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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3134/2023

ATAS/276/2024 du 25.04.2024 ( CHOMAG ) , ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3134/2023 ATAS/276/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 25 avril 2024

Chambre 5

 

En la cause

A______

 

 

recourant

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI

 

 

intimé

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le recourant), né en ______ 1977, cuisinier de nationalité italienne et titulaire d’un permis B, a été licencié par courrier du 30 mars 2022 de son employeur B______ (ci‑après : B______), avec effet au 30 juin 2022.

b. Il s’est inscrit auprès de l’office régional de placement (ci-après : l'ORP), pour un taux d’activité de 100%, dès le 1er juillet 2022 et a conclu avec sa conseillère en personnel un contrat d’objectifs de recherches d’emploi, en date du 30 mai 2022, prévoyant un nombre minimum de 10 recherches d’emploi par mois.

c. En date du 5 août 2022, l’assuré a informé l’ORP qu’il retournait travailler auprès de son ancien employeur B______ et a demandé l’annulation de son dossier, dès le 5 août 2022.

d. Par courrier du 30 décembre 2022, B______ a informé l’assuré que pour des raisons de réorganisation, il était contraint de résilier son contrat de travail pour le 31 janvier 2023.

e. L’assuré s’est inscrit auprès de l’ORP, en date du 9 janvier 2023, pour une date de placement au 1er février 2023 avec un taux d’activité à 100% et a signé un nouveau contrat d’objectifs de recherches d’emploi avec sa conseillère en placement en date du 13 janvier 2023, prévoyant un nombre minimum de 10 recherches d’emploi par mois.

f. L’assuré a fait l’objet de six sanctions, décidées par l’office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE ou l’intimé), pour des manquements accumulés entre les mois de février et d’avril 2023, soit :

-        5 jours de suspension, le 24 avril 2023, pour remise tardive des recherches d’emploi en février 2023 ;

-        10 jours de suspension, le 2 mai 2023, en raison de recherches d’emploi inexistantes en mars 2023 ;

-        11 jours de suspension, le 3 mai 2023, pour absence injustifiée à l’entretien du 3 avril 2023 ;

-        15 jours de suspension, le 4 mai 2023, pour absence injustifiée à l’entretien du 11 avril 2023 ;

-        15 jours de suspension, le 5 mai 2023, pour absence injustifiée à l’entretien du 6 avril 2023 ;

-        31 jours de suspension, le 30 mai 2023, en raison de son absence injustifiée à l’entretien du 14 avril 2023.

Les six décisions de sanctions sont entrées en force, sans opposition de l’assuré.

B. a. En date du 1er juin 2023, l’OCE a rendu une décision d’inaptitude au placement de l’assuré, dès le 25 avril 2023. La décision récapitulait les motifs et la quotité des six sanctions qui avaient déjà été prononcées à l’encontre de l’assuré et rappelait les dernières violations des devoirs du demandeur d’emploi, qui n’avait pas donné suite à l’entretien avec sa conseillère en placement du 24 avril 2023, ni aux entretiens de conseil des 5 et 22 mai 2023 ; l’ensemble des manquements justifiait la décision d’inaptitude au placement.

b. Dans son formulaire IPA du 22 juin 2023, l’assuré a répondu « non » à la question « Avez-vous été en incapacité de travailler ? », tout en précisant qu’il avait reçu des prestations de son assurance perte de gain en cas de maladie ; il a confirmé qu’il était toujours à la recherche d’un emploi pour un taux d’activité de 100%.

c. Par formulaire d’opposition déposé à l’accueil de l’OCE en date du 30 juin 2023, l’assuré a exprimé son désaccord avec la décision de l’OCE. Dans l’exposé des motifs, il a exposé, en langue espagnole, qu’il souffrait de troubles de la santé émotionnelle et dans son environnement familial. Il mentionnait encore que sa santé physique n'était pas bonne, sollicitait la compréhension de l’OCE et proposait de demander à ses médecins spécialistes de fournir un rapport médical (traduction libre).

