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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2083/2021

ATAS/680/2022 du 02.08.2022 ( LAA ) , REJETE

Recours TF déposé le 30.08.2022, rendu le 13.03.2023, REJETE, 8C_483/2022
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2083/2021 ATAS/680/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 août 2022

2ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié c/o Mme B______, à GENEVE

 

 

recourant

 

contre

SUVA - CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS, Division juridique, sise Fluhmattstrasse 1, LUZERN

 

intimée

 


EN FAIT

 

A. a. Le 6 novembre 2020, Monsieur A______ (ci-après: l'assuré, l'intéressé ou le recourant), né en 1976, a fait l'objet d'une "déclaration de sinistre LAA" de la part de la société C______ (ci-après: l'employeur), sise à Genève, auprès de laquelle il avait été engagé en qualité de livreur dès le 7 octobre 2019 par un contrat à durée indéterminée, avec occupation "irrégulière" et taux d'activité de 25 %, soit 10 heures par semaine (alors que l'horaire de travail normal dans l'entreprise était de 42 heures par semaine au plus).

La date du sinistre indiquée était le 1er mai 2020 et les faits étaient décrits comme suit :

"Depuis octobre 2019, [l'intéressé] a travaillé sans relâche jusqu'au mois de mars/avril. Il a commencé à ressentir des douleurs en bas du dos. Il a consulté son médecin traitant qui lui a donné des inflammatoires. Il a travaillé à nouveau sans relâche durant la période du mois de mars/avril. Le poids des livraisons a augmenté durant cette période ex packs d'eaux (sic). Il a consulté son médecin qui lui a à nouveau prescrit des inflammatoires et de voir un kinésithérapeute et du repos. Il a repris le travail en août et il a à nouveau senti les douleurs et il a fait une IRM a travaille (sic) et il a à nouveau senti les douleurs et il a consulté son docteur et est allé aux urgences qui lui ont dit qu'il fallait qu'il subisse une opération".

b. L'assureur-accidents compétent, à savoir la SUVA Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: la SUVA, la caisse ou l’intimée), a instruit ce cas et reçu divers documents d'ordre professionnel émanant de l'employeur, en particulier le "contrat de mission en vertu de la LSE" – loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LES – RS 823.11) et le "contrat de travail temporaire en vertu des art. 19 s LSE et 48 s OSE" – ordonnance sur le service de l’emploi et la location de services du 16 janvier 1991 (ordonnance sur le service de l’emploi, OSE – RS 823.111) – conclus en octobre 2019, ainsi que des fiches de salaire et des rapports de travail mensuels montrant les jours de travail effectif par mois avec le nombre de trajets et d'heures.

Le 18 novembre 2020 a été rempli par l'employeur le formulaire "Profil de travail description", dont il ressort ce qui suit : le travail se répartissait en des activités debout, en marchant et en "[conduite] (vélo, scooter, voiture)", et l'utilisation des deux mains était absolument nécessaire; il y avait l'utilisation d'escaliers; il fallait soulever des charges plus lourdes que 5 kg, ce à quoi s'ajoutaient la "chaleur" et le "froid". Aucune case n'était cochée sous le chapitre "Position de travail", et la case "vibrations" (sous le chapitre "divers") ne l'était pas non plus. Comme "brève description de la place de travail" était indiqué : "La place de travail d'un livreur est : - sur son vélo; - dans sa voiture; - sur son scooter; - dans les restaurants; - dans la rue; - dans l'immeuble des clients".

c. En parallèle, la SUVA a également recueilli des renseignements au plan médical.

À teneur d'un certificat du 7 septembre 2020 de la doctoresse D______, médecin traitante et médecin praticienne FMH, l'intéressé "[souffrait] d'une pathologie en lien avec son activité professionnelle, se péjorant depuis juin 2020".

Dans un rapport du 18 août 2020 faisant suite à une IRM lombaire, le docteur E______, médecin exerçant en France voisine, a conclu à une "petite discopathie bombante L4-L5".

Le 17 octobre 2020, la doctoresse F______, médecin interne du département de médecine de premier recours des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après: HUG), a attesté un "arrêt de travail pour maladie" du 17 au 23 octobre 2020.

Le 30 novembre 2020, le docteur G______, médecin exerçant en France voisine, a fait état, sur la base d'une indication de "lombalgie sur discopathie dégénérative", d'une "infiltration épidurale L4-L5 sous scanner".

