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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1013/2010

ATAS/712/2010 du 17.06.2010 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1013/2010 ATAS/712/2010

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 8

du 17 juin 2010

 

En la cause

Madame C___________, domiciliée à VILLE-LA-GRAND, FRANCE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Mauro POGGIA

 

 

recourante

 

contre

SUVA, CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, Rechtsabteilung, domicilié Fluhmattstrasse 1, LUCERNE

 

intimée

EN FAIT

C___________ (née en 1964, domiciliée à Ville-la-Grand, en France) travaillait en qualité de nettoyeuse pour X___________ SA, à Genève, à raison de 40 heures par semaine. A ce titre, elle était assurée auprès de la SUVA,CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS (ci-après : SUVA), contre les accidents professionnels et non-professionnels au sens de la LAA.

Le 13 février 2009, alors qu’elle se rendait à son travail, l’assurée a glissé sur la chaussée verglacée et a d’abord heurté la tête, puis les épaules et le bassin contre le trottoir. A cette occasion, elle a subi une possible perte de connaissance. Appelée par les pompiers, une ambulance la conduite en urgence à la clinique des Grangettes, où le Dr L___________ a diagnostiqué une contusion occipitale et des nucalgies post-traumatiques. Deux CT-scan (cervical et crânien), effectués le même jour, ont mis en évidence une arthrose importante de C1 C2 et une discopathie C5 C6 avec arthrose ; il n’existait en outre pas de fracture ou de luxation, ni de lésion osseuse au niveau du crâne. Le Dr L___________ a estimé qu’il s’agissait vraisemblablement de contusions avec cervicarthrose chronique décompensée par la chute.

Selon le radiologue de la clinique, le CT-scan du crâne était dans les limites de la norme et n’avait signalé aucun hématome intracrânien. Le CT-scan cervical avait mis en évidence une discrète scoliose cervicale à convexité gauche avec effacement de la lordose ; une arthrose entre l’arc antérieur de C1 et la dent C2, assez sévère ; une discopathie C5-C6 sévère, sans sténose osseuse des canaux radiculaires, ni hernie discale.

Le Dr L___________ a prescrit le port d’une minerve, que l’assurée a portée durant deux mois, jour et nuit.

Ce médecin l’a également mise en arrêt de travail de 100% jusqu’au 20 février 2009. Cet arrêt a ensuite été régulièrement prolongé, en particulier par le Dr M___________, interniste traitant, et par le Dr N___________, rhumatologue-traitant.

La SUVA a pris en charge le cas (traitement médical et indemnités journalières).

Vu la persistance des douleurs, et suspectant une atteinte médullaire, le Dr M___________ a adressé la patiente au Dr O___________, neurologue, qui l’a examinée le 12 mars 2009.

Dans un rapport du 17 mars 2009, le Dr O___________ a attesté que les examens neurologique et électroneuromyographique étaient dans les limites de la norme. En particulier, on ne trouvait pas d’asymétrie significative au niveau des réflexes bicipitaux, ni de signe en faveur d’une atteinte pyramidale (médullaire par exemple) ou radiculaire. La nette asymétrie constatée par le Dr M___________ pourrait éventuellement s’expliquer non pas par une hyperéflexie gauche, mais par une hyporéflexie droite, étant donné que la patiente présentait à l’IRM (ie : les CT-scanner cérébral et cervical du13 février 2009, qu’il n’avait, expliquait-il pas vus) des signes en faveur d’une discopathie C5-C6. A l’époque de l’examen, les cervicalgies et les céphalées dont souffrait la patiente étaient au décours.

Le Dr O___________ a ensuite adressé la patiente au Dr N___________.

Dans un rapport du 16 mai 2009, ce praticien a posé le diagnostic de cervicalgies avec céphalées occipitales post-traumatiques. Celles-ci persistaient malgré un traitement antalgie et anti-inflammatoire et des séances de physiothérapie. Une reprise du travail n’était pas envisageable.

Dans un rapport du 25 juillet 2009, le Dr M___________ a diagnostiqué un syndrome cervical non déficitaire, avec une tendance à la chronicisation des symptômes.

Dans un compte-rendu d’entretien du 13 août 2009 avec un collaborateur de la SUVA, l’assurée a indiqué qu’avant son accident, elle n’avait jamais souffert de troubles cervicaux (telles que les douleurs à la nuque et aux épaules ou les maux de tête) l’empêchant de travailler. Elle avait dû interrompre les séances de physiothérapie en piscine, à cause des douleurs et des vertiges post séance. Dès qu’elle faisait une activité telle que passer l’aspirateur, elle ressentait une tension dans la nuque, ainsi que des maux de tête. Depuis l’accident, elle vivait en permanence une sensation de vertige, comme si elle était saoule.

