà chuté à deux reprises, sans qu’elle ne se souvienne des dates de ces événements et sans qu’elle ne consulte de médecin. En raison de ces précédentes chutes, l’assurée n’avait plus de force. L’employeur avait décidé de retenir la date du dernier accident dans sa déclaration du 20 janvier 2017.

6.        L’assurée a en outre fait une demande de prestations d’invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : OAI) le 11 juillet 2017. Dans ce cadre, le Dr D______ a attesté qu’en raison d’une maladie dès le 21 février 2017 et en raison d’un accident dès le 19 janvier 2017, la capacité de travail de sa patiente n’était pas exigible dans son activité habituelle ou dans une activité adaptée. L’accident avait entraîné une incapacité de travail du 19 janvier au 20 février 2017. La maladie avait ensuite été à l’origine d’une incapacité de travail complète du 21 février 2017 au 13 septembre 2017. La grossesse de sa patiente avait généré une incapacité de travail dès le 13 septembre 2017 (la patiente ayant été mise en arrêt de travail pour cette cause en septembre 2017 et accouché en décembre 2017). La maladie qui avait eu une répercussion sur la capacité de travail de sa patiente du 21 février au 13 septembre 2017 était décrite comme suit par le médecin traitant : « chondropathie crête patellaire grade III genou D ; chondropathie trochlée fémorale (grade IV) genou D ; épine calcanéenne talon D (2014) ; statut anxio-dépressif réactionnaire (2016) ». En revanche, le diabète gestationnel et l’asthme dont souffrait sa patiente n’avaient pas d’effet sur la capacité de travail. Ce médecin jugeait que d’un point de vue médical l’activité habituelle pouvait être exigible à 100 % au mois de février 2018 ou de mars 2018, soit après le congé maternité, mais devait être adaptée, la station debout devant être limitée au maximum à deux heures et les escaliers et la marche à pied également. Dans un formulaire adressé à l’OAI, le 1er octobre 2018, le Dr D______ a indiqué que l’état de sa patiente s’était aggravé, sans changement dans les diagnostics posés. À la fin du mois d’août 2018, sa patiente avait ressenti un craquement et un blocage du genou. La situation s’était aggravée au niveau des gonalgies, de sorte qu’une arthroscopie avait été programmée. Sa capacité de travail était de 50 % dans un poste de caissière debout et de 100 % dans une autre activité adaptée telle que l’activité de caissière assise. L’assurée était à nouveau en incapacité de travail de 100 % depuis le 2 octobre 2018. Le service médical de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR) a retenu à l’issue de l’instruction que l’assurée avait présenté un problème au genou droit (chondropathie fémoro-patellaire stade III-IV), évoluant depuis 2016, ayant motivé une incapacité de travail dès le mois de janvier 2017. Les rapports médicaux du Dr D______ indiquaient une capacité de travail pleine dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de la patiente, depuis toujours. Le degré d’invalidité de l’assurée a été déterminé le 14 janvier 2020. L’OAI a reconnu à l’assurée une incapacité de travail de 100 % dans son activité habituelle dès le 19 janvier 2017, fin du délai d’attente d’un an, et une pleine capacité de travail dans une activité adaptée dès cette même date. Le statut d’actif à 80 % a été retenu et un revenu annuel en 2016, soit avant l’atteinte, de CHF 65'090.- a été pris en compte. Le temps de travail exigible était de 100 % sans diminution de rendement et le salaire avec invalidité était de CHF 54'783.-. La perte de gain était donc de CHF 10'548.- et le degré d’invalidité de 16.15 %. Pour établir le revenu de 2016, l’OAI s’était fondé sur le salaire annuel de 2015 de CHF 51'440.-, actualisé pour l’année 2016 à CHF 52'072.- pour un taux d’activité de 80 % ; le salaire annuel à 100 % était donc de CHF 65'090.-. La demande de prestations a dès lors été refusée par l’OAI.

