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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/200/2011

ATAS/654/2011 du 27.06.2011 ( PC ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 05.09.2011, rendu le 03.02.2012, ADMIS, 9C_622/2011
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/200/2011 ATAS/654/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 27 juin 2011

9ème Chambre

 

En la cause

Monsieur K___________, domicilié à Genève, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Isabelle TERRIER-HAGMANN

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, 1208 Genève

intimé

 


EN FAIT

Monsieur K___________ (ci-après: le recourant), né en 1949, perçoit une rente d'invalidité complète de 1'547 fr. en 2011 et a été mis au bénéfice de prestations complémentaires avec effet au 1er décembre 1992.

Le formulaire de demande de prestations, signé par ses soins, comporte l'indication qu'il s'engage, dès ce jour, à annoncer immédiatement au Service des prestations complémentaires (SPC) tout changement intervenant dans sa situation économique ou personnelle. Cette obligation a été rappelée à l'occasion d'autres courriers ou décisions de prestations par la suite, en dernier lieu le 11 décembre 2009 lors de la fixation des prestations 2010.

En date du 28 janvier 2001, le frère du recourant, K___________, est décédé dans un accident de voiture ayant également coûté la vie à l'épouse de celui-ci. Le recourant est seul héritier de feu K___________.

A la date du décès, l'actif successoral du précité s'élevait, selon l'administration fiscale, à 12'693'666 fr. L'impôt sur la succession a d'abord été fixé, d'office, à 3'417'172 fr. 60, intérêts compris. A la suite de la procédure fiscale, l'impôt successoral a été arrêté, le 19 janvier 2006, à 1'817'739 fr. 10, l'avoir imposable étant de 6'273'013 fr. L'actif successoral précédemment retenu par l'administration fiscale n'avait pas tenu compte des dettes de la succession.

Le recourant n'a, à aucun moment, annoncé cette succession au SPC.

Selon M. L___________ de la fiduciaire en charge de la liquidation de la succession, celle-ci présentait une perte de 3'213'294 fr. 57 au 11 février 2003, en raison de la perte des titres dans lesquels était placée la fortune du défunt. Le recourant a expliqué avoir actionné M. L___________ pour le manque de diligence dans le traitement du dossier successoral et avoir trouvé un accord avec celui-ci au terme duquel il lui a versé 150'000 fr.

Le recourant ayant épousé M___________, née le 22 avril 1979, à fin 2009, le SPC a recalculé son droit aux prestations, en imputant un revenu hypothétique à sa jeune épouse dans sa décision du 29 juin 2010.

Le 22 juillet 2010, l'assistante sociale d'AVIVO a adressé un courrier du SPC, intitulé "Urgent", indiquant que le recourant et son épouse vivaient en-dessous du minimum vital et invitant ce service à recalculer ses prestations. Ce n'est qu'à cette occasion que le SPC, qui a demandé copie du bordereau de taxation à l'administration fiscale cantonale, a été informé de la succession dont avait hérité le recourant.

Par décisions du 29 juillet 2010, le SPC a ainsi réclamé au recourant le remboursement des prestations versées du 1er janvier 2001 à juillet 2010, soit un total de 211'554 fr. 85, correspondant à 157'449 fr. de prestations complémentaires AVS/AI, 7'004 fr. 05 de frais médicaux couverts par l'Etat et 47'101 fr. 80 de subsides à l'assurance maladie.

Dans son opposition, le recourant a fait valoir qu'il vivait de sa rente partielle d'invalidité d'environ 1'500 fr. par mois, qu'il habitait un petit appartement dont le loyer était de 720 fr., que la fiduciaire qui s'était occupée de la succession n'avait pas agi avec la diligence requise, de sorte que celle-ci avait été taxée d'office. Il avait vendu une partie des biens immobiliers pour s'acquitter de la dette fiscale. Il était encore propriétaire de deux immeubles, à savoir un appartement à Versoix et une villa à Chêne-Bourg, qui étaient loués. Les locations lui rapportaient 126'425 fr. par année, dont à déduire 47'000 fr. d'intérêts hypothécaires. Sa dette fiscale s'élevait en août 2010 à 459'295 fr.; il versait des acomptes de 4'150 fr. par mois. Compte tenu de sa charge fiscale courante de 28'000 fr. par an, due à sa fortune, il n'avait pas toujours pu s'acquitter des acomptes convenus. Il demandait donc que la décision du 29 juillet 2010 soit reconsidérée.

