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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2956/2016

ATAS/869/2016 du 25.10.2016 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2956/2016 ATAS/869/2016

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 octobre 2016

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Pierre STASTNY

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après l'assurée), née le ______ 1971, ressortissante du Portugal, séjournant en Suisse depuis le 30 janvier 1996, a été employée en qualité de vendeuse/serveuse à plein temps auprès de la société B______ SA (ci-après l'employeur) du mois de mars 1999 au 18 octobre 2007, date à laquelle elle a été empêchée de travailler pour des raisons de santé.

2.        Le 30 janvier 2009, l'assurée a déposé une demande de mesures pour une réadaptation professionnelle auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après l'OAI). Elle était dans l'incapacité totale de travailler depuis le mois d'octobre 2007, en raison d'une tumeur au cerveau et au cervelet, et était suivie depuis le mois de janvier 2008 par le docteur C______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

3.        Par téléphone du 2 juillet 2009, l'assurée a informé l'OAI d'une récidive de sa tumeur, ce qui a été confirmé oralement par le Dr C______ le 9 juillet 2009.

Dans un projet de décision du 13 juillet 2009, l'OAI a dès lors constaté que des mesures de réadaptation professionnelle n'étaient plus indiquées pour l'assurée. Par conséquent, l'instruction de son dossier se poursuivait dans le but de déterminer son droit éventuel à une rente.

4.        Dans un avis du 16 décembre 2010, le docteur D______, médecin FMH auprès du SMR, observait que le rapport établi par le docteur E______, spécialiste en neurologie, le 19 octobre 2010, répondait aux critères de qualité de l'expertise médicale et permettait de conclure à une incapacité désormais définitive dans l'activité habituelle. La capacité de travail était en revanche entière dans toute activité ne nécessitant pas de déplacements répétés dès octobre 2008.

5.        Par décision du 31 mai 2012, l’OAI a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité.

6.        Par arrêt du 25 septembre 2012, la chambre de céans a admis le recours interjeté par l'assurée le 1er juillet 2012, annulé la décision de l'OAI du 31 mai 2012, et renvoyé la cause à ce dernier pour complément d'instruction et nouvelle décision.

7.        L'assurée a effectué un stage pratique auprès de l'entreprise PRO, du 2 septembre au 29 novembre 2013, à 50%, dans le cadre d'une mesure d'observation et d'orientation professionnelle mise en œuvre par l'OAI.

8.        Le 18 novembre 2014, l'OAI a rendu une nouvelle décision. Au vu de l'appréciation professionnelle effectuée auprès de PRO, l'OAI a reconnu le droit de l'assurée à une rente entière d'invalidité à compter du 1er décembre 2011. En revanche, pour la période allant de l'année 2007 au mois de décembre 2011, antérieure à l’aggravation de l'état de santé de l'assurée, il a maintenu son refus de rente, en raison d'un degré d'invalidité nul.

9.        À nouveau saisie par un recours de l’assurée, la chambre de céans, par arrêt du 18 août 2015, a partiellement admis le recours, annulé la décision de l’OAI du 18 novembre 2014 en tant qu’elle refusait à celle-ci le droit à une rente avant le 1er décembre 2011, et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire et nouvelle décision, dans la mesure où il revenait à l’OAI d’instruire davantage en sollicitant un rapport complémentaire du Dr E______ et en ordonnant une expertise psychiatrique.

La chambre de céans a en effet considéré qu’un doute existait quant à la capacité de travail de l’assurée sur le plan somatique avant l’examen de l’expert d’octobre 2010 et sur le plan psychiatrique durant toute la période litigieuse au vu des pièces versées à la procédure (ATAS/595/2015).

10.    Le 18 janvier 2016, l’OAI a informé l’assurée de son intention de mettre sur pied une expertise psychiatrique au SMR de Vevey et un complément d’expertise auprès du Dr E______. Il a joint à sa communication les questions qu’il envisageait de poser aux deux experts.

11.    Par courrier du 20 janvier 2016, l’assurée a dressé la liste des questions qu’elle souhaitait voir poser à l’expert neurologue.

