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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3037/2011

ATAS/68/2012 du 01.02.2012 ( LAA ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3037/2011 ATAS/68/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 1er février 2012

5ème Chambre

 

En la cause

Madame H___________, domiciliée à Meyrin, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Philippe CHAULMONTET

 

recourante

 

contre

BÂLOISE ASSURANCE, sise à 4002 Basel, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Christian GROSJEAN

 

intimée

 


EN FAIT

Madame H___________ (ci-après l'assurée), née en 1958, est secrétaire dans une étude d'avocats. A ce titre, elle est assurée contre les maladies professionnelles et les accidents auprès de BÂLOISE ASSURANCE SA (ci-après l'assurance).

Le 17 janvier 2011, le Dr L__________, médecin-dentiste, a adressé un devis à l'assurance pour un montant de 1'644 fr. 30 relatif à des soins devant être prodigués pour deux fractures de couronnes sans lésion de la pulpe. Il ressort notamment dudit devis que le dentiste a examiné l'assurée en date du 20 octobre 2010, et que celle-ci lui a indiqué que les lésions étaient survenues lors d'un accident le 15 octobre 2010. Une des dents concernées (dent n°5) avait déjà fait l'objet de réparations par le passé.

Le 31 mars 2011, l'employeur de l'assurée a déclaré l'accident de l'assurée survenu le vendredi 15 octobre 2010 dans un restaurant. L'assurée a expliqué ceci: "Le soir au restaurant à Genève, me suis cassé une dent sur noyau d'olive impossible à prévoir dans un guacamole (dont la recette comporte de l'avocat, de la tomate, des oignons, mais pas d'olives). Ai pris photo du noyau cassé émietté par mes dents". Sous la rubrique Partie du corps atteinte, l'assurée a indiqué "deux dents".

Par courrier du 15 mai 2011, l'employeur de l'assurée a fait parvenir à l'assurance le formulaire de déclaration rempli par celle-ci, invoquant un retard dans la gestion de ses affaires administratives en raison de la grossesse d'une de ses collaboratrices. Il y a joint un lot de clichés de la dentition de l'assurée et les photographies du noyau ayant entraîné les lésions, ajoutant que la notion d'accident était indiscutable dans la mesure où l'olive n'est pas un ingrédient du guacamole.

Par courrier du 16 juin 2011, la gérante du restaurant X__________ a indiqué à l'assurance qu'elle n'avait pas connaissance du sinistre annoncé, et que le personnel de service ne se souvenait pas qu'un tel problème ait été signalé. Elle a précisé que le restaurant préparait le guacamole sans olives mais qu'un de ces fruits était posé en guise de décoration sur une cuillerée de crème fraîche sur la purée, de sorte qu'il était bien visible.

Par décision du 24 juin 2011, l'assurance a refusé de prendre en charge les suites de l'événement du 15 janvier 2010, considérant que celui-ci ne constituait pas un accident. Elle a souligné que le guacamole contenait une seule olive entière, bien en évidence sur la crème fraîche, et que sa présence n'avait dès lors pas de caractère extraordinaire.

L'assurée s'est opposée à la décision le 18 août 2011. Elle a réaffirmé que l'olive n'entrait pas dans la composition du guacamole, et a produit plusieurs recettes de ce mets ne mentionnant pas d'olive. Il était dès lors insolite d'en trouver une cachée dans la purée d'avocat, ce d'autant plus qu'il ne s'agissait pas d'un fruit courant dans la cuisine mexicaine. La présence d'une olive dans son guacamole pouvait résulter d'une pollution des ingrédients de base ou d'une maladresse dans les cuisines du restaurant.

L'assurance a écarté l'opposition par décision du 31 août 2011. Après avoir rappelé la définition de l'accident, elle a souligné que le caractère extraordinaire de l'atteinte concerne le facteur extérieur en tant que tel et non ses effets. Elle a ajouté que la jurisprudence en matière de lésions dentaires était très stricte, s'agissant du fardeau de la preuve, et qu'elle admettait le caractère accidentel d'une fracture de dent lorsqu'elle s'était produite au contact d'un élément dur extérieur à l'aliment consommé. Tel n'était par exemple pas le cas lorsque la dent s'était brisée en consommant une pizza avec des olives. En l'espèce, il ressortait des explications fournies par le restaurant que l'olive ne s'était pas trouvée dans la purée d'avocat, mais qu'elle avait été posée entière dessus. Elle avait donc été tout à fait reconnaissable et l'assurée était tenue d'y prêter attention.

