Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/719/2019

ATAS/81/2022 du 03.02.2022 ( AI ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.03.2022, rendu le 31.05.2022, RETIRE, 9C_146/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/719/2019 ATAS/81/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 3 février 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié au GRAND-LANCY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Stéphanie BUTIKOFER

 

 

recourant

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A.           a. Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1965, est mécanicien de formation. Il a exercé la profession d'agriculteur-éleveur dans une ferme, en Bosnie, jusqu'en 1992. Le 21 novembre 1992, durant la guerre qui ravageait alors ce pays, il a reçu une multitude de fragments métalliques dans la jambe et le genou droit à la suite de la déflagration causée par une mine antipersonnel. L'assuré a été soigné puis est arrivé en Suisse, le 5 mai 1993.

b. Le 30 août 1999, l’assuré a déposé une première demande de prestations invalidité. Par décision du 20 décembre 2005, l’office de l’assurance invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI ou l’intimé) a rejeté la demande, motif pris que l'assuré ne remplissait pas la clause d'assurance. Ce dernier a recouru contre cette décision, puis a retiré son recours et la décision de l’OAI est entrée en force.

c. Le 29 mars 2009, l'assuré a formé une deuxième demande de prestations invalidité auprès de l'OAI. Après avoir recueilli les avis des médecins traitants de l’assuré, le service médical régional (ci-après : le SMR) de l’OAI a proposé qu'une expertise rhumato-psychiatrique soit réalisée. Le 29 juin 2012, une expertise bi-disciplinaire rhumatologique et psychiatrique a été réalisée au Bureau romand d’expertises médicales (BREM) par les doctoresses B______, rhumatologue FMH et C______, psychiatre-psychothérapeute FMH.

d. Après avoir retracé l'anamnèse de l'assuré, recueilli ses plaintes, établi son status somatique et psychiatrique et fait effectuer un radiodiagnostic par IRM, les expertes ont posé les diagnostics suivants avec répercussion sur la capacité de travail :

-       corps étrangers de plombs sous-cutanés du membre inférieur droit (M79.5) en regard du genou avec image de chondrocalcinose articulaire (DD : arthropathie saturnine) ;

-       tendinite des péroniers à gauche (M76.5).

Évoquant les limitations en relation avec les troubles constatés, les expertes ont considéré qu'au plan physique, l'assuré devait éviter de travailler en position à genoux ou accroupie, depuis 2009 (épanchements du genou) et éviter le travail sur échelle/échafaudage, terrain instable depuis 2010 (tendinopathie péronière). Elles n'ont en revanche objectivé aucune limitation qualitative ou quantitative au plan psychique.

Les expertes ont indiqué qu'en l'absence de descriptif de poste de travail précis, elles pouvaient simplement affirmer qu'au plan physique, il n'y avait pas d'incapacité de travail évidente, en tant que patron d'une grosse exploitation de bétail, mais que s'agissant du travail de mécanicien, la capacité de travail dépendait de la nature du poste de travail. Elles ont considéré qu'il existait une incapacité de travail partielle en relation avec la position à genoux, précisant qu'un travail de mécanicien assis ou semi-sédentaire assis-debout, n'exigeant pas de position agenouillée, ne comprenait pas de limitation. Au plan psychique, les expertes ont considéré que la dysthymie n'interférait pas sur les activités exercées jusqu'ici. Évoquant la capacité de travail résiduelle, les expertes ont mentionné qu'au plan physique, toute activité ne nécessitant pas la position à genoux ou accroupie, ou sur un chantier (échelle, échafaudages, terrain instable) était exigible. Ainsi, l'assuré ne pourrait pas travailler comme aide-manœuvre dans le bâtiment, ni comme carreleur depuis 2009. Par ailleurs, si une intervention était réalisée au niveau de ses tendons péroniers, cela impliquerait une incapacité de travail temporaire, mais non définitive. Au plan psychique, les expertes ont indiqué qu'il n'y avait pas de comorbidité d'ordre psychiatrique donnant lieu à une limitation supplémentaire et qu'une activité simple était exigible à plein temps, soit 8 heures par jour.

Les expertes ont également considéré qu'il n'y avait pas de diminution de rendement, ni au plan physique, ni au plan psychique.