Dans un "rapport initial LAA" rempli le 1er décembre 2020 et reçu le 9 décembre 2020 par la caisse, la Dresse D______ a indiqué avoir apporté les "premiers soins" le 24 juin 2020, à son patient selon les indications duquel il y avait eu, "à la suite de fréquents déplacements en voiture, apparition en mai 2020 de vives douleurs lombaires droites irradiant à la jambe droite avec sensation de fourmillements dans le pied"; à la question "Existe-t-il des circonstances particulières pouvant influencer de manière défavorable le processus de guérison (maladies antérieures, accidents, circonstances sociales, etc.) ?" était répondu négativement; les "constatations objectives" de la médecin praticienne consistaient en : "douleurs lombaires droites irradiant à la jambe droite avec paresthésies face externe du pied droit; douleur d'allure neurogène et inflammatoire, réveillant le patient la nuit"; le diagnostic était "lombo-sciatique L5 droit"; sous "thérapie" étaient notés "traitement médical par anti-inflammatoires, antalgiques et décontractants musculaires", ainsi que "repos", ce à quoi s'ajoutait l'infiltration du 30 novembre 2020 susmentionnée ; la Dresse D______ avait attesté une incapacité totale de travail du 24 juin au 6 juillet 2021 puis du 7 au 31 juillet 2020, pour cause de "maladie".

d. Sur demande du 22 décembre 2020 de son médecin-conseil, le docteur H______, spécialiste en médecine du travail, la SUVA, par un "collaborateur service extérieur care", a interrogé l’assuré le 22 janvier 2021. Selon les déclarations de ce dernier, il n'avait auparavant jamais été soigné pour des troubles maladifs ou accidentels concernant le dos; jusqu'en 2019, il avait pratiqué pendant plusieurs années de la boxe thaïlandaise puis anglaise, et il faisait "du footing" le dimanche matin ainsi que "de la condition physique" chez lui; si la déclaration d'accident indiquait qu'il était livreur à temps partiel, à 25 %, pour 10 heures hebdomadaires, dans les faits il restait assis bien plus longtemps; il commençait son travail à 8h00, jusqu'à 13h00, puis travaillait de 17h30 à 24h00, du lundi au dimanche, le mardi étant son jour de repos, soit six jours par semaine; durant les temps d'attente, il se trouvait assis au volant de sa voiture, en train d'attendre une éventuelle commande; il était possible qu'il rentre avant, selon les besoins de I______, auquel cas cela lui était notifié, par message sur l'application; il cherchait des sacs de courses (colis) auprès de magasins ou de restaurants et les amenait "porte à porte" chez les clients, parfois après avoir monté de nombreux étages sans ascenseur; il portait des sacs d'une quinzaine de kg maximum et des packs de boissons pesant une dizaine de kg la pièce (six bouteilles de 1,5 l); étant donné qu'il était payé suivant les heures de livraison, il se dépêchait de livrer pour pouvoir enchaîner une nouvelle livraison; de fait, il portait deux packs de bouteilles dans une main (douze bouteilles, pesant approximativement 20 kg); s'il n'y avait pas de place de parking, il était obligé de garer sa voiture derrière et de faire à pied le tour du pâté de maison pour monter les courses aux clients; il livrait entre dix et douze clients par jour; depuis sa reprise de travail le 1er août 2020 (après l'arrêt de travail du 24 juin au 31 juillet 2020 en raison des douleurs dorsales), il avait changé sa manière de travailler et travaillait depuis lors uniquement durant le service du matin, et il n'effectuait plus le service du soir; il avait travaillé, sans arrêt de travail, durant les mois d'août, septembre et début octobre 2020.

Par courriels du 24 janvier 2021 audit collaborateur, l'intéressé a envoyé plusieurs photographies montrant des packs de bouteilles et des sacs de courses qu'il livrait.

e. Selon l'"appréciation médicale" du 4 février 2021 du Dr H______, l'assuré, âgé de 44 ans, présentait une lombosciatalgie droite chronique sur un début de discopathie dégénérative. Son exposition professionnelle au port de charges pouvait être considéré comme faible (charge unitaire inférieure à 25 kg, activité à temps partiel) et il n'était pas clairement établi dans la littérature que la manutention de charges puisse provoquer ou accélérer la survenue d'une discopathie dégénérative qui était fréquente à partir de l'âge de 40 ans. Par ailleurs, l'exposition aux vibrations transmises au rachis n'était pas significative dans ce type d'activité de conduite automobile. Une relation de causalité nettement prépondérante entre les expositions professionnelles de l'intéressé et cette lombalgie chronique ne pouvant pas être retenue, il n'était pas possible de reconnaître une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 2 de la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20). Le refus du cas était donc proposé.