Le 16 septembre 2009, la SUVA a déposé, pour le compte de l’assurée, une demande de prestations AI pour adultes auprès de l’Office cantonal genevois de l’assurance-invalidité (OAI).

Par courrier du 21 septembre 2009, X___________ SA a mis fin aux rapports de travail pour le 30 novembre 2009.

A la demande du Dr N___________, une nouvelle IRM cervicale a été pratiquée.

Dans un certificat du 24 août 2009, la Dresse P___________ (radiologue) a posé les diagnostics suivants : arthrose postérieure L5-S1 prédominant à droite, associée à une inclinaison latérale gauche du rachis ; troubles statiques sous forme d’une inclinaison latérale gauche du rachis lombaire ; protrusion discale postéro-latérale gauche modérément sténosante au niveau du récessus latéral gauche C5-C6 associée à une uncarthrose débutante latérale. Il n’y avait en outre pas de rétrécissement visible sur la région cervicale.

Dans un certificat du 7 octobre 2009, le Dr N___________ a diagnostiqué des cervicalgies et lombalgies non spécifiques décompensées par une chute. Les douleurs persistaient malgré tous les traitements entrepris. Le dernier traitement consistait en prescription de Celebrex 200, Dafalgan et Seropram « de longue date ». Une reprise du travail n’était pas exigible. En raison de la complexité du problème, ce médecin a en outre proposé un séjour à la clinique de la SUVA à Sion.

Dans un courrier du 5 novembre 2009 adressé au médecin-conseil de la SUVA, le Dr M___________ a indiqué que sa patiente désespérait de ne plus pouvoir travailler et qu’il avait, le même jour, augmenté la posologie de Seropram à 30 mg par jour.

Le 13 novembre 2009, le Dr Q___________, chirurgien-conseil de la SUVA, a examiné l’assurée. Dans un rapport du 16 novembre 2009, il a constaté que celle-ci avait fait une chute avec impact rachidien le 13 février 2009. Le bilan radiologique n’avait identifié aucune lésion traumatique, tant au niveau cérébral, cervical que dorsolombaire. L’examen spécialisé du Dr O___________ n’avait relevé aucun déficit neurologique et même un ENMG était décrit dans les limites de la norme. Dans ces conditions, et au vu du type de traumatisme et du laps de temps écoulé, le Dr Q___________ a conclu que les conséquences délétères de la contusion rachidienne du 13 février 2009 était éteintes.

Par décision du 24 novembre 2009, la SUVA a mis fin à ses prestations au 30 novembre suivant, estimant qu’au-delà de cette date, les troubles qui déterminaient encore une incapacité de travail n’étaient plus en relation de causalité avec l’accident, mais relevaient exclusivement de la maladie.

Cette décision a également été notifiée aux assurance-maladie de l’assurée.

Par courrier de son avocat du 4 janvier 2010, l’assurée a formé opposition contre cette décision. Elle a en particulier fait valoir que si, avant son accident, elle souffrait de lombalgies par intermittence, cette affection n’avait jamais eu d’incidence sur sa capacité de gain. Ainsi, l’accident du 13 février 2009 avait bien été l’élément déclenchant de son incapacité de travail de longue durée au sens de l’art. 36 LAA. Sans ce traumatisme, elle ne souffrirait pas de vertiges et de maux de tête, lesquels rendaient par ailleurs impossible toute reprise d’activité professionnelle. A l’appui de son opposition, elle a produit un certificat du Dr M___________ du 9 décembre 2009, attestant que les douleurs dont souffrait la patiente avaient été causées par son accident du 13 février 2009.

Par décision du 19 février 2010, reçue le 22 février suivant, la SUVA a rejeté l’opposition, et a retiré tout effet suspensif à un éventuel recours. En substance, elle a relevé que l’attestation du Dr M___________ du 9 décembre 2009 se fondait sur la maxime « post hoc, ergo propter hoc », ce qui était insuffisant pour établir un lien de causalité naturelle, selon la jurisprudence. En outre, dans son rapport du 25 juillet 2009, ce médecin n’avait pas fait état de lésion de nature traumatique chez sa patiente et avait même mentionné une tendance à la chronicisation des symptômes.