Le 28 septembre 2010, le Conseiller d'Etat en charge du département de la solidarité et de l'emploi a déposé plainte pénale à l'encontre du recourant pour obtention frauduleuse de prestations sociales (art. 31 LPC), "liée à une violation qualifiée d'adjonction [recte: injonction] de renseigner au sens de l'art. 31 LPGA et d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP)".

Le SPC a alors suspendu, le 4 octobre 2010, le traitement de l'opposition, dans l'attente du jugement pénal.

Le 26 novembre 2010, le Ministère public a, à son tour, suspendu la procédure pénale, dans l'attente de l'issue de la procédure administrative.

Le SPC a ainsi rendu sa décision sur opposition le 7 décembre 2010, confirmant sa précédente décision. Il relève que l'obligation de restituer n'est pas subordonnée à la violation de l'obligation de renseigner; il s'agit uniquement de rétablir l'ordre légal. Le calcul des prestations s'effectuait selon les revenus du bénéficiaire. L'héritage que celui-ci avait fait devait être pris en compte à la date du décès de son frère.

Par acte déposé le 24 janvier 2011, K___________ forme recours contre cette décision, reçue le 8 décembre 2010, dont il demande l'annulation. Il conclut à ce que les décisions du 29 juillet 2010 contenant la demande de remboursement du SPC soient annulées.

Lors de l'audience de comparution personnelle qui s'est tenue le 2 mai 2011 devant la Cour de justice, le recourant a persisté dans ses conclusions. Il a expliqué que l'ensemble des titres figurant à l'actif successoral avait été vendu et le produit remis à l'Etat de Genève. Il s'agissait de titres nantis dans le cadre d'un crédit lombard. Il ne souhaitait pas vendre ses deux biens immobiliers sis dans le canton de Genève car il n'était pas sûr que le produit lui permette de rembourser l'intégralité de ses dettes, d'une part. D'autre part, il souhaitait conserver le patrimoine familial. Il bénéficiait de prestations de l'assurance-invalidité en raison de troubles psychiques (dépression). Il ne contestait pas l'exactitude des montants qui lui étaient réclamés par le SPC. Depuis la suppression de l'aide de ce service, il ne parvenait plus à verser les primes d'assurance-maladie, ni à s'acheter des lunettes. Il a encore indiqué que lorsqu'il avait vu qu'il avait hérité de 12 millions de francs suisses, il avait commencé à rêver. Ce n'était que par la suite qu'il s'était rendu compte que ce montant ne tenait pas compte des dettes de la succession. Son recours ne constituait pas seulement une demande de remise. Il mettait également en cause la décision de restitution.

A l'issue de l'audience, la cause a été gardée à juger.

Il sera revenu ci-après sur les arguments des parties dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ; RS E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA; RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006. Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 octobre 1968 (LPCC; RS J 7 15). Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

Déposé dans le délai et la forme prescrits (art. 56 ss LPGA), le recours est recevable.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant a modification de nombreuses dispositions légales dans le régime des prestations complémentaires de l'AVS/AI. Le cas d'espèce reste cependant régi par les dispositions de la LPC en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits. Ainsi, la question de la restitution des prestations complémentaires indûment perçues durant la période du 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2002 doit être examinée au regard de l'ancien droit (ATF 130 V 445 et les références; cf. aussi ATF 130 V 329). Pour la période postérieure, la LPGA est pleinement applicable.

a) À teneur de l’art. 25 LPGA, les prestations indûment touchées doivent être restituées, la restitution ne pouvant toutefois être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1er). Le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2).