f. La SUVA ayant annoncé par pli du 4 février 2021 à l'assuré qu'elle ne pourrait pas allouer des prestations pour le cas déclaré, celui-ci a, par lettre du 8 février 2021, fait valoir que le travail était la cause principale de son traumatisme et de ses douleurs au dos.

g. Par courriel du 23 février 2021, l'intéressé a transmis à la caisse un "rapport initial LAA SUVA (07.12.2020)" établi par la Dresse D______, ainsi qu'une "ordo infiltration lombaire en France (16.11.2020)", ces deux documents figurant informatiquement dans une page dont la date en bas est le 22 février 2021 à 1h57.

À teneur dudit rapport, le patient était sportif et en bonne santé habituelle. Était diagnostiqué "Juin20 Lombalgies-lumbago avec sciatalgies L5 S1 droites, EVA 3 à 4/10", puis, entre autres, noté : "Travaille comme livreur (repas), dit avoir [beaucoup] travaillé pendant le confinement – Vives douleurs lombaires après une journée de travail et déplacements en voiture – Douleurs réveillant le patient la nuit – Paresthésies face externe pied droit – Pas d'antécédents connus de maladie inflammatoire du dos ni antécédents dans la famille".

B. a. Par courriel du 24 février 2021, l'assuré a demandé de la SUVA le prononcé d'une décision formelle sur son cas.

b. Selon avis du 16 mars 2021 de la doctoresse J______, également médecin au service de la SUVA, le dernier rapport de la Dresse D______ n'apportait aucun élément nouveau, et, même si les plaintes de l'assuré pouvaient être en lien avec le port de charges lourdes dans le cadre de son métier de livreur, les critères de reconnaissance d'une maladie professionnelle selon l'art. 9 al. 2 LAA n'étaient pas remplis; il convenait, pour les détails, de se référer à l'appréciation de début février 2021 du Dr H______.

c. Par décision du 29 mars 2021, la caisse a refusé d'allouer des prestations à l'intéressé, aucune des conditions requises pour leur octroi par l'art. 9 al. 1 et 2 LAA n'étant remplie dans le cas présent "au vu de la situation".

d. Par opposition du 6 avril 2021, l'assuré a conclu à la reconnaissance d'une maladie professionnelle.

e. Par décision sur opposition rendue le 18 mai 2021, la SUVA a rejeté cette opposition et a confirmé sa décision du 29 mars 2021.

C. a. Par acte déposé le 17 juin 2021 au greffe de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après: la chambre des assurances sociales ou la chambre de céans), l'assuré a interjeté recours contre cette décision sur opposition, sollicitant un délai supplémentaire pour "préparer [sa] défense contre la SUVA", l'octroi de l'assistance juridique et, sur le fond, la mise en œuvre d'une expertise par un médecin désigné par la chambre de céans ainsi que l'annulation de ladite décision sur opposition, "unilatérale et non convenue", et – implicitement – la prise en charge de son cas de problèmes de dos (tel que décrit plus haut) par l'assurance-accidents.

Selon les allégations du recourant, après son arrêt maladie intervenu jusqu'à fin juillet 2020, il avait "repris son travail malgré tout". Le 17 octobre 2020, en travaillant, il avait eu des douleurs très fortes; sur conseil de médecin, il était allé aux urgences des HUG, où, après examen, la Dresse F______ – outre un certificat d'arrêt maladie du 17 au 23 octobre 2020 – lui avait prescrit "un traitement très fort", qui comprenait même du Tramadol et du Tizadinine, et l'avait informé qu'elle parlerait avec la Dresse D______ d'une éventuelle infiltration. Celle-ci avait, le 16 novembre 2020, établi une "ordonnance pour une infiltration de cortisone région lombaire L4-L5", infiltration qui avait été réalisée le 30 novembre 2020 avec succès.

b. Par décision du 9 juin 2021 de la vice-présidente du Tribunal de première instance, l'assistance juridique a rejeté la requête d'assistance juridique déposée le 21 mai 2021 par l'intéressé, ce dont ce dernier a informé la chambre des assurances sociales par écrit du 16 juin 2021.

c. Par pli du 22 juin 2022, la chambre de céans a accordé au recourant un délai au 10 août 2021 pour compléter son recours.

