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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3493/2014

ATAS/842/2015 du 10.11.2015 ( AI ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3493/2014 ATAS/842/2015

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 novembre 2015

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A_______, domicilié à Chêne-Bourg

recourant

 

contre

 

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITE DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

1.        Monsieur A_______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1959, travaillait chez B_______ SA, en 1979, en contact avec de l'alcool méthylique. Ceci aurait provoqué chez l’assuré une intoxication, lui ayant causé de la faiblesse, des vertiges, des nausées, des troubles oculaires et ayant impliqué une incapacité de travail de février à mi-mars 1980 et de novembre 1980 à février 1981.

2.        Les suites de l'intoxication de 1979 ont été prises en charge par la SUVA – caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après : SUVA) en tant que maladie professionnelle.

3.        L'assuré a ensuite travaillé, de façon temporaire pendant quelques mois, comme réparateur d'appareils ménagers et de bicyclettes à la C_______ en 1981-1982, aide-jardinier à la commune de D_______ en 1983-1984, mécanicien sur appareils médicaux et moteurs électriques en 1984-1985, monteur de portes automatiques en 1986-1989 et, entre mars et septembre 1990, mécanicien pour l'entretien à l'école dentaire.

4.        Le 23 octobre 1989, l'assuré a déposé une demande de prestations d'invalidité auprès de l’office de l’assurance-invalidité de Genève (ci-après : OAI) en raison des atteintes suivantes : troubles visuels fluctuants, douleurs des muscles, problèmes respiratoires, fatigabilité et malaises suite à une intoxication au méthanol chez B_______ SA.

5.        Après avoir rassemblé divers rapports médicaux, l’OAI a mandaté le docteur E_______, spécialiste FMH en médecine interne, pour expertise. Dans le cadre de son examen, le médecin précité a sollicité l’avis du docteur F_______, spécialiste FMH en psychiatrie.

Selon leurs rapports d'expertise du 31 août 1990 (expertise psychiatrique), respectivement du 26 septembre 1990 (expertise de médecine interne), l'assuré se plaignait d’une très importante fatigue, d’une faiblesse généralisée, d’une diminution globale de sa force musculaire, de douleurs invalidantes, de transpirations, de vertiges et de palpitations provoqués par le moindre effort. Du point de vue somatique, l'examen était normal. Sur le plan psychique, l’événement de 1979 avait objectivement porté atteinte à l'image narcissique corporelle de l'assuré, provoquant une décompensation massive d'une personnalité fragile à l'équilibre précaire. Les diagnostics retenus étaient ainsi ceux d'intoxication à des substances toxiques et de trouble de la personnalité passive-agressive, celui-ci ayant été gravement décompensé par les séquelles de l’intoxication de septembre 1979. Compte tenu des difficultés d'adaptation de la personnalité, toute réadaptation professionnelle était illusoire et l'assuré était en totale incapacité de travail pour une durée indéterminée.

6.        Se fondant sur les conclusions des expertises précitées, l'OAI a alloué à l'assuré, par décision du 21 janvier 1991, une rente entière d'invalidité dès le 1er octobre 1990.

7.        Lors d'une procédure de révision de la rente initiée en novembre 1992, l'OAI a, par communication du 2 février 1993, maintenu le droit de l’assuré à une rente entière d'invalidité.

8.        L'OAI a entrepris une nouvelle révision de la rente d'invalidité en août 2004 et a récolté, dans ce contexte, divers rapports médicaux.

9.        Par courrier du 1er mars 2005, le docteur G_______, spécialiste FMH en urologie, a expliqué avoir soigné l’assuré, de 1992 à 1995, pour des troubles cutanés de la verge. Lors d’un traitement, il avait développé une réaction à une anesthésie locale, attribuée à une variante de l’hyperthermie maligne, la maladie porcine. Cette maladie n’avait théoriquement aucun effet sur la santé générale, n’étant dangereuse que lors de l’utilisation de produits anesthésiants. Le Dr G_______ ne pouvait dès lors se prononcer sur la capacité de travail de l’assuré, ce d’autant moins qu’il n’avait plus revu ce dernier depuis le 16 avril 2001, date à laquelle l’examen clinique était normal.

En annexe à ce courrier figurait le rapport-type de l’OAI, dûment rempli le 7 février 2005, dont il ressort que les troubles cutanés de la verge étaient restés stationnaires et n’impliquaient pas d'incapacité de travail.

10.    Par rapport du 15 décembre 2005, le docteur H_______, spécialiste FMH en médecine interne générale et médecin traitant, a indiqué que l'état de santé de son patient s’était progressivement aggravé depuis 1979 avec une sensation d'épuisement, des vertiges, ce qui impliquait une incapacité de travail totale dans toute activité, du point de vue physique et psychique (instabilité, irritabilité, automutilation).

11.    En raison d’une maladie coronarienne de trois vaisseaux et d’une insuffisance mitrale modérée, l’assuré a bénéficié, le 14 décembre 2006, d’une double revascularisation myocardique de l’artère mammaire interne gauche sur l’artère interventriculaire antérieure (IVA) et un greffon veineux sur l’artère interventriculaire postérieure (IVP) ainsi que d’une valvuloplastie mitrale avec un anneau physioring n° 26.

12.    À la demande de l’OAI, le docteur I_______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, a procédé à une expertise de l’assuré. Selon son rapport du 31 janvier 2007, aucun diagnostic avec répercussion sur la capacité de travail n’était retenu. En revanche, à titre de diagnostic sans répercussion sur la capacité de travail, l’expert mentionnait des troubles de la personnalité sous forme de personnalité passive-agressive (F 60.8), présente depuis l'âge de jeune adulte. Ledit trouble était toutefois d'intensité insuffisante pour être à l'origine d'une limitation de l'activité professionnelle. En effet, la diminution d'énergie alléguée n’était pas incapacitante et il n'y avait pas de trouble cognitif susceptible de limiter la capacité de travail. La rente avait été octroyée sur la base d'une expertise insuffisamment motivée et l'on pouvait raisonnablement exiger de la part de l'assuré qu'il fasse un effort pour surmonter les éléments qui le gênaient dans ses relations avec autrui.

13.    Par projet du 24 avril 2007, l'OAI a informé l’assuré qu’il entendait supprimer la rente d'invalidité.

14.    Le 23 mai 2007, l'assuré s'est opposé oralement au projet précité, en raison d'une atteinte coronarienne ayant nécessité une intervention chirurgicale en décembre 2006.

Lors de son audition, l’assuré a transmis à l’OAI divers documents médicaux en lien avec son affection cardiaque, dont notamment le compte-rendu opératoire du 14 décembre 2006, ainsi que les rapports d’échocardiographie des 5 février 2007 (fraction d’éjection de 30%) et 17 avril 2007 (fraction d’éjection de 40%).

15.    Par avis du 11 juin 2007, le docteur J_______, spécialiste FMH en médecine interne générale, médecin auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : SMR), a considéré que la maladie coronarienne de l’assuré constituait un fait nouveau, de sorte que l’instruction devait être complétée, notamment par l’avis du docteur K_______, spécialiste FMH en cardiologie, qui suivait l’assuré.

16.    Dans un avis du 13 août 2007, le Dr K_______ a expliqué que l'état de santé de son patient était stationnaire et que l'assuré était totalement incapable de travailler, dans toute activité, en raison d'une diminution modérée de la fonction systolique ventriculaire gauche (fraction d’éjection de 40%), d'une discrète insuffisance mitrale, d'un syndrome douloureux chronique, de troubles de la personnalité, d'une hypertension artérielle et d'une obésité.

En annexe à ce rapport figuraient notamment le rapport du test d’effort effectué le 5 février 2007 ainsi que le rapport d’échocardiographie du 17 avril 2007, déjà produits par l’assuré.

17.    Le SMR, sous la plume de ses médecins, a émis les avis suivants :

-        Le 7 septembre 2007, le Dr J_______ a estimé que l'insuffisance cardiaque était discrète et compatible avec une activité de type sédentaire ou semi-sédentaire, la capacité de travail étant entière, sans baisse de rendement, deux mois après la fin du programme de rééducation cardiovasculaire, fin mai 2007 ;

-        Le 11 novembre 2008, le docteur L_______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a relevé qu’au test d’efforts, la capacité maximale de l’assuré était de 6,89 METS. Si par prudence on ne retenait que la moitié de la capacité maximale, soit environ 3,5 METS, de nombreuses activités étaient encore possibles, étant précisé que balayer dans le ménage équivalait à 1,7 METS, marcher lentement à 2,9, l’activité d’horloger à 2,1, le travail de bureau à 2,2, conduire une voiture à 2,8, laver la vaisselle à 3,3, l’activité de coiffeur à 3,5, traire les vaches à 3,5, marcher à 4 km/h à 3,6, l’activité de garçon de café à 4,0 ou encore travailler sur une machine-outil à 4,7.