Avant l'entrée en vigueur de la LPGA (le 1er janvier 2003), l'art. 27 al. 1 OPC-AVS/AI (teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2002) prévoyait déjà que les prestations complémentaires indûment touchées devaient être restituées par le bénéficiaire ou par ses héritiers. Les prescriptions de la LAVS étaient applicables par analogie à la restitution de telles prestations et à la libération de l'obligation de les restituer (cf. art. 47 al. 1 LAVS, abrogé avec l'entrée en vigueur de la LPGA). Une disposition identique figurait à l'art. 24 LPCC.

Selon la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 47 al. 1er LAVS, l’obligation de restituer suppose en outre que soient remplies les conditions d’une reconsidération ou d’une révision procédurale de la décision – formelle ou non – par laquelle les prestations en cause ont été allouées (ATF 130 V 318 consid. 5.2). En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations complémentaires indûment touchées et son étendue dans le temps sont indépendantes de la bonne foi du bénéficiaire des prestations, car il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal, après la découverte du fait nouveau (ATF np P 61/2004 du 23 mars 2006).

Lorsque le versement indu résulte d'une violation de l'obligation de renseigner au sens des art. 31 LPGA, art. 31 LPC et 11 LPCC et que cette violation est en relation de causalité avec la perception indue de prestations d'assurance, la modification de la prestation a un effet rétroactif (ex tunc), qui entraîne - sous réserve des autres conditions mises à la restitution - une obligation de restituer (ATF 119 V 431 consid. 2, SVR 1995 IV n° 58 p. 165).

Lors du calcul de la prestation complémentaire, la part d'héritage d'un bénéficiaire de prestations complémentaires doit être prise en compte dès l'ouverture de la succession qu'il acquiert de plein droit (art. 560 al. 1 CC), soit au décès du de cujus (cf. art. 537 al. 1 CC) et non seulement à partir du moment où le partage est réalisé (ATF np P 22/2006 du 23 janvier 2007 et les nombreuses références).

b) En l'espèce, il est manifeste que le recourant, qui a omis d'annoncer l'héritage qu'il avait fait, a ainsi perçu depuis janvier 2001 des prestations auxquelles il ne pouvait prétendre. En effet, que l'actif successoral s'élève à 12'693'666 fr., comme l'a d'abord retenu à tort l'administration fiscale, ou à 6'273'013 fr., après rectification à la suite de la procédure administrative, celui-ci était considérable et excluait à l'évidence toute aide de la part de l'intimé. Même s'il est possible que la valeur des titres nantis dans le cadre de crédits lombards a chuté, il ne paraît pas crédible que l'entier des titres de la succession (7'729'124 fr.) ait été investie dans ce type de titres, d'une part, puis, d'autre part, intégralement perdu. De toute manière, la succession comportait également des immeubles, à l'étranger et en Suisse (d'une valeur totale fiscale de plus de 5 millions fr.) ainsi qu'une assurance-vie. Il n'apparaît pas ni n'est allégué que ces biens, notamment immobiliers, étaient grevés de charges hypothécaires approchant ou couvrant leur valeur. A aucun moment, la succession n'a présenté un solde négatif.

Le recourant en a, au demeurant, profité, puisqu'il ressort des taxations 2004 à 2009 figurant au dossier qu'il a perçu des revenus locatifs, voire a habité un des immeubles acquis par voie successorale. Le recourant est d'ailleurs toujours propriétaire de deux biens immobiliers à Genève dont il a hérité, dont la valeur fiscale nette a été estimée en 2008 à 1'633'919 fr. (2'881'919 fr. - moins les dettes hypothécaires), de sorte que sa fortune imposable s'élevait à plus de 1,5 mio fr. Selon les estimations de courtiers engagés par le recourant, l'appartement sis à Versoix a une valeur de vénale de 1'310'000 fr., respectivement de 1'415'000 fr., et la villa à Chêne-Bourg une valeur estimée à 750'000 fr. Les dettes hypothécaires de 700'000 fr. et de 542'000 fr. (selon la taxation pour l'année 2008) laissent un solde positif de 818'000 fr. environ. Même en imputant de cette somme l'arriéré fiscal de 459'295 fr. dû au 1er septembre 2010 ainsi que la charge fiscale courante de 28'000 fr., la fortune nette du recourant présente toujours un actif de 330'700 fr.