Dans une note du 29 janvier 2016, le médecin du SMR a déclaré qu’il « n’avait rien à dire » sur ces questions.

12.    Le 23 février 2016, l’assurée a été priée de se présenter à la clinique Valmont le 9 septembre 2016 pour un examen neuropsychologique qui serait pratiqué par le Dr E______, ainsi que pour un bilan ergothérapeutique.

13.    Le 28 juin 2016, l’OAI a indiqué que l’expertise psychiatrique était confiée au docteur F______, et a communiqué les questions qu’il entendait lui poser.

14.    Par courrier du 4 juillet 2016, l’assurée, représentée par Me Pierre STASTNY, s’est opposée à ce que le Dr F______ soit désigné comme expert, aux motifs suivants :

- il a déjà rendu des expertises désavouées par la chambre des assurances sociales (cf. notamment ATAS/131/2015).

- il a refusé à diverses reprises de se présenter à des audiences pour son audition devant la chambre des assurances sociales, de sorte que celle-ci a fini par l’amender à hauteur de CHF 1'000.- pour qu’il accepte enfin de comparaître.

- il a déclaré que selon lui les médecins traitants ne pouvaient avoir un avis probant, car ils n’avaient pas une « vision assécurologique des choses ».

Elle propose dès lors que l’expertise psychiatrique soit confiée au docteur G______, au docteur H______ ou au docteur I______.

15.    Par courrier du 6 juillet 2016, l’assurée s’est opposée à ce que le Dr E______ soit mandaté pour un examen neuropsychologique et un bilan ergothérapeutique, considérant que cet examen s’apparenterait à une « second opinion ». Elle rappelle à cet égard l’arrêt de la chambre de céans du 18 août 2015, aux termes duquel la cause était renvoyée à l’OAI pour un rapport complémentaire du Dr E______ et pour une expertise psychiatrique. Elle ne voit dès lors pas ce qu’une expertise complète, qui serait effectuée en septembre 2016, pourrait amener s’agissant du point litigieux pour lequel le renvoi a été effectué.

Elle propose à cet égard plusieurs questions portant sur les limitations fonctionnelles sur les plans physiques ou intellectuelles, l’expert étant invité à indiquer, plus particulièrement, et dans la mesure du possible, si ces limitations étaient déjà présentes au mois d’octobre 2007, ou même avant.

16.    Par décision incidente du 21 juillet 2016, l’OAI a déclaré maintenir le principe d’une expertise psychiatrique confiée au Dr F______.

S’agissant des modalités du complément d’expertise auprès du Dr E______, l’OAI rappelle que la conduite de l’expertise, à savoir les modalités de l’examen clinique et le choix des examens complémentaires, est laissée au libre arbitre de l’expert.

17.    L’assurée, par l’intermédiaire de son mandataire, a interjeté recours le 7 septembre 2016 contre ladite décision. Elle conclut, préalablement, à la restitution de l’effet suspensif et, principalement, à ce que l’expertise psychiatrique soit confiée à un autre médecin que le Dr F______ et à ce que les questions du complément d’expertise au Prof E______ soient ciblées, de sorte qu’elles ne reviennent pas à un examen d’ensemble selon la circulaire AI de l’OFAS n° 339.

18.    Dans sa réponse du 23 septembre 2016, l’OAI a proposé le rejet de la requête relative à l’effet suspensif.

19.    Le 6 octobre 2016, il s’est déterminé sur le fond. Il considère que l’assurée n’allègue aucun motif permettrait d’admettre que le Dr F______ ne serait pas en mesure de remplir sa mission d’expertise et rappelle que, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, reprise par le chiffre 2084 CPAI, s’il n’y a pas de motifs de récusation admissibles, la recherche d’un consensus n’est pas nécessaire.

Il répète enfin que les modalités de l’examen clinique et le choix des examens complémentaires, sont laissés au libre arbitre de l’expert.

Il conclut au rejet du recours.

20.    Les courriers de l’OAI des 23 septembre et 6 octobre 2016 ont été transmis à l’assurée, puis la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        La LPGA, entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable.

3.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi (art. 56ss LPGA), le présent recours est recevable.