Par acte du 3 octobre 2011, l'assurée a interjeté recours contre la décision de l'assurance. Elle conclut, sous suite de dépens, à l'annulation des décisions de l'intimée et au renvoi du dossier pour instruction et décision sur les frais médicaux consécutifs à l'accident. Elle allègue s'être cassé une dent sur un noyau d'olive qui se trouvait dans le guacamole et était donc invisible, et ajoute que cette recette ne contient en principe pas d'olive. Elle affirme qu'elle ne mange jamais les olives utilisées en garniture des plats qu'elle consomme, et n'a dès lors pu se blesser qu'avec le noyau contenu dans la préparation. Elle ne pouvait prévoir la présence d'une olive et a fortiori d'un noyau d'olive, soit un déchet alimentaire, dans son guacamole, et l'événement est donc de nature accidentelle. Son compagnon avait d'ailleurs pris une photographie du noyau qui s'était broyé sous sa dent, et on distingue sur les clichés le noyau broyé ainsi qu'une olive de décoration entière. Ces photographies démontrent qu'elle n'a pas mangé l'olive posée en décoration. L'argumentation de l'intimée, selon laquelle elle s'est blessée en mangeant l'olive de garniture bien visible, tombe à faux. Elle n'a cependant pas informé le personnel du restaurant car elle ne ressentait pas de douleurs et ne voulait pas manquer le début du film qu'elle était venue voir. Elle souligne que le fait qu'elle n'ait pas annoncé l'incident au restaurant est sans portée, puisqu'elle n'a pas l'obligation de procéder à une telle annonce et qu'elle n'en voyait pas l'utilité au vu du caractère de prime abord bénin de l'accident, notamment en l'absence de douleurs. Elle ajoute que le traitement dentaire n'est pas terminé. La recourante allègue encore que les cas dans lesquels le Tribunal fédéral a admis un accident de mastication concernent comme en l'espèce la présence d'un corps étranger insolite dans un aliment. Elle reproche à l'intimée d'avoir conduit l'instruction de manière unilatérale, et d'en avoir tiré des conclusions erronées la contraignant à saisir la Cour de céans, ce qui aurait pu être évité. Cette attitude, qu'elle considère à la limite du déni de justice, doit être prise en compte lors de la fixation des dépens.

Dans sa réponse du 25 octobre 2011, l'intimée conclut au rejet du recours. Elle relève que la déclaration d'accident a été remplie le 31 mars 2011, soit plus de cinq mois après l'accident, et n'a été envoyée que le 15 mai 2011. Elle soutient que la recourante n'est pas constante dans ses déclarations, puisqu'elle a indiqué dans son recours s'être cassé une dent sur un noyau d'olive alors qu'elle a parfois fait état de la présence d'une olive entière dans le guacamole, et qu'elle affirme s'être cassé deux dents dans la déclaration alors qu'elle ne mentionne qu'une seule dent brisée dans le recours. L'intimée allègue qu'il est quasiment impossible qu'un noyau d'olive se soit trouvé dans le guacamole dès lors que l'olive est servie non dénoyautée en décoration. Il serait étonnant que la recourante se soit cassé une ou deux dents sans en avertir le personnel du restaurant, et qu'elle n'ait souffert d'aucune douleur à la suite de cet événement. L'intimée considère qu'aucun élément de fait ne permet d'établir que la fracture de la ou des dents se serait produite le 15 octobre 2010, notamment en raison de l'absence de douleurs. De plus, en application de la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle la présence d'un corps dur est prévisible dans le cas d'une pizza contenant des olives ou d'une tarte aux cerises confectionnée par un assuré, il y a lieu d'admettre que selon l'expérience générale, on peut s'attendre à ce qu'une olive ne soit pas dénoyautée lorsqu'elle est présentée en décoration sur un plat.