Invitées à apprécier si des mesures de réadaptation professionnelle étaient envisageables, les expertes ont indiqué qu'au plan psychique, de telles mesures seraient vouées à l'échec, l'assuré étant convaincu de son incapacité d'exercer une activité en raison de ses gonalgies droites. Elles ont précisé que le très haut indice de kinésiphobie selon le questionnaire Tampa, ainsi que la mise en avant, par l'assuré, d'empêchements importants dépassant les limitations médicales objectives rendaient illusoire toute mesure professionnelle. Au plan physique, elles ont rapporté que selon leurs collègues du service de chirurgie plastique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), il n'y avait pas d'incapacité de travail à mettre en relation avec la présence de corps étrangers sous-cutanés. Bien que l'assuré ait été mis au bénéfice de plusieurs arrêts de travail par ses médecins traitants, les expertes ont reproché à ceux-ci de n'avoir pas procédé à une analyse détaillée des types de blessures et d'avoir tenu compte, principalement, des plaintes subjectives.

S'agissant de la capacité de travail dans une activité adaptée, les expertes ont mentionné qu'au plan physique, toute activité simple en position assis-debout pouvait être exercée sur un terrain stable (nécessité d'éviter de travailler en position agenouillée ou accroupie de même que sur une échelle/un échafaudage ou en terrain instable), alors qu'au plan psychique, toute activité simple était exigible sans que l'on ait à tenir compte de critères particuliers. Les expertes ont également considéré que l'assuré disposait d'une capacité de travail à 100%, sans diminution de rendement.

e. Dans un rapport du 16 août 2012, le docteur D______, du SMR de l’OAI, a considéré que le rapport d'expertise du 29 juin 2012 était pleinement convaincant et qu'il convenait d'en suivre les conclusions et de considérer que l'assuré n'avait jamais présenté d'incapacité de travail durable, au sens de la LAI.

f. Par décision du 25 avril 2013, l'OAI a confirmé le rejet de la demande de prestations invalidité au motif que le lien de causalité entre l’atteinte à la santé et l’incapacité de gain n’était pas établi.

g. Sur recours de l’assuré, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) a confirmé que la décision de l’OAI était bien fondée, par arrêt du 8 octobre 2013 (ATAS/983/2013), en s’appuyant notamment sur le rapport d’expertise de 2012. La capacité de l’assuré dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles était estimée à 100 %.

h. En date du 28 février 2018, l’assuré a déposé une troisième demande de prestations invalidité auprès de l’OAI. Il mentionnait comme médecins traitants le docteur E______, spécialiste FMH en orthopédie et traumatologie, ainsi que le docteur F______, spécialiste en médecine interne. L’atteinte à la santé consistait en des douleurs au genou droit et des opérations à la cheville gauche, consécutivement à l’explosion de la mine antipersonnel, en date du 21 novembre 1992.

i. Sur demande de l’OAI, le Dr F______ a complété un rapport médical, en date du 13 avril 2018, dans lequel il a fixé le début de la longue maladie de l’assuré à la date de son accident, intervenu en 1992 ; il a retenu une capacité de travail exigible de 0 % dans l’activité habituelle, mais il n’a pas pu déterminer la capacité de travail exigible dans une activité adaptée. Il a mentionné que le pronostic était mauvais, car il ne voyait pas ce que le patient pouvait faire en réalité. Il considérait que son patient n’avait pas de formation professionnelle connue qui serait suffisante pour un travail assis, avec peu de mouvements ; la marche était extrêmement pénible et l’assuré souffrait également de douleurs au repos. Selon le médecin, le patient n’était pas en mesure de travailler.

j. Par certificat médical daté du 14 septembre 2018, le Dr E______ a rappelé les troubles de la santé de l’assuré et a mentionné qu’il n’était pas favorable à une troisième intervention sur le bord externe du pied gauche, car les deux premières interventions, qui avaient eu lieu en 2012 et en 2013, n’avaient pas apporté le soulagement qu’espérait le patient. Selon le médecin traitant, son patient devait malheureusement apprendre à vivre avec ses handicaps et il était disposé à appuyer sa demande de prestations invalidité.

k. Par avis médical du 20 novembre 2018, la doctoresse G______, du SMR de l’OAI, a pris note des nouvelles pièces médicales communiquées dans le cadre de la troisième demande de prestations, qu’elle a considérées comme ne faisant que confirmer les atteintes orthopédiques connues du genou droit, de la cheville et du pied gauche. Notant que la situation était devenue chronique, sans espoir d’amélioration, le SMR a considéré qu’aucun élément objectif ne parlait pour une aggravation de l’état de santé ou pour une nouvelle atteinte incapacitante.

B.            a. En date du 23 novembre 2018, l’OAI a rendu un projet de décision de refus de droit à des prestations de l’assurance-invalidité. L’assuré s’y est opposé, par courrier du 19 décembre 2018, se déclarant disposé à se soumettre à une consultation auprès des médecins du SMR et ajoutant qu’il allait devoir probablement consulter à nouveau un psychiatre, en raison des troubles dus à son séjour dans un camp de prisonniers, pendant la guerre de Bosnie.

b. Par décision du 18 janvier 2019, l’OAI a nié tout droit à des prestations invalidité à l’assuré et a considéré que la précédente décision de refus de prestations, rendue par l’OAI en date du 25 avril 2013, restait d’actualité, compte tenu de l’absence d’élément objectif en faveur d’un changement notable de l’état de santé de l’assuré.