4.        Le litige porte sur le choix du Dr F______ comme expert, et sur les questions à soumettre au Dr E______.

5.        a) L’assurée requiert, préalablement, le rétablissement de l’effet suspensif.

b) La LPGA ne contient pas de dispositions propres sur l'effet suspensif. Selon l'art. 55 al. 1 LPGA, les points de procédure qui ne sont pas réglés de manière exhaustive aux art. 27 à 54 LPGA ou par les dispositions des lois spéciales sont régis par la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021). L'art. 56 LPGA, qui concerne le droit de recours, ne règle pas l'effet suspensif éventuel du recours (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, p. 562 ch. m. 16 ad art. 56 et la référence; ATF 129 V 376 consid. 4.3 in fine). Quant à l'art. 61 LPGA, il pose des exigences auxquelles doit satisfaire la procédure devant le tribunal cantonal des assurances, laquelle est réglée par le droit cantonal, sous réserve de l'art. 1 al. 3 PA. Selon l'art. 1 al. 3 PA, l'art. 55 al. 2 et 4 PA, concernant le retrait de l'effet suspensif, s'applique à la procédure devant les autorités cantonales de dernière instance qui ne statuent pas définitivement en vertu du droit public fédéral. Est réservé l'art. 97 LAVS relatif au retrait de l'effet suspensif pour les recours formés contre les décisions des caisses de compensation. Aux termes de cette disposition, applicable par analogie à l'assurance-invalidité en vertu de l'art. 66 LAI (dispositions applicables en l'espèce, dans leur nouvelle teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2003 [arrêt du Tribunal fédéral I 46/04 du 24 février 2004]), la caisse de compensation peut, dans sa décision, prévoir qu'un recours éventuel n'aura pas d'effet suspensif, même si la décision porte sur une prestation pécuniaire. Au surplus, l'art. 55 al. 2 à 4 PA est applicable.

Selon l'art. 11 al. 2 OPGA, l'assureur peut, sur requête ou d'office, retirer l'effet suspensif ou rétablir l'effet suspensif retiré dans la décision. Une telle requête doit être traitée sans délai. L'art. 55 al. 3 PA prévoit que l'autorité de recours ou son président peut restituer l'effet suspensif à un recours auquel l'autorité inférieure l'avait retiré. La demande de restitution de l'effet suspensif est traitée sans délai.

S'agissant du retrait par l'administration de l'effet suspensif à une opposition ou à un recours ou de la restitution de l'effet suspensif, l'entrée en vigueur de la LPGA et de l'OPGA n'a rien changé à la jurisprudence en la matière (arrêt précité I 46/04 du 24 février 2004). D'après la jurisprudence, la possibilité de retirer l'effet suspensif au recours n'est pas subordonnée à la condition qu'il existe, dans le cas particulier, des circonstances tout à fait exceptionnelles qui justifient cette mesure. Il incombe bien plutôt à l'autorité appelée à statuer, en application de l'art. 55 PA, d'examiner si les motifs qui parlent en faveur de l'exécution immédiate de la décision l'emportent sur ceux qui peuvent être invoqués à l'appui de la solution contraire. L'autorité dispose sur ce point d'une certaine liberté d'appréciation; qu'en général, elle se fondera sur l'état de fait tel qu'il résulte du dossier, sans effectuer de longues investigations supplémentaires. En procédant à la pesée des intérêts en présence, les prévisions sur l'issue du litige au fond peuvent également être prises en considération; qu'il faut cependant qu'elles ne fassent aucun doute. Par ailleurs, l'autorité ne saurait retirer l'effet suspensif au recours lorsqu'elle n'a pas de raisons convaincantes pour le faire (ATF 124 V 88 s. consid. 6a, 117 V 191 consid. 2b et les références). Ces principes s'appliquaient également dans le cadre de l'art. 97 al. 2 LAVS (teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002 ; ATF 110 V 46), applicable par analogie à l'assurance-invalidité en vertu de l'art. 81 LAI (abrogé par la LPGA).