7.        L’assurée s’est soumise à une arthroscopie avec shaving et micro fracture des lésions cartilagineuses, le 15 avril 2019, réalisée par le docteur E______, orthopédiste. L’atteinte principale était selon le diagnostic posé par ce praticien une chondropathie fémoro-patellaire de grade III-IV du genou droit. L’intervention a motivé une incapacité de travail totale dans toute activité jusqu’au 31 juillet 2019. Dans un document complémentaire du 16 mai 2019, le Dr E______ précisait que les lésions du genou droit constatées lors de l’arthroscopie étaient secondaires à un statut post-traumatique et non pas à une maladie. Les bilans radiologiques préopératoires avaient infirmé un problème de dysplasie fémoro-patellaire. Sa patiente avait déjà signalé à son employeur en octobre 2016 un traumatisme dans des escaliers avec un impact sur la face interne du genou droit contre une marche d’escalier. Son diagnostic était une chondromalacie stade 4 du pôle inférieur de la rotule et une probable nécrose focale condyle fémorale interne. L’orthopédiste estimait que la capacité de travail était nulle en post-opératoire, puis à réévaluer. Il a signé des arrêts de travail du 15 avril 2019 au 31 juillet 2019. La capacité de travail était retrouvée dès le 1er août 2019.

8.        L’assureur-accidents a recueilli les avis des Drs D______ et E______ et mandaté le docteur F______ à titre d’expert. Ce médecin a indiqué qu’un délai de trois mois était suffisant pour atteindre le statu quo sine après l’accident du 18 janvier 2017. Il n’y avait plus de rapport de causalité entre cet accident et les lésions de l’assurée au-delà de cette date. L’assurée présentait une arthrose fémoro-patellaire avancée au genou droit, non étendue, mais importante et préexistante à l’événement du mois d’octobre 2016 et, a fortiori, à celui du 18 janvier 2017. Les lésions visibles sur l’IRM du 11 janvier 2017 s’étaient formées progressivement en raison de désaxation externe de la rotule et en présence d’un déséquilibre sur dysplasie fémoro-patellaire. L’apparition de ces lésions avait été progressive et n’était pas en relation avec un événement traumatique quelconque. Sa conclusion était que les lésions au genou droit de l’assurée, dont le diagnostic était une arthrose fémoro-patellaire avancée droite sur dysplasie rotulienne et désaxation externe de la rotule, étaient d’ordre maladif et non la conséquence d’un traumatisme, contrairement à l’avis du Dr E______. L’atteinte cartilagineuse était imputable de manière prépondérante (à plus de 50 %, voire à 100 %) à l’état maladif constitutionnel de l’assurée. L’événement du 18 janvier 2017 avait pu aggraver la symptomatologie douloureuse.

9.        Le 12 septembre 2019, l’assureur-accidents a informé l’assurée qu’il mettait fin au versement des indemnités journalières avec effet au 30 avril 2017.

10.    L’assurée s’étant opposée à cette décision et ayant sollicité une décision formelle le 26 septembre 2019, l’assureur-accidents a rendu une décision le 24 octobre 2019. En se fondant sur le rapport du Dr F______, il a décidé de mettre fin au versement des indemnités journalières avec effet au 30 avril 2017.

11.    L’assurée ayant formé opposition à cette décision le 18 novembre 2019, l’assureur-accidents a confirmé dans une décision sur opposition du 6 janvier 2020 sa décision du 24 octobre 2019.

12.    L’assurée a déféré cette décision à la chambre des assurances sociales de la cour de justice (ci-après : CJCAS), concluant à l’audition des Drs F______ et E______ et à la mise en œuvre d’une expertise. Au fond, elle a conclu à l’annulation de la décision du 6 janvier 2020 et à ce que la chambre de céans dise que l’intimée est tenue de verser des prestations en lien avec l’accident du 18 janvier 2017, sous suite de frais et dépens.

13.    L’intimée a conclu au rejet du recours.

14.    La chambre de céans a versé le dossier de l’OAI à la procédure et les parties ont été invitées à se déterminer sur celui-ci. Les parties ont persisté dans leurs conclusions.

15.    La chambre de céans a informé les parties par courrier du 15 juillet 2021, de son intention de mettre en œuvre une expertise et leur a communiqué les questions qu’elle avait l’intention de poser à l’expert, tout en leur impartissant un délai au 19 août 2021 pour compléter celles-ci et faire valoir une éventuelle cause de récusation.