C.           a. Par mémoire du 22 février 2019, l’avocate de l’assuré a interjeté recours contre la décision du 18 janvier 2019 et a conclu à son annulation, ainsi qu’à l’octroi au recourant d’une rente d’invalidité entière. Préalablement, il était demandé d’ordonner une nouvelle expertise bi-disciplinaire de l’assuré, au motif que son état de santé s’était aggravé, notamment l’état de sa cheville et de son pied gauche, ce qui entraînait des conséquences sur sa capacité de travail. Le recourant alléguait également souffrir d’un stress post-traumatique qui altérait sa capacité de travail, du fait qu’il revivait ce qu’il avait vécu dans le passé, à savoir la guerre en Bosnie, la détention et les tortures qui s’en étaient suivies.

b. Par réponse du 19 mars 2019, l’OAI a maintenu sa décision, au motif que suite aux éléments médicaux apportés dans le cadre de la troisième demande, le SMR, dans son avis du 20 novembre 2018, avait rappelé que les atteintes orthopédiques connues du genou droit, de la cheville et du pied gauche, avaient déjà été prises en compte dans les conclusions du SMR du 16 août 2012, avec leurs conséquences, soit les limitations fonctionnelles. Bien que la situation soit devenue chronique, sans espoir d’amélioration, aucun élément objectif ne parlait pour une aggravation de l’état de santé ou pour une nouvelle atteinte incapacitante.

c. Par réplique du 15 mai 2019, l’avocate de l’assuré a souligné le défaut de motivation de la décision, respectivement le défaut d’instruction consécutif à la demande présentée par l’assuré. Compte tenu de ces lacunes, il appartenait à la chambre de céans d’ordonner une expertise bi-disciplinaire. L’assuré joignait à sa réplique un fax du docteur H______, psychiatre, daté du 9 mai 2019, ainsi qu’une évaluation neuropsychologique, du même médecin, datée du 18 mars 2019. Les pièces médicales faisaient l’anamnèse de l’assuré, ainsi qu’un résumé des tests neuropsychologiques qui avaient été administrés de manière à évaluer les aptitudes mentales, l’échelle d’intelligence et la présence éventuelle d’un stress post-traumatique chez l’assuré. Il en résultait des mesures d’évitement de l’assuré, qui ne regardait plus la télévision pour ne plus se rappeler des événements vécus pendant la guerre de Bosnie, était dans un état d’hyper vigilance en sursautant et en se figeant lorsqu’il entendait des sirènes de police ou d’ambulances et souffrait donc de plusieurs troubles avec des conséquences sur ses capacités cognitives assez lourdes. En conclusion, le Dr H______ estimait que l’assuré souffrait d’un état de stress post-traumatique, depuis une vingtaine d’années, ce qui amenait des limitations dans sa vie quotidienne à 100 %.

d. Par duplique du 13 juin 2019, l’OAI a informé la chambre de céans qu’il avait fourni les pièces médicales produites dans le cadre du recours, à son SMR, pour appréciation. Ce dernier, par avis médical du 13 juin 2019, a considéré qu’il n’y avait aucun élément parlant en faveur d’un syndrome de stress post-traumatique, rappelant que ce diagnostic avait déjà été écarté par la Dresse C______ en 2012. Le suivi commencé par l’assuré avec le Dr H______ avait débuté le 7 mars 2019, c’est-à-dire postérieurement à la décision querellée du 18 janvier 2019. Enfin, les tests qui avaient été effectués ne pouvaient pas être utilisés de manière fiable, car non objectifs et fondés uniquement sur les dires de l’assuré. Les tests neuropsychologiques ne comportaient pas de tests de validation, ce qui remettait en cause leur fiabilité, surtout qu’ils n’avaient pas été effectués en présence d’un interprète, chez un assuré au niveau de français très moyen, comme le reconnaissait le Dr H______ lui-même.

e. Par courrier du 29 juin 2020, la chambre de céans a informé les parties qu’elle avait l’intention de confier une mission d’expertise psychiatrique et orthopédique aux docteurs I______, spécialiste FMH en psychiatrie, et J______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. Pour des raisons de disponibilité, la chambre de céans a, par la suite, proposé le docteur K______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, en lieu et place du Dr J______. Les parties n’ont fait valoir aucun motif de récusation à l’endroit des deux experts proposés. Elles se sont prononcées sur le projet de mandat d’expertise.