d. Par courrier du 3 juillet 2023, l’OCE rappelé à l’assuré que devant les autorités genevoises, seule la langue française était admise de telle façon qu’un délai pour traduire son opposition et la retourner a été fixé au 17 juillet 2023. Il était encore mentionné que, faute de recevoir la traduction de l’opposition dans le délai imparti, cette dernière serait déclarée irrecevable.

e. L’assuré a fait parvenir à l’OCE un certificat médical du docteur C______, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, daté du 4 juillet 2023 et certifiant que l’assuré avait présenté une incapacité de travail à 100% du 1er au 30 juin 2023. Un second certificat du même médecin et portant la même date certifiait que l’assuré présentait une incapacité de travail pour la période allant du 1er juillet au 31 juillet 2023. Un troisième certificat médical du même médecin et portant la même date précisait que le patient avait présenté une décompensation psychique (F33.1) dans un contexte de difficultés professionnelles dues à un licenciement et qu’il était au bénéfice d’une prise en charge psychiatrique et psycho pharmacologique, avec notamment un traitement de Sertraline 50 mg par jour. Le médecin mentionnait encore qu’en raison de sa souffrance psychique, l’assuré n’avait pas pu assumer ses responsabilités dans le cadre de l’OCE ces derniers mois.

f. Par formulaire d’opposition reçu par l’OCE en date du 7 juillet 2023, l’assuré a fait parvenir une traduction française de son premier formulaire d’opposition, en reprenant les mêmes motifs.

g. Dans son formulaire IPA du 20 juillet 2023, l’assuré a répondu « non » à la question « Avez-vous été en incapacité de travailler ? », tout en précisant qu’il avait reçu des prestations de son assurance perte de gain en cas de maladie ; il a confirmé qu’il était toujours à la recherche d’un emploi pour un taux d’activité de 100%.

h. L’assuré a transmis à l’OCE un certificat médical du Dr C______, daté du 15 août 2023, certifiant que ce dernier présentait une incapacité de travail à 100%, du 1er au 31 août 2023.

i. Par décision sur opposition du 30 août 2023, l’OCE a rejeté l’opposition et confirmé la décision d’inaptitude au placement du 1er juin 2023. Selon l’OCE, un certificat médical attestait uniquement d’une incapacité de travail sans autre précision et ne suffisait pas à rendre vraisemblable que la maladie considérée pouvait entraver l’aptitude de l’intéressé. Il était encore ajouté qu’en ce qui concernait les rapports des médecins de famille, le juge pouvait et devait tenir compte du fait qu’en cas de doute, les médecins de famille se prononçaient plutôt en faveur de leurs patients en vertu des devoirs découlant de leur position de confiance et que leurs certificats n’étaient, dès lors, au regard du droit de la preuve, qu’un indice parmi d’autres. Il était encore reproché à l’assuré de n’avoir pas annoncé le cas d’incapacité de travail totale à l’ORP, dans un délai d’une semaine à compter de celle-ci, et de ne l’avoir pas mentionné dans les formulaires IPA. Enfin, l’OCE observait que le certificat médical du 4 juillet 2023, transmis dans le cadre de la présente opposition, ne mentionnait aucune incapacité de travail totale.

j. L’assuré a transmis à l’OCE deux certificats médicaux de son psychiatre traitant, datés du 18 septembre 2023, l’un certifiant que l’assuré avait présenté une décompensation psychique dans un contexte de difficultés professionnelles (licenciement) et familiales (difficultés pour l’intégration de sa fille souffrant d’autisme en Suisse) et qu’en raison de sa souffrance psychique, il n’avait pas pu assumer ses responsabilités dans le cadre de l’OCE, du 1er mars au 30 juin 2023. Le second certificat médical confirmait que l’assuré présentait une incapacité de travail à 100%, du 1er septembre au 30 septembre 2023, et d’une capacité de travail à 100% dès le 1er octobre 2023.

k. Par courrier du même jour, l’ORP a accusé réception du certificat médical attestant l’incapacité totale de travail du 1er au 30 septembre et informé l’assuré que pendant sa période d’incapacité, il était dispensé d’effectuer des recherches d’emploi et de participer aux entretiens de conseil.