Le 16 août 2021, l'assuré a – implicitement – fait part à la chambre des assurances sociales que ce qu'il ferait "[dépendait] d'une réponse à [son] recours de la part de la Cour de justice".

d. Dans sa réponse du 14 septembre 2021, l'intimée a conclu au rejet du recours.

e. Par réplique datée du 21 septembre 2021 mais déposée le 27 septembre suivant – puis transmise pour information le 1er octobre 2021 à la caisse –, le recourant a persisté dans les conclusions du recours, faisant notamment valoir que sa pathologie du dos avait un lien avec son activité professionnelle selon l'art. 9 al. 1 et 2 LAA, ce qui devait conduire à condamner la SUVA à "prendre en charge [sa] pathologie comme prévu par la loi".

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la LAA.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

La modification du 21 juin 2019 de la LPGA est entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Elle est ainsi applicable, dès lors que le recours a été interjeté postérieurement à cette date (art. 82a LPGA a contrario).

3.             Interjeté dans la forme et le délai - de trente jours - prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et et 62 ss de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA-GE - E 5 10]).

4.             Le présent litige porte sur la question de savoir si l'intimée doit, au titre de l'assurance-accidents soumise à la LAA, prendre en charge le cas annoncé le 6 novembre 2020 par l'employeur du recourant.

5.              

5.1 Aux termes de l'art. 6 LAA, si ladite loi n'en dispose pas autrement, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

Les prestations que l'assureur-accidents doit, cas échéant, prendre en charge comprennent le traitement médical approprié des lésions résultant de l'accident (art. 10 al. 1 LAA), les indemnités journalières en cas d'incapacité de travail partielle ou totale consécutive à l'accident (art. 16 LAA), la rente en cas d'invalidité de 10 % au moins par suite d'un accident (art. 18 al. 1 LAA), ainsi qu'une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité si l'assuré souffre par suite de l'accident d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique (art. 24 al. 1 LAA).

5.2 En vertu de l'art. 9 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux, le Conseil fédéral établissant la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent (al. 1). Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (al. 2). Sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s’est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (art. 6 LPGA; al. 3).

5.3 L'art. 14 de l'ordonnance sur l'assurance-accidents du 20 décembre 1982 (OLAA - RS 832.202) – intitulé "maladies professionnelles" – précise que les substances nocives et les maladies dues à certains travaux au sens de l’art. 9 al. 1 de la loi sont énumérées à l’annexe 1. Le Conseil fédéral a dressé dans ladite annexe 1 (intitulée "maladies professionnelles"), d'une part, la liste des substances nocives (ch. 1), d'autre part, la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent (ch. 2).

Conformément à l’art. 9 al. 1 LAA, la maladie doit être due exclusivement ou de manière prépondérante aux substances nocives ou aux travaux considérés. Dès lors, l’exigence d’une relation prépondérante est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50 % à l’action de la substance nocive ou à l’un de ces travaux (ATF 119 V 200 consid. 2a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_306/2014 du 27 mars 2015 consid. 3).