f. Suite à l’ordonnance d’expertise du 6 mai 2021, les experts ont rendu leurs rapports d’expertise.

g. À teneur de son rapport d’expertise du 15 novembre 2021, le Dr I______, psychiatre, a récapitulé les différents rapports et documents médicaux sur lesquels il s’est fondé pour effectuer son expertise. Il a eu trois entretiens avec l’expertisé, pour une durée totale de 5h30. Il a décrit le contexte social de l’enfance et de l’adolescence de l’expertisé, les circonstances de son emprisonnement par les forces serbes dans le contexte de la guerre de Bosnie, de son évasion et de son accident, sautant sur une mine sur la ligne de démarcation entre forces croates et serbes. En dehors d’un emploi à titre de serveur dans une pizzeria, pendant un mois, juste après son arrivée en Suisse, l’expertisé n’avait jamais travaillé et avait été soutenu par l’Hospice général jusqu’à présent. Il avait eu deux enfants, nés respectivement en 1994 et en 2004, avec deux femmes différentes avec lesquelles il n’avait plus de lien, gardant des liens distants et espacés avec les enfants.

Dans son quotidien, l’expertisé se levait le matin vers 6h00, s’occupait de son petit logement, préparait à manger, faisait les courses, amenait sa lessive, soit chez son frère, soit à la buanderie, allait se promener dans les parcs et faisait une sieste. Il disait avoir renoncé à la télévision et à la radio car il était devenu intolérant au bruit et très réactif aux scènes de guerre ; il se couchait vers 23h30 le soir. Il rapportait n’avoir aucun ami en Suisse, où il menait une vie solitaire, ressassant les échecs passés, et n’était plus retourné en Bosnie après la fin de la guerre. En dehors de rencontres occasionnelles avec sa mère et son frère ou avec ses enfants, il n’avait aucun étayage social, restait pour l’essentiel seul, ruminant les échecs passés, sans investir un projet quelconque. Invité à décrire ses plaintes, l’expertisé avait beaucoup de difficultés à les expliciter sur le plan psychique ; il décrivait que « la tête ne va pas », mentionnait une humeur basse, une irritabilité à la rencontre d’autrui, une volonté de s’isoler par honte de sa situation, des troubles de la concentration, des douleurs au niveau de ses jambes et de ses genoux sans autres plaintes somatiques notables lors de l’examen psychiatrique.

Lors de l’entretien, l’homme était décrit comme ayant une présentation peu soignée, obèse, en retrait, répondant avec précision aux questions posées tout en étant réservé et peu loquace. Il ne présentait pas de ralentissement psychomoteur, le contact était froid, distant et les explications données pour son inactivité en Suisse étaient vagues et peu élaborées. Sa vision de son parcours en Suisse était négative sur le plan professionnel et affectif ; la naissance de ses deux enfants était décrite comme des accidents, dont il n’avait pas voulu initialement assumer la responsabilité. La thymie était triste, sans fixation de la tonalité au pôle dépressif avec une baisse légère de l’élan vital, sans aboulie ou anhédonie. Il n’y avait pas d’idée noires ou d’idéation suicidaire lors de l’entretien. La vision de l’avenir était pessimiste et désabusée et on retrouvait les éléments constitutifs d’une modification durable de la personnalité : attitude hostile ou méfiante envers le monde, retrait social, évitement de son pays, sentiment de vide ou de désespoir, détachement affectif avec réminiscence des événements traumatiques, mais sans élément post-traumatique persistant.