C. a. Par courrier posté en date du 27 septembre 2023, l’assuré a recouru contre la décision sur opposition de l’OCE auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans), en mentionnant qu’il s’opposait à cette dernière, car pendant la période concernée, il était en mauvaise santé, ce qui était attesté par un certificat médical joint. La chambre de céans lui a fixé un délai pour signer son recours, ce que l’assuré a fait.

b. Par courrier du 7 novembre 2023, l’OCE a brièvement répondu au recours en considérant qu’aucun élément nouveau ne permettait de revoir la décision précitée et que l’intimé persistait intégralement dans les termes de cette dernière.

c. Invité à répliquer, le recourant n’a pas réagi.

d. La chambre de céans a fixé une audience de comparution personnelle ainsi que d’audition du psychiatre traitant du recourant, en date du 15 février 2024.

e. Lors de l’audience, le recourant a reconnu qu’il avait remis tardivement à l’OCE le certificat médical relatif à ses manquements, car il avait mis du temps à accepter le fait qu’il avait des problèmes émotionnels. Après avoir été réengagé par son employeur, au mois d’août 2022, il avait été licencié à nouveau, car il manquait beaucoup au travail, à cause de ses problèmes émotionnels. Il exposait qu’en plus du licenciement, il avait dû suivre des cours de français pour retrouver plus facilement du travail et avait des soucis avec sa fille de 17 ans qui était autiste et pour laquelle il était très difficile de trouver une institution. Elle l’avait rejoint en Suisse, en février 2022, alors qu’auparavant elle vivait au Pérou et l’office médico-pédagogique n’avait pas été capable de lui trouver une place dans un foyer ou une école spécialisée. En raison de son autisme, sa fille criait, les voisins se plaignaient, la régie était intervenue et il avait l’impression de ne plus maîtriser la situation, avec les plaintes du voisinage en plus de la pression de ses obligations à l’égard du chômage. Il prenait des antidépresseurs auparavant, puis avait cessé d’en prendre depuis trois ou quatre mois. En plus de cela, son épouse s’était séparée de lui, à la fin du mois de novembre 2023, et était partie avec leur enfant cadet, qui avait sept ans.

Le Dr C______, psychiatre traitant du recourant, entendu en qualité de témoin, a confirmé qu’il avait été consulté par le recourant dans le cadre d’une décompensation psychique, consécutive à un trouble dépressif moyen, sans symptômes psychotiques. Son patient l’avait consulté à quatre reprises, entre le 4 juillet et le 18 septembre 2023, date à partir de laquelle il ne l’avait plus vu. Il pensait que l’une des raisons pour lesquelles le recourant l’avait consulté était d’obtenir un certificat médical, mais il confirmait toutefois que, selon son expérience, l’état psychique du recourant expliquait ses difficultés administratives. En ce qui concernait, par exemple, les nombreux entretiens de conseil auxquels le recourant ne s’était pas rendu, cela pouvait s’expliquer par ses troubles psychiques car le recourant était pénalisé par son manque d’envie, son asthénie, ses troubles de la mémoire, ce à quoi il fallait ajouter qu’il ne pouvait pas dormir, car sa fille autiste criait pendant la nuit et faisait des crises, sans compter qu’il était sollicité par son épouse et qu’il ne disposait donc pas des meilleures conditions de vie. Il estimait que le recourant présentait plusieurs facteurs de stress, qui pouvaient être mesurés sur une échelle, dont le maximum était de 100. Il estimait que le facteur de stress global du recourant était de 60/100 et que le moment où cela était arrivé était lié aux différents événements chronologiques, soit le licenciement, les problèmes financiers puis l’arrivée de sa fille en Suisse. Il fallait encore rappeler que le recourant était venu depuis le Japon en Suisse, qu’il avait dû faire face à des difficultés d’intégration ainsi qu’à une enfant autiste au comportement difficile, qui rendait la personne constamment vulnérable et qui était un facteur d’instabilité.

