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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3695/2019

ATAS/245/2021 du 18.03.2021 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

Rectification d'erreur matérielle : page 9/14 et page 13/14
En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3695/2019 ATAS/245/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 18 mars 2021

3ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Michael RUDERMANN

recourant

 

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


 

 

EN FAIT

 

1.        Monsieur A______ (ci-après : le bénéficiaire), né en 1959, est au bénéfice de prestations complémentaires cantonales et fédérales.

2.        Le 29 mars 2018, il a épousé Madame B______, née en ______ 1970.

3.        Par décisions des 5 et 11 avril 2019, le service des prestations complémentaires (ci-après : SPC) a recalculé le montant des prestations dues à son bénéficiaire pour la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2019 et au-delà en tenant compte de l’augmentation de sa rente de prévoyance, de son mariage et d’un loyer proportionnel suite au partage de son logement avec son beau-fils, ainsi que d’un gain potentiel pour son épouse de CHF 50'854.- (pris en considération à hauteur de CHF  32’909.65 dans les calculs).

Au terme des dits calculs, le SPC est parvenu à la conclusion que les dépenses étaient désormais entièrement couvertes par les revenus, de sorte qu’à compter du 1er mai 2019, le droit aux prestations complémentaires devait être nié.

Un montant de CHF 14'563.20 avait été versé à tort durant la période considérée, dont le SPC réclamait la restitution.

4.        Le 24 mai 2019, l’intéressé s’est opposé à ces décisions en tant qu’elles retenaient un gain potentiel pour son épouse, en alléguant qu’un délai d’adaptation aurait dû être accordé avant l’introduction de ce revenu minimum hypothétique. En effet, son épouse ne résidait à Genève que depuis le mariage, intervenu le 29 mars 2018, son autorisation de séjour n’avait été délivrée que le 1er février 2019, elle ne parlait pas le français, était atteinte dans sa santé et ne disposait d’aucune expérience professionnelle.

A l’appui de ses dires, le bénéficiaire a produit, notamment :

-          un rapport de consultation du 10 mai 2019 faisant état de douleurs lombaires et cervicales connues depuis plusieurs années en aggravation au niveau cervical, avec des paresthésies intermittentes (changements dégénératifs en C5-C6, sténose canalaire débutante sans compression, hernie discale en L3-L4, L4-L5 et L5-S1 avec compression modérée de la racine S1), sans faiblesse musculaire ;

-          un rapport du même jour de la doctoresse C______, spécialiste FMH en neurologie, déconseillant une activité professionnelle comportant beaucoup d’activité physique, en position accroupie et avec port de charges lourdes et émettant l’avis qu’une activité de bureau serait beaucoup plus adaptée ;

-          un rapport du 14 mai 2019 faisant état d’une fissuration du ménisque externe de la corne postérieure à la corne antérieure avec un kyste refoulant le ligament antéro-latéral.

5.        Par décision du 4 septembre 2019, le SPC a partiellement admis l’opposition.

Il a jugé que la prise en compte d’un gain potentiel pour l’épouse de son bénéficiaire était justifiée dans son principe mais qu’en conformité à la jurisprudence et aux directives de l’office fédéral des assurances sociales (OFAS), il fallait effectivement accorder un délai d’adaptation avant l’introduction dudit revenu. En conséquence, la prise en compte de celui-ci devait être suspendue du 1er septembre 2018 au 30 avril 2019.

Pour le surplus, le SPC a admis qu’il ne pouvait être exigé du fils mineur de l’épouse de l’intéressé qu’il contribuât au paiement du loyer, d’autant moins que l’assuré avait une obligation d’entretien envers cet enfant. Pour ces motifs, il a renoncé au loyer proportionnel introduit le 1er avril 2019.

Dès lors, le SPC a repris ses calculs concernant la période du 1er janvier 2016 au 30 avril 2019. En ressortait un solde en faveur de son bénéficiaire d’un montant de CHF 7'394.-.