18.    Le 7 novembre 2008, le Dr K_______ a informé l’OAI que l’état de santé de l’assuré était resté stationnaire et qu’il n’y avait pas eu de modification dans les diagnostics.

En annexe figuraient le rapport d’échocardiographie du 1er septembre 2008 ainsi qu’un rapport d’échocardiogramme uni, bidimensionnel et d’écho-doppler, non daté.

19.    Par décision du 8 décembre 2008, l'OAI a supprimé, avec effet au premier jour du deuxième mois suivant la notification, la rente d'invalidité de l'assuré au motif que, selon l'expertise psychiatrique, la capacité de travail était totale dans toute activité et que, selon le test d'effort, l'atteinte coronarienne présente depuis fin 2006 permettait une capacité de travail entière dans l'une des activités professionnelles antérieures de l'assuré (service après-vente de machines-outils, monteur-dépanneur dans le domaine des portes automatiques, etc.), le secteur privé offrant par ailleurs un éventail suffisamment large d'activités légères non qualifiées.

20.    Le recommandé du 8 décembre 2008 ayant été retourné à l’OAI, la décision a été notifiée une deuxième fois le 5 janvier 2009 par plis simple et recommandé.

Aucun recours n’ayant été déposé, la rente d’invalidité a été supprimée.

21.    Par courrier daté du 26 janvier 2009, mais reçu par l'OAI le 14 janvier 2009, l'assuré a communiqué son absence pour une période de six mois.

22.    Le 17 décembre 2009, l'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d'invalidité, invoquant l’intoxication de 1979, ainsi qu’une aggravation de son atteinte cardiaque en 2006 et à nouveau en 2009 et produit divers rapports médicaux.

23.    Le 26 avril 2010, il a également déposé une demande d'allocation pour impotent.

24.    Selon l'avis du 14 juillet 2010 de la doctoresse M_______, médecin praticien auprès du SMR, les divers rapports médicaux produits ne montraient pas d'aggravation de l'état de santé, ni du point de vue psychiatrique, ni du point de vue somatique, les documents transmis étant rassurants. L'assuré n’avait pas rendu plausible une aggravation de son état de santé de sorte qu’il convenait de ne pas instruire cette nouvelle demande.

25.    Par projets de décision des 10 et 23 août 2010, l'OAI a refusé l'octroi d'une allocation pour impotent, respectivement d'entrer en matière sur la demande de prestations. Ces deux projets ont été confirmés par décisions du 29 septembre 2010, notifiées une seconde fois le 4 octobre 2010 par plis simple et recommandé.

Aucun recours n’ayant été déposé, les décisions précitées sont entrées en force.

26.    L'assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d'invalidité le 29 juillet 2011 toujours en raison de l’intoxication aux produits chimiques ayant eu lieu en 1979, et a été invité, le 3 août 2011, à rendre plausible l'aggravation de son état de santé, compte tenu de la dernière décision du 4 octobre 2010.

27.    Le 4 août 2011, l’assuré a adressé à l’OAI une liasse de rapports médicaux, datant des années 80, rassemblés dans le cadre de son service militaire.

28.    Le 12 septembre 2011, l’OAI a adressé à l’assuré un projet de refus d’entrer en matière, celui-ci n’ayant pas rendu vraisemblable une aggravation de son état de santé.

29.    Lors de son audition le 5 octobre 2011, l’assuré a contesté le projet de décision susmentionné, concluant au rétablissement de la rente. A l’appui de sa position, il a notamment produit le rapport médical du Centre multidisciplinaire d'étude et de traitement de la douleur (ci-après : Centre de la douleur) du 29 septembre 2011, mentionnant, entre autres, un syndrome douloureux chronique, dans le contexte d'un trouble de la personnalité non spécifié, ainsi que d'un état dépressif avec un épisode actuel sévère susceptible de moduler le seuil de la douleur.

30.    Dans un avis du 12 octobre 2011, le SMR a constaté que, bien que présent depuis la première instruction, le trouble somatoforme douloureux n’avait pas été évalué. S’agissant de l’éventuelle comorbidité psychiatrique, il y avait lieu de se référer au rapport d’expertise du Dr I_______, et de retenir l’absence d’affection psychiatrique avec effet sur la capacité de travail. Compte tenu également du syndrome d’apnées du sommeil (SAS) dont souffrait l’assuré ainsi que de la coronaropathie traitée par triple pontage, parfaitement compatible avec une activité adaptée, il convenait de mandater le docteur N_______, spécialiste FMH en médecine interne générale.

31.    Le Dr N_______ a examiné l’assuré le 6 février 2012 et a demandé au docteur O_______, spécialiste FMH en cardiologie, d’effectuer une ergonométrie de dépistage (teste de tolérance à l’effort).

Selon le rapport d'expertise établi par le Dr N_______ le 13 février 2012, l’assuré mentionnait une asthénie importante, des douleurs diffuses cotées 7/10 le matin au réveil, s'améliorant sous Dafalgan®, concernant les bras, les mains, les poignets, les doigts, les épaules, la nuque, le rachis dorsal et lombaire. Il se plaignait aussi de précordialgies pratiquement permanentes. Du point de vue psychologique, le score HAD était de 2 pour l'anxiété et de 6 pour la dépression, soit en-dessous des valeurs seuils pour chaque sous-échelle.

Fort de ses constatations, le Dr N_______ a retenu le diagnostic de cardiopathie ischémique et valvulaire depuis 2006, avec répercussion sur la capacité de travail et, sans répercussion sur cette même capacité, celui de syndrome des apnées obstructives du sommeil, de syndrome métabolique (obésité, dyslipidémie, hypertension), une gastrite chronique, une fibromyalgie, des céphalées et une personnalité passive-agressive.

Procédant à l'appréciation du cas, le Dr N_______ a retenu une dysfonction ventriculaire gauche modérée avec fraction d'éjection à 35%, la capacité fonctionnelle était ainsi moyenne à basse, autorisant des activités professionnelles de type mécanique légère, le status après valvuloplastie mitrale étant satisfaisant, sans insuffisance, ni sténose. L’hypertension artérielle était modérée, sans signe échographique d’hypertrophie ventriculaire gauche, de sorte qu’il n’y avait pas de limitation fonctionnelle significative. Le syndrome des apnées obstructives du sommeil n'était pas décrit comme invalidant. Quant aux troubles digestifs, ils étaient correctement traités. Les troubles de la vision de l'œil gauche étaient sans substrat organique. Les examens neurologiques étaient normaux, la fatigabilité excessive ne s'expliquait pas par un taux anormalement élevé de tramadol sérique. La discordance était importante. Compte tenu de l'absence de prise d'antalgique en quantité suffisante et de limitation fonctionnelle au vu de l'importance du handicap annoncé, le Dr N_______ était d’avis que les plaintes étaient clairement amplifiées par rapport aux limitations, tout à fait modestes, sans syndrome lombovertébral significatif. La seule anomalie était constituée par la présence de 18/18 points de fibromyalgie.

La cardiopathie ischémique déterminait les limitations suivantes : port de charges légères, maximum 10 kg de manière occasionnelle, environnement professionnel exempt d'exposition aux vibrations et aux températures extrêmes. L'activité exercée antérieurement dans la petite mécanique, notamment mécanicien sur vélo, était exigible à plein temps, la capacité de travail résiduelle étant alors de 100%, sans diminution de rendement, sauf durant trois mois dès le 14 décembre 2006. Des mesures de réadaptation professionnelle n’étaient pas envisageables, en raison de l'absence de motivation de l'assuré.

En annexe à l’expertise figurait le rapport établi le 24 février 2012 consécutivement à l’examen spécialisé du Dr O_______, dont il ressortait que malgré des plaintes très importantes, l'ergométrie objectivait une tolérance à l'effort, restait abaissée, mais avec un effort développé de 150 W sur le cycloergomètre, de sorte qu'il n'y avait pas de signe objectif en faveur d'une ischémie myocardique de stress.

32.    Le 29 mai 2012, un défibrillateur cardiaque a été implanté dans une loge pré-pectorale gauche de l’assuré.

33.    Reprenant les rapports médicaux produits et l'expertise du Dr N_______, le SMR a estimé, par avis du 31 mai 2012, qu'il n'y avait pas d'aggravation de l'état de santé, l'assuré présentant un état stationnaire avec une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, comme cela avait déjà été retenu en 2007 et en 2010. En raison du tableau douloureux chronique (fibromyalgie vs trouble somatoforme douloureux), le SMR a discuté les critères jurisprudentiels permettant d’évaluer la gravité dudit trouble. Il est en particulier arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas de comorbidité psychiatrique, de perte d’intégration dans toutes les manifestations de la vie, ni d’affection corporelle chronique grave et nécessitant un traitement continu. Il n’y avait pas non plus de résistance au traitement selon les règles de l’art. Enfin, il était difficile de retenir une cristallisation de l’état psychique, sans évolution possible, en l’absence d’une évaluation et d’un suivi de type psychodynamique.