Cette décision a également été notifiée à INTRAS ASSURANCES et à la VAUDOISE ASSURANCES.

Dans son recours posté le 23 mars 2010, l’assurée a conclu à l’annulation de la décision sur opposition du 19 février 2010, respectivement à la condamnation de la SUVA à poursuivre le versement des indemnités journalières et la prise en charge des frais médicaux au-delà du 30 novembre 2009. Préalablement, elle a requis la mise en œuvre d’une expertise médicale. En substance, elle a contesté les conclusions du rapport du médecin-conseil de la SUVA.

A l’appui de son argumentation, elle a produit les documents suivants :

- un rapport du Dr R___________, rhumatologue, du 21 septembre 2009, à l’attention du Dr M___________. Ce spécialiste a posé le diagnostic de cervicalgies et lombalgies post-traumatiques. A l’examen clinique, il avait en particulier constaté une mobilité cervicale conservée, mais douloureuse, une grande tension musculaire dans les trapèzes, aucune limitation articulaire, un rachis lombaire enraidi, avec une flexion douloureuse. A son avis, il était clair que l’accident du 13 février 2009 avait fortement déstabilisé la patiente, lui réveillant des douleurs intenses dans le cadre de discopathies existantes. Une prise en charge par cure était souhaitable dans le cadre du centre de Sion, ce qui permettrait également d’estimer la capacité de travail fonctionnelle résiduelle ou d’envisager une reconversion.

- un rapport non daté (destiné à l’OAI, établi à l’issue d’une consultation du 20 novembre 2009), dans lequel le Dr M___________ a attesté que sa patiente souffrait de cervicalgies, sensations vertigineuses, de lombalgies chroniques « après une chute ». En raison de son handicap algique, la patiente subissait une incapacité totale de travailler, pour une durée indéterminée et dans toute activité.

Dans sa réponse du 12 avril 2010, la SUVA a conclu au rejet du recours. A son avis, l’opinion de son médecin-conseil relative à l’extinction de l’effet délétère de l’accident était conforme à la doctrine médicale, entérinée par la jurisprudence (cf. arrêt N. du 6 juillet 2004, U 292/03), qui admettait qu’une atteinte du genre de celle qu’avait subie la recourante cessait de produire ses effets quelques mois après sa survenance. Par ailleurs, l’aggravation significative d’une affection dégénérative préexistante de la colonne vertébrale par suite d’un accident était prouvée seulement lorsque la radioscopie mettait en évidence un tassement subit des vertèbres, ainsi que l’apparition ou l’agrandissement de lésions après un traumatisme (cf. RAMA 2000, n° U 363 p. 46), ce qui n’était pas le cas ici. De plus, le rapport du Dr R___________ du 21 septembre 2009 ne critiquait pas les conclusions de son médecin-conseil, dans la mesure où son auteur ne se prononçait pas sur l’existence ou non d’un statu quo et se contentait de préciser que l’accident avait réveillé des douleurs intenses dans le cadre de discopathies existantes, ce qui revenait à retenir un lien de causalité. Or ce point était acquis, puisque la question qui se posait était celle de savoir si ce lien avait persisté au-delà du 30 novembre 2009. Enfin, il n’appartenait pas à l’assureur d’établir que les troubles persistant étaient dorénavant uniquement imputables à des facteurs étrangers à l’accident, mais seulement d’établir que les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouaient plus de rôle et devaient ainsi être considérées comme ayant disparu (cf. arrêt B. du 11 avril 2005, U 128/04).

Dans sa réplique du 14 mai 2010, la recourante a relevé que l’avis du Dr R___________ (du 21 septembre 2009) était antérieur à celui du médecin-conseil (16 novembre 2009), si bien que, contrairement à ce que soutenait l’assurance, le premier praticien n’avait pu critiquer l’avis du second. En outre, l’appréciation du Dr Q___________ ne reposait sur aucune base scientifique sérieuse, mais procédait exclusivement d’un a priori assécurologique, fondé sur de pseudos statistiques, dont on ignorait par ailleurs les références. Pour le reste, elle a persisté dans les termes et conclusions de son recours, tout en sollicitant l’audition des Drs R___________ et Q___________.

Par duplique du 21 mai 2010, la SUVA a maintenu sa position sans autre explication.

EN DROIT

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 5 de la Loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (LOJ ; RS E 2 05), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 de la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1) qui sont relatives à la Loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA ; RS 832.20).