Les mesures provisionnelles, auxquelles l’effet suspensif est assimilé, ne sont ainsi légitimes, aux termes de la loi, que si elles s'avèrent nécessaires au maintien de l'état de fait ou à la sauvegarde des intérêts compromis. En revanche, elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper sur le jugement définitif, ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, ni non plus aboutir abusivement à rendre d'emblée illusoire le procès au fond (ATF 119 V 505 consid. 3 et les références citées) ; si la protection du droit ne peut exceptionnellement être réalisée autrement, il est possible d'anticiper sur le jugement au fond par une mesure provisoire, pour autant qu'une protection efficace du droit ne puisse être atteinte par la procédure ordinaire et que celle-ci produirait des effets absolument inadmissibles pour le requérant (GYGI, L'effet suspensif et les mesures provisionnelles en procédure administrative, RDAF 1976 p. 228; cf. aussi KÖLZ/HÄNER, Verwasltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2ème édition, ch. 334 ss.) ;

c) En l'espèce, la requête visant à la restitution de l'effet suspensif revient à demander la suspension de la réalisation de l'expertise psychiatrique et du complément d’expertise neurologique. Elle relève ainsi indiscutablement du droit de fond de la présente procédure, de sorte que la demande de restitution de l’effet suspensif devrait être rejetée.

Cependant, dans la mesure où la chambre de céans statue ci-après sur les deux questions de fond, la demande de restitution de l’effet suspensif devient en réalité sans objet.

6.        Au fond, il y a tout d’abord lieu de relever que la nécessité de mettre en œuvre une expertise psychiatrique n’est pas remise en cause par les parties. Seul le choix de l’expert est contesté par l’assurée.

7.        Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

Conformément à l’art. 49 al. 1 LPGA, l’assureur doit rendre par écrit les décisions qui portent sur des prestations, créances ou injonctions importantes avec lesquelles l’intéressé n’est pas d’accord.

La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.), en particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282; 135 II 286 consid. 5.1 p. 293; 132 V 368 consid. 3.1 p. 370).

L’article 39 al. 2 LPA stipule que les causes de récusation de l'article 15 LPA s'appliquent aux experts. Aux termes de l'article 15 LPA,

« 1 Les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se récuser :

a) s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire;

b) s’ils sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple;

c) s’ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire;

d) s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité.

2 Les membres du Conseil d’Etat ou d’un exécutif communal n’ont pas à se récuser dans les affaires non contentieuses concernant des personnes morales, organes ou autorités à l’administration desquels ils appartiennent en qualité officielle.
3 La demande de récusation doit être présentée sans délai à l’autorité.
4 La décision sur la récusation d’un membre d’une autorité collégiale est prise par cette autorité, en l’absence de ce membre » ;

Selon la jurisprudence relative aux art. 29 al. 1er Cst., 30 al. 1er Cst. et 6 par. 1 de la Convention européenne des droits de l’homme, les parties à une procédure ont le droit d’exiger la récusation d’un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité. Cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d’une partie. Les impressions individuelles d’une des parties au procès ne sont toutefois pas décisives.

Un expert passe pour prévenu lorsqu’il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s’agit toutefois d’un état intérieur dont la preuve est difficile à rapporter. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l’expert. L’appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l’expertisé, la méfiance à l’égard de l’expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs. Seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération (ATF 127 I 198 consid. 2b, ATF 125 V 351 consid. 3b/ee, 123 V 175 consid. 3d ; RAMA 1999 n° U 332 p. 193, U 212/97, consid. 2a/bb et les références).

Selon la jurisprudence en matière d'expertise médicale, le fait qu’une expertise a été réalisée par un ancien médecin traitant de l’assuré soumis à cette mesure d’instruction ne justifie pas d’exclure d’emblée une telle expertise, en l’absence d’autre circonstance objective jetant le doute sur l’impartialité de l’expert, par exemple parce qu’il n’a pas rédigé son rapport de manière neutre et factuelle (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 832/04 consid. 2.3.1 du 3 février 2006 et I 29/04 du 17 août 2004 consid. 2.2 et les références). Le simple fait que le médecin consulté est lié à l’assureur par un rapport de travail ne permet pas de douter a priori de l’objectivité de son appréciation, ni de soupçonner une prévention (cf. ATF 125 V 353). De même le fait qu’un médecin se soit déjà prononcé sur le cas de l’assuré ne constitue pas une circonstance de nature à susciter une apparence de prévention au sens de la jurisprudence précitée (cf. arrêt du 8 septembre 2000 cause U 291/99). Par ailleurs, il existe une présomption d’impartialité de l’expert, de sorte que l’assuré doit apporter la preuve du contraire permettant de renverser cette présomption (cf. arrêt I 752/03 du 27 août 2004).