5.4 L'art. 9 al. 2 LAA constitue une clause générale visant à combler les lacunes qui pourraient résulter de ce que la liste dressée par le Conseil fédéral à l'annexe 1 de l'OLAA ne mentionne pas une substance nocive qui a causé une maladie ou une maladie causée par l'exercice de l'activité professionnelle. Selon la jurisprudence, la condition d'un lien exclusif ou nettement prépondérant au sens de l'art. 9 al. 2 LAA - parfois appelé causalité qualifiée - n'est réalisée que si la maladie a été causée à 75 % au moins par l'exercice de l'activité professionnelle. Le Tribunal fédéral a précisé que ce taux de 75 % signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d'une profession déterminée, qu'il doit être démontré, sur la base des statistiques épidémiologiques ou des expériences cliniques, que les cas de lésions pour un groupe professionnel déterminé sont quatre fois plus nombreux que ceux enregistrés dans la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_516/2020 du 3 février 2021 consid. 3.2.1 et 3.2.2 et les références). Cette condition vise à ne pas affaiblir la distinction entre une maladie au sens de l'assurance-maladie et une maladie professionnelle selon la LAA. Il est ainsi exigé que l'assuré soit exposé à un risque professionnel typique, pendant une certaine durée (ATF 126 V 183 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5). Un lien possible entre l'affection et l'activité professionnelle ne présage en rien de l'existence d'un lien de causalité qualifiée au sens de l'art. 9 al. 2 LAA (arrêt du Tribunal fédéral 8C_757/2018 du 28 mars 2019 consid. 4.4; ATAS/933/2021 du 14 septembre 2021 consid. 7c).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si une affection est une maladie professionnelle au sens de l'art. 9 al. 2 LAA est d'abord une question relevant de la preuve dans un cas concret. Cependant, s'il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu'en raison de la nature d'une affection particulière, il n'est pas possible de prouver que celle-ci est due à l'exercice d'une activité professionnelle, il est hors de question d'apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l'art. 9 al. 2 LAA (ATF 126 V 183 consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 8C_415/2015 du 24 mars 2016 consid. 3.2 et 8C_507/2015 du 6 janvier 2016 consid. 2.2), étant précisé que la question de savoir si l’exigence d’une relation exclusive ou nettement prépondérante est remplie doit être appréciée au vu de données épidémiologiques médicalement reconnues (Jean-Maurice FRÉSARD / Margrit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire [avec des aspects de l'assurance militaire], in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3ème éd., 2016, n. 164). En d'autres termes, dans la mesure où la preuve d'une relation de causalité qualifiée (d'au moins 75 %) selon l'expérience médicale ne peut pas être apportée de manière générale (par exemple en raison de la propagation d'une maladie dans l'ensemble de la population, qui exclut la possibilité que la personne assurée exerçant une profession particulière soit affectée par une maladie au moins quatre fois plus souvent que la population moyenne), l'admission de celle-ci dans le cas particulier est exclue. En revanche, si les connaissances médicales générales sont compatibles avec l'exigence légale d'une relation causale nettement prépondérante, voire exclusive, entre une affection et une activité professionnelle déterminée, il subsiste alors un champ pour des investigations complémentaires en vue d'établir, dans le cas particulier, l'existence de cette causalité qualifiée (ATF 126 V 183 consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 8C_73/2017 du 6 juillet 2017 consid. 2.2 et 8C_746/2012 précité consid. 5; Jean-Maurice FRÉSARD / Margrit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 164).

5.5 S'agissant des atteintes lombaires, qui tombent sous le coup de la clause générale de l'art. 9 al. 2 LAA, le Tribunal fédéral a, dans plusieurs arrêts, souligné que plusieurs études médicales permettaient de conclure que des travaux corporels lourds représentaient un facteur étiologique significatif dans le développement de tels troubles, mais pas dans une proportion statistique démontrant une fréquence quatre fois plus élevée que pour l'ensemble de la population, ceci concernant, notamment, un employé de la Poste, comme, sur la base de connaissances médicales, un ouvrier du bâtiment, un conducteur de machine de chantier et un maçon (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 337/2001 du 27 août 2003 consid. 3; ATF 116 V 136 consid. 5c), aussi un employé de bureau (faute de base épidémiologique dans cette profession; arrêt du Tribunal fédéral 8C_91/2007 du 26 janvier 2008 consid. 3.1), un plâtrier (arrêt du Tribunal fédéral 8C_1029/2009 du 11 janvier 2010 consid. 2.2.2), une vendeuse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_746/2012 du 29 octobre 2012 consid. 5; cf. aussi Jean-Maurice FRÉSARD / Margrit MOSER-SZELESS, op. cit., n. 167), et également, selon la chambre de céans et sur la base d'études médicales, un bagagiste (ATAS/933/2021 précité consid. 10). On peut encore ajouter que d’après la littérature médicale, les modifications dégénératives de la colonne vertébrale apparaissent selon l'expérience après une durée d'exposition au risque d'environ dix ans (cf. la référence citée au consid. 3 de l'arrêt U 337/2001 précité).

Notre Haute Cour a précisé s'agissant des troubles musculo-squelettiques ("TMS") que selon les études, ils constituent une pathologie très répandue, et leur survenance est fonction de facteurs de risque individuels (âge, genre, latéralité et antécédents médicaux) et environnementaux, à savoir des contraintes biomécaniques dues à l'activité professionnelle et des facteurs psycho-sociaux liés au travail (insatisfaction quant aux conditions de travail, pression des délais, relations de travail dégradées, etc.) ou extra-professionnels. En tant que maladies à composante professionnelle, les troubles musculo-squelettiques procèdent néanmoins d'une multitude de facteurs, notamment psychologiques et anamnestiques, sur la base desquels il y a lieu d'écarter toute éventualité qu'ils aient été causés exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l'exercice de l'activité, en l'occurrence caissière dans un grand magasin (arrêt du Tribunal fédéral 8C_415/2015 précité consid. 6.1 et 6.2).