Par ailleurs, l’ancien employeur de la recourante est domicilié à Genève (art. 58 al. 2 LPGA).

Le Tribunal de céans est dès lors compétent pour statuer en l’espèce.

Interjeté en temps utile auprès de l’autorité compétente et dans les formes prescrites, par une assurée directement touchée dans ses intérêts juridiquement protégés par la décision querellée, le présent recours est recevable (art. 56 ss LPGA).

Le litige porte sur le droit de la recourante à l’octroi de prestations de l’assurance-accidents au-delà du 30 novembre 2009. Il convient dès lors d'examiner si les troubles persistant après cette date sont en relation de causalité naturelle et adéquate avec l'accident survenu le 13 février 2009.

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non-professionnel et de maladie professionnelle.

 

5.1 Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence de la causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé ; il faut et il suffit que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'autres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Selon la jurisprudence, si le rapport de causalité avec l'accident est établi selon la vraisemblance requise, l'assureur n'est délié de son obligation d'octroyer des prestations que si l'accident ne constitue plus la cause naturelle et adéquate de l'atteinte à la santé.

De même que pour l'établissement du lien de causalité naturelle fondant le droit à des prestations, la disparition du caractère causal de l'accident eu égard à l'atteinte à la santé de l'assuré doit être établie au degré habituel de la vraisemblance prépondérante requis en matière d'assurances sociales. La simple possibilité que l'accident n'ait plus d'effet causal ne suffit pas. Dès lors qu'il s'agit dans ce contexte de la suppression du droit à des prestations, le fardeau de la preuve n'appartient pas à l'assuré mais à l'assureur (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence ; ATFA non publié U 220/02 du 6 août 2003 consid. 2.3 ; ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2).

Dans ce contexte, on précisera encore que l'assureur-accidents répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (Frésard/Moser-Szeless, L'assurance-accidents obligatoire, in : Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 2ème éd., no 87 et les références) (arrêt du Tribunal fédéral du 23 juin 2008, U 47/07, consid. 6.2 in fine ; ATF 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103 et les références).

5.2 Si l'on peut admettre qu'un accident n'a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l'assuré et l'accident doit être nié lorsque l'état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l'accident (statu quo ante) ou s'il est parvenu au stade d'évolution qu'il aurait atteint sans l'accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75, consid. 4b; Frésard, L'assurance-accidents obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, no 141). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) en se fondant sur le critère de la vraisemblance prépondérante. Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement «post hoc, ergo propter hoc»; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 sv.; RAMA 1999 no U 341 p. 408 sv., consid. 3b). Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré.

5.3 Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2, arrêt U 355/98 du 9 septembre 1999) entre seulement en considération s'il n'est pas possible, dans les limites du principe inquisitoire, d'établir sur la base d'une appréciation des preuves un état de fait qui, au degré de vraisemblance prépondérante, corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l'accident. Il est encore moins question d'exiger de l'assureur-accidents la preuve négative qu'aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d'une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (arrêt du 23 juin 2008, U 47/07, consid. 4 ; du 25 mars 2008, 8C.233/2007, consid. 2).

5.4 En matière de lésions au rachis cervical par accident de type «coup du lapin» (ATF 119 V 335, 117 V 359), de traumatisme analogue à la colonne cervicale (SVR 1995 UV n° 23 p. 67) ou de traumatisme cranio-cérébral (ATF 117 V 369), sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de tête diffus, vertiges, troubles de la vue, de la concentration et de la mémoire, fatigabilité, dépression, etc.). Il faut cependant que, médicalement, les plaintes puissent de manière crédible être attribuées à une atteinte à la santé; celle-ci doit apparaître, avec un degré de vraisemblance prépondérante, comme la conséquence de l'accident (ATF 119 V 338 ss consid. 2, 117 V 360 sv consid. 4b).

5.5 Selon la jurisprudence et la doctrine, l'autorité administrative ou le juge ne doivent considérer un fait comme prouvé que lorsqu'ils sont convaincus de sa réalité (Kummer, Grundriss des Zivilprozessrechts, 4ème éd., Berne 1984, p. 136; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2ème éd., Berne 1983, p. 278, ch. 5). Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b, 125 V 195 consid. 2 et les références; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

 

6.1 Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2ème éd., Zurich 2009, art. 42 n° 19 p. 536; ATF 130 II 425 consid. 2.1 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_859/2007 du 16 décembre 2008 consid. 5). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 Cst. (Sozialversicherungsrecht Rechtsprechung [SVR] 2001 IV n° 10 p. 28).