Le SPC a également annulé sa demande en remboursement des subsides à hauteur de CHF 3'793.20, ajoutant qu’il en avait avisé le Service de l’assurance-maladie (SAM).

6.        Par écriture du 4 octobre 2019, l’intéressé a interjeté recours contre cette décision en concluant à ce qu’il soit renoncé à toute prise en considération d’un gain hypothétique concernant son épouse, avec suite de frais et dépens.

Il fait valoir que son épouse est âgée de 49 ans, qu’elle est atteinte dans sa santé, qu’elle dispose certes d’une capacité de travail théorique dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles selon les médecins, mais que l’on ignore si une telle activité est réellement exigible, le neurologue traitant ne se prononçant pas à ce sujet.

Il souligne que son épouse est également atteinte dans sa santé psychique, ce qui influence également sa capacité de travail.

Enfin, il fait remarquer qu’elle ne maîtrise pas le français et ne dispose d’aucune expérience professionnelle.

Le recourant reproche au SPC de ne s’être livré à aucune analyse du marché du travail et des possibilités concrète de son épouse de réaliser effectivement un revenu dans ces conditions. Il en tire la conclusion que retenir un gain hypothétique de CHF 51'000.- par an est exagéré.

En particulier, le recourant fait grief au SPC de n’avoir pas cherché à établir les faits d’une manière conforme au droit en réclamant des précisions quant à l’état de santé de sa femme et à l’influence de celui-ci sur sa capacité de travail effective et de s’être contenté de conclure à une pleine et entière capacité de travail dans un domaine adapté, substituant ainsi sa propre appréciation à celle d’un médecin, sans même investiguer la question de l’atteinte psychique.

A l’appui de ses dires, le recourant produit, notamment :

-          un rapport de consultation de la Dresse C______ du 20 mai 2019 constatant l’absence de déficit neurologique moteur et de trouble de la sensibilité et reprenant pour le surplus les éléments énoncés dans son rapport précédent ;

-          un contrat de travail en tant que nettoyeuse du 24 juin au 20 septembre 2019 ;

-          un arrêt de travail du 13 août au 13 octobre 2019 ;

-          un rapport de la Dresse C______ du 16 août 2019 relatant que sa patiente avait repris une activité depuis juin 2019 à raison de deux heures par jour mais que les douleurs s’étaient exacerbées après cinq semaines de travail ;

-          un autre rapport de ce même médecin du 26 août 2019 mentionnant une nette amélioration de la symptomatologie avec une douleur toujours présente mais beaucoup moins invalidante.

7.        Le 21 octobre 2019, le recourant a produit un document rédigé le 7 octobre 2019 par la Dresse C______, confirmant avoir délivré un premier arrêt de travail du 13 août au 13 octobre 2019 et disant avoir eu connaissance du fait que sa patiente avait tenté une activité professionnelle de juillet à août 2019, ce qui s’était traduit par l’aggravation de sa lombalgie chronique et une nouvelle hernie discale. En mai 2019, elle souffrait déjà de douleurs chroniques connues depuis plusieurs années de sorte que cette aggravation était prévisible, selon le médecin prévisible, en cas d’activité de nature physique. La mobilité de la colonne vertébrale, déjà réduite auparavant, diminuait la capacité exigible dans une activité nécessitant de la force physique, telle que le ménage. Une activité professionnelle de bureau pourrait être proposée, à condition que les capacités linguistiques de la patiente s’améliorent. Elle souffrait également de troubles de la concentration importants.

Il a également produit un rapport de la doctoresse D______, spécialiste en psychiatrie, du 4 octobre 2019, concluant à un trouble dépressif récurrent, épisode sévère, avec ralentissement psychomoteur, troubles cognitifs, thymie triste, crises d’angoisse, labilité émotionnelle, irritabilité, perte d’énergie et de motivation, diminution important de l’élan vital, idées de dévalorisation, troubles du sommeil, fatigabilité prononcée, perte de l’appétit entraînant une perte pondérale et présente d’idées noires.