Les troubles de la santé associés au travail, qui sont certes souvent mis en lien avec le travail mais sont généralement d'origine multifactorielle et ne remplissent dès lors pas les critères de causalité prévus par la loi, ne tombent pas sous la définition des maladies professionnelles. Parmi ces troubles figurent ceux qui surviennent souvent en lien avec des travaux répétitifs, mais ne reposent pas sur une lésion démontrée (repetitive strain injuries) ou correspondent à des dégénérescences causées par l'âge ou le stress, tels que les maux de tête ou les douleurs dorsales (Andreas TRAUB, in Basler Kommentar zum UVG, 2019, n. 12 ad art. 9 LAA; ATAS/933/2021 précité consid. 9c).

6.              

6.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 ; ATF 126 V 353 consid. 5b ; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

6.2 La plupart des éventualités assurées (par exemple la maladie, l'accident, l'incapacité de travail, l'invalidité, l'atteinte à l'intégrité physique ou mentale) supposent l'instruction de faits d'ordre médical. Or, pour pouvoir établir le droit de l'assuré à des prestations, l'administration ou le juge a besoin de documents que le médecin doit lui fournir (ATF 122 V 157 consid. 1b). Pour apprécier le droit aux prestations d’assurances sociales, il y a lieu de se baser sur des éléments médicaux fiables (ATF 134 V 231 consid 5.1).

En particulier, et selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (art. 61 let. c LPGA; ATF 125 V 351 consid. 3), pour constater l'existence d'une atteinte à la santé en lien avec l'exercice d'une activité professionnelle, le juge doit se fonder sur des rapports médicaux auxquels on peut attribuer un caractère probant suffisant selon la jurisprudence. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation comme rapport ou comme expertise, mais bien son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2019 du 18 novembre 2020 consid. 3.2 et 3.2.1).

6.3 Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

Le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

Une appréciation médicale, respectivement une expertise médicale établie sur la base d'un dossier n’est pas en soi sans valeur probante. Une expertise médicale établie sur la base d'un dossier peut avoir valeur probante pour autant que celui-ci contienne suffisamment d'appréciations médicales qui, elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (RAMA 2001 n° U 438 p. 346 consid. 3d). L’importance de l’examen personnel de l’assuré par l’expert n’est reléguée au second plan que lorsqu’il s’agit, pour l’essentiel, de porter un jugement sur des éléments d’ordre médical déjà établis et que des investigations médicales nouvelles s’avèrent superflues. En pareil cas, une expertise médicale effectuée uniquement sur la base d’un dossier peut se voir reconnaître une pleine valeur probante (arrêt du Tribunal fédéral 8C_681/2011 du 27 juin 2012 consid. 4.1 et les références).

En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52 ; 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; SVR 2008 IV n. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_751/2010 du 20 juin 2011 consid. 2.2).

6.4 Au surplus, si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a ; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst. ; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b ; ATF 122 V 157 consid. 1d).ss

7.              

7.1 En l'espèce, le recourant ne fait pas valoir la survenance d'un accident – professionnel ou non professionnel – au sens des art. 6 al. 1 ainsi que 7 et 8 LAA, étant précisé qu'en vertu de l'art. 4 LPGA, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort.

L'intéressé ne se prévaut pas non plus d'une des lésions corporelles assimilées à un accident et faisant l'objet de la liste de l'art. 6 al. 2 LAA. Au demeurant, selon la jurisprudence, – même – un lumbago (ou lombalgie aiguë) et une hernie discale ne peuvent pas être considérés comme des lésions corporelles assimilées à un accident, ce qui est conforme à la loi et à la Constitution (ATF 116 V 145; ATAS/46/2018 du 23 janvier 2018).

Les conditions à l'existence d'une maladie professionnelle posées par l'art. 9 al. 1 LAA ne sont pas non plus réalisées ici, aucune substance nocive n'étant incriminée et les problèmes de dos invoqués par l'assuré ne figurant pas dans la liste du ch. 2 de l'annexe 1 de l'OLAA.

7.2 Il reste dès lors à déterminer si ces problèmes pourraient relever d'une maladie professionnelle telle que prévue par l'art. 9 al. 2 LAA.

7.2.1 Par décision – initiale – du 29 mars 2021, la caisse a refusé d'allouer des prestations à l'intéressé, aucune des conditions requises pour leur octroi par l'art. 9 al. 1 et 2 LAA n'étant d'après elle remplie dans le cas présent "au vu de la situation".