Les conditions pour une révision formelle de la décision d'octroi de prestations étaient ainsi manifestement remplies.

4. a) Lorsqu'il statue sur la créance de l'intimée en restitution de prestations indûment versées, le juge peut examiner, à titre préjudiciel, si les circonstances correspondant à une infraction pénale sont réunies et, partant, si un délai de prescription plus long que les délais relatifs et absolus prévus par l'art. 25 al. 2 LPGA sont applicables.

Pour que le délai de prescription plus long prévu par le droit pénal s'applique, il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'infraction ait été condamné (cf. ATF 118 V 193 consid. 4a; 113 V 256 consid. 4a; voir également ATF 122 III 225 consid. 4).

L'art. 31 LPC prévoit qu'est puni d'une peine pécuniaire n'excédant pas 180 jours-amendes celui qui manque à son obligation de communiquer au sens de l'art. 31 LPGA.

L'art. 146 al. 1 CP (escroquerie) prévoit une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou une peine pécuniaire. Selon l'art. 97 al. 1 CP, l'action pénale se prescrit par 30 ans si l'infraction était passible d'une peine privative de liberté à vie, par 15 ans si elle était passible d'une peine privative de liberté de plus de trois ans, et de sept ans si elle était passible d'une autre peine. L'actuel art. 97 al. 1 CP est entré en vigueur le 1er novembre 2002. Avant cette date, la prescription de l'action pénale était régie par l'art. 70 aCP (dans sa teneur en vigueur jusqu'au 1er octobre 2002; aRS p. 214; RO 1994 p. 2290, 2002 p. 2993 et 2996). Cette disposition prévoyait un délai de prescription de 20 ans si l'infraction était passible de la réclusion à vie, de dix ans si elle était passible de l'emprisonnement pour plus de trois ans ou de la réclusion, et de cinq ans si elle était passible d'une autre peine. Le délai de prescription de l'action pénale pour une infraction telle que décrite à l'art. 31 LPC était donc de cinq ans. Il était de 10 ans pour une infraction à l'art. 146 al. 1 CP.

En cas de modification des délais de prescription de l'action pénale et des peines, le code pénal prévoit l'application de la lex mitior : les nouveaux délais de prescription ne sont applicables aux infractions commises avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle que s'ils sont plus favorables à l'auteur de l'infraction. A défaut, les anciens délais sont applicables (cf. art. 389 al. 1 CP; ATF 134 IV 82 consid. 6.2.1; 129 IV 49 consid. 5.1).

En renvoyant, à l'art. 25 al. 2 LPGA, au délai de prescription plus long prévu par le droit pénal, le législateur avait pour but d'éviter la péremption d'une créance en restitution de prestations indûment versées, en raison d'un acte punissable, aussi longtemps que l'auteur de l'infraction reste exposé à une poursuite pénale. Il est conforme à cet objectif d'appliquer également, dans ce contexte, les règles de droit transitoire prévues par le droit pénal (cf. ATF 132 III 661 consid. 4.3 ; 126 II 145 consid. 4 b/aa).

Afin de déterminer si l'intimé peut demander la restitution des prestations pour la période de dix ans, il convient donc d'examiner si le recourant s'est rendu coupable d'une escroquerie au sens de l'art. 146 CP.

b) Aux termes de l'art. 146 CP, se rend coupable d'escroquerie celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais, ou l'a astucieusement confortée dans son erreur et a de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers. L'escroquerie consiste à tromper la dupe. Pour qu'il y ait escroquerie, une simple tromperie ne suffit cependant pas; il faut qu'elle soit astucieuse.

Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier (ATF 133 IV 256 consid. 4.4.3; 128 IV 18 consid. 3a). L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Une co-responsabilité de la dupe n'exclut toutefois l'astuce que dans des cas exceptionnels (ATF 135 IV 76 consid. 5.2).

Ces principes sont également applicables en matière d'aide sociale. L'autorité agit de manière légère lorsqu'elle n'examine pas les pièces produites ou néglige de demander à celui qui requiert des prestations les documents nécessaires afin d'établir ses revenus et sa fortune, comme par exemple sa déclaration fiscale, une décision de taxation ou des extraits de ses comptes bancaires. En revanche, compte tenu du nombre de demandes d'aide sociale, une négligence ne peut être reprochée à l'autorité lorsque les pièces ne contiennent pas d'indice quant à des revenus ou à des éléments de fortune non déclarés ou qu'il est prévisible qu'elles n'en contiennent pas (ATF np 6B_22/2011 du 23 mai 2011; 6B_576/2010 du 25 janvier 2011 consid. 4.1.2; 6B_689/2010 et 6B_690/2010 du 25 octobre 2010 consid. 4.3.4).

c) En l'espèce, le recourant a violé son obligation d'annoncer à l'intimé qu'il avait fait un héritage. Cette omission ne procède, contrairement à ce qu'il semble soutenir, pas de sa bonne foi. Au vu de l'importance de l'actif successoral, dont il a immédiatement profité (revenus tirés des locations d'immeuble, habitation à disposition, notamment), il ne peut sérieusement faire valoir ne pas avoir tiré de bénéfice de la succession. La mauvaise foi crasse du recourant ne permet cependant pas à elle seule de retenir qu'il aurait fait preuve d'astuce au sens de l'art. 146 CP. Il est manifeste qu'en s'abstenant d'informer l'intimé du changement notable intervenu dans sa situation économique, le recourant espérait pouvoir continuer à bénéficier des prestations de celui-ci. Il est possible qu'il ait, également, tablé sur le fait que l'intimé ne mettrait pas à jour son dossier en lui réclamant ses dernières taxations fiscales à l'occasion de la révision périodique des prestations.

Cela étant, l'intimé a versé ses prestations à partir de 1993 sans procéder par la suite à l'examen des conditions d'octroi. Le dossier qu'elle a produit ne comporte aucune invitation au recourant de produire des pièces relatives à sa situation financière au fil des quinze dernières années, ni aucun bordereau fiscal ou extrait de comptes produits par celui-ci. Par ailleurs, l'intimé n'a pas non plus fait usage de la possibilité que lui réservent les art. 39 et 39A LPCC de demander des renseignements à l'administration fiscale, comme elle semble l'avoir fait en 2010 seulement. Si elle l'avait fait à l'occasion du réexamen périodique, intervenant tous les quatre ans (art. 13 LPCC; art. 30 OPC-AVS/AI), il ne lui aurait pas échappé que la situation financière du recourant s'était fondamentalement modifiée depuis janvier 2001. En n'entreprenant pas, au moins à l'occasion du réexamen périodique, les démarches minimales consistant à réclamer les bordereaux de taxation des années écoulées depuis le dernier réexamen, l'intimé a agi de manière négligente et ne peut être considérée comme étant la dupe du recourant au sens de l'art. 146 CP. Les prestations versées à tort ne peuvent donc être réclamées que pour les cinq années, à savoir pour la période courant de juillet 2005 à juillet 2010.