À la fin de l’audience, la représentante de l’OAI a déclaré qu’elle maintenait ses conclusions sur l’inaptitude au placement du recourant, surtout après avoir entendu le témoignage du médecin, car de toute évidence, le recourant était inapte au travail pour des raisons médicales. Elle ajoutait que c’était seulement maintenant « que nous apprenons les troubles de la santé dont il souffre ».

f. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

g. Les autres faits et documents seront cités, en tant que de besoin, dans la partie « en droit » du présent arrêt.

EN DROIT

 

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 8 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 25 juin 1982 (loi sur l’assurance-chômage, LACI - RS 837.0).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, compte tenu de la suspension des délais pour la période du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 38 al. 4 let. b LPGA et art. 89C let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), le recours est recevable.

3.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision d’inaptitude au placement de l’assuré, dès le 25 avril 2023.

4.              

4.1 Aux termes de l'art. 17 al. 1 LACI, l'assuré qui fait valoir des prestations d'assurance doit, avec l'assistance de l'office du travail compétent, entreprendre tout ce que l'on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l'abréger. Il lui incombe en particulier de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu'il exerçait précédemment. Il doit apporter la preuve des efforts qu'il a fournis.

L'art. 8 LACI énumère les conditions d'octroi de l'indemnité de chômage. Conformément à l'art. 8 al. 1 LACI, l'assuré doit, pour bénéficier de cette prestation prévue par l'art. 7 al. 2 let. a LACI, notamment être apte au placement (let. f) et satisfaire aux exigences de contrôle (let. g).

4.2 Les conditions de l'art. 8 al. 1, qui sont cumulatives (ATF 124 V 215 consid. 2), sont précisées par plusieurs dispositions de la LACI et de l'ordonnance sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité du 31 août 1983 (ordonnance sur l’assurance-chômage, OACI - RS 837.02), ainsi que - dans les limites d'admissibilité de telles directives administratives (ATF 144 V 202 ; 144 V 195 ; ATAS/1191/2014 du 18 novembre 2014 consid. 4 et doctrine et jurisprudence citées) - par les instructions édictées par le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) en sa qualité d'autorité de surveillance de l'assurance-chômage chargée d'assurer une application uniforme du droit (art. 110 LACI), notamment par le biais du Bulletin relatif à l'indemnité de chômage (ci-après : Bulletin LACI IC).

4.3 La condition de satisfaire aux exigences du contrôle, posée par l'art. 8 al. 1 let. g LACI, renvoie aux devoirs de l'assuré et prescriptions de contrôle prévus par l'art. 17 LACI. Les al. 1 à 3 de cette disposition-ci imposent aux chômeurs des devoirs matériels, qui concernent la recherche et l'acceptation d'un emploi, ainsi que la participation aux mesures de marché du travail et aux séances et entretiens obligatoires, ainsi que des devoirs formels, qui ont pour objet l'inscription au chômage et la revendication régulière des prestations au moyen de formules officielles (Boris RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, n. 1 ad art. 17 LACI).

5.              

5.1 Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Cette disposition doit être mise en relation avec l’art. 17 al. 1 LACI, aux termes duquel l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter ou réduire le chômage (ATF 139 V 524 consid. 2.1.2). Il doit en particulier pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis en vue de rechercher du travail (cf. art. 17 al. 1, 3ème phr., LACI). La suspension du droit à l’indemnité est destinée à poser une limite à l’obligation de l’assurance-chômage d’allouer des prestations pour des dommages que l’assuré aurait pu éviter ou réduire. En tant que sanction administrative, elle a pour but de faire répondre l’assuré, d’une manière appropriée, du préjudice causé à l’assurance-chômage par son comportement fautif (ATF 133 V 89 consid. 6.2.2 ; ATF 126 V 520 consid. 4).