Dans ses déterminations du 21 novembre 2011, la recourante soutient qu'il n'est pas étonnant que le personnel du restaurant n'ait pas eu connaissance de l'événement, puisqu'elle ne l'en a pas informé. Elle répète que ce n'est pas le noyau de l'olive de la décoration qui a entraîné sa lésion, mais celui qui était caché dans la purée d'avocat. Elle soutient que la jurisprudence citée par l'intimée se réfère à une situation différente de son cas, et que le Tribunal fédéral admet par exemple la nature accidentelle d'une lésion causée par un noyau d'olive se trouvant dans un pain réalisé avec le contenu d'un sachet d'olives dénoyautées acquis auprès d'un grand distributeur. Si une lésion doit être prise en charge par l'assureur-accidents lorsqu'elle est entraînée par la consommation d'olives supposées être dénoyautées, elle doit a fortiori l'être lorsque le plat n'est pas censé contenir de tels fruits, abstraction faite de ceux utilisés en garniture. En effet, elle ne pouvait prévoir la présence d'un tel corps étranger.

Par courrier du 5 décembre 2011, la Cour de céans a requis de la recourante la production des tirages originaux en couleur des photographies qu'elle avait déjà communiquées dans la procédure d'opposition.

La recourante s'est exécutée par courrier du 16 décembre 2011, en précisant que le noyau était caché dans les ingrédients grossièrement hachés de la préparation. Elle a également joint à son envoi une recette de guacamole ne prévoyant pas l'intégration d'olives, et des images de ce met trouvées sur Internet. La première photographie produite est celle d'un nacho recouvert de guacamole, à côté d'une serviette sur laquelle se trouvent une olive entière et un noyau d'olive partiellement couvert de morceaux d'olive et de guacamole, ainsi que deux éclats de noyau. La deuxième photographie est une vue de détail à plus grande échelle du premier cliché.

L'intimée s'est déterminée le 19 décembre 2011. Elle persiste dans ses conclusions et souligne qu'on ignore à quelle date ont été prises les photographies transmises par la recourante, sur lesquelles on distingue trois olives entières, dont l'une a été mangée (sic). Elle affirme que cela contredit les déclarations de la recourante qui a indiqué ne jamais manger d'olives de décoration, et démontre que cette dernière a en réalité mordu dans une olive entière posée en décoration sur le guacamole.

Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 134 al. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît des recours contre les décisions du Tribunal administratif de première instance relatives aux assurances complémentaires à l’assurance-accidents obligatoire prévue par la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA; RS 832.20), relevant de la loi fédérale sur la contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA; RS 221.229.1).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Interjeté dans les forme et délai légaux, le recours est recevable (art. 56ss LPGA).

Le litige porte sur le point de savoir si les fractures dentaires de la recourante sont d'origine accidentelle.

Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique ou mentale ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Il résulte de la définition même de l'accident que le caractère extraordinaire de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de quotidiens ou d'habituels (ATF 129 V 402, consid. 2.1; ATF 122 V 230, consid. 1).

Le bris d'une dent lors d'une mastication normale est réputé accidentel lorsqu'il s'est produit au contact d'un élément dur extérieur à l'aliment consommé, de nature à causer la lésion incriminée. La dent ne doit pas nécessairement être parfaitement saine, il suffit qu'elle remplisse normalement sa fonction (ATF 114 V 169, consid. 3b).

Une lésion dentaire causée par un objet, qui ne se trouve habituellement pas dans l'aliment consommé, est de nature accidentelle (SVR 1999 UV n° 9 p. 28, consid. 3c/cc; RUMO-JUNGO, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 3ème édition, ad art. 6, ch. IV 1d, p. 26). Le Tribunal fédéral a ainsi admis l'existence d'une cause extérieure extraordinaire et par conséquent le caractère accidentel du bris d'une dent sur un fragment de coquille se trouvant dans du pain aux noix, au motif que cet aliment n'est pas supposé contenir de tels esquilles et que la présence de ce résidu peut partant, être considérée comme un facteur exceptionnel (RAMA 1988 n° K 787 p. 419). La même conclusion s'impose lorsque la fracture de la dent résulte de la consommation d'un pain confectionné à base d'olives dénoyautées achetées chez un grand distributeur. Notre Haute-Cour a en effet souligné que le fait qu'on ne puisse pas exclure totalement qu'un corps dur se trouve dans un aliment ne suffit pas à dénier le caractère extraordinaire de sa présence (arrêt du Tribunal fédéral 9C_985/2010 du 20 avril 2011, consid. 6.2). Un fragment d'os dans une saucisse constitue également un facteur extérieur extraordinaire, et se casser une dent en croquant un éclat d'os présent dans un Schüblig de campagne constitue dès lors un accident (RAMA 1992 n° U 144 p. 83 consid. 2b), de même qu'une lésion survenue en mordant un caillou contenu dans une préparation de riz (RAMA 1999 n° U 349 p. 478 s. consid. 3a). En revanche, le fait de se briser une dent en mangeant une tarte aux cerises de sa propre confection, préparée avec des fruits non dénoyautés, ne constitue pas un accident, le dommage dentaire n'ayant pas été causé par un facteur extérieur de caractère extraordinaire (ATF 112 V 201, consid. 3b). Le fait de se casser une dent sur un plomb contenu dans un civet de cerf ne peut pas non plus être considéré comme un accident, dès lors qu'on peut s'attendre selon l'expérience générale à trouver un reste de projectile dans du gibier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 367/04 du 18 octobre 2005, consid. 4.3).

Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 353, consid. 5b; ATF 125 V 193, consid. 2). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré et le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319, consid. 5a; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 339/03 du 19 novembre 2003, consid. 2).

Il incombe à celui qui réclame des prestations de l'assurance-accidents de rendre plausible que les éléments d'un accident sont réunis. S'il ne satisfait pas à cette exigence, en donnant des indications incomplètes, imprécises ou contradictoires, qui ne rendent pas vraisemblable l'existence d'un accident, l'assurance n'est pas tenue de prendre en charge le cas (arrêt du Tribunal fédéral  8C_398/2008 du 28 août 2008, consid. 7.1). En cas de bris d'une dent, l'ancien Tribunal fédéral des assurances a considéré que la simple présomption que le dommage dentaire se soit produit après avoir mordu sur un corps étranger dur ne suffit pas pour admettre l'existence d'un facteur extérieur extraordinaire (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 64/02 du 26 février 2004, consid. 2.2). Cette conclusion est valable non seulement lorsque la personne déclare avoir mordu sur "un corps étranger" ou "quelque chose de dur", mais encore lorsqu'elle croit avoir identifié l'objet. Lorsque les indications de la personne assurée ne permettent pas de décrire de manière précise et détaillée le "corpus delicti", l'autorité administrative (ou le juge, s'il y a eu un recours) n'est en effet pas en mesure de porter un jugement fiable sur la nature du facteur en cause, et encore moins sur le caractère extraordinaire de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral  8C_1034/2009 du 28 juillet 2010, consid. 4.3; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 67/05 du 24 mai 2006, consid. 3.2).

Comme cela ressort des recettes produites par la recourante, le guacamole ne contient traditionnellement pas d'olives. Le restaurant X__________ n'en intègre pas non plus dans sa préparation, qu'il sert cependant décorée d'un tel fruit. A la lumière de la jurisprudence précitée, le fait de se casser une dent en croquant une olive posée en décoration sur un plat consommé au restaurant ne peut être considéré comme un accident. On doit en effet s'attendre à la présence d'un noyau dans un tel fruit. Cependant, les lésions de la recourante n'ont pas été causées par l'olive de garniture, que l'on voit entière sur les clichés pris à la suite de l'événement, mais par le noyau qui était contenu dans la purée, et qu'elle a mordu. Il est manifeste qu'elle ne pouvait prévoir qu'un plat réduit en purée contiendrait un tel corps dur. La présence de ce noyau constitue dès lors bien un facteur extérieur extraordinaire.