L’expert doit être, d’une part, subjectivement impartial : il ne doit pas, par exemple, avoir fait des déclarations sur l’issue du litige, y avoir un intérêt personnel, être parent ou allié avec l’une des parties, etc. Il doit, d’autre part, être objectivement impartial, dans le sens de la jurisprudence susmentionnée (cf. J. MEINE, L’expert et l’expertise - critères de validité de l'expertise médicale, in L'expertise médicale, 2002, p. 27).

Dans un arrêt de principe publié à l'ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en rapport avec la mise en œuvre d’expertises administratives et judiciaires auprès des Centres d’observation médicale de l’assurance-invalidité (COMAI). Il a rappelé en particulier que le déroulement équitable de la procédure exige que les prérogatives usuelles dans la procédure administrative générale, découlant du droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst et 42 LPGA) et comprenant notamment le droit de faire administrer les preuves essentielles et la participation à l’administration des preuves, soient garanties (ATF 137 V 210, consid. 3.4.2.4). La notion de procès équitable doit être respectée globalement dans les instances successives. L’art. 6 ch. 1 CEDH déploie ainsi des effets sur la procédure administrative précédant le recours judiciaire (Ulrich MEYER-BLASER, Der Einfluss der Europäischen Menschenrechstlkonvention [EMRK] auf das schweizerische Social versicherungsrecht, in : ZSR 1994 I, p. 389ss, 401). Dans l’appréciation globale, en particulier afin de déterminer comment des expertises doivent être appréciées compte tenu des exigences de participation, de droit d’être entendu et d’équité, la question de savoir dans quelle mesure les droits des parties ont été mis en œuvre dans la procédure administrative joue un rôle important. Le Tribunal fédéral a par conséquent jugé qu’en l’absence de consensus, il convient de rendre une ordonnance d’expertise sous forme d’une décision incidente (art. 55 LPGA en corrélation avec l’art. 49 LPGA) correspondant à la notion de décision selon l’art. 5 PA, laquelle peut être attaquée devant les tribunaux cantonaux des assurances sociales respectivement le Tribunal administratif fédéral. Il a également défini dans cet arrêt les droits de participation des parties lors de la mise en œuvre d’une expertise administrative et les a renforcés.

Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé que l’assuré peut faire valoir contre une décision incidente d’expertise médicale non seulement des motifs formels de récusation contre les experts, mais également des motifs matériels, tels que par exemple le grief que l'expertise constituerait une « second opinion » superflue, contre la forme ou l’étendue de l’expertise, par exemple le choix des disciplines médicales dans une expertise pluridisciplinaire, ou contre l’expert désigné, en ce qui concerne notamment sa compétence professionnelle (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7 ; 138 V 271 consid. 1.1). Notre Haute Cour a également considéré qu’il convient d’accorder une importance plus grande que cela a été le cas jusqu’ici, à la mise en œuvre consensuelle d’une expertise, en s'inspirant notamment de l’art. 93 de la loi fédérale sur l’assurance militaire du 19 juin 1992 (LAM ; RS 833.1) qui prescrit que l’assurance militaire doit rendre une décision incidente susceptible de recours (seulement) lorsqu’elle est en désaccord avec le requérant ou ses proches sur le choix de l’expert. Selon le Tribunal fédéral, il est de la responsabilité tant de l’assureur social que de l’assuré de parer aux alourdissements de la procédure qui peuvent être évités. Il faut également garder à l’esprit qu’une expertise qui repose sur un accord mutuel donne des résultats plus concluants et mieux acceptés par l’assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6).