L’expert psychiatre posait un diagnostic, pouvant avoir une répercussion sur la capacité de travail, de modification durable de la personnalité après une expérience de catastrophe (F 62.0), apparue en 2005 et de gravité moyenne. Selon l’expert, au degré de la vraisemblance prépondérante, l’état de santé psychique était resté stationnaire entre juin 2012 et mars 2019, une partie des symptômes observés se retrouvant dans les descriptions faites par la psychiatre du CAPPI de la Jonction, remontant à sa prise en soins entre 2005 et 2007, mais également dans la description faite par la psychologue traitante. Les limitations fonctionnelles liées à la modification durable de la personnalité dès 2007 étaient : l’irritabilité, le détachement affectif avec ruminations sur son passé, une attitude méfiante avec tendance au repli, une sensibilité à la critique avec réaction défensive, des relations interpersonnelles rares et souvent conflictuelles, ce qui expliquait la grande difficulté à gérer un emploi dans un milieu usuel. Une partie de ces plaintes était objectivée, comme le repli sur soi, l’irritabilité et le détachement affectif, mais une autre partie des plaintes, notamment les douleurs, les bruits dans la tête et les troubles de la concentration, était clairement exagérée. Les ressources de l’expertisé étaient limitées sur le plan social et familial car l’expertisé avait pris rapidement des distances avec sa famille et avec ses enfants. Il s’agissait d’un homme isolé, amer, ruminant sur le passé, sans motivation d’intégration quelconque. Sur le plan cognitif, ses ressources étaient difficiles à évaluer, compte tenu de la majoration franche de ses plaintes, telle qu’observée lors du test de validation. Il s’adaptait aux besoins de la vie quotidienne, sans difficulté majeure, mais son regard était tourné vers le passé. Sur le plan de la capacité de travail, l’expert psychiatre considérait que, depuis 2005, on pouvait retenir une incapacité de travail totale, pour une activité en milieu compétitif quelconque. En revanche, la capacité de travail de l’expertisé dans une activité simple, ritualisée, avec faible interaction humaine, en milieu bienveillant (de préférence en solitaire), était totale. Entre 2012 et 2019, sur le plan psychiatrique, l’expert considérait que les observations faites montraient que la capacité de travail était restée stable au cours de cette période, à savoir nulle en milieu compétitif et totale en milieu adapté, tel que défini précédemment. L’expert notait toutefois que son pronostic, quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative, était très mauvais car l’expertisé présentait une atteinte de sa personnalité, son investissement dans les soins était fluctuant et difficile et le soutien social et familial était quasi absent. En revanche, il assumait la quasi-totalité des activités de la vie quotidienne, ne présentait pas de troubles addictologiques, ni une atteinte développementale.

h. Dans son rapport d’expertise du 27 octobre 2021, le Dr K______, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a décrit l’ensemble des documents médicaux figurant dans le dossier. Il a eu un entretien de 2h30 avec l’expertisé, le 11 juin 2021. Ce dernier était décrit comme d’aspect peu soigné, mais globalement en bon état général, orienté, collaborant, avec une thymie plutôt triste. La marche se faisait avec une importante boiterie du membre inférieur gauche, en légère rotation externe par rapport à la droite. Le patient se déshabillait de façon autonome, mais très lentement, avec des difficultés à croiser les jambes. Il était noté que le patient était très difficile à examiner car il se crispait tout de suite, essayait d’éviter certains mouvements et ne laissait pas toujours l’expert effectuer des mouvements passifs, craignant beaucoup le déclenchement de douleurs, non seulement lors de la mobilisation, mais aussi au toucher, voire à l’effleurement. L’expertisé pesait 119 kg pour 1m77. Après examen des membres inférieurs et supérieurs, l’expert orthopédiste avait posé comme diagnostic, ayant une répercussion sur la capacité de travail, des douleurs chroniques (M30.Z) ; la présence de corps étrangers de plomb sous-cutané autour du genou droit (M79.5) ; une tendinopathie du muscle court péronier gauche (M76.7) ; une gonarthrose droite (M17.2) ; une chondrocalcinose du genou droit (M11.2) ; un œdème mixte des membres inférieurs dans un contexte d’insuffisance veineuse et de lipœdème (R 60.0) et une atteinte de la coiffe des rotateurs à droite (M75.1).

Selon l’expert, le diagnostic de douleurs chroniques pouvait être retenu dès la fin de l’année 2011, suite à une entorse grave de la cheville gauche et des lésions des tendons péronier, ainsi qu’une tendinite chronique. Les corps étrangers de plomb sous-cutané autour du genou droit dataient de l’accident du 21 novembre 1992. La tendinopathie du muscle court péronier gauche datait environ du mois de juin 2010. La gonarthrose droite datait de 2012. La chondrocalcinose du genou droit datait de 1999 et l’œdème mixte des membres inférieurs dans un contexte d’insuffisance veineuse de lipœdème datait de 2012. D’une façon générale, le tableau clinique était considéré comme cohérent, compte tenu des diagnostics retenus.

Les limitations fonctionnelles étaient les suivantes : limitations autant dans la station debout qu’assis prolongée, voire alternée ; limitations dans le périmètre de marche ; limitations dans la position à genoux et accroupie ; limitation dans la marche en terrain irrégulier ; dans les escaliers et les échafaudages ; limitations dans le port de charges au-delà de 5 kg et ceci depuis début 2011. Les plaintes étaient considérées comme objectivées. L’incapacité de travail durable dans l’activité habituelle datait de l’accident du 21 novembre 1992 avec l’explosion de la mine antipersonnel. Toutefois, depuis cette date, l’expert orthopédiste considérait qu’il y avait une capacité de travail résiduelle, en tant que mécanicien, dans une activité adaptée à 100 %, avec des incapacités temporaires, à 100 %, lors de l’ablation chirurgicale des corps étrangers, jusqu’à guérison des cicatrices. À partir de juin - août 2010, l’incapacité de travail dans toute activité adaptée était de 100 % jusqu’au mois de mars 2015, période à laquelle l’expertisé retrouvait une capacité de travail, dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles, à 100 %. Le pronostic quant à l’exigibilité de la reprise d’une activité lucrative était considéré comme mauvais