5.2 Selon l'art. 24 al. 1 et 2 OACI, si l’office compétent considère que l’assuré n’est pas apte au placement ou ne l’est que partiellement, il en informe la caisse (al. 1). L’office compétent rend une décision sur l’étendue de l’aptitude au placement (al. 2).

5.3 Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d'intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI).

5.4 L'aptitude au placement comprend ainsi deux éléments : la capacité de travail d'une part, c'est-à-dire la faculté de fournir un travail - plus précisément d'exercer une activité lucrative salariée - sans que l'assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et, d'autre part, la disposition à accepter un travail convenable au sens de l'art. 16 LACI - ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s'il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l'assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 58 consid. 6a ; ATF 123 V 216 consid. 3 et la référence).

6.             En tant qu'autorité de surveillance, le SECO a adopté des directives à l'intention des organes chargés de l'application de l'assurance-chômage afin d'assurer une pratique uniforme en ce domaine. Dans ce but, elles indiquent l'interprétation généralement donnée à certaines dispositions légales. Elles n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux (ATF 133 II 305 consid. 8.1 p. 315 et les références).

6.1 Au ch. B217 de son bulletin LACI IC, le SECO souligne que lorsqu'un assuré est disposé à travailler, en mesure et en droit de le faire et qu'il cherche du travail, il est en principe réputé apte à être placé, indépendamment de ses chances sur le marché du travail. Par contre, si, en raison de sa situation personnelle et familiale ou pour des raisons d'horaire, il ne peut ou ne veut pas se mettre à disposition comme on pourrait l'exiger normalement d'un travailleur, il doit être considéré comme inapte au placement.

6.2 La volonté de l'assuré d'accepter une activité salariée est un élément fondamental de l'aptitude au placement. Il ne suffit pas que l'assuré déclare être disposé à être placé. Il doit se mettre à la disposition du service de l'emploi et accepter tout travail réputé convenable qui lui est offert. Il doit également chercher activement un emploi et participer à une mesure de réinsertion (ch. B219 Bulletin LACI).

6.3 Des recherches d'emploi continuellement insuffisantes ou le refus répété d'un emploi convenable ou de participer à une mesure de réinsertion sont autant de signes démontrant que l'assuré n'est pas disposé à être placé. La négation de l'aptitude au placement en cas de recherches d’emploi insuffisantes doit toutefois se fonder sur des circonstances particulièrement qualifiées : un tel cas se présente lorsqu'un assuré ayant subi plusieurs sanctions persiste à ne pas rechercher un emploi. Si l'on constate en revanche que l'assuré déploie tous ses efforts pour retrouver du travail, l'aptitude au placement ne sera pas niée (cf. ch. B221 et B326 Bulletin LACI).

6.4 Le chiffre B223 du bulletin LACI IC prévoit que « du point de vue de l’état de santé, l’aptitude au placement suppose une entière capacité de travail. En cas de capacité réduite, il convient de distinguer une absence de capacité ou une capacité réduite temporaire, d’une absence de capacité ou d’une capacité réduite durable. En cas de doute sérieux quant à la capacité de travail d’une personne, l’autorité cantonale peut ordonner un examen par un médecin-conseil aux frais de l’assurance. Le médecin-conseil se prononcera sur l’état de santé de l’assuré et en particulier sur le degré de sa capacité de travail, sur les activités entrant en ligne de compte pour l’assuré et les éventuelles restrictions à sa place de travail ».

7.             En ce qui concerne la preuve, le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 126 V 360 consid. 5b ; ATF 125 V 195 consid. 2 et les références ; cf. ATF 130 III 324 consid. 3.2 et 3.3). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 322 consid. 5a).

8.             En l’espèce, le recourant invoque des troubles psychiques pour expliquer les raisons pour lesquelles il était en incapacité de travail, ce qui l’a empêché de remplir ses obligations de demandeur d’emploi.