Les montants retenus dans les décisions querellées ne sont pas contestés. Ils sont détaillés par mois, de sorte qu'il est aisé de retrancher les montants versés avant le mois de juillet 2005. Les sommes versées à tort à titre de prestations complémentaires, pour la période de juillet 2005 au 31 mars 2009, sont ainsi de 66'009 fr. (139'245 fr. [prestations versées jusqu'au 31 mars 2009] - 73'236 fr. prestations versées du 1er janvier 2001 au 30 juin 2005, soit 2 x 6'888 fr. + 2 x 7'344 fr. + 6 x 614 fr. (PCC) + 2 x 9'000 fr. + 2 x 9'204 fr. + 6 x 780 fr. (PCF)) et pour la période du 1er avril 2009 au 30 juillet 2010 de 18'204 fr. Pour la période litigieuse, le subside à l'assurance-maladie a été de 27'711 fr. et la prise en charge des frais médicaux de 2'387 fr. 75. Le montant total indument perçu s'élève donc à 114'311 fr. 75 (66'009 fr. + 18'204 fr. + 27'711 fr. + 2'387 fr. 75).

5. a) Conformément à l’art. 3 de l’ordonnance du 11 septembre 2002 sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA), l’étendue de l’obligation de restituer est fixée par une décision (al. 1er), dans laquelle l’assureur indique la possibilité d’une remise (al. 2). L’assureur est tenu de renoncer à la restitution lorsqu’il est manifeste que les conditions d’une remise sont réunies (al. 3).

L’art. 4 al. 4 OPGA dispose que la demande de remise doit être présentée par écrit. Elle doit être motivée, accompagnée des pièces nécessaires et déposée au plus tard 30 jours à compter de l’entrée en force de la décision de restitution.

Il s’agit là d’un délai d’ordre et non de péremption (ATF 132 V 42 consid. 3). Pour le surplus, dans la mesure où la demande de remise ne peut être traitée sur le fond que si la décision de restitution est entrée en force, la remise et son étendue font l’objet d’une procédure distincte (ATFA non publié du 25 janvier 2006, C 264/05, consid. 2.1).

Pour que la bonne foi de l'assuré soit admise, il faut que le bénéficiaire des prestations ne se soit rendu coupable, non seulement d'aucune intention malicieuse, mais aussi d'aucune négligence grave. Il s'ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d'emblée lorsque les faits qui conduisent à l'obligation de restituer - comme par exemple une violation du devoir d'annoncer ou de renseigner - sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave.

Quant à la notion de situation difficile, selon l’art. 5 al. 1 et 4 de l’Ordonnance du 11 septembre 2002 sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA), elle est retenue, au sens de cette disposition, lorsque les dépenses reconnues par la loi du 6 octobre 2006 sur les prestations complémentaires (LPC) et les dépenses supplémentaires sont supérieures aux revenus déterminants selon la LPC. Sont prises en considération les dépenses supplémentaires suivantes : 8'000 fr. pour les personnes seules (let. a) ; 12'000 fr. pour les couples (let. b) ; 4'000 fr. pour les enfants ayant droit à une rente d’orphelin ou donnant droit à une rente pour enfant de l’AVS ou de l’AI (let. c). Est déterminant, pour apprécier s’il y a une situation difficile, le moment où la décision de restitution est exécutoire (art. 4 al. 2 OPGA).

b) Au vu de ce qui précède, il paraît prématuré de se prononcer sur une éventuelle demande de remise que pourrait présenter le recourant. Il semble cependant douteux qu'il en remplisse les conditions, sa bonne foi ne pouvant être admise (cf. consid. 3b et 4c) et sa situation financière lui permettant aisément de s'acquitter de sa dette.

6. En conclusion, le recours n'est admis que sur la quotité du montant réclamé par l'intimé. Le recourant obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de 1'000 fr. lui sera accordée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA). Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

* * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

L'admet partiellement et annule la décision du 7 décembre 2010 du Service des prestations complémentaires.

Condamne K___________ à verser au Service des prestations complémentaires la somme de 114'311 fr. 75.

Condamne le Service des prestations complémentaires à verser à K___________ une indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Maryse BRIAND

 

La présidente

 

 

Florence KRAUSKOPF

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le