8.        Invité à se déterminer, l’intimé, dans sa réponse du 31 octobre 2019, a conclu au rejet du recours.

L’intimé rappelle avoir admis partiellement l’opposition et avoir renoncé à la prise en compte d’un gain potentiel pour un laps de temps de six mois correspondant à une période d’adaptation.

Il fait valoir qu’en 2019, le gain potentiel représentait un revenu annuel net de CHF 51'114,10, pris en compte à hauteur de CHF 33'076,25 seulement.

Le SPC note que l’épouse du recourant a tenté d’exercer une activité à temps partiel dans le domaine du nettoyage durant deux mois, activité inadaptée à ses limitations fonctionnelles, et qu’elle a dû y mettre un terme pour des raisons de santé.

Il note aussi qu’en août 2019, la Dresse C______ a mentionné une nette amélioration de la symptomatologie, avec une douleur toujours présente mais beaucoup moins invalidante. Ce médecin a d’ailleurs confirmé qu’un travail impliquant une activité physique était contre-indiqué pour sa patiente, sans toutefois se déterminer sur le taux exigible dans un domaine adapté.

La Dresse D______ a attesté quant à elle d’un trouble dépressif récurrent avec épisode actuel sévère sans symptômes psychotiques. Elle a ajouté que l’exercice d’une activité physique était très discutable et que la capacité de travail devait être examinée par un spécialiste.

Au vu de ces éléments, l’intimé se déclare prêt à renoncer au gain potentiel en mai 2019 également, à ne retenir pour la période de juin, juillet et août 2019 que les gains effectifs réalisés, à renoncer également au gain potentiel en septembre 2019 pour raisons médicales et à accorder un nouveau délai de six mois à l’épouse de son bénéficiaire – soit jusqu’à fin mars 2020 - pour entreprendre des démarches en vue de son intégration sociale (cours de français et stages ou mesures de réadaptation).

S’il s’avérait que l’épouse du recourant était effectivement reconnue invalide dans son pays d’origine, comme le mentionnait le Dr D______, il était demandé que la décision de la sécurité sociale serbe reconnaissant cette invalidité soit produite, ainsi que la décision de rente (même en cas de refus en raison d’une durée de cotisation insuffisante, par exemple).

Pour permettre la reconsidération de la décision sur opposition et l’établissement des nouveaux calculs valables dès le 1er mai 2019, le recourant était invité à produire également les bulletins de salaire de son épouse.

9.        Le 15 novembre 2019, le recourant a produit une décision du Service national de l’emploi de la République de Serbie du 6 août 2015 et sa traduction en français ainsi que les fiches de salaire de son épouse pour les mois de juillet et août 2019.

Il a pour le surplus annoncé être dans l’attente de renseignements médicaux complémentaires de la part des médecins traitants de son épouse concernant sa capacité de travail.

10.    Le 26 novembre 2019, le recourant a produit un rapport complémentaire de la Dresse D______ concluant à une totale incapacité de travail en raison de la symptomatologie anxio-dépressive, qualifiée de très prononcée, et des douleurs vertébrales.

11.    Le 28 novembre 2019, le recourant a encore produit un rapport de la Dresse C______ du 25 novembre 2018 confirmant l’incapacité de travail totale de son épouse pour une durée indéterminée en raison de lombalgies chroniques avec exacerbation sur hernie discale rendant les activités de la vie quotidienne pénibles et l’activité professionnelle impossible.

12.    Le 16 décembre 2019, l’intimé s’est déterminé.

Il maintient les propositions formulées précédemment, à savoir :

-          prolonger la suspension du gain potentiel en mai 2019 ;

-          prendre en considération les gains effectifs réalisés durant l’été 2019 selon les relevés de salaires transmis ;

-          renoncer au gain potentiel en septembre 2019, pour raisons médicales ;

-          accorder un nouveau délai de six mois à l’épouse du recourant pour entreprendre des démarches en vue de son intégration sociale et professionnelle ;

-          réaliser un nouvel examen de la situation en avril 2020.