Dans son opposition, l'assuré s'est prévalu de l'avis du docteur K______ – responsable de la division Travail et santé du Secrétariat d'Etat à l'économie (ci-après: SECO) à une certaine époque comme mentionné dans un article de journal consulté d'office sur internet par la chambre de céans le 22 juillet 2022 (article du journal Le Temps du 8 décembre 2000 intitulé "Une maladie professionnelle encore mal reconnue et nommée TSM [recte: TMS]", in https://www.letemps.ch/economie/une-maladie-professionnelle-mal-reconnue-nommee-tsm) – et a cité des assertions de ce spécialiste au sujet des "troubles musculo-squelettiques d'origine professionnelle" (TMS), sans toutefois en indiquer la source précise de sa citation. Notamment, à teneur de ladite citation, "une étude genevoise sur le personnel de transport, de la vente, présentée lors de cette journée, établit que 40 % se plaignent de douleurs à la nuque, de dos et 27 % des absences de longue durée sont dues à ce genre de troubles".

L'intimée, dans sa décision sur opposition querellée, s'est fondée sur l'appréciation de son médecin-conseil, le Dr H______, du 4 février 2021. D'après elle, le fait que la Dresse D______ estime, sans fournir aucun élément, que les troubles de l'assuré étaient liés au travail ne permettait pas de douter du fondement de l'analyse effectuée par le Dr H______; le 16 mars 2921, la Dresse J______ avait d'ailleurs confirmé l'avis de ce médecin-conseil et précisé que, même si les plaintes de l'assuré pouvaient être en lien avec le port de charges lourdes dans le cadre de son métier de livreur, les critères de reconnaissance d'une maladie professionnelle selon l'art. 9 al. 2 LAA n'étaient pas remplis. Les chiffres évoqués par l'intéressé dans son opposition – l'avis du Dr K______, l'"étude genevoise sur le personnel de transport, de la vente" susmentionnée et une enquête du "Syndicat de la construction (SIB)" menée auprès de deux cents de ses membres – démontraient que son argumentation se trouvait loin des principes de droit en vigueur en Suisse.

Dans son recours (juin 2021) et sa réplique (septembre 2021), le recourant se prévaut de sa bonne foi face à la malhonnêteté de l'intimée. Selon lui, les médecins liés à la SUVA, bien rémunérés par cette dernière, seraient, en cas de doute, plutôt enclins à se prononcer toujours en faveur de la position de celle-ci, de sorte que l'on ne saurait se fonder exclusivement sur leurs conclusions. Sur le fond, il décrit sa prise en charge médicale, de même que ses journées de travail comme livreur depuis 2019, relevant en outre avoir travaillé de 2012 à 2018 en France en tant que facteur à vélo et avoir été en bonne santé jusqu'à sa prise d'emploi auprès de l'employeur. D'après lui, sa pathologie, à savoir une discopathie qui est "une détérioration progressive des disques intervertébraux, c'est-à-dire des disques situés entre deux vertèbres de la colonne vertébrale" (selon la définition de https://www.passeportsante.net/fr/Maux/Problemes/Fiche.aspx?doc=discopathie, qu'il cite), a été causée par son travail depuis 2019, en raison des "cinq éléments prépondérants" suivants : 1. conduite pendant 10 heures au minimum par jour; 2. charges lourdes; 3. vibrations et mauvaises postures au long de la journée; 4. mauvaise posture en entrant et sortant; 5. livraison dans plusieurs immeubles sans ascenseur avec montée de plus de trois étages.

7.2.2 Aucune contribution de la littérature médicale n'est dans le cas présent invoquée par la SUVA à l'appui de sa position. Néanmoins, d'après son médecin-conseil, il n'est pas clairement établi par la littérature que la manutention de charges puisse provoquer ou accélérer la survenue d'une discopathie dégénérative, qui est fréquente à partir de l'âge de 40 ans.

Quoi qu'il en soit, rien ne permet de penser que la science médicale aurait évolué avec des conclusions en faveur de la thèse de l'assuré, depuis les arrêts du Tribunal fédéral qui ont été cités plus haut et selon lesquels, sur la base de connaissances médicales, des travaux corporels lourds représentaient un facteur étiologique significatif dans le développement de troubles lombaires, mais pas dans une proportion statistique démontrant une fréquence quatre fois plus élevée que pour l'ensemble de la population.