L’intimé, de son côté, nie dans la décision attaquée que l’on puisse prendre en compte « le certificat médical » produit par l’assuré. À l’issue de la comparution personnelle, la représentante de l’intimé a toutefois conclu à la confirmation de la décision d’inaptitude au placement, mais pour des raisons médicales.

8.1 L’instruction du cas, et plus particulièrement l’audition en qualité de témoin du Dr C______, a permis de clarifier les troubles de la santé dont souffre le recourant. À l’aune des explications fournies par le psychiatre et par le recourant, la chambre de céans considère qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré était en incapacité de travail pour cause de maladie, motif qui permet d’écarter un manquement fautif du recourant.

Il sied toutefois d’établir plus précisément à partir de quand l’incapacité de travail a débuté. Sur ce plan, le psychiatre traitant n’a pas répondu précisément à la question de savoir à partir de quel moment les troubles psychiques étaient devenus incapacitants, dès lors que cela était antérieur à la première consultation du 4 juillet 2023, mais il a tout de même pu confirmer que les nombreux entretiens de conseil manqués les 3, 6, 11 et 14 avril 2023 pouvaient s’expliquer par les troubles psychiques (PV d’enquêtes du 15 février 2024, p. 2). Partant, il convient d’admettre que c’est au moins à partir du 1er avril 2023 que l’assuré était en incapacité de travail pour cause de maladie.

Les motivations de la décision attaquée, selon lesquelles un certificat médical qui établit uniquement une incapacité de travail sans autre précision ne suffit pas à rendre vraisemblable que la maladie considérée pourrait entraver l’aptitude de l’intéressé, ne peuvent pas être suivies dans le cas particulier. En effet, à teneur du dossier, le certificat médical du 4 juillet 2023, qui porte le timbre de réception de l’OCE du 7 juillet 2023, précise que l’assuré présente une décompensation psychique (F33.1) dans un contexte de difficultés professionnelles soit un licenciement et qu’il est au bénéfice d’une prise en charge psychiatrique et psycho pharmacologique, avec indication de la prise d’antidépresseurs Sertraline 50 mg par jour.

Il résulte de ce qui précède, qu’au plus tard, en date du 7 juillet 2023, l’OCE était en possession d’un certificat médical détaillé, décrivant la pathologie de l’assuré ainsi que la prise d’un traitement antidépresseur. Il est également établi que l’OCE a ensuite régulièrement reçu, du même médecin, des certificats médicaux confirmant la prolongation de l’incapacité de travail pour raison de maladie. Partant, l’OCE devait tenir compte de ces certificats médicaux et admettre l’incapacité de travail de l’assuré pour cause de maladie. En cas de doute sur le début de cette incapacité de travail, il pouvait mettre en œuvre son médecin-conseil, comme cela ressort du ch. B223 du Bulletin LACI IC, ce que l’OCE n’a pas fait.

Ce faisant, l’OCE n’a pas tenu compte des certificats médicaux établissant l’incapacité de travail du recourant, alors même que cet élément était de nature à influer sur la décision d’inaptitude au placement.

En ce qui concerne les déclarations figurant sur les formulaires IPA des mois de juin et juillet 2023, s’il est vrai que l’assuré a coché la case « non » à la question « Avez-vous été en incapacité de travail ? », il convient de remarquer qu’il a simultanément coché la case « oui » à la question de savoir s’il avait reçu des prestations de son assurance perte de gain en cas de maladie. Cette contradiction devait amener l’OCE à clarifier la situation et non pas à conclure de manière quelque peu précipitée que l’assuré n’avait pas été en incapacité de travail pour raison de maladie, ce d’autant moins que, dès le mois de juillet 2023, les certificats médicaux étaient en main de l’OCE.

Étant encore précisé que le procès-verbal des entretiens de conseil figurant au dossier (pièce 68, p. 4) mentionne une demande de report d’entretien de conseil de l’assuré, datée du 11 avril 2023 pour des raisons médicales, tout en précisant qu’il n’y a pas de certificat médical mais un courriel explicatif.