Le SPC note que selon la décision de la Sécurité sociale serbe, il existe des difficultés et des obstacles mineurs affectant la capacité de travail en relation avec la profession ou les tâches que la personne peut effectuer ; l’intéressée reste capable d’effectuer un travail administratif adapté c’est-à-dire n’impliquant ni efforts physiques importants, ni port de charge de plus de 10 kg. L’intimé en tire la conclusion que l’exercice d’une activité adaptée est donc exigible et qu’on ne saurait dès lors renoncer définitivement à tout gain potentiel.

13.    Par écriture du 18 décembre 2019, le recourant a fait remarquer que la décision de la Sécurité sociale serbe remonte à août 2015.

Il suggère de se référer plutôt aux rapports médicaux actuels se prononçant sur la capacité de travail de son épouse, qui montrent qu’elle est nulle, pour une durée indéterminée, tant sur le plan physique que psychique.

S’agissant des fiches de salaire produites, il souligne qu’elles ne couvrent que les mois de juillet et août 2019 et demande qu’aucun gain potentiel ne soit pris en considération en juin 2019 non plus, pas plus qu’après septembre 2019.

14.    Le 20 janvier 2020, le SPC a accepté de ne prendre en considération aucun gain potentiel du 1er au 30 juin 2019 également.

15.    Le 25 février 2020, le recourant a encore produit des certificats d’incapacité de travail établis par la Dresse C______ pour la période du 13 août 2019 au 14 mars 2020, ainsi qu’un certificat annuel de salaire 2019 faisant état d’une période d’engagement du 24 juin au 20 septembre 2019.

16.    Par écriture du 2 avril 2020, le SPC a maintenu ses conclusions.

Il propose de retenir un montant de CHF 3'059.- pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2019, somme correspondant au revenu net indiqué dans l’attestation de salaire. Le calcul de la prestation ne pouvant se faire que pour un mois entier, il suggère de renoncer à prendre en considération un revenu en juin 2019, la semaine d’activité du mois de juin étant compensée avec celle manquant du mois de septembre 2019.

17.    Le 9 avril 2020, le recourant a indiqué que cette proposition lui semblait cohérente.

Il conteste en revanche toute prise en compte de gain après septembre 2019 vu les documents produits et la crise sanitaire en cours.

18.    Le 20 avril 2020, le recourant a encore produit copie des certificats médicaux prolongeant l’arrêt de travail de son épouse

19.    Le 22 mai 2020, l’intimé a indiqué vouloir procéder au réexamen de la situation de l’épouse du recourant au 1er avril 2020.

Des certificats médicaux établis par la Dresse C______, l’intimé retient une capacité de travail de 0% jusqu’au 15 mai 2020 pour raisons de maladie, malgré la nette amélioration de la symptomatologie douloureuse attestée le 26 août 2019. L’intimé considère cependant que, dans la mesure où ces rapports ne sont pas motivés, il n’est pas exclu de reconnaître une capacité de travail même partielle dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles.

L’intimé note par ailleurs que le délai de six mois accordé n’a pas été mis à profit par l’épouse de son bénéficiaire pour entreprendre des démarches concrètes en vue de son intégration sociale (sous la forme de cours de français ou de stages de réadaptation). Cependant, au vu de la situation sanitaire exceptionnelle, l’intimé propose de prolonger le délai d’adaptation de six mois supplémentaires, soit une année en tout – jusqu’à fin septembre 2020 -, afin qu’un projet réaliste d’insertion professionnelle puisse être construit.