Les arguments soulevés par l'intimée ne suffisent pas à mettre en cause la vraisemblance de la version des événements donnée par la recourante. S'agissant du délai dans lequel l'accident a été annoncé, il y a lieu de rappeler que selon l'art. 45 al. 2 LAA, l'employeur doit aviser sans retard l’assureur dès qu’il apprend qu’un assuré de son entreprise a été victime d’un accident qui nécessite un traitement médical ou provoque une incapacité de travail (art. 6 LPGA) ou le décès. Aux termes de l'art. 46 al. 2 LAA, l’assureur peut réduire de moitié toute prestation si, par suite d’un retard inexcusable dû à l’assuré ou à ses survivants, il n’a pas été avisé dans les trois mois de l’accident ou du décès de l’assuré; il peut refuser la prestation lorsqu’une fausse déclaration d’accident lui a été remise intentionnellement. Cette disposition, qui s'applique dans les cas où le retard est supérieur à trois mois, n'exige pas que le retard ait entraîné des complications importantes pour l'assureur mais repose plutôt sur l'idée qu'il est malaisé, après un certain délai, d'établir les circonstances de l'accident (Jean-Maurice FRÉSARD/Margrit MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire, in: Soziale Sicherheit, SBVR Bd. XIV, 2007, p. 972 n. 461). L'art. 46 al. 2 LAA est cependant rédigé sous la forme d'une norme potestative ("Kann-Vorschrift"), et la réduction des prestations n'intervient pas ex lege. En l'espèce, même si l'intimée a refusé de prendre en charge les suites de l'événement du 15 octobre 2010 au motif qu'elle ne considérait pas qu'il s'agissait d'un accident, elle n'a pas invoqué cette disposition à titre subsidiaire. Dans la mesure où elle ne l'a pas fait, elle ne peut tirer argument du fait que l'annonce de l'accident est tardive. En effet, dans le cas d'espèce, le retard ne suffit pas à mettre en doute la présentation des événements par la recourante. Il existe en effet d'autres éléments corroborant sa version. Ainsi, immédiatement après l'accident, elle a pris la peine de photographier le noyau qui l'avait blessée, et l'olive entière de la décoration est visible sur les photographies. Si sa lésion, survenue un vendredi soir, ne nécessitait pas de soins urgents, elle s'est néanmoins rendue chez le Dr L__________ dans de brefs délais puisqu'elle l'a consulté le mercredi suivant. Elle lui a apparemment relaté les faits de la même manière que dans sa déclaration d'accident, le devis de ce praticien indiquant un accident survenu le 15 octobre 2010.

Les autres arguments de l'intimée tombent également à faux. S'agissant du fait que la recourante n'a pas averti le personnel du restaurant, son explication selon laquelle elle ne voulait pas manquer le début de son film est plausible. L'absence de douleurs ne suffit pas non plus à nier l'accident, une lésion telle que celle subie par la recourante pouvant être indolore. Quant aux inconstances que l'intimée voit dans les déclarations de la recourante, il est vrai que le formulaire rempli par la recourante est imprécis puisqu'elle y indique qu'elle s'est "cassé une dent" dans la description de l'événement et qu'elle note que les lésions portent sur deux dents dans une autre rubrique. Cette imprécision dans la déclaration même n'est cependant pas d'une ampleur et d'une importance telles qu'elle enlève toute crédibilité aux indications données. S'agissant du corps dur à l'origine de la blessure, la recourante a principalement mentionné un noyau d'olive dans la correspondance échangée avec l'intimée. On doit voir dans le fait qu'elle se soit parfois référée à une olive et non à un simple noyau une formulation elliptique, et non une contradiction suffisante pour mettre en cause la vraisemblance de l'accident survenu. En outre, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, on ne voit sur les photographies produites par la recourante non pas trois olives entières mais une seule, ainsi qu'un noyau sur lequel subsistent des morceaux de chair et deux morceaux de noyau. Par ailleurs, s'il fallait à l'instar de l'intimée retenir que ce sont bien trois olives entières dont une mangée qui figurent sur ces tirages, cela confirmerait également la version de l'accident donnée par la recourante. En effet, une seule olive est posée en décoration sur le guacamole, comme cela ressort des explications du restaurant. Partant, les deux autres fruits que l'intimée croit voir sur les clichés ne pouvaient qu'être à l'intérieur de la purée d'avocat et leur présence était insolite. Quant à la date à laquelle ces photographies ont été prises, il est vrai que rien ne permet de l'établir. Il n'existe cependant aucun élément permettant de mettre en doute la bonne foi de la recourante et de nier qu'elles ont été prises à la suite de l'événement du 15 octobre 2010.

Eu égard à ce qui précède, le recours sera admis.

La recourante, qui est représentée, a droit à une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite.


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet.

Annule les décisions de l'intimée du 24 juin 2011 et du 31 août 2011.

Dit que la recourante a droit à la prise en charge du traitement dentaire relatif à la lésion subie par la recourante le 15 octobre 2010.

Condamne l'intimée à verser à la recourante une indemnité de 1'500 fr. à titre de dépens.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par la voie du recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral (av. du Tribunal fédéral 29, case postale, 1000 Lausanne 14), conformément aux art. 72 ss LTF; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Diana ZIERI

 

La présidente

 

 

 

Maya CRAMER

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le