i. À l’issue du consilium, les deux experts ont conclu, d’un commun accord, qu’il existait une capacité de travail résiduelle à 100 %, à partir du 21 novembre 1992, dans une activité adaptée, en considérant toutefois des périodes avec une incapacité temporaire à 100 %, lors de l’ablation chirurgicale des corps étrangers, jusqu’à guérison des cicatrices. La capacité de travail était de 100 % dans une activité simple, ritualisée, avec faible interaction humaine, en milieu bienveillant (de préférence en solitaire) entre 2005 et juin/août 2010. Il y avait eu une incapacité de travail à 100 %, dans toute activité, à partir de juin/août 2010 jusqu’à mars 2015. Ensuite, l’expertisé avait récupéré une capacité de travail de 100 %, dans une activité simple, ritualisée, avec faible interaction humaine, en milieu bienveillant (de préférence en solitaire), adaptée également aux limitations fonctionnelles somatiques concernant les membres inférieurs, à partir de mars 2015. Il fallait également tenir compte des limitations fonctionnelles concernant le membre supérieur droit, depuis juin 2021. Les deux experts étaient d’avis que le pronostic concernant une reprise d’une activité lucrative, même avec les limitations fonctionnelles énumérées, était mauvais.

j. À réception des rapports d’expertise le 19 novembre 2021, la mandataire du recourant a demandé, le 15 décembre 2021, une prolongation du délai pour répondre. Suite au délai supplémentaire accordé par la chambre de céans jusqu’au 7 janvier 2022, la mandataire du recourant n’a pas réagi.

k. S’agissant de l’OAI, son SMR a considéré qu’à la lecture de l’expertise bi- disciplinaire, il n’y avait pas eu d’aggravation objective de l’état de santé du recourant depuis la dernière décision entrée en force, en date du 25 avril 2013.

l. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier du 14 janvier 2022.

 

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

3.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             Le litige porte sur la question du droit du recourant à des prestations invalidité, singulièrement sur l’aggravation de son état de santé depuis la dernière décision entrée en force de l’OAI.

5.              

5.1 Lorsque l'assuré dépose une nouvelle demande de prestations, après que l’OAI lui a refusé tout droit à celles-ci dans un premier temps, l’examen matériel doit être effectué de manière analogue à celui d'un cas de révision au sens de l'art. 17 al. 1 LPGA (ATF 133 V 108 consid. 5 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; ATF 130 V 71 consid. 3.2 ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.1).

L’art. 17 al. 1 LPGA dispose que si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

Tout changement important des circonstances propres à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5). Il n'y a pas matière à révision lorsque les circonstances sont demeurées inchangées et que le motif de la suppression ou de la diminution de la rente réside uniquement dans une nouvelle appréciation du cas (ATF 141 V 9 consid. 2.3 ; ATF 112 V 371 consid. 2b ; ATF 112 V 387 consid. 1b). Un motif de révision au sens de l'art. 17 LPGA doit clairement ressortir du dossier. La réglementation sur la révision ne saurait en effet constituer un fondement juridique à un réexamen sans condition du droit à la rente (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 111/07 du 17 décembre 2007 consid. 3 et les références).

Un changement de jurisprudence n'est pas un motif de révision (ATF 129 V 200 consid. 1.2).

5.2 Le point de savoir si un changement notable des circonstances s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière révision de la rente entrée en force et les circonstances qui régnaient à l’époque de la décision litigieuse. C’est en effet la dernière décision qui repose sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et cas échéant - en cas d'indices d'une modification des effets économiques - une comparaison des revenus conformes au droit qui constitue le point de départ temporel pour l’examen d’une modification du degré d’invalidité lors d’une nouvelle révision de la rente (ATF 133 V 108 consid. 5.4 ; ATF 130 V 343 consid. 3.5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_685/2011 du 6 mars 2012 consid. 5.1).

6.             Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle, présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

7.             En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70 % au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60 % au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40 % au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui, après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale ; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas, à elle seule, déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

8.             En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

9.

9.1 Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3 ; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

9.2 Le juge ne s'écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa et les références).

9.3 On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

10.

10.1 Les atteintes à la santé psychique peuvent, comme les atteintes physiques, entraîner une invalidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI en liaison avec l'art. 8 LPGA. On ne considère pas comme des conséquences d'un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible (ATF 127 V 294 consid. 4c ; ATF 102 V 165 consid. 3.1 ; VSI 2001 p. 223 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 786/04 du 19 janvier 2006 consid. 3.1).