34.    Par décision du 7 juin 2012, l'OAI a refusé toute prestation, au motif que l'assuré pouvait exercer une activité adaptée, de sorte qu'il ne présentait pas d'invalidité.

35.    Par acte du 28 juin 2012, l’assuré a recouru contre cette décision à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice. Dans le cadre de la procédure de recours, les documents suivants ont notamment été produits :

-        Divers rapports médicaux faisant suite à l'implantation du défibrillateur en prévention primaire, fin mai 2012, étant précisé qu’aucun des documents ne mentionnait d'incapacité de travail, sauf le certificat du Dr K_______, lequel indiquait une incapacité totale de travail du 1er au 31 juillet 2012 ;

-        Le rapport de la Clinique genevoise de Montana du 4 juillet 2012, où l’assuré avait séjourné du 11 au 21 juin 2012 suite à l’implantation du défibrillateur, en vue d’un reconditionnement à l’effort. Le rapport précité évoquait notamment, outre les atteintes cardiaques, l’existence d’un trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger ainsi qu’un trouble somatoforme douloureux.

-        Un courrier du docteur O_______, spécialiste FMH en pneumologie, du 27 août 2012, dans lequel ce médecin indiquait avoir vu l'assuré à sa consultation du 15 août 2012 et confirmait un syndrome sévère d'apnée obstructive du sommeil avec un échec de l'utilisation de la CPAP (Continuous Positive Airway Pressure - pression positive continue dans les voies aériennes) en décembre 2009 - mars 2010 et l'utilisation d'un propulseur mandibulaire depuis mars 2010, mal toléré, avec une faible observance et un résultat nul. Subjectivement, le patient était toujours fatigué le matin et accusait une somnolence diurne invalidante. L'examen clinique montrait des échanges gazeux médiocres et la polygraphie respiratoire nocturne confirmait un syndrome sévère, plaidant en faveur d’une indication à reprendre une pression positive continue.

-        Le rapport du docteur P_______, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie, du 23 août 2012, dans lequel ce médecin indiquait être désagréablement surpris de constater que l'assurance et le Pouvoir judiciaire ne prenaient pas avec le sérieux souhaitable une situation médicale telle que celle de l'assuré et se joignait à ses confrères somaticiens pour appuyer son recours et pour suggérer que « on remette en question toute expertise psychiatrique préalable ».

-        Le courrier du Dr P_______ adressé à la chambre de céans le 13 septembre 2012, dans lequel ce médecin a confirmé que l'assuré ne présentait pas de pathologie psychiatrique primaire, les diagnostics de limitations fonctionnelles relevant des spécialistes somaticiens. Les éléments psychiques apparaissaient directement liés à la condition cardiovasculaire du patient, impliquant de l'anxiété, l'assuré ne connaissant aucune restriction du point de vue psychique.

36.    Par arrêt du 9 octobre 2012 (ATAS/1210/2012), la chambre de céans a annulé la décision du 7 juin 2012 et renvoyé la cause à l’OAI pour instruction complémentaire sur le plan cardiaque. En effet, par avis du 28 août 2012, le SMR avait estimé que l'état de santé de l'assuré s’était indubitablement aggravé après l'expertise du Dr N_______ du mois de février 2012, sur laquelle l'OAI s’était fondé pour refuser toutes prestations à l'assuré. Fort de cet avis, l’OAI s’était proposé de reprendre l'instruction, afin de préciser l'évolution de l'état de santé après l'implantation du stimulateur cardiaque, car il apparaissait que la fonction cardiaque et la fraction d'éjection étaient parfois significativement améliorées après la pose d'un pacemaker. Or, dans le cas de l’assuré, on ne savait pas s'il s'agissait d'un défibrillateur avec ou sans fonction pacemaker. Aussi la chambre de céans a-t-elle renvoyé la cause à l’OAI en invitant ce dernier à interroger le Dr H_______, le Dr O_______ le cas échéant ainsi que le cardiologue traitant, le cardiologue des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), en sollicitant une copie de tous les examens complémentaires et le rapport de consilium.

37.    Suite au renvoi de la cause, l’OAI a demandé des précisions aux Drs H_______ et K_______.

38.    Le Dr H_______ s’est prononcé dans un rapport du 4 décembre 2012, dans lequel il a posé les diagnostics d’intoxication au méthanol (avec répercussion sur la capacité de travail) et d’infarctus avec séquelles du myocarde, avec une fraction d’éjection de 26%, une insuffisance cardiaque avec la pose d’un pacemaker et défibrillateur (sans effet sur la capacité de travail). L’assuré se plaignait notamment d’une insuffisance cardiaque post-infarctus et de polyalgies. Il ne pouvait plus faire d’efforts ni se concentrer.

39.    Quant au Dr K_______, il s’est prononcé dans un rapport du 4 mars 2013, et a posé les diagnostics de maladie coronarienne sévère de trois vaisseaux, double revascularisation myocardique, valvuloplastie mitrale pour insuffisance mitrale modérée le 14 décembre 2006, status après infarctus, abaissement sévère de la fraction d’éjection ventriculaire gauche de l’ordre de 30%, pacemaker défibrillateur implanté le 29 mai 2012, insuffisance mitrale résiduelle modérée, syndrome douloureux chronique, hypertension artérielle, obésité, syndrome d’apnées du sommeil sévère, importants syndromes de diverticulose et colon spastique, syndrome lombosciatique, syndrome psychologique post-traumatique (avec effet sur la capacité de travail) et de dyslipidémie, hypertension artérielle systémique sous traitement (sans effets sur la capacité de travail). Les symptômes actuels étaient les suivants : baisse de l’état général, aggravation de la maladie coronarienne, traitement médicamenteux lourd, contrôles cardiologiques réguliers, essoufflement considérable lors des efforts importants et au froid, fatigabilité importante, douleurs somatoformes généralisées. Le traitement consistait en un suivi cardiologique régulier et des contrôles du pacemaker défibrillateur à l’hôpital tous les trois mois ainsi qu’en la prise de médicaments.

40.    Par courrier du 9 juillet 2013, le Dr K_______ a complété son rapport du 4 mars 2013, précisant notamment que depuis la sortie de la clinique de Montana en 2012, l’évolution était relativement stable. Lors de ses visites, l’assuré se plaignait toujours d’angor à l’effort et parfois au repos, de dyspnée importante, d’épuisement chronique et de douleurs neurogènes chroniques. Aucun test fonctionnel ou échographie n’avaient été pratiqués. Lors des contrôles techniques, le patient était normo-tendu, normocarde avec une auscultation cardiopulmonaire normale. Du point de vue cardiologique strict, les limitations fonctionnelles étaient importantes. Dans l’hypothèse où l’assuré pouvait pratiquer une activité professionnelle sans effort ou avec des efforts très restreints, la capacité résiduelle serait probablement de 50% au maximum.

En annexe à ce courrier figurait les résultats de l’examen électrophysiologique.

41.    Compte tenu des dernières constatations des Drs Q_______ et K_______, l’OAI a mandaté le Dr N_______ pour une expertise complémentaire. Dans son rapport du 14 décembre 2013, le médecin précité a retenu, à titre de diagnostic avec effet sur la capacité de travail, une cardiopathie ischémique et valvulaire dès 2006 (maladie coronarienne des trois vaisseaux, status après double revascularisation myocardique le 14 décembre 2006, status après valvuloplastie mitrale le 14 décembre 2006, dysfonction ventriculaire gauche modérée à sévère et status après implantation d’un défibrillateur automatique en prévention primaire le 29 mai 2012). À titre de diagnostics sans répercussions sur la capacité de travail, le Dr N_______ a posé ceux de personnalité passive-agressive, syndrome des apnées obstructives du sommeil non appareillé, syndrome métabolique (obésité de stade I, dyslipidémie, hypertension artérielle), de probable intolérance aux hydrates de carbone, de céphalées de tension chronique, de fibromyalgie et de gastrite chronique et œsophagite de reflux.

Sur le plan cardiaque, il était possible de retenir une aggravation apparue et diagnostiquée en avril 2012, sous forme d’une dysfonction ventriculaire gauche modérée à sévère avec fraction d’éjection inférieure à 30%. Sur le plan clinique, cette situation n’était pas accompagnée d’un signe évident d’insuffisance cardiaque. Cela étant, il pouvait être retenu que la capacité fonctionnelle établie en avril 2012 se situait approximativement à 4,8 METS, ce qui correspondait à une capacité fonctionnelle basse à très basse.

Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : travail assis ou permettant l’alternance des positions, sans déplacement en terrain accidenté, montées d’escaliers, d’escabeaux ou d’échafaudages. La conduite d’un véhicule était soumise à l’évaluation du cardiologue en raison du risque d’arythmie ventriculaire. L’environnement professionnel devait être exempt de bruits élevés, sans nuisance physique à type de température extrême, sans utilisation d’engins vibrants et sans nuisance chimique (exposition aux solvants, monoxyde de carbone ou bisulfite de carbone). En tenant compte de ces limitations, une activité telle que la mécanique légère ou les activités avec port de charges inférieures à 10 kg était possible, toutefois avec vraisemblablement avec une diminution de rendement de 50%. Cela étant, la capacité de travail était entière dans une activité adaptée telle qu’une activité administrative, laborantin, coiffeur, portier, ou tailleur, à l’établi, sans port de charges, une activité de conduite automobile sans port de charges, la compatibilité de cette dernière activité devant cependant être appréciée par le cardiologue. Les autres problèmes de santé étaient restés sans modification.

Enfin, les autres atteintes subjectives, telles que les douleurs chroniques, l’asthénie, les vertiges et les tensions diverses à type de fibromyalgie étaient restées sans modifications et n’étaient pas considérées comme handicapantes, l’expert étant d’avis qu’elles n’étaient pas à l’origine de limitations fonctionnelles malgré le lourd handicap subjectif annoncé.

42.    Par avis du 4 février 2014, la doctoresse R_______, médecin auprès du SMR, a résumé le rapport du Dr N_______ et a considéré que son expertise permettait de conclure à une aggravation durable de l’atteinte cardiologique depuis avril 2012, les limitations fonctionnelles devenant plus restrictives depuis cette date. Le handicap subjectif lié à une fibromyalgie avec syndrome douloureux subjectif, vertiges, tensions musculaires multiples n’était pas reconnu comme découlant d’une atteinte au sens de l’assurance-invalidité. Il était dès lors renvoyé à l’avis du SMR du 31 mai 2012 pour la discussion des critères jurisprudentiels permettant d’évaluer la gravité d’un tel trouble.

43.    Le 13 février 2014, l’OAI a procédé au calcul du degré d’invalidité, estimant qu’il s’élevait à 15%.

44.    Par projet de décision du 14 février 2014, l’office précité a informé l’assuré qu’il entendait rejeter la demande de mesures de réadaptation et de rente, le degré d’invalidité de 15% n’étant pas suffisant.

45.    L’assuré s’est opposé au projet précité par courrier du 22 août 2013 (recte février 2014), se déclarant incapable d’exercer la moindre activité professionnelle en raison des atteintes décrites par ses médecins.

46.    Par courrier du 16 avril 2014, le professeur S_______, médecin-chef du service de cardiologie des HUG, a confirmé à l’OAI que l’assuré souffrait d’une pathologie cardio-vasculaire très sévère. La scintigraphie myocardique réalisée le 23 mars 2014 avait confirmé une diminution très sévère de la fonction myocardique (15% au repos et à l’effort), ce qui correspondait aux symptômes présentés par l’assuré, qui n’était plus capable d’exercer la moindre activité professionnelle.

47.    Ce rapport a été soumis au SMR, qui a considéré le 7 avril 2014, sous la plume de la Dresse R_______, qu’au vu du rapport du Prof. S_______, aucune activité n’était exigible et que l’état de santé s’était donc aggravé depuis l’expertise du Dr N_______.

48.    Selon une note interne, l’affection cardiologique, signalée dès 2006, s’était aggravée dès avril 2012, avec des limitations fonctionnelles plus restrictives et une diminution de la capacité de travail de 50%. Le début de l’incapacité de travail pouvait donc être fixé dès cette période. L’état de santé s’était encore aggravé en février 2014 avec une incapacité de travail totale depuis lors.

49.    Le 25 août 2014, le Dr H_______ a rappelé le diagnostic d’infarctus puis de double pontage et valvuloplastie mistrale plus défibrillateur implantable, avec une fraction d’éjection de 15%, avec effet sur la capacité de travail, au contraire des diagnostics d’obésité, d’apnée du sommeil, de calculs rénaux, d’intoxication au méthanol en 1980, de migraine, troubles de la personnalité et du comportement et de lombalgies chroniques. La capacité de travail était nulle depuis 1980.

50.    Par décision du 16 octobre 2014, l’OAI a mis l’assuré au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité dès le mois de février 2014 puis d’une rente entière dès le mois de juin 2014.

51.    Par acte du 16 novembre 2014, l’assuré a interjeté recours auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice, relevant que l’OAI avait dans un premier temps rejeté sa demande avant de revenir sur sa décision suite à un courrier du Prof. S_______. La rente finalement octroyée était très inférieure par rapport à celle de la SUVA et fondée sur des rapports rédigés par « des experts plus que douteux », qui le mettaient dans « une position où [il ne pouvait] ni loger correctement [ses] enfants ni [se] soigner correctement ». L’entreprise B_______ SA était responsable de cette situation, en n’ayant pas respecté les règles de sécurité en vigueur et en ayant porté atteinte à sa réputation et à sa santé. Il réclamait dès lors à la SUVA ou à B_______ SA trente-cinq ans de salaire et d’indemnité en raison de la douleur subie depuis le même nombre d’années.

52.    L’OAI a répondu en date du 8 décembre 2014, concluant au rejet du recours, relevant que le recourant n’expliquait pas les raisons pour lesquelles il contestait la décision d’octroi du 16 octobre 2014 et ne prenait aucune conclusions sur le fond. Il formulait en réalité des griefs à l’encontre de la société B_______ SA et de la SUVA, griefs qui ne pouvaient être pris en considération dans la présente procédure. Pour le surplus, l’intimé informait la chambre de céans avoir pris en considération la demande d’allocation pour impotent.

53.    Par courrier du 29 janvier 2015, le recourant, après avoir rappelé son passé médical, a relevé que ses problèmes de santé s’étaient aggravés depuis l’an 2000 et que dès lors la suppression de la rente en 2009 ne se justifiait pas. Il réclamait donc un rétroactif de l’assurance-invalidité, de la SUVA ou de B_______ SA. Il percevait mensuellement CHF 1'730.- alors que s’il n’avait pas été intoxiqué, il aurait pu réaliser un revenu de CHF 10'000.- à CHF 12'000.- comme l’un de ses collègues.

54.    L’intimé a persisté dans ses conclusions par courrier du 17 février 2015.

55.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 

 

 

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA. Il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le délai de recours est de 30 jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Déposé le 16 novembre 2014, le recours l’a été en temps utile.

4.        Dans la mesure où le recourant agit en personne et que son acte de recours est rédigé à la main et de manière succincte, il y a lieu d’examiner, à titre liminaire, si les conditions de recevabilité formelle, autres que celles liées au respect du délai de recours, sont respectées.

a/aa. Selon l’art. 61 let. b LPGA, la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est réglée par le droit cantonal. Elle doit notamment satisfaire aux exigences suivantes : l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l'acte n'est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l'avertissant qu'en cas d'inobservation le recours sera écarté. Ces exigences ont été concrétisées à l’art. 89B al. 1 LPA, lequel stipule que la demande ou le recours est adressé en deux exemplaires à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice soit par une lettre, soit par un mémoire signé, comportant a) les nom, prénoms, domicile ou résidence des parties ou, s'il s'agit d'une personne morale, toute autre désignation précise; b) un exposé succinct des faits ou des motifs invoqués et c) des conclusions.

Les conclusions permettent au juge de déterminer comment le recourant souhaite que la décision querellée soit modifiée. Les conclusions n’ont pas à être formulées expressément mais elles peuvent également ressortir de la motivation du recourant. S'agissant de la motivation, celle-ci doit permettre au destinataire du recours de comprendre en quoi l'état de fait retenu ou les conséquences juridiques qui y sont attachées sont erronés (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar: Kommentar zum Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts vom 6. Oktober 2000, 2ème éd., Zurich 2009, n. 46-47 ad art. 61).

a/bb. Si le juge qui est saisi d’un recours ne doit pas se montrer strict lorsqu’il apprécie la forme et le contenu de l’acte de recours, l’intéressé doit néanmoins manifester clairement et par écrit sa volonté d’obtenir la modification de la décision attaquée ; à défaut, l’écriture qu’il produit ne peut être considérée comme une déclaration de recours (ATF 116 V 356 consid. 2b et les références ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances non publié du 28 janvier 2003, I 501/02 consid. 2.2). En particulier, il n’appartient pas à une autorité cantonale de recours de faire des recherches dans les pièces du dossier pour déterminer, notamment, quel est l’objet du litige et de quoi pourrait se plaindre l’intéressé (ATF 123 V 336 consid. 1a ; cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances du 17 décembre 2002, U 292/02, consid. 4).

b. En l’espèce, le recourant a clairement indiqué dans son recours du 16 novembre 2014 ainsi que dans son complément du 29 janvier 2015 qu’il contestait la suppression de sa rente, dans la mesure où son état de santé s’était aggravé, et qu’il sollicitait le versement rétroactif d’une rentre par l’OAI, la SUVA ou B_______ SA. Étant donné que la décision querellée est une décision rendue par l’OAI, les conclusions dirigées contre la SUVA et B_______ SA doivent à l’évidence être déclarées irrecevables. En revanche, celles dirigées contre l’OAI sont suffisamment claires pour être prises en considération. Partant, le recours est recevable en tant qu’il est dirigé contre la décision de l’OAI.