Le juge dispose d’une large liberté dans le choix des preuves qu’il entend administrer. Cette liberté est le corollaire de l’obligation à sa charge d’établir les faits déterminants pour l’issue du litige (art. 61 let. c LPGA). S’agissant d’une expertise médicale, il a en principe la possibilité soit de commettre lui-même un expert soit de renvoyer la cause à l’administration pour qu’elle mette en œuvre une expertise (ATFA du 7 août 2003, cause I 656/02, consid. 3.3 ; RAMA 1993 p. 136).

6.2 Le juge des assurances sociales doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle que soit leur provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. Avant de conférer pleine valeur probante à un rapport médical, il s'assurera que les points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prend également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il a été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale sont claires et enfin que les conclusions de l'expert sont dûment motivées (ATF 125 V 351 consid. 3a).

6.3 La jurisprudence a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertise ou de rapports médicaux. Ainsi, le juge ne s'écarte en principe pas sans motifs impératifs des conclusions d'une expertise médicale judiciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de fait donné (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa). Au sujet des rapports établis par les médecins traitant, le juge peut et doit tenir compte du fait que selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). Cette constatation s'applique de même aux médecins non traitant consultés par un patient en vue d'obtenir un moyen de preuve à l'appui de sa requête. Toutefois le simple fait qu'un certificat médical est établi à la demande d'une partie et produit pendant la procédure ne justifie pas en soi des doutes quant à sa valeur probante (ATF 125 V 351 consid. 3b/dd).

Quant aux documents produits par le service médical d'un assureur étant partie au procès, le Tribunal fédéral n'exclut pas que l'assureur ou le juge des assurances sociales statuent en grande partie, voire exclusivement sur la base de ceux-ci. Dans de telles constellations, il convient toutefois de poser des exigences sévères à l'appréciation des preuves. Une instruction complémentaire sera ainsi requise, s'il subsiste des doutes, même minimes, quant au bien-fondé des rapports et expertises médicaux versés au dossier par l'assureur (ATF 122 V 157, consid. 1d; ATF 123 V 175, 176 s consid. 3d; ATF 125 V 351, 353 s consid. 3b ee; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral I 143/07 du 14 septembre 2007 consid. 3.3 et 9C_55/2008 du 26 mai 2008 consid. 4.2 avec références, concernant les cas où le service médical n'examine pas l'assuré mais se limite à apprécier la documentation médicale déjà versée au dossier). Le simple fait qu'un avis médical divergent - même émanant d'un spécialiste - ait été produit ne suffit toutefois pas à lui seul à remettre en cause la valeur probante d'un rapport médical (arrêt du Tribunal fédéral du 26 janvier 2007, U 365/06, consid. 4.1).

Enfin, on rappellera qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4 p. 175; SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43 consid. 2.2.1 et les références [arrêt I 514/06 du 25 mai 2007]), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral du 20 novembre 2009, 9C_4/2009, consid. 2.2.).

En l’occurrence, au vu des principes articulés ci-dessus, force est de constater que le Tribunal de céans n’est pas en mesure d’évaluer, en l’état du dossier, si l’accident dont la recourante a été victime le 13 février 2009 a encore (ou non), au degré de la vraisemblance prépondérante, un effet causal au-delà du 30 novembre 2009.