20.    Le 8 juin 2020, le recourant a produit :

-          un certificat d’arrêt de travail de la Dresse C______ du 16 mai au 14 juin 2020 ;

-          un rapport détaillé de la Dresse D______ du 8 avril 2020 décrivant une situation similaire à précédemment ; en substance la patiente n’arrive même pas à quitter son lit sans l’aide de son mari, elle souffre de douleurs physiques impliquant la prise d’antidouleurs 24h/24h, son état de santé psychique s’est fortement péjoré suite à une aggravation physique en août 2019 : le fait d’être dépendante des autres, enfermée chez elle sans pouvoir sortir, de ne voir aucune amélioration l’a entraînée dans le désespoir avec des idées noires ; le médecin décrit une patiente très triste avec une labilité émotionnelle, des pleurs fréquents, une paralysie par les angoisses, des difficultés de sommeil, un manque d’appétit, un état de faiblesse et d’épuisement avec une perte d’énergie importante ; la patiente ne sort plus, communique très peu et n’arrive plus à participer aux événements de la vie quotidienne ;

-          un courrier de ce même médecin du 5 juin 2020 précisant que l’incapacité de travail reste totale, avec une évolution très lente et un pronostic réservé ; il est précisé que l’intéressée souffre d’une symptomatologie anxio-dépressive en plus de ses douleurs somatiques.

Le recourant en tire la conclusion que l’état de santé physique de son épouse ne s’est pas amélioré et justifie toujours une incapacité totale de travailler, que l’incapacité physique se double d’une incapacité psychique dûment motivée par des rapports médicaux très détaillés de la Dresse D______, qu’il ne peut donc raisonnablement être reproché à son épouse de ne pas avoir mis à profit le délai accordé pour entreprendre des démarches concrètes en vue de son intégration sociale et/ou professionnelle, que la crise sanitaire a en outre drastiquement réduit les chances pour son épouse de retrouver un emploi, qu’il n’y a donc pas lieu de retenir le moindre gain potentiel à partir d’octobre 2019.

21.    Par courrier du 9 juin 2020, la Cour de céans a invité le SPC à se déterminer en avisant qu’ensuite de quoi la cause serait gardée à juger.

22.    Le 8 juillet 2020, le SPC a maintenu sa proposition de prolonger le délai d’adaptation de six mois supplémentaires afin qu’un projet réaliste d’insertion socio-professionnelle puisse être construit par l’épouse avec le soutien de son psychiatre traitant.

23.    Le 13 juillet 2020, le recourant a persisté dans ses conclusions en reprochant à l’intimé de refuser de tenir compte de l’état de santé psychique de son épouse.

 

EN DROIT

 

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56ss LPGA) .

3.        Le litige porte sur la prise en compte d’un gain potentiel concernant la femme du recourant dans le calcul du droit aux prestations de ce dernier à compter de mai 2019.

Au fil de ses prises de position successives, l’intimé sans sa réponse, l'intimé s'est déclaré d'accord de :

-          renoncer à un gain potentiel en mai et juin 2019 ;

-          prendre en considération les gains effectifs réalisés *entre en juillet et *septembre 2019 août 2019 selon les relevés de salaires transmis (CHF 3’059.-) ; *Rectification d'une erreur matérielle le 08.11.2021/SKA/mhw

-          renoncer à tout gain potentiel en septembre 2019, pour raisons médicales ; *Rectification d'une erreur matérielle le 08.11.2021/SKA/mhw

-          accorder un nouveau délai à l’épouse du recourant pour entreprendre des démarches en vue de son intégration sociale et professionnelle, d’octobre 2019 à fin septembre 2020.

Le recourant a confirmé son accord sur ces points. Il convient de prendre acte de l'accord des parties (art. 50 LPGA), d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à l'intimé pour nouveaux calculs et nouvelle décision en ce sens.

N’est donc plus litigieuse à ce stade de la procédure que la question de la prise en compte d’un gain potentiel à compter d’octobre 2020.