5.        Le recours étant recevable à la forme, se pose désormais la question de l’objet du litige dans la mesure où le recourant conclut au versement d’une rente avec effet à 2009.

a/aa. L'objet du litige dans la procédure administrative subséquente est le rapport juridique qui constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué (ATF 131 V 164 consid. 2.1 ; 125 V 413 consid. 1b et 2 p. 414). Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rapports juridiques à propos desquels l'autorité administrative compétente s'est prononcée préalablement d'une manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette mesure, la décision détermine l'objet de la contestation qui peut être déféré en justice par voie de recours. En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond ne peut pas être prononcé (ATF 131 V 164 consid. 2.1, 125 V 414 consid. 1A, 119 Ib 36 consid. 1b et les références citées).

a/bb. Selon l'art. 61 let. c LPGA, le tribunal établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement. Ainsi, dans le domaine des assurances sociales, notamment, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas absolu. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. 130 I 183 consid. 3.2).

b. En l’espèce, par décision du 16 octobre 2014, l’intimé a accordé au recourant une demi-rente d’invalidité pour les mois de février à mai 2014 et une rente entière d’invalidité dès le mois de juin 2014. Le recourant conteste la suppression de la rente et sollicite le versement rétroactif d’une rente d’invalidité. En d’autres termes, il conteste la date de début du versement et le montant de la rente, invoquant notamment une aggravation, depuis 2000, de son état de santé et ce notamment du point de vue cardiaque. L’objet du litige concerne ainsi le droit à la rente et plus spécifiquement la date de début de l’aggravation de son état de santé.

6.        La recevabilité du recours et l’objet du litige ayant été examinés, il y a lieu de déterminer si le recourant pouvait prendre des conclusions remontant à 2000. En effet, il conclut au paiement rétroactif de la rente d’invalidité, arguant notamment que son état de santé s’est aggravé depuis l’année 2000. Dans la mesure où, par décision du 8 décembre 2008, l’OAI a supprimé la rente d’invalidité dès le premier jour du deuxième mois qui suit la notification de la décision, à savoir vraisemblablement dès le 1er février 2009 et que des décisions et arrêts subséquents ont été rendus, il y a lieu de déterminer quelle période est susceptible de faire l’objet de la présente procédure, ce qui pose la question de la force de chose décidée ou jugée.

a. Il y a autorité de chose jugée, du point de vue matériel, lorsque le litige a le même objet que celui sur lequel s’est déjà prononcée l’autorité judiciaire par un jugement passé en force. On ne saurait cependant parler d’identité de l’objet du litige lorsque l’assuré fait valoir une modification ultérieure des faits par rapport au prononcé du jugement ou lorsqu’est entrée en vigueur une modification du droit qui justifie une appréciation juridique différente de la situation (ATF 119 II 89 consid. 2a ; 98 V 174 consid. 2). Ce principe se résume par l’adage latin « ne bis in idem » : les mêmes parties ne peuvent pas remettre en cause devant quelque juridiction que ce soit un litige tranché par l’autorité compétente avec force de chose jugée. Il a pour but d’assurer la sécurité du droit en empêchant que la régularité d’un acte constatée sur recours ou action soit indéfiniment remise en question et, partant, que le même contrôle soit mis en œuvre indéfiniment (MOOR, Droit administratif, volume II, Berne 2011, p. 378-379). En principe, seul le jugement au fond jouit de l'autorité de la chose jugée. Cela suppose que le premier tribunal saisi ait dit le droit sur la base des allégations de fait des parties, c'est-à-dire qu'il ait jugé du fondement matériel de leurs prétentions. Le jugement au fond jouit de l'autorité de la chose jugée dans la mesure seulement où il a statué sur la prétention déduite en justice. Ne participent pas de l'autorité de la chose jugée les constatations de fait dudit jugement ni ses considérants de droit, mais uniquement son dispositif, encore qu'il faille parfois recourir aux motifs pour déterminer la portée exacte du dispositif (arrêt du Tribunal fédéral des assurances 4C_21/2002 du 4 avril 2002, consid. 3). Ainsi, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle. Lorsque l'autorité judiciaire cantonale rend un jugement dont le dispositif prévoit que la décision attaquée est annulée et l'affaire renvoyée à l'autorité intimée pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants, cette dernière est liée par la motivation juridique de l'arrêt de renvoi relative à l'objet du litige (arrêt du Tribunal fédéral 9C_58/2012 du 8 juin 2012, consid. 4.2 et les références citées). De plus, la portée du dispositif ne peut souvent se déterminer qu’en fonction des motifs (ATF 123 III 16 consid. 2a ; 116 II 738 consid. 2a).

b/aa. En l’espèce, par décision du 8 décembre 2008, notifiée une seconde fois le 5 janvier 2009, l’intimé a supprimé la rente d’invalidité du recourant. N’ayant pas fait l’objet d’un recours, cette décision est entrée en force de chose décidée de sorte qu’elle ne peut pas être revue par la chambre de céans dans la présente procédure. Il en va de même des décisions des 29 septembre 2010 et 4 octobre 2010, par lesquelles l’OAI a refusé d’entrer en matière sur la nouvelle demande déposée en décembre 2009.

Par conséquent, les conclusions en paiement relatives à la période courant jusqu’au 4 octobre 2010 doivent être déclarées irrecevables en vertu du principe ne bis in idem.

b/bb. Par décision du 7 juin 2012, l’OAI a rejeté la nouvelle demande déposée le 29 juillet 2011. Sur recours, la chambre de céans a annulé la décision précitée, renvoyant la cause à l’OAI pour instruction complémentaire s’agissant de l’atteinte cardiaque (arrêt du 9 octobre 2012).

Cela étant, force est de constater que dans son arrêt du 9 octobre 2012, la chambre de céans ne s’est pas prononcée sur la prétention alors déduite en justice, à savoir sur le droit à une rente d’invalidité. Elle n’a pas examiné la valeur probante du rapport du Dr N_______ ni celle des autres rapports au dossier. Elle ne s’est pas prononcée sur l’existence d’une atteinte autre que cardiaque. En réalité, la chambre de céans n’a fait que prendre acte des conclusions en renvoi prises par l’OAI.

Dans ces circonstances, il doit être admis que l’arrêt du 9 octobre 2012 n’a pas acquis force de chose jugée sur le fond, de sorte que le recourant pouvait conclure au paiement d’une rente d’invalidité pour la période antérieure à la date du jugement précité, à savoir dès le 1er janvier 2012 au plus tôt, soit au début du sixième mois après le dépôt de la demande du 29 juillet 2011 (voir art. 29 al. 1 et 3 LAI).