En effet, le rapport du médecin-conseil de la SUVA du 16 novembre 2009 ne revêt pas une valeur probante suffisante pour permettre de nier un tel effet, singulièrement de s’écarter sans autre des avis convergents des Dr N___________ (du 7 octobre 2009) et Dr R___________ (du 21 septembre 2009), tous deux rhumatologues, ainsi que du Dr M___________, formulé à l’issue de son examen du 20 novembre 2009. Selon ces praticiens, les cervicalgies, les lombalgies ou encore les vertiges dont souffraient la patiente à la suite de son accident du 13 février 2009 persistaient malgré tous les traitements entrepris, tout en continuant à entraver sa capacité de travail dans son ancienne profession de nettoyeuse (cf. dans ce sens, rapport du Dr R___________ du 21 septembre 2009). En particulier, le Dr Q___________ ne motive pas à satisfaction de droit son appréciation contraire, selon laquelle les conséquences délétères de l’accident étaient, désormais, éteintes, se limitant à invoquer à cet égard « le type de traumatisme et le laps de temps écoulé ». A ce propos, on peut relever qu’en présence d’une pathologie dégénérative du rachis, une chute sur le rachis cervical est susceptible de causer des nucalgies ou des lombalgies pouvant durer jusqu’à une année à partir du traumatisme, et cela même en l’absence de tassement subit des vertèbres ou de lésions, soit, en l’occurrence, au-delà du 30 novembre 2009 (comp. arrêt du Tribunal fédéral U 147/99 du 15 octobre 2001, consid. 4 e), contrairement à ce que semble soutenir l’intimée. En tout cas, le Dr Q___________ ne s’est pas prononcé sur ce point. Il ne s’est pas davantage déterminé sur la récente augmentation à 30 mg par jour de la posologie du Seropram (antidépresseur permettant, en particulier, de gérer les douleurs http://www.dolor.ch/content_f/pdf/dol044f.pdf) prescrite par le Dr M___________ dès le 5 novembre 2009, étant en outre observé que le médecin-conseil n’a pas remis en cause la réalité, singulièrement l’intensité, des douleurs alléguées par l’assurée. Enfin, il faut noter que le Dr Q___________ n’a pas effectivement pu intégrer, dans son appréciation, le rapport du Dr R___________ du 21 septembre 2009. En effet, ce dernier document n’a été porté (curieusement) à la connaissance de la SUVA que dans le cadre de la présente procédure de recours.

Par ailleurs, les symptômes présentés par la recourante (vertiges et céphalées durables, - voire dépression, vu l’administration précitée de Seropram) paraissent entrer dans le tableau d’un traumatisme analogue à ceux de type «coup du lapin», pour lesquels l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain est en principe reconnue, et cela même sans preuve d'un déficit fonctionnel organique (cf. ci-dessus, § 5.4). Toutefois, le médecin-conseil ne semble pas avoir investigué cette question, tout comme d’ailleurs les autres praticiens consultés. Or, la jurisprudence a posé récemment diverses exigences sur les mesures d'instruction nécessaires en matière de traumatismes de ce type et leurs suites. Elle a considéré, en particulier, qu'une expertise pluridisciplinaire est indiquée si l'état de santé de l'assuré ne présente ou ne laisse pas espérer d'amélioration notable relativement rapidement après l'accident, c'est-à-dire dans un délai d'environ six mois (ATF 134 V 109 consid. 9), comme en l’espèce.

Il conviendra dès lors de renvoyer la cause à la SUVA, afin qu’elle mette en œuvre une telle expertise (notamment rhumatologique et psychiatrique), le cas échéant dans le cadre de sa clinique de réadaptation de Sion, comme l’a en particulier proposé le Dr N___________, « en raison de la complexité du problème » (cf. son certificat du 7 octobre 2009). A ce titre, une approche pluridisciplinaire intégrant une discussion de synthèse entre les divers experts consultés qui auront accès à l'ensemble du dossier médical de l'assurée (y compris, le cas échéant, de l'assurance-invalidité) s'avère en effet nécessaire. Vu la prise de Seropram « de longue date » (selon les indications du Dr N___________ du 7 octobre 2009), il s’agira d’élucider entre autres la question de savoir si la patiente présentait une affection psychique déjà avant l’accident, et si l'événement accidentel n’a constitué en réalité que l'occasion pour cette affection de se manifester, et, dans cette dernière hypothèse, de déterminer le statu quo ante ou sine. En cas de troubles psychiques apparus après l’accident (soit en présence d'un traumatisme de type «coup du lapin» à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou d'un traumatisme cranio-cérébral), pour lesquels on peut, selon la jurisprudence, renoncer à distinguer les éléments physiques des éléments psychiques, il conviendra de déterminer le lien de causalité sur la base des critères récemment précisés par la jurisprudence en la matière (arrêt du Tribunal fédéral du 1er juillet 2008, 8C_541/2007, consid. 4.2 ; ATF 134 V 109).

Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis en ce sens que la décision sur opposition du 19 février 2010 est annulée et la cause renvoyée à la SUVA pour nouvelle décision au sens des considérants.

La recourante obtenant (partiellement) gain de cause avec l’assistance d’un avocat, une indemnité de 1’500 fr. lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA)

La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare recevable le recours.

Au fond :

L’admet partiellement et annule la décision sur opposition du 19 février 2010.

Renvoie le dossier à l’intimée pour nouvelle décision au sens des considérants.

Condamne l’intimée à verser à la recourante 1'500 fr. à titre de dépens.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Irène PONCET

 

Le Président suppléant

 

 

 

 

Jean-Louis BERARDI

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le