16.    La recourante s’est déterminée sur les questions à poser par pli du 12 août 2021. Elle n’avait pas de cause de récusation et sollicitait que les questions 7.1 et 7.2 soient reformulées pour que l’expert se détermine sur la capacité de travail en temps de présence et en terme de rendement.

17.    L’intimée s’est déterminée le 17 août 2021. Elle n’avait pas de cause de récusation et ne voyait pas pourquoi la question 10 devait être posée à l’expert, aucune pièce au dossier ne mentionnant de troubles psychiques faisant suite à l’accident du 18 janvier 2017.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

2.        À teneur de l’art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s’appliquent à l’assurance-accidents, à moins que la loi n’y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l’entrée en vigueur de la LPGA ; il n’en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

La modification du 25 septembre 2015 de la LAA est entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Dans la mesure où l’accident est survenu après cette date, le droit de la recourante aux prestations d’assurance est soumis au nouveau droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.

3.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 LPGA ; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). 

4.        Le litige porte sur le droit de la recourante à des prestations de l’assurance-accidents au-delà du 30 avril 2017.

5.        a. En vertu de l’art. 6 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l’assurance-accidents (LAA ; RS 832.20), si la présente loi n’en dispose pas autrement, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Selon l’art. 4 de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA ; RS 830.1), applicable par le renvoi de l’art. 1 al. 1 LAA, est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

La responsabilité de l’assureur-accidents s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l’événement assuré. Les prestations d’assurance sont donc également allouées en cas de rechutes et de séquelles tardives (art. 11 de l’ordonnance du 20 décembre 1982 afférente à la LAA [OLAA ; RS 832.202]). Selon la jurisprudence, les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu’elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c’est la même maladie qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu’une atteinte apparemment guérie produit, au cours d’un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 123 V 138 consid. 3a et les références). À cet égard, la jurisprudence considère que plus le temps écoulé entre l’accident et la manifestation de l’affection est long, et plus les exigences quant à la preuve, au degré de la vraisemblance prépondérante, du rapport de causalité naturelle doivent être sévères (RAMA 1997 p. 191 consid. 1c).

b. La condition du lien de causalité naturelle est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 181 consid. 3.1 ; ATF 129 V 406 consid. 4.3.1 ; ATF 119 V 337 consid. 1 ; ATF 118 V 289 consid. 1b et les références). Si l’on peut admettre qu’un accident n’a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité entre les symptômes présentés par l’assuré et l’accident doit être nié lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou s’il est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident (statu quo sine) (RAMA 1992 p. 75 consid. 4b). Enfin, admettre l’existence d’un lien de causalité au seul motif que des symptômes sont apparus après un accident revient à se fonder sur l’adage « après l’accident, donc à cause de l’accident » (« post hoc ergo propter hoc », lequel ne permet pas d’établir l’existence d’un tel lien (arrêt TF 8C_6/2009 du 30 juillet 2009 consid. 3 ; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb ; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s. consid. 3b).

Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose, outre un lien de causalité naturelle, un rapport de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé, question de droit qu’il appartient à l’administration et, en cas de recours, au juge de trancher. Selon la jurisprudence, la causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 117 V 359 consid. 5a ; ATF 117 V 369 consid. 4a et les références citées). En tant que principe répondant à la nécessité de fixer une limite raisonnable à la responsabilité de l’assureur-accidents social, la causalité adéquate n’a pratiquement aucune incidence en présence d’une atteinte à la santé physique en relation de causalité naturelle avec l’accident, du moment que dans ce cas l’assureur répond aussi des atteintes qui ne se produisent habituellement pas selon l’expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références).

Si le rapport de causalité avec l’accident est établi avec la vraisemblance requise, l’assureur n’est délié de son obligation d’octroyer des prestations que si l’accident ne constitue plus la cause naturelle et adéquate de l’atteinte à la santé, c’est-à-dire si cette dernière repose seulement et exclusivement sur des facteurs étrangers à l’accident. C’est le cas soit lorsqu’est atteint l’état de santé (maladif) tel qu’il se présentait directement avant l’accident (status quo ante), soit lorsqu’est atteint l’état de santé, tel qu’il serait survenu tôt ou tard, indépendamment de l’accident, selon l’évolution d’un état maladif antérieur (status quo sine). L’administration et, le cas échéant, le juge tranchent la question de la rupture du lien de causalité en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante. La simple possibilité de cette rupture ne suffit pas (RAMA 1994 p. 326 consid. 3b et les références).

c. En présence d’avis médicaux contradictoires, le juge doit apprécier l’ensemble des preuves à disposition et indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une appréciation plutôt que sur une autre. À cet égard, l’élément décisif pour apprécier la valeur probante d’une pièce médicale n’est en principe ni son origine, ni sa désignation sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a ; ATF 122 V 157 ; RAMA 1996 n°U 256 p. 217 et les références).