8.2 Les manquements enregistrés au mois d’avril 2023, soit les quatre décisions de sanctions des 3, 4, 5 et 30 mai 2023, pour les absences aux entretiens de conseil des 3, 6, 11 et 14 avril 2023, ont été pris en compte pour aboutir à la décision d’inaptitude au placement. Il en est de même des absences aux entretiens de conseil du 24 avril, 5 et 22 mai 2023, qui n’ont pas donné lieu à des sanctions, mais ont été prises en compte pour décider de l’inaptitude au placement.

Comme retenu par la chambre de céans, les absences aux entretiens de conseil, depuis le 1er avril 2023, ne peuvent pas être prises en compte dans la décision d’inaptitude au placement, dès lors que ces manquements ne sont pas fautifs, mais dus aux troubles psychiques de l’assuré, en incapacité de travail pour raison de maladie, depuis le 1er avril 2023 à tout le moins.

Compte tenu de ce qui précède, la décision querellée sera annulée.

8.3 À titre superfétatoire, la chambre de céans constate que les décisions de sanctions des 3, 4, 5 et 30 mai 2023 ne peuvent pas être examinées par elle, dès lors qu’elles sont déjà entrées en force et que les conditions d’une révision ne sont pas remplies, puisque l’assuré était au courant des effets que ses troubles psychiques pouvaient avoir sur ses obligations de demandeur d’emploi et qu’il ne s’agit donc pas d’un fait nouveau, ni d’un moyen de preuve nouveau (art. 53 al. 1 LPGA).

Cependant, à toutes fins utiles, la chambre de céans rappelle qu’en vertu de l'art. 53 al. 2 LPGA, qui formalise un principe général du droit des assurances sociales, l'assureur peut reconsidérer les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force, lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (ATF 133 V 50 consid. 4.1).

Les problèmes psychiques établis à l’occasion de la présente espèce pourraient donner lieu à une reconsidération, par l’intimé, des précédentes sanctions entrées en force, depuis le 1er avril 2023, à la lumière des certificats médicaux transmis par l’assuré et des explications fournies en audience par le psychiatre traitant.

Il sied toutefois de rappeler que, selon la jurisprudence, l'administration n'est pas tenue de reconsidérer les décisions qui remplissent les conditions fixées ; elle en a simplement la faculté et ni l’intéressé, ni le juge ne peuvent l'y contraindre. Le corollaire en est que les décisions portant sur un refus d'entrer en matière sur une demande de reconsidération ne peuvent pas faire l'objet d'un contrôle en justice (ATF 133 V 50 consid. 4.1 p. 52 ; 119 V 475 consid. 1b/cc p. 479 ; 117 V 8 consid. 2a p. 12 s. ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_447/2007 du 10 juillet 2008 consid. 1 ; UELI KIESER, ATSG Kommentar, 2ème éd., no 44 ad art. 53). Un assureur social refuse d'entrer en matière sur une demande de reconsidération lorsqu'il se borne à procéder à un examen sommaire de la requête et répète les motifs invoqués dans la décision initiale (ATF 117 V 8 consid. 2b/aa p. 14 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_866/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.2). Il est en droit de communiquer ce refus à la personne assurée au moyen d'une simple lettre, sans indication des voies de droit ni motivation détaillée (Margit MOSER-SZELESS, Commentaire romand de la LPGA, no. 91 ad art. 53 LPGA, p. 643).

9.             Le recourant, qui n'est pas représenté en justice et qui n'a pas allégué ou démontré avoir déployé des efforts dépassant la mesure de ce que tout un chacun consacre à la gestion courante de ses affaires, n'a pas droit à des dépens.

10.         Pour le surplus, en l’absence de loi spéciale prévoyant des frais judiciaires, la procédure est gratuite (art. 61 let. fbis LPGA en lien avec l’art. 1 al. 1 LACI).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet et annule la décision sur opposition de l’intimé du 30 août 2023.

3.        Dit que la procédure est gratuite.

4.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

 

 

Philippe KNUPFER

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’au Secrétariat d'État à l'économie par le greffe le