7.        Cela étant précisé, il y a lieu de déterminer si c’est à juste titre que l’OAI a mis le recourant au bénéfice d’une rente d’invalidité seulement à compter du 1er février 2014.

a. Aux termes de l’art. 8 al. 1er LPGA, est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée. Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique ou mentale et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008). Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28 al. 2 LAI).

b. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 125 V 351 consid. 3).

c/aa. Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

Dans ce contexte, il y a lieu de relever que selon une jurisprudence constante, la qualification du médecin joue un rôle déterminant dans l'appréciation de documents médicaux. L'administration et le juge appelés à se déterminer en matière d'assurances sociales doivent pouvoir se fonder sur les connaissances spéciales de l'auteur d'un certificat médical servant de base à leurs réflexions. Il s'ensuit que le médecin rapporteur ou pour le moins le médecin signant le rapport médical doit en principe disposer d'une spécialisation dans la discipline médicale concernée ; à défaut, la valeur probante d'un tel document est moindre (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_826/2009 du 20 juillet 2010 consid. 4.2 portant sur les rapports des services médicaux régionaux au sens de l'art. 49 al. 2 RAI).

c/bb. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 244/05 du 3 mai 2006 consid. 2.1).

c/cc. En cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. A cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

c/dd. Un rapport au sens de l'art. 59 al. 2bis LAI (en corrélation avec l'art. 49 al. 1 RAI) a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). Ces rapports ne posent pas de nouvelles conclusions médicales mais portent une appréciation sur celles déjà existantes. Au vu de ces différences, ils ne doivent pas remplir les mêmes exigences au niveau de leur contenu que les expertises médicales. On ne saurait en revanche leur dénier toute valeur probante. Ils ont notamment pour but de résumer et de porter une appréciation sur la situation médicale d'un assuré, ce qui implique aussi, en présence de pièces médicales contradictoires, de dire s'il y a lieu de se fonder sur l'une ou l'autre ou s'il y a lieu de procéder à une instruction complémentaire (arrêt du Tribunal fédéral 9C_518/2007 du 14 juillet 2008 consid. 3.2 et les références citées).

d. Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Il n’existe pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

8.        En l’espèce, l’intimé s’est fondé sur une expertise réalisée par le Dr N_______ en date du 13 février 2012, ainsi que sur son complément du 14 décembre 2013, pour refuser tout droit aux prestations avant le mois de février 2014. Il y a donc lieu d’examiner la valeur probante de ces documents.

a/aa. Sur le plan formel, les rapports des 13 février 2012 et 14 décembre 2013 remplissent prima facie la plupart des exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante d'un tel document. Les rapports en question contiennent un résumé du dossier, une anamnèse détaillée, les indications subjectives du recourant, des observations cliniques ainsi que, pour finir, une discussion générale du cas.

La chambre de céans constate cependant que l’expertise précitée et son complément ont été établis par un spécialiste FMH en médecine interne générale, le Dr N_______, alors que le recourant souffrait déjà à l’époque de troubles cardiaques ainsi que de douleurs chroniques ayant mené aux diagnostics de fibromyalgie et de trouble somatoforme douloureux. Par conséquent, il apparaît douteux qu’une expertise qui n’a pas été établie avec le concours d’un cardiologue, d’un rhumatologue et d’un psychiatre satisfasse aux conditions jurisprudentielles en la matière. En effet, comme indiqué précédemment, la valeur probante d'une expertise dans une discipline médicale particulière dépend du point de savoir si l'expert dispose d'une formation spécialisée dans le domaine concerné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_270/2007 du 12 août 2008 consid. 3.3). Or, force est d’admettre que le Dr N_______ n’a pas de compétences spécialisées en cardiologie, rhumatologie et psychiatrie, de sorte que son expertise et son complément doivent être pris avec circonspection.

Le fait que le Dr N_______ ait sollicité un examen spécialisé du Dr O_______, cardiologue, n’y change rien dès lors que celui-ci n’a pas posé de diagnostics et qu’il ne s’est pas prononcé sur la capacité de travail du recourant. En outre, le rapport du Dr O_______ ne respecte aucune des conditions jurisprudentielles permettant de lui reconnaître une pleine valeur probante. Dans ces circonstances, on ne peut qualifier le rapport du Dr N_______ de consilium, ce qui aurait permis de lui reconnaître une pleine valeur probante.

a/bb. En outre, le Dr N_______ n’a pas pu procéder à une analyse complète de la situation, de nombreux rapports médicaux manquant au dossier. En effet, quand bien même la chambre de céans avait renvoyé la cause à l’OAI, charge à celui-ci de procéder à une instruction complémentaire en interrogeant notamment le cardiologue des HUG et en sollicitant une copie de tous les examens complémentaires ainsi que du rapport de consilium, rien de tel n’a été fait, l’OAI se limitant à demander des informations aux médecins traitants. Par conséquent, lorsqu’il a établi son rapport, le Dr N_______ ne disposait pas d’un dossier complet.

a/cc. D’autres éléments viennent également affecter la force probante des rapports du Dr N_______.

D’une part, quand bien même il a mentionné le compte-rendu de l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) du 9 novembre 2009, dont il ressort que le recourant souffre de discopathies modérées pluriétagées ainsi que d’une arthrose inter-apophysaire, le Dr N_______ n’a pas mentionné ces atteintes dans la liste des diagnostics, alors même qu’elles pourraient être susceptibles d’entraîner des limitations fonctionnelles d’épargne du rachis.

D’autre part, dans son complément du 14 décembre 2013, le Dr N_______ a considéré que le trouble douloureux chronique, l’asthénie, les vertiges et les tensions musculaires multiples à type de fibromyalgie ne sont pas à l’origine de limitations fonctionnelles. Il est pourtant douteux que des vertiges n’entraînent pas de limitations fonctionnelles, telles que l’interdiction d’exercer une activité sur une échelle ou un échafaudage.

b. Pour tous ces motifs, les rapports du Dr N_______ ne sont pas dotés d’une valeur probante suffisante pour que l’OAI puisse se fonder sur eux pour considérer que le recourant ne souffrait d’aucune atteinte invalidante avant le mois de février 2014, date à laquelle tous les médecins, y compris ceux du SMR, s’accordent à dire que le recourant souffre d’une grave atteinte cardiaque, laquelle entraine une incapacité totale de travailler.

c. Quant au rapport du Dr K_______ du 4 mars 2013, seul rapport se prononçant sur la capacité de travail du recourant, il est trop succinct pour que l’on puisse se fonder sur lui pour apprécier la capacité de travail du recourant.

d. La décision querellée doit donc être annulée pour les motifs précités et la cause renvoyée à l’OAI pour instruction complémentaire sur l’état de santé du recourant du 1er janvier 2012 au 31 janvier 2014.

9.        Dans la mesure où le dossier soumis à la chambre de céans comprend à plusieurs reprises les diagnostics de troubles somatoformes douloureux ou de fibromyalgie, il convient de se demander si ces atteintes sont invalidantes au sens de l’assurance-invalidité. Dans ce contexte, on relèvera que le SMR s’est posé la même question dès lors qu’il a procédé à l’examen des critères de Meyer-Blaser.

a. Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 102 V 165; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

Dans l'éventualité où des troubles psychiques ayant valeur de maladie sont admis, il y a alors lieu d'évaluer le caractère exigible de la reprise d'une activité lucrative par l'assuré, au besoin moyennant un traitement thérapeutique. A cet effet, il faut examiner quelle est l'activité que l'on peut raisonnablement exiger de lui. Pour admettre l'existence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exerce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 127 V 294 consid. 4c, 102 V 165; VSI 2001 p. 224 consid. 2b et les références).

b. La reconnaissance de l'existence de troubles somatoformes douloureux persistants suppose d'abord la présence d'un diagnostic émanant d'un expert (psychiatre) et s'appuyant lege artis sur les critères d'un système de classification reconnu (ATF 130 V 396 consid. 5.3).

Le diagnostic d'un trouble douloureux somatoforme doit être justifié médicalement de telle manière que les personnes chargées d’appliquer le droit puissent vérifier que les critères de classification ont été effectivement respectés. En particulier, l’exigence d’une douleur persistante, intense et s’accompagnant d’un sentiment de détresse doit être remplie. Un tel diagnostic suppose l’existence de limitations fonctionnelles dans tous les domaines de la vie (tant professionnelle que privée). Les médecins doivent en outre prendre en considération les critères d’exclusion de ce diagnostic retenus par la jurisprudence (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. et 2.2). Ainsi, si les limitations liées à l'exercice d'une activité résultent d'une exagération des symptômes ou d'une constellation semblable, on conclura, en règle ordinaire, à l'absence d'une atteinte à la santé ouvrant le droit à des prestations d'assurance. Au nombre des situations envisagées figurent la discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert, ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un environnement psychosocial intact (ATF 131 V 49 consid. 1.2).

Une expertise psychiatrique est, en principe, nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail que les troubles somatoformes douloureux sont susceptibles d'entraîner (ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 et 5.3.2). Une telle appréciation psychiatrique n'est toutefois pas indispensable lorsque le dossier médical comprend suffisamment de renseignements pour exclure l'existence d'une composante psychique aux douleurs qui revêtirait une importance déterminante au regard de la limitation de la capacité de travail.