4.        En vertu de l’art. 4 LPC, les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle (art. 13 LPGA) en Suisse ont droit à des prestations complémentaires, dès lors qu’elles ont droit, notamment, à une rente ou à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (AI ; al. 1 let. c). Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC).

Les revenus déterminants au sens de l’art. 11 LPC comprennent notamment le produit de la fortune mobilière et immobilière ainsi que les rentes, pensions et autres prestations périodiques, y compris les rentes de l’AVS et de l’AI (art. 11 al. 1 let. b et d LPC). S’y ajoute un quinzième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de l’assurance-invalidité, dans la mesure où elle dépasse CHF 40'000.- pour les couples (art. 11 al. 1 let. c LPC). Sont également comprises dans les revenus déterminants les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s’est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC). Cette disposition, qui reprend le libellé de l’ancien art. 3c al. 1 let. g LPC, est directement applicable lorsque l’épouse d’un bénéficiaire s’abstient de mettre en valeur sa capacité de gain, alors qu’elle pourrait se voir obligée d’exercer une activité lucrative en vertu de l’art. 163 CC (ATF 117 V 291 s. consid. 3b ; VSI 2001 p. 127 consid. 1b).

5.        S’agissant des prestations complémentaires cantonales, l’art. 4 LPCC prévoit qu’ont droit aux prestations les personnes dont le revenu annuel déterminant n’atteint pas le revenu minimum cantonal d’aide sociale (ci-après : RMCAS) applicable, le montant annuel de la prestation complémentaire correspondant à la part des dépenses reconnues qui excèdent le revenu annuel déterminant de l’intéressé (art. 15 al. 1 LPCC). Selon l’art. 5 LPCC, le revenu déterminant est calculé conformément aux règles fixées dans la loi fédérale et ses dispositions d’exécution, moyennant notamment l’adoption suivante : en dérogation à l’art. 11 al. 1 let. c, de la loi fédérale, la part de la fortune nette prise en compte dans le calcul du revenu déterminant est de un huitième, respectivement de un cinquième pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, et ce après déduction : 1° des franchises prévues par cette disposition, 2° du montant des indemnités en capital obtenues à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice corporel, y compris l’indemnisation éventuelle du tort moral (art. 5 let. c LPCC).

6.        a. Il appartient à l’administration ou, en cas de recours, au juge des assurances sociales d’examiner si l’on peut exiger du conjoint qu’il exerce une activité lucrative ou l’étende et, le cas échéant, de fixer le salaire qu’il pourrait en retirer en faisant preuve de bonne volonté. Pour ce faire, il y a lieu d’appliquer à titre préalable les principes du droit de la famille, compte tenu des circonstances du cas d’espèce (ATF 117 V 292 consid. 3c ; VSI 2001 p. 126 consid. 1b). Les critères décisifs auront notamment trait à l’âge de la personne, à son état de santé, à ses connaissances linguistiques, à sa formation professionnelle, à l’activité exercée jusqu’ici, au marché de l’emploi, et le cas échéant, au temps plus ou moins long pendant lequel elle aura été éloignée de la vie professionnelle (ATF 134 V 53 consid. 4.1 et ATF 117 V 290 consid. 3a ; VSI 2001 p. 126 consid. 1b ; SVR 2007 EL n° 1 p. 1 et RDT 2005 p. 127).

b. C’est pour tenir compte de l’évolution du droit matrimonial que le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi de la prise en compte d’un revenu hypothétique du conjoint dans la fixation du revenu déterminant selon la LPC (cf. ATF 117 V 287). Dans la mesure où l’épouse n’avait plus de prétention légale à apporter sa contribution par les soins du ménage exclusivement, il apparaissait en effet exigible d’elle, dans certaines circonstances, qu’elle exerçât une activité lucrative lorsque son mari n’était plus capable de le faire en raison par exemple d’une invalidité. Toutefois, cette exigibilité doit être appréciée en fonction de plusieurs facteurs, en particulier liés à la situation personnelle et sociale de l’épouse concernée et en accord avec les principes du droit de la famille.