Le simple fait que le médecin consulté soit lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l’objectivité de son appréciation ni de soupçonner une présomption à l’égard de l’assuré. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l’impartialité de son appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l’importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères en ce qui concerne l’impartialité de l’expert (ATF 122 V 157 consid. 1c et les références).

Selon la jurisprudence, un rapport médical établi sur la base d’un dossier a valeur probante si ledit dossier contient suffisamment d’appréciations médicales, qui elles, se fondent sur un examen personnel de l’assuré (RAMA 2001 no U 438 p. 345 ; arrêt du Tribunal fédéral U 233/02 du 14 juin 2004 consid. 3.1).

Enfin, quant aux rapports émanant des médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait relevant de l’expérience que, de par sa position de confident privilégié que lui confère son mandat, le médecin traitant tranchera dans le doute en faveur de son patient (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc et les références).

6. Est litigieuse, en l’espèce, la question de savoir s’il existe une relation de causalité entre l’événement de 18 janvier 2017, voir l’événement du mois d’octobre 2016, et les lésions au genou droit dont souffre la recourante. En vue d’établir une telle relation, l’assurée se prévaut de l’avis du Dr E______ alors que l’intimée se fonde sur le rapport du Dr F______.

7. Selon le principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge doit établir (d’office) les faits déterminants pour la solution du litige, avec la collaboration des parties, administrer les preuves nécessaires et les apprécier librement (art. 61 let. c LPGA ; cf. ATF 125 V 193 consid. 2). Il doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu’il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier.

En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu’il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a ; RAMA 1985 p. 240 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3).

8. En l’espèce les parties se fondent chacune sur des avis médicaux contradictoires.

Alors que le Dr F______ voit sur les radiographies des genoux face, profil et axiale des rotules du 6 mars 2019 une désaxation rotulienne externe au niveau des deux genoux, une dyspasie rotulienne de type Wiberg 3 et des ostéophytes sur les condyles fémoro-internes, le Dr E______ ni décèle pas de signe de dysplasie fémoro-patellaire, en particulier pas de subluxation ni d’ostéophyte significatif, la forme de la rotule sur les axiales correspondant à un Wiberg 1. Selon ce médecin, la rotule a un aspect normal. Il indique qu’en peropératoire, ni la rotule ni la trochlée ne présentaient un aspect dysplasique. Les lésions cartilagineuses à l’emporte-pièces ne correspondent pas, selon lui, à des lésions d’usure mais plutôt post-traumatiques comme le mécanisme accidentel de départ peut l’expliquer. Tout au plus pouvait-on voir, selon ce praticien, ce type de lésions dans des luxations traumatiques de la rotule, mais en général elles étaient localisées sur le condyle externe du fémur et la patiente n’avait dans ce cas pas fait de luxation de rotule.

Ainsi tant la lecture des images au dossier, le diagnostic que l’origine des lésions posés par le Dr F______ sont mises en doute par le Dr E______.

Eu égard à ce qui précède et aux avis divergents exprimés dans ce dossier, la chambre de céans n’est pas en mesure de trancher le litige et de déterminer si, comme le soutient l’intimée, l’événement accidentel n’a fait qu’engendrer une aggravation temporaire d’un état dégénératif préexistant.

9. Dans ces conditions, il se justifie de mettre en œuvre une expertise judiciaire orthopédique et traumatologique, laquelle sera confiée au professeur G______, spécialiste en traumatologie au CHUV, les parties n’ayant pas invoqué de cause de récusation.