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

10.    a. L'évaluation des syndromes sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique ne fait pas l'objet d'un consensus médical (arrêt du Tribunal fédéral 9C_619/2012 du 9 juillet 2013 consid. 4.1). Pour ces motifs, la jurisprudence a dégagé un certain nombre de principes et de critères normatifs pour permettre d'apprécier - sur les plans médical et juridique - le caractère invalidant de ce genre de syndromes. Selon la jurisprudence ayant cours jusqu’à récemment, ceux-ci n'entraînaient pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité (ATF 130 V 352 consid. 2.2.3). Il existait une présomption que de tels syndromes ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 131 V 49 consid. 1.2). Le Tribunal fédéral a toutefois reconnu qu'il existait des facteurs déterminés qui, par leur intensité et leur constance, rendaient la personne incapable de fournir cet effort de volonté, et a établi des critères permettant d'apprécier le caractère invalidant de ces syndromes (cf. ATF 130 V 352 consid. 2.2. et ATF 131 V 49 consid. 1.2). Au premier plan figurait la présence d'une comorbidité psychiatrique importante par sa gravité, son acuité et sa durée. D'autres critères pouvaient être déterminants, tels que des affections corporelles chroniques, un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable (symptomatologie inchangée ou progressive), une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, résultant d'un processus défectueux de résolution du conflit, mais apportant un soulagement du point de vue psychique (profit primaire tiré de la maladie, fuite dans la maladie), l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art (même avec différents types de traitement), cela en dépit de l'attitude coopérative de la personne assurée (ATF 132 V 65 consid. 4.2). En présence de tels syndromes, la mission d'expertise consistait surtout à porter une appréciation sur la vraisemblance de l'état douloureux et, le cas échéant, à déterminer si la personne expertisée disposait des ressources psychiques lui permettant de surmonter cet état. Eu égard à la mission confiée, les experts failliraient à celle-ci s'ils ne tenaient pas compte des différents critères mis en évidence par le Tribunal fédéral dans le cadre de leur appréciation médicale (ATF 132 V 65 consid. 4.2 et 4.3).

b. Dans l’ATF 141 V 281 daté du 3 juin 2015, le Tribunal fédéral a abandonné la présomption qui prévalait jusqu’à ce jour, selon laquelle les syndromes du type troubles somatoformes douloureux et affections psychosomatiques assimilées peuvent être surmontés en règle générale par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 132 V 65; 131 V 49; 130 V 352). Désormais, la capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281, consid. 4). Ces indicateurs concernent deux catégories, à savoir celle du degré de gravité fonctionnelle et celle de la cohérence.

Ces indicateurs sont classés comme suit :

I. Catégorie «  degré de gravité fonctionnelle »

Les indicateurs relevant de cette catégorie représentent l’instrument de base de l’analyse. Les déductions qui en sont tirées devront, dans un second temps, résister à un examen de la cohérence (ATF 141 V 281 consid. 4.3).

A. Axe « atteinte à la santé »

1. Expression des éléments pertinents pour le diagnostic et des symptômes

Les constatations relatives aux manifestations concrètes de l’atteinte à la santé diagnostiquée permettent de distinguer les limitations fonctionnelles causées par cette atteinte de celles dues à des facteurs non assurés. Le point de départ est le degré de gravité minimal inhérent au diagnostic. Il doit être rendu vraisemblable compte tenu de l’étiologie et de la pathogenèse de la pathologie déterminante pour le diagnostic. Par exemple, sur le plan étiologique, la caractéristique du syndrome somatoforme douloureux persistant est, selon la CIM-10 F45.5, qu’il survient dans un contexte de conflits émotionnels ou de problèmes psycho-sociaux. En revanche, la notion de bénéfice primaire de la maladie ne doit plus être utilisée (consid.  4.3.1.1).

2. Succès du traitement et de la réadaptation ou résistance à ces derniers

Ce critère est un indicateur important pour apprécier le degré de gravité. L’échec définitif d’un traitement indiqué, réalisé lege artis sur un assuré qui coopère de manière optimale, permet de conclure à un pronostic négatif. Si le traitement ne correspond pas ou plus aux connaissances médicales actuelles ou paraît inapproprié dans le cas d’espèce, on ne peut rien en déduire s’agissant du degré de gravité de la pathologie. Les troubles psychiques sont invalidants lorsqu'ils sont graves et ne peuvent pas ou plus être traités médicalement. Des déductions sur le degré de gravité d’une atteinte à la santé peuvent être tirées non seulement du traitement médical mais aussi de la réadaptation. Si des mesures de réadaptation entrent en considération après une évaluation médicale, l’attitude de l’assuré est déterminante pour juger du caractère invalidant ou non de l’atteinte à la santé. Le refus de l'assuré d'y participer est un indice sérieux d'une atteinte non invalidante. À l’inverse, une réadaptation qui se conclut par un échec en dépit d’une coopération optimale de la personne assurée peut être significative dans le cadre d’un examen global tenant compte des circonstances du cas particulier (consid. 4.3.1.2).

3. Comorbidités

La comorbidité psychique ne joue plus un rôle prépondérant de manière générale, mais ne doit être prise en considération qu’en fonction de son importance concrète dans le cas d’espèce, par exemple pour juger si elle prive l’assuré de ressources. Il est nécessaire de procéder à une approche globale de l’influence du trouble somatoforme douloureux avec l’ensemble des pathologies concomitantes. Un trouble qui, selon la jurisprudence, ne peut pas être invalidant en tant que tel (cf. consid. 4.3.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 9C_98/2010 du 28 avril 2010, consid. 2.2.2, in : RSAS 2011 IV n° 17, p. 44) n’est pas une comorbidité (arrêt du Tribunal fédéral 9C_1040/2010 du 6 juin 2011, consid. 3.4.2.1, in : RSAS 2012 IV n° 1, p. 1), mais doit à la rigueur être pris en considération dans le cadre du diagnostic de la personnalité (ATF 141 V 281, consid. 4.3.2). Ainsi, un trouble dépressif réactionnel au trouble somatoforme ne perd pas toute signification en tant que facteur d’affaiblissement potentiel des ressources, mais doit être pris en considération dans l’approche globale (ATF 141 V 281, consid. 4.3.1.3).

B. Axe « personnalité » (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles)

Il s’agit d’accorder une importance accrue au complexe de personnalité de l’assuré (développement et structure de la personnalité, fonctions psychiques fondamentales). Le concept de ce qu’on appelle les « fonctions complexes du Moi » (conscience de soi et de l’autre, appréhension de la réalité et formation du jugement, contrôle des affects et des impulsions, intentionnalité et motivation) entre aussi en considération. Comme les diagnostics relevant des troubles de la personnalité sont, plus que d’autres indicateurs, dépendants du médecin examinateur, les exigences de motivation sont particulièrement élevées (consid. 4.3.2).

C. Axe « contexte social »

Si des difficultés sociales ont directement des conséquences fonctionnelles négatives, elles continuent à ne pas être prises en considération. En revanche, le contexte de vie de l’assuré peut lui procurer des ressources mobilisables, par exemple par le biais de son réseau social. Il faut toujours s’assurer qu’une incapacité de travail pour des raisons de santé ne se confonde pas avec le chômage non assuré ou avec d’autres difficultés de vie (consid. 4.3.3).

II. Catégorie « cohérence »

Cette seconde catégorie comprend les indicateurs liés au comportement de l’assuré. (consid. 4.4).

A. Limitation uniforme du niveau des activités dans tous les domaines comparables de la vie

Il s’agit ici de se demander si l’atteinte à la santé limite l’assuré de manière semblable dans son activité professionnelle ou dans l’exécution de ses travaux habituels et dans les autres activités (par exemple, les loisirs). Le critère du retrait social utilisé jusqu’ici doit désormais être interprété de telle sorte qu’il se réfère non seulement aux limitations mais également aux ressources de l’assuré et à sa capacité à les mobiliser. Dans la mesure du possible, il convient de comparer le niveau d’activité sociale de l’assuré avant et après la survenance de l’atteinte à la santé (consid. 4.4.1).

B. Poids de la souffrance révélé par l’anamnèse établie en vue du traitement et de la réadaptation

La prise en compte d’options thérapeutiques, autrement dit la mesure dans laquelle les traitements sont mis à profit ou alors négligés, permet d’évaluer le poids effectif des souffrances. Tel n’est toutefois pas le cas lorsque le comportement est influencé par la procédure assécurologique en cours. Il ne faut pas conclure à l’absence de lourdes souffrances lorsque le refus ou la mauvaise acceptation du traitement recommandé est la conséquence d’une incapacité (inévitable) de l’assuré à reconnaître sa maladie (anosognosie). Les mêmes principes s’appliquent pour les mesures de réadaptation. Un comportement incohérent de l'assuré est là aussi un indice que la limitation fonctionnelle est due à d’autres raisons que l'atteinte à la santé assurée (consid. 4.4.2).