La reconnaissance de l’existence d’une atteinte à la santé psychique suppose la présence d’un diagnostic émanant d’un expert (psychiatre) et s’appuyant selon les règles de l’art sur les critères d’un système de classification reconnu, tel le CIM ou le DSM-IV (ATF 143 V 409 consid. 4.5.2 et ATF 141 V 281 consid. 2.2 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_841/2016 du 30 novembre 2017 consid. 4.5.2).

Les principes jurisprudentiels développés en matière de troubles somatoformes douloureux sont également applicables à la fibromyalgie (ATF 132 V 65 consid. 4.1).

10.2 La capacité de travail réellement exigible doit être évaluée dans le cadre d'une procédure d'établissement des faits structurée et sans résultat prédéfini, permettant de mettre en regard les facteurs extérieurs incapacitants d’une part et les ressources de compensation de la personne d’autre part (ATF 141 V 281 consid. 3.6 et 4). Il n'y a plus lieu de se fonder sur les critères de l'ATF 130 V 352, mais sur une grille d’analyse comportant divers indicateurs qui rassemblent les éléments essentiels propres aux troubles de nature psychosomatique (ATF 141 V 281 consid. 4). Dans ce cadre, il convient d'évaluer globalement, sur une base individuelle, les capacités fonctionnelles effectives de la personne concernée en tenant compte, d'une part, des facteurs contraignants extérieurs limitant les capacités fonctionnelles et, d'autre part, des potentiels de compensation (ressources).

La question des effets fonctionnels d'un trouble doit dès lors être au centre. La preuve d'une invalidité ouvrant le droit à une rente ne peut en principe être considérée comme rapportée que lorsqu'il existe une cohérence au niveau des limitations dans tous les domaines de la vie. Si ce n'est pas le cas, la preuve d'une limitation de la capacité de travail invalidante n'est pas rapportée et l'absence de preuve doit être supportée par la personne concernée.

11.         Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.         En l’espèce, l’assuré invoque, sur la base du rapport médical du 18 mars 2019 de son médecin traitant le Dr H______, une aggravation de son état de santé, intervenue dans le courant de l’année 2018.

L’intimé rejette cette hypothèse ; après être entré en matière sur la nouvelle demande, l’OAI a conclu, sur la base du rapport de son SMR, que la situation du recourant était identique à celle du 25 avril 2013, date de la dernière décision de l’OAI, confirmée par la chambre de céans dans son arrêt du 8 octobre 2013 (ATAS/983/2013), et a rejeté la demande de prestations.

En tenant compte, à la fois des plaintes du patient et du dossier à disposition, les deux experts, respectivement en orthopédie et en psychiatrie, ont confirmé dans leurs rapports et par consilium, que le recourant disposait d’une capacité de travail résiduelle de 100 %, à partir du 21 novembre 1992, dans une activité adaptée, en considérant toutefois des périodes avec une incapacité temporaire à 100 %, lors de l’ablation chirurgicale des corps étrangers, jusqu’à guérison des cicatrices. La capacité de travail était de 100 % dans une activité simple, ritualisée, avec faible interaction humaine, en milieu bienveillant (de préférence en solitaire) entre 2005 et juin/août 2010.

Il y avait eu une incapacité de travail à 100 %, dans toute activité, à partir de juin/août 2010 jusqu’à mars 2015. Ensuite, l’expertisé avait récupéré une capacité de travail de 100 %, dans une activité simple, ritualisée et adaptée également aux limitations fonctionnelles somatiques concernant les membres inférieurs, à partir de mars 2015, en tenant compte également des limitations fonctionnelles concernant le membre supérieur droit, depuis juin 2021.

Les rapports d’expertise orthopédique et psychiatrique remplissent, sur le plan formel, plusieurs exigences auxquelles la jurisprudence soumet la valeur probante de tels documents.

En effet, les rapports contiennent une anamnèse détaillée, le résumé des pièces principales du dossier, les indications subjectives et les plaintes du recourant, les observations cliniques, les critères jurisprudentiels concernant l’expertise psychiatrique, des diagnostics motivés, ainsi qu'une discussion générale du cas.

Les conclusions des experts sont cohérentes. Les expertises ne montrant pas de contradictions internes, la chambre de céans ne peut s'en écarter, étant rappelé que la tâche de l'expert est précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice, afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné.

Compte tenu de ces éléments, la chambre de céans considère que les rapports d’expertise, respectivement du 27 octobre 2021 et du 15 novembre 2021, revêtent une valeur probante et que leurs conclusions peuvent être suivies.