c. En ce qui concerne le critère de la mise en valeur de la capacité de gain sur le marché de l’emploi, le Tribunal fédéral des assurances a considéré qu’il importe de savoir si et à quelles conditions le conjoint du bénéficiaire de prestations est en mesure de trouver un travail. À cet égard, il faut prendre en considération, d’une part, l’offre des emplois vacants appropriés et, d’autre part, le nombre de personnes recherchant un travail (ATFA non publié P 2/99 du 9 décembre 1999). Il y a lieu d’examiner concrètement la situation du marché du travail (ATFA non publiés 8C_655/2007 du 26 juin 2008, P 61/03 du 22 mars 2004, P 88/01 du 8 octobre 2002 et P 18/02 du 9 juillet 2002). Il faut tenir compte du fait qu’après un long éloignement de la vie professionnelle, une intégration complète dans le marché du travail n’est plus possible après un certain âge. Il est actuellement admis qu’un retour dans le monde du travail est possible aussi pour des femmes de plus de 50 ans, qui n’ont pas d’enfants mineurs à charge, seul un revenu minimum étant toutefois réalisable en pareille hypothèse (VSI 2/2001 p. 126 consid. 1c ; ATFA non publié P 2/06 du 18 août 2006 consid. 1.2 ; ATF 137 III 102).

d. L’obligation faite à la femme d’exercer une activité lucrative s’impose en particulier lorsque l’époux n’est pas en mesure de le faire à raison de son invalidité parce qu’il incombe à chacun de contribuer à l’entretien et aux charges du ménage. Dès lors que l’épouse y renonce, il y a lieu de prendre en compte un revenu hypothétique (ATFA non publié P 40/03 du 9 février 2005 consid. 4.2). Il importe également, lors de la fixation d’un revenu hypothétique, de tenir compte du fait que la reprise – ou l’extension – d’une activité lucrative exige une période d’adaptation, et qu’après une longue absence de la vie professionnelle, une pleine intégration sur le marché de l’emploi n’est plus possible à partir d’un certain âge. Les principes prévus en matière d’entretien après le divorce sont aussi pertinents à cet égard. Ainsi tient-on compte, dans le cadre de la fixation d’une contribution d’entretien, de la nécessité éventuelle d’une insertion ou réinsertion professionnelle (art. 125 al. 2 ch. 7 CC). Dans la pratique, cela se traduit régulièrement sous la forme de contributions d’entretien limitées dans le temps ou dégressives (ATF 115 II 431 consid. 5 et ATF 114 II 303 consid. 3d ainsi que les références). Sous l’angle du calcul des prestations complémentaires, les principes évoqués supra peuvent être mis en œuvre, s’agissant de la reprise ou de l’extension d’une activité lucrative, par l’octroi à la personne concernée d’une période – réaliste – d’adaptation, avant d’envisager la prise en compte d’un revenu hypothétique (VSI 2/2001 p. 126 consid. 1b).

e. La jurisprudence sur la force obligatoire de l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité ne s’applique qu’à la condition que ceux-ci aient eu à se prononcer sur le cas et que l’intéressé ait été qualifié de personne partiellement invalide par une décision entrée en force. Mais même dans ce cas, les organes d’exécution en matière de prestations complémentaires doivent se prononcer de manière autonome sur l’état de santé de l’intéressé lorsqu’est invoquée une modification intervenue depuis l’entrée en force du prononcé de l’assurance-invalidité (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 6/04 du 4 avril 2005, consid. 3.1 et 3.1.1). Aussi, les organes d’exécution en matière de prestations complémentaires ne sont-ils pas fondés à se prévaloir d’un manque de connaissances spécialisées pour écarter d’emblée toute mesure d’instruction au sujet de l’état de santé d’une personne (arrêt 8C_172/2007 du 6 février 2008, consid. 7.2). Dans l’arrêt 8C_172/2007 précité, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la valeur probante d’un rapport établi par le médecin traitant de l’épouse d’un bénéficiaire de prestations complémentaires et produit par celui-ci à l’appui de son opposition à une décision par laquelle des prestations avaient été calculées compte tenu d’un revenu hypothétique annuel de CHF 11'746.-. Il a jugé que dans le cas particulier, ce rapport médical contenait tous les renseignements nécessaires pour se prononcer au sujet de la capacité de travail de l’intéressée. En effet, ce document indiquait les différentes affections, en particulier celles qui avaient une incidence sur la capacité de travail, et précisait la durée de travail exigible. En outre, il contenait un pronostic sur l’évolution des affections, ainsi que les facteurs personnels susceptibles d’influencer les possibilités de l’intéressée de retrouver un emploi (arrêt 8C_172/2007 précité, consid. 8 ; ATF du 14 mars 2008 8C 68/2007).