Le juge vérifie librement si l’expert médical a exclusivement tenu compte des déficits fonctionnels résultant de l’atteinte à la santé et si son évaluation de l’exigibilité repose sur une base objective (consid. 5.2.2; ATF 137 V 64 consid. 1.2 in fine).

c. Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique, le seul diagnostic de trouble somatoforme douloureux ne suffit pas pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui - eu égard également aux critères pertinents - lui permettent de surmonter ses douleurs. Les prises de position médicales sur la santé psychique et sur les ressources dont dispose l'assuré constituent une base indispensable pour trancher la question (juridique) de savoir si et dans quelle mesure on peut exiger de celui-ci qu'il mette en œuvre toute sa volonté pour surmonter ses douleurs et réintégrer le monde du travail. Dans le cadre de la libre appréciation dont ils disposent, l'administration et le juge ne sauraient ni ignorer les constatations de fait des médecins, ni faire leur les estimations et conclusions médicales relatives à la capacité (résiduelle) de travail, sans procéder à un examen préalable de leur pertinence du point de vue du droit des assurances sociales. Cela s'impose en particulier lorsque l'expert atteste une limitation de la capacité de travail fondée uniquement sur le diagnostic de trouble somatoforme douloureux. Dans un tel cas, il appartient aux autorités administratives et judiciaires d'examiner avec tout le soin nécessaire si l'estimation médicale de l'incapacité de travail prend en considération également des éléments étrangers à l'invalidité (en particulier des facteurs psychosociaux et socio-culturels) qui ne sont pas pertinents du point de vue des assurances sociales, ou si la limitation (partielle ou totale) de la capacité de travail est justifiée par les critères juridiques déterminants (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 648/03 du 18 septembre 2004 consid. 5.1.3 et 5.1.4).

d. Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie est d'abord le fait d'un médecin rhumatologue, il convient ici aussi d'exiger le concours d'un médecin spécialiste en psychiatrie, d'autant plus que les facteurs psychosomatiques ont, selon l'opinion dominante, une influence décisive sur le développement de cette atteinte à la santé. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaît donc la mesure d'instruction adéquate pour établir de manière objective si l'assuré présente un état douloureux d'une gravité telle - eu égard également aux critères déterminants - que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail n’est plus du tout ou seulement partiellement exigible de sa part. On peut réserver les cas où le médecin rhumatologue est d'emblée en mesure de constater, par des observations médicales concluantes, que les critères déterminants ne sont pas remplis, ou du moins pas d'une manière suffisamment intense, pour conclure à une incapacité de travail (ATF 132 V 65 consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 652/04 du 3 avril 2006 consid. 2.3).

11.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Dans un arrêt de principe, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence en ce sens que lorsque les instances cantonales de recours constatent qu'une instruction est nécessaire parce que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise, elles sont en principe tenues de diligenter une expertise judiciaire si les expertises médicales ordonnées par l'OAI ne se révèlent pas probantes (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3). Cela étant, un renvoi à l'administration pour mise en œuvre d'une nouvelle expertise reste possible, même sous l'empire de la nouvelle jurisprudence, notamment lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

Les expertises mises en œuvre selon l’ancien standard de procédure ne perdent pas en soi valeur de preuve. Lors de l’application par analogie des exigences désormais modifiées en matière de droit matériel des preuves, il faut examiner dans chaque cas si l’expertise administrative et/ou juridique demandée – le cas échéant dans le contexte d’autres rapports médicaux réalisés par des spécialistes – permet ou non une évaluation concluante à la lumière des indicateurs déterminants. Suivant le degré et l’ampleur de clarification nécessaire, un complément ponctuel peut dans certaines circonstances suffire (ATF 141 V 281, consid. 8)

Lorsqu’une expertise ne répond pas suffisamment aux questions auxquelles il faut répondre, selon la nouvelle jurisprudence en lien avec les troubles somatoformes douloureux, le Tribunal fédéral a expressément laissé la possibilité d’un renvoi à l’administration afin que soient posées les questions complémentaires à l’expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_942/2014, op. cit., consid. 8).

12.    En l’espèce, le diagnostic de fibromylagie a été retenu par le Dr N_______ dans ses rapports des 13 février 2012 et 14 décembre 2013. Quant à celui de trouble somatoforme douloureux, il a été posé par le Dr K_______ en date des 13 août 2007 et 4 mars 2013 ainsi que par le centre de la douleur, dans son rapport du 29 septembre 2011.

Par avis des 31 mai 2012 et 4 février 2014, le SMR, sous la plume de ses médecins, a considéré que les critères de gravité requis jusqu’alors par le Tribunal fédéral n’étaient pas réalisés. Il a dès lors exclu la présence d’une fibromyalgie ou d’un trouble somatoforme invalidant.

Or, par arrêt précité du 3 juin 2015, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence. Il y a dorénavant lieu d’examiner si les répercussions fonctionnelles de l’atteinte à la santé constatée médicalement sont prouvées de manière définitive et sans contradiction avec une vraisemblance (au moins) prépondérante au moyen des indicateurs standards dégagés par le Tribunal fédéral. Force est toutefois de constater que les quelques rapports se prononçant sur l’état psychique du recourant ne permettent pas de répondre à ces questions. En particulier, l’expertise du Dr I_______ date de 2007 et n’examine pas les critères de gravité pertinents jusqu’en 2015. Quant au Dr P_______, il ne s’est prononcé que brièvement et de manière contradictoire dans ses courriers des 23 août et 13 septembre 2012, suggérant, d’une part, de remettre en question toute expertise psychiatrique antérieure et considérant, d’autre part, que l’assuré ne souffrait d’aucune atteinte psychique primaire incapacitante.

Dans ces conditions, la chambre de céans est d’avis que la cause est insuffisamment instruite, de sorte qu’elle n’est pas en mesure de statuer définitivement sur la capacité de travail, partant sur le degré d’invalidité et le début du droit à la rente, antérieurement au mois de février 2014, plus spécialement du 1er janvier 2012 au 31 janvier 2014.

13.    Depuis la modification de jurisprudence résultant de l’arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 2015 (ATF 141 V 281), l’OAI a indiqué dans diverses procédures pendantes devant la chambre de céans qu’il estimait qu’il n’y avait pas lieu de faire application de cette nouvelle jurisprudence dans les procédures en cours. Aussi paraît-il opportun de relever que la nouvelle jurisprudence du Tribunal fédéral relative au trouble somatoforme douloureux est applicable au cas d’espèce, dès lors qu’un changement de jurisprudence s’applique aux affaires pendantes devant un tribunal au moment dudit changement (ATF 108 V 3). La jurisprudence publiée aux ATF 119 V 410, que l’intimé invoque régulièrement pour étayer son refus d’appliquer la nouvelle jurisprudence, n’y change rien, puisqu’elle se penche sur la question de savoir si le fait qu’une décision soit entrée en force s’oppose à l’application d’une nouvelle jurisprudence. Or, le cas particulier ne concerne précisément pas une décision en force, dans la mesure où la décision querellée a fait l’objet d’un recours.

Partant, la modification de jurisprudence résultant de l’arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 2015 doit être prise en considération pour résoudre le présent litige.

14.    Il se justifie en conséquence d’admettre partiellement le recours, d’annuler la décision du 16 octobre 2014 en tant qu’elle fait débuter le droit à la rente au mois de février 2014 et de renvoyer la cause à l’OAI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision. L’OAI sera invité – comme cela a déjà été le cas dans l’arrêt du 9 octobre 2012 – à interroger le cardiologue des HUG et le cardiologue traitant et à se procurer copie de tous les rapports établis par les cardiologues des HUG depuis le dépôt de la nouvelle demande. Cela fait, l’OAI devra mettre en œuvre une expertise pluridisciplinaire confiée à des experts indépendants, selon la procédure prévue à l’art. 44 LPGA. Les experts se prononceront sur la capacité de travail et son évolution, en tenant compte de l’ensemble des rapports médicaux versés au dossier. En outre, si les experts confirment finalement le diagnostic de trouble somatoforme douloureux ou de fibromyalgie, il leur appartiendra également d’évaluer la capacité de travail du recourant à la lumière des indicateurs standard développés par le Tribunal fédéral au consid. 4 de l’ATF 141 V 281 précité, en motivant suffisamment leur appréciation.

Enfin, dans la mesure où le recourant ne conteste pas son droit à la rente dès le 1er février 2014, la décision du 16 octobre 2014 sera confirmée sur ce point.

Étant donné que, depuis le 1er juillet 2006, la procédure n'est plus gratuite (art. 69 al. 1bis LAI), au vu du sort du recours, il y a lieu de condamner l'intimé au paiement d'un émolument de CHF 200.-.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

1.        Déclare le recours irrecevable en tant qu’il est dirigé contre la SUVA et contre B_______ SA.

2.        Le déclare recevable pour le surplus.

Au fond :

3.        L’admet partiellement et annule la décision du 16 octobre 2014 en tant qu’elle fait débuter le droit à la rente au mois de février 2014.

4.        Renvoie la cause à l’intimé pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

5.        Confirme la décision du 16 octobre 2014 en tant qu’elle met le recourant au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité dès le mois de février 2014 puis d’une rente d’invalidité entière dès le mois de juin 2014.

6.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l’intimé.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Sylvie SCHNEWLIN

 

Le président

 

 

 

Raphaël MARTIN

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le