À noter que la recherche d'un consensus est uniquement nécessaire lorsque l’assuré fait valoir des objections admissibles de nature formelle (récusation des experts) ou matérielle (domaines médicaux à examiner) (arrêt du Tribunal fédéral 9C_560/2013 du 6 septembre 2013 consid. 2.3 et les références). En outre, lorsqu’aucun accord n’est trouvé, l’office AI doit rendre une décision unique portant à la fois sur le moyen de preuve en lui-même (nécessité d’une expertise, limitation à une ou deux discipline, description des disciplines) et sur la personne de l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_207/2012 consid. 5.2.2.3).

8.        a) Il est vrai qu’aucun des motifs énumérés à l’art. 15 al. 1 lit. a à c LPA n’est réalisé en l’espèce. L’assurée s’oppose toutefois au choix de l’expert, en faisant valoir que le Dr F______ ne présenterait pas l’impartialité que l’on serait en droit d’attendre de lui. Elle met en doute la qualité de ses expertises. Elle invoque en effet le fait que la qualité de valeur probante de celles-ci a souvent été niée par la chambre de céans et considère qu’il s’agit-là d’un indice de partialité chez ce médecin. Ce motif de récusation est d’ordre matériel. Le Tribunal fédéral a à cet égard expressément admis que des motifs, tels que la compétence professionnelle de l’expert, pouvaient être avancés (ATF 137 V 210). Force est toutefois de constater que même s’il s’avérait que la chambre de céans a plusieurs fois douté de la valeur probante des expertises réalisées par le Dr F______, cela ne permettrait quoi qu’il en soit pas d’en tirer la conclusion que le Dr F______ ferait nécessairement preuve, dans le cas d’espèce, de partialité. Il s’agit là d’un reproche d’ordre général, de sorte qu’aucune apparence de prévention dans le cas concret n’est établie ni même alléguée (art. 15 al. 1 let. d LPA). De même en est-il de la déclaration du Dr F______ selon laquelle les avis des médecins traitants ne sont pas probants, car ils n’auraient pas une vision assécurologique.

b) Cela étant, il importe de relever que l’OAI n’a à aucun moment essayé de parvenir à un accord avec l’assurée sur le choix de l’expert, lorsque celle-ci s'est opposée à la désignation du médecin précité, tel que cela est aujourd’hui préconisé par le Tribunal fédéral. Il n’a jamais non plus justifié pourquoi il persistait à vouloir mandater le Dr F______ et refusait de faire d'autres propositions d’experts. Au vu de la jurisprudence du Tribunal fédéral, cette façon de faire viole les droits de participation de l’assurée dans la procédure de désignation de l’expert, lorsque l'assuré déclare son désaccord avec la personne pressentie à ce titre par l'assureur.

c) Certes la recherche d'un consensus est-elle uniquement nécessaire lorsque l’assuré fait valoir des objections admissibles de nature formelle ou matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_560/2013 du 6 septembre 2013 op.cit). L’OAI en conclut que si les motifs de récusation ne sont pas reconnus, alors un consensus est inutile.

Il convient toutefois de préciser à cet égard ce qu’il faut entendre par « objections admissibles ».

La définition du mot « admissible » est la suivante : « qui peut être considéré comme valable, possible ou supportable ; qui est admis à se présenter aux épreuves orales d’un examen » (www.larousse.fr).

C’est ainsi que le Tribunal fédéral utilise plus particulièrement ce terme lorsqu’il s’agit pour lui d’examiner son pouvoir d’examen. Il déclare ainsi par exemple que « seules sont admissibles dans ce cas les preuves que l'instance inférieure aurait dû réunir d'office, et dont le défaut d'administration constitue une violation de règles essentielles de procédure » (ATF 121 II 99 consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b).

À ce stade, il va de soi que le moyen de preuve apporté, déclaré admissible, doit encore être examiné (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 9C_277/2011), tout comme la personne qui est reconnue avoir satisfait à une première série d’épreuves dans un examen – qui est donc « admissible » - est autorisée à subir les épreuves suivantes.