10. L’expert aura notamment pour mission de se déterminer sur les lésions de l’expertisée, sur leur origine et sur le lien de causalité entre le sinistre du 18 janvier 2017, voire celui du mois d’octobre 2017, et ces lésions.

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant préparatoirement

 

1. Ordonne une expertise orthopédique.

2. Désigne à titre d’expert le professeur G______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur.

3. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire, prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée.

C. Examiner, si nécessaire, la personne expertisée et ordonner au besoin d’autres examens.

D. Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivantes :

1. Anamnèse détaillée

2. Plaintes de la personne expertisée

3. Status et constatations objectives

4. Diagnostics

4.1 Avec répercussion sur la capacité de travail ;

4.1.1 Dates d’apparition ;

4.2 Sans répercussion sur la capacité de travail ;

4.2.1 Dates d’apparition ;

4.3 L’état de santé de la personne expertisée est-il stabilisé ?

4.3.1 Si oui, depuis quelle date ?

4.4. Les atteintes et les plaintes de la personne expertisée correspondent-elles à un substrat organique objectivable ?

5. Causalité

5.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec l’accident du 18 janvier 2017 ou un autre accident préalable qui serait survenu au mois d’octobre 2016 (date précise à déterminer) ? Ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50 %), probable (probabilité de plus de 50 %) ou certain (probabilité de 100 %) ?

5.1.1 Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé et chaque accident.

5.1.2 À partir de quel moment le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident) ?

5.1.3 Veuillez indiquer, le cas échéant, la date du statu quo ante pour chaque diagnostic posé.

5.2 L’accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

5.2.1 Si oui, à partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire) ?

6. Limitations fonctionnelles

6.1. Indiquer les limitations fonctionnelles en relation avec chaque diagnostic.

6.1.1 Dates d’apparition ;

7. Capacité de travail

7.1 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans son activité habituelle, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50 %) avec l’accident et comment cette capacité de travail a-t-elle évolué depuis l’accident jusqu’au 31 juillet 2019 ? (Distinguer le taux d’activité possible du rendement).

7.1.1 Si la capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
Depuis quelle date sont-elles présentes ?

7.2 Quelle est la capacité de travail de la personne expertisée dans une activité adaptée, compte tenu des seules atteintes en rapport de causalité (au moins probable - probabilité de plus de 50 %) avec l’accident ?

7.2.1 Si cette capacité de travail est seulement partielle, quelles sont les limitations fonctionnelles qui entrent en ligne de compte ?
Depuis quelle date sont-elles présentes ?

8. Traitement

8.1 Examen du traitement suivi par la personne expertisée et analyse de son adéquation.

8.2 Propositions thérapeutiques et analyse de leurs effets sur la capacité de travail de la personne expertisée.

8.3 Peut-on attendre de la poursuite du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée ?

8.4 Si non, à partir de quel moment ne peut-on plus attendre de la continuation du traitement médical une notable amélioration de l’état de santé de la personne expertisée (état final atteint) ?

9. Appréciation des avis médicaux figurant au dossier.

9.1 Êtes-vous d’accord avec l’avis du Dr F______ ? En particulier, avec les diagnostics posés (lésions dégénératives et non d’origine traumatique), la date du statu quo sine retenu et l’estimation d’une pleine capacité de travail de la personne expertisée ? Si non, pourquoi ?

9.2 Êtes-vous d’accord avec l’avis du Dr E______ ? En particulier avec les diagnostics posés (lésions d’origine traumatique) et l’incapacité de travail de la personne expertisée du 15 avril 2019 au 31 juillet 2019 en lien avec l’accident d’octobre 2016 ou celui du 18 janvier 2017 ?
Si non, pourquoi ?

10 Suite à l’accident du 18 janvier 2017 :

a. Les lésions apparues sont-elles graves ?

b. Ces lésions ont-elles nécessité des traitements continus spécifiques et lourds ? Si oui, lesquels ? Pendant quel intervalle de temps ?

c. Existe-t-il des douleurs physiques persistantes ? Depuis quand ? Atteignent-elles une intensité particulière ?

11. Quel est le pronostic ?

12. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E. Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la chambre de céans.

F. Réserve le fond.

 

 

La greffière

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

Marine WYSSENBACH

 

Une copie conforme de la présente ordonnance est notifiée aux parties le