Au demeurant, le recourant ne démontre aucunement, même par les "cinq éléments prépondérants" qu'il invoque, que son métier de livreur serait plus exposé au risque de développer des atteintes lombaires que, notamment, les professions d'employé de la Poste, d'ouvrier du bâtiment, de conducteur de machine de chantier, de maçon et de plâtrier. Rien ne permet de supposer que le fait – allégué par l'intéressé mais non établi – d'être exposé à des vibrations du seul fait de la conduite d'une voiture pendant un nombre important d'heures rendrait quatre fois plus élevé le risque d'apparition ou même d'aggravation de troubles dorsaux que pour l'ensemble de la population.

Sous l'angle de l'examen du cas concret, aucun élément – factuel – du dossier n'est susceptible de mettre en doute l'appréciation (du 4 février 2021), relativement circonstanciée, du médecin-conseil de la caisse, le Dr H______, quand bien même celui-ci n'a pas examiné personnellement l'intéressé. En particulier, ce médecin-conseil et, par la suite, la Dresse J______ se sont prononcés sur la base de l'audition de l'assuré par un collaborateur de la SUVA le 22 janvier 2021, ainsi que sur la base de l'ensemble des rapports émanant des médecins qui ont suivi et examiné le recourant. Or, aucun de ces médecins n'a fait état d'un lien de causalité entre la profession de livreur de celui-ci et l'atteinte dorsale, hormis la Dresse D______, médecin traitant. Cette dernière n'a toutefois pas motivé de manière circonstanciée l'existence d'un tel lien de causalité, se référant en grande parties aux dires de son patient ainsi qu'à la concomitance temporelle entre le travail de celui-ci auprès de l'employeur et l'apparition et le développement de ses troubles lombaires. De son côté, le Dr E______ a qualifié de "petite" la "discopathie bombante L4-L5", et le Dr G______ a quant à lui noté, sous "indication", "lombalgie sur discopathie dégénérative".

Par surabondance, une négation d'un lien exclusif ou nettement prépondérant au sens de l'art. 9 al. 2 LAA entre l'exercice de la profession de livreur de l'intéressé et son atteinte lombaire s'impose d'autant plus qu'au moment de la péjoration de sa pathologie dorsale au mois de juin 2020, l'assuré n'exerçait son métier de livreur que depuis environ huit mois (depuis son engagement le 7 octobre 2019), ce qui conduit à douter que soit remplie la condition d'une certaine durée de l'exercice de la profession alléguée comme étant à risque. Au surplus, il s'agissait d'un emploi qui devait être exercé, selon le contrat, au taux d'activité de 25 %, le fait que, de par sa propre volonté, l'assuré restait plus longtemps que ce 25 % dans sa voiture ne pouvant pas être mis à la charge de l'assurance-accidents. Enfin, au regard de ce taux d'activité, le recourant devait en tout état de cause avoir le temps d'accomplir ses livraisons dans des temps et des conditions qui permettent d'économiser les efforts sur son dos; notamment, le fait que, d'après ses déclarations du 22 janvier 2021 devant le collaborateur de la SUVA, l'assuré portait des poids jusqu'à 20 kg par bras – ce qui paraît effectivement relativement lourd –, pour la raison qu'il se dépêchait de livrer pour pouvoir enchaîner une nouvelle livraison, n'était pas exigé par sa relation contractuelle avec l'employeur; du reste, à teneur du "contrat de mission en vertu de la LSE" cité plus haut : "Le travailleur temporaire choisit ses horaires de travail dans un planning et son travail effectif est validé dans un rapport mensuel de travail. Le travailleur peut en tout temps refuser de faire une course et décider librement de ses inscriptions au planning, ainsi que de ses heures de fin de service. Dans la mesure où le travailleur peut lui-même fixer le travail qu'il veut fournir aucune indemnité n'est prévue pour un travail non fourni: seul le travail effectivement accompli sera payé".

7.2.3 Vu ce qui précède, il n'est pas prouvé que l'affection au dos invoquée par le recourant – certes douloureuse – aurait été causée exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de son activité professionnelle de livreur, au sens de l'art. 9 al. 2 LAA, ce qui exclut toute prise en charge de ce cas par l'assurance-accidents.

7.2.4 L'éventuelle mise en œuvre d'une expertise médicale ou toutes autres mesures d'instruction complémentaires ne pourraient en aucun cas remettre en cause cette conclusion, dans la mesure où les considérants qui précèdent ne laissent aucune place à la possibilité ou l'hypothèse d'un lien de causalité au sens de la loi et de la jurisprudence.

8.             En définitive, la décision sur opposition querellée est conforme au droit et le recours sera rejeté.

9.             La procédure est gratuite (art. 89H al. 1 LPA et vu l'art. 61 let. fbis LPGA).

 

***


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        Le rejette.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le