En l’espèce, le motif d’ordre matériel invoqué par l’assurée est admissible – le Tribunal fédéral a considéré qu’il pouvait avancé (ATF 137 V 210) -, mais n’est pas admis par la chambre de céans. Rien ne s’oppose dans ces conditions à ce qu’un consensus soit recherché, étant rappelé qu’une expertise qui repose sur un accord mutuel donne des résultats plus concluants et mieux acceptés par l’assuré (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6). C’est du reste la solution qu’avait également retenue la chambre de céans dans un arrêt du 28 février 2013 (ATAS/226/2013).

d) Partant, la cause doit être renvoyée à l’OAI, afin qu’il se prononce sur les personnes proposées à titre d’expert par l’assurée ou, si celles-ci ne lui conviennent pas, donne le nom d’un ou de plusieurs autres médecins susceptibles d’assumer le mandat d’expertise.

9.        S’agissant de l’aspect neurologique, l’assurée considère que le Dr E______ devrait être chargé de se déterminer par un rapport complémentaire et non pas par une nouvelle expertise. Elle s’oppose ainsi à ce que le Dr E______ soit mandaté pour un examen neuropsychologique et un bilan ergothérapeutique, considérant que cet examen s’apparenterait à une « second opinion ». Elle rappelle à cet égard que dans son courrier du 20 janvier 2016, elle avait listé les questions qu’elle souhaitait voir poser à l’expert neurologue. Le SMR avait alors déclaré n’avoir aucun commentaire à faire sur ces questions (cf. note du 29 janvier 2016).

10.    Selon la jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral U 571/06 du 29 mai 2007 consid. 4.2, in RSAS 2008 p. 181), le devoir de prendre d'office les mesures d'instruction nécessaires à l'appréciation du cas ne comprend pas le droit de l'assureur de recueillir une « second opinion » sur les faits déjà établis par une expertise, lorsque celle-ci ne lui convient pas. L'assuré ne dispose pas non plus d'une telle possibilité. Il ne s'agit en particulier pas de remettre en question l'opportunité d'une évaluation médicale au moyen d'un second avis médical, mais de voir dans quelles mesure et étendue une instruction sur le plan médical doit être ordonnée pour que l'état de fait déterminant du point de vue juridique puisse être considéré comme établi au degré de la vraisemblance prépondérante (Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2ème édition 2009, art. 43 n° 12 et 17). La nécessité de mettre en œuvre une nouvelle expertise découle du point de savoir si les rapports médicaux au dossier remplissent les exigences matérielles et formelles auxquelles sont soumises les expertises médicales. Cela dépend de manière décisive de la question de savoir si le rapport médical traite de manière complète et circonstanciée des points litigieux, s'il se fonde sur des examens complets, qu'il prend également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il a été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale sont claires et enfin que les conclusions du médecin sont dûment motivées et compréhensibles (ATF 125 V 351 consid. 3a et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_1012/2008  consid. 3.2.2).

11.    Il y a en l’espèce lieu de rappeler que, dans son arrêt du 18 août 2015, la chambre de céans a renvoyé la cause à l’OAI pour qu’il sollicite un rapport complémentaire du Dr E______. Il n’appartient dès lors pas à l’OAI de mandater ce médecin pour une nouvelle expertise, mais bien de lui demander de compléter son rapport du 19 octobre 2010, rapport considéré au demeurant comme ayant valeur probante par la chambre de céans. Celle-ci avait considéré qu’un doute existait quant à la capacité de travail de l’assurée sur le plan somatique avant l’examen de l’expert d’octobre 2010 et sur le plan psychiatrique durant toute la période litigieuse au vu des pièces versées à la procédure (ATAS/595/2015). Il se justifie dès lors de limiter la mission du Dr E______ et de ne pas lui demander de répondre aux questions sur lesquelles il s’est déjà déterminé dans son rapport du 19 octobre 2010. À cet égard, celles posées par l’assurée dans son courrier du 20 janvier 2016, et auxquelles le SMR ne s’est du reste pas opposé dans sa note du 29 janvier 2016, suffisent. Sur ce point dès lors, le recours est admis.

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision incidente du 21 juillet 2016.

3.        Renvoie la cause à l’OAI au sens des considérants.

4.        Condamne l’OAI à payer à l’assurée une indemnité de CHF 1'500.- à titre de dépens.

5.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’OAI.

6.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le