7.        En l’espèce, l’intimé tire des différents documents qui ont été versés à la procédure la conclusion que l’épouse du recourant peut exercer une activité lucrative, pour autant qu’elle soit adaptée à son état de santé.

L’épouse du recourant était âgée de 49 ans au moment de la décision litigieuse. Elle ne dispose d’aucune formation et n’a jamais exercé d’activité en Suisse – à l’exception de deux mois dans le nettoyage en 2019 – où elle n’est arrivée qu’en 2019.

Selon toutes les pièces médicales versées au dossier – et bien plus actuelles que la décision de la Sécurité sociale serbe qui remonte à 2015 -, l’intéressée est non seulement atteinte dans sa santé physique mais également dans sa santé psychique et ce, de manière importante puisque son état dépressif est qualifié de sévère par le médecin spécialiste qui la suit, au terme de plusieurs rapports détaillés et circonstanciés. Ce spécialiste conclut d’ailleurs à une totale incapacité de travail, en soulignant les multiples limitations compromettant sa réinsertion. Il émet au surplus un pronostic réservé.

On ne saurait donc, comme le fait l’intimé, s’écarter de cette appréciation sans élément tangible permettant d’en douter.

Dans ces circonstances, aucun gain potentiel ne doit, en l’état, être pris en compte à partir d’octobre 2020 au titre de revenu potentiel pour l’épouse du recourant dans le calcul des prestations complémentaires dues à ce dernier.

8.        Le recours est en conséquence admis.

Le dossier est renvoyé au SPC pour nouveau calcul et nouvelle décision.

Le recourant, qui obtient gain de cause et est assisté d’un mandataire professionnel, a droit au remboursement de ses frais et dépens, qui seront fixés à CHF 3'000.- (art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03.;

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

 

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

 

D’accord entre les parties :

2.        Prend acte de la proposition de l’intimé de :

-          renoncer à un gain potentiel en mai et juin 2019 ;

-          prendre en considération les gains effectifs réalisés * entre en juillet et * septembre août 2019 selon les relevés de salaires transmis ; *Rectification d'une erreur matérielle le 08.11.2021/SKA/mhw

-          renoncer à tout gain potentiel en septembre 2019, pour raisons médicales ; *Rectification d'une erreur matérielle le 08.11.2021/SKA/mhw

-          accorder un nouveau délai à l’épouse du recourant pour entreprendre des démarches en vue de son intégration sociale et professionnelle, d’octobre 2019 à fin septembre 2020.

3.        L’y condamne en tant que de besoin.

4.        Réforme la décision du 4 septembre 2019 en ce sens.

 

Pour le surplus, au fond :

5.        L’admet en ce sens qu’il est dit qu’aucun gain potentiel ne doit être pris en considération à partir d’octobre 2020 non plus.

6.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul des prestations dues depuis janvier 2016 dans le sens des considérants.

7.        Condamne l’intimé à verser au recourant la somme de CHF 3'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

8.        Dit que la procédure est gratuite.

9.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le