Selon l’expert K______, le seul trouble de la santé apparu depuis la décision de 2013 est l’atteinte de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite. Il situe l’apparition du trouble au moment de l’examen du recourant, en juin 2021, soit bien après la date de la décision querellée.

Étant rappelé que selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision litigieuse a été rendue. Les faits survenus postérieurement, et qui ont modifié cette situation, doivent normalement faire l’objet d’une nouvelle décision administrative (ATF 121 V 366 consid. 1b et les références). Les faits survenus postérieurement doivent cependant être pris en considération dans la mesure où ils sont étroitement liés à l’objet du litige et de nature à influencer l’appréciation au moment où la décision attaquée a été rendue (ATF 99 V 102 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 321/04 du 18 juillet 2005 consid. 5).

L’expert expose que le trouble de la coiffe des rotateurs n’a pas encore été « bilanté » ni traité et que l’on ne peut pas encore établir si le diagnostic participe de façon durable à l’incapacité de travail. Toutefois, l’expert orthopédique ajoute avoir pris en compte le diagnostic au niveau des limitations fonctionnelles (rapport K______, pp. 39 et 40).

En ce qui concerne l’obésité, que le recourant invoque comme élément nouveau à prendre en compte, l’expert K______ remarque « une certaine réduction de poids », l’obésité ayant atteint son point culminant à 130 kg selon l’expertisé alors que l’expert note qu’il est de 119 kg au moment de l’expertise. Au vu de la baisse de poids, on ne saurait admettre que cet élément peut entrer en ligne de compte dans l’aggravation alléguée par le recourant.

Sur le plan somatique, ces deux éléments n’ont donc – à dire d’expert – pas eu pour effet d’aggraver l’état de santé du recourant, si ce n’est l’introduction d’une limitation fonctionnelle supplémentaire, soit éviter le port de charges supérieures à 5 kg, en lien avec les troubles de la coiffe des rotateurs.

Par ailleurs, le diagnostic de douleurs chroniques avec sensibilisation centrale retenu par l’expert orthopédique n’a, selon ce dernier, qu’une répercussion modérée sur la vie de tous les jours du recourant (rapport K______, p. 35, ch. 2.1.3). L’expert psychiatre parvient à la même conclusion, estimant qu’il n’y a pas d’effet incapacitant et excluant un syndrome douloureux somatoforme persistant, dans la mesure où lesdites douleurs sont évoquées par l’expertisé « en passant » mais ne dominent « absolument pas l’échange » avec l’expert (rapport I______, p. 13).

Sur le plan psychique, l’expert n’a relevé aucun élément pouvant justifier une aggravation de l’état de santé psychique du recourant. Il a mentionné des éléments permettant de mettre en doute les plaintes du recourant, au niveau des douleurs, des bruits dans la tête et des troubles de la concentration (rapport I______, p. 19). Le diagnostic de stress post-traumatique n’est pas retenu par l’expert, qui réfute le diagnostic posé par le médecin traitant du recourant, le Dr H______, qui considère que ce trouble amenait, depuis une vingtaine d’années, des limitations dans la vie quotidienne du recourant, à 100 %. Les arguments de l’expert psychiatre, qui se fonde notamment sur le bilan neuropsychologique - montrant une majoration massive des symptômes par le recourant - pour se distancer de l’appréciation du Dr H______, sont convaincants. Étant rappelé qu’en ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc).

Il convient d’ajouter que s’agissant du consilium, la conclusion mentionnée par l’expert psychiatre, p. 28, 4ème point de son rapport est visiblement entachée d’une coquille, la capacité de travail étant de 100% (et non pas de 50 % comme écrit dans le rapport) dans une activité simple, ritualisée avec faible interaction humaine.

En effet, la capacité de travail de 100% ressort du rapport, p. 27, ch. 12 où l’expert psychiatre mentionne qu’une « activité adaptée telle que définie plus haut est pleinement exigible », ainsi que des p. 23 et 24, points 9.3 et 9.4 du même rapport. Cette appréciation ressort également du consilium, figurant en p. 43 du rapport de l’expert K______, où la capacité de travail du recourant, dans une activité simple, ritualisée et bienveillante, telle que recommandée par les experts, est bien de 100 %.

13.         À l’aune de ce qui précède, l'assuré n’a pas rendu plausible un changement notable de son état de santé pouvant influencer ses droits depuis la dernière décision du 25 avril 2013 ; dès lors, la chambre de céans n’a d’autre choix que de rejeter le recours.

14.         Bien que la procédure ne soit pas gratuite en matière d'assurance-invalidité (art. 69 al. 1bis LAI), il n'y a pas lieu de percevoir un émolument, le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit qu’il n’est pas perçu d’émolument.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le