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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3168/2020

ATAS/216/2022 du 10.03.2022 ( PC ) , ADMIS/RENVOI

En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3168/2020 ATAS/216/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 10 mars 2022

5ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée ______, GENÈVE,
comparant avec élection de domicile en l'étude de
Maître Catarina MONTEIRO SANTOS

 

recourante

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES, sis route de Chêne 54, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

 

A.            Madame A______ (ci-après : l’assurée ou la recourante), née en 1964, a travaillé en qualité de secrétaire. Elle est au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité depuis 2003.

B. a. Le 8 février 2013, l’assurée a déposé une demande de prestations complémentaires auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : le SPC ou l’intimé), indiquant que son époux était incapable de poursuivre son activité de teinturier, depuis le 1er octobre 2012.

b. Par décision du 8 mai 2013, confirmée sur opposition le 19 juin 2013, le SPC a établi le droit aux prestations complémentaires de l’assurée, dès le 1er février 2013. Dans ses calculs, il a tenu compte de gains potentiels de CHF 19'210.- pour l’assurée et de CHF 57'579.05 pour son époux. Les revenus déterminants dépassant les dépenses reconnues, seul un subside d’assurance-maladie a été octroyé à l’assurée et à son époux.

c. Dans deux certificats établis en mai 2013, le docteur B______, spécialiste FMH en médecine interne, a attesté une capacité de travail de 50 % pour l’assurée du 15 au 31 mai 2013 et une capacité de travail nulle pour son époux du 1er au 31 mai 2013.

d. Saisie d’un recours contre la décision du SPC, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre de céans) l’a partiellement admis, par arrêt du 29 janvier 2014 (ATAS/131/2014). Après avoir ordonné l’apport des dossiers concernant l’assurée et son époux constitués par l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI), elle a retenu que le mari de l’assurée ne disposait d’aucune capacité de travail, si bien que le SPC ne pouvait retenir de gain potentiel pour lui. Elle a en revanche confirmé le gain hypothétique de l’assurée, se fondant notamment sur le certificat du Dr B______, et relevant en outre que l’assurée ne démontrait pas qu’elle ne pouvait retrouver un travail à 50 % en qualité de secrétaire. Elle a repris les calculs des prestations complémentaires, en fonction de ce seul gain potentiel. Dans le dispositif de son arrêt, elle a condamné l’intimé à verser à l’assurée des prestations complémentaires fédérales de CHF 12'473.- et cantonales de CHF 9'519.- par an. L’arrêt du 29 janvier 2014 est entré en force.

C. a. À la suite de cet arrêt, le SPC a régulièrement adressé de nouvelles décisions fixant le droit aux prestations complémentaires de l’assurée, lesquelles reprenaient, pour cette dernière, un gain potentiel de CHF 19'210.-.

b. Par décision rendue en octobre 2015, confirmée sur opposition le 2 août 2016, le SPC a procédé à la révision du droit aux prestations pour tenir compte des cotisations sociales dues par l’assurée et son conjoint. Cette décision intégrait dans les revenus déterminants un gain hypothétique pour l’assurée.

c. L’assurée a interjeté recours contre la décision précitée, que la chambre de céans a déclaré irrecevable par arrêt du 26 janvier 2017 (ATAS/64/2017) en tant qu’il portait sur le gain potentiel retenu pour l’assurée, exorbitant à l’objet de la décision, laquelle portait sur le montant des cotisations sociales à prendre en compte dans les dépenses reconnues. Si le recours devait être interprété comme une demande de révision de l’arrêt du 29 janvier 2014 - alors même qu’aucune aggravation de l’état de santé de l’assurée n’était alléguée - il serait également irrecevable, en l’absence de fait nouveau ou de nouveau moyen de preuve.

D. a. Le 25 novembre 2019, l’assurée a annoncé au SPC qu’elle souffrait d’un cancer. Elle lui a transmis des certificats médicaux attestant une incapacité de travail totale, depuis le 22 octobre 2019.

b. Par décision du 11 février 2020, l’OAI a octroyé à l’époux de l’assurée trois quarts de rente du 1er avril au 30 juin 2013, une rente entière du 1er juillet 2013 au 28 février 2014, un quart de rente du 1er novembre 2018 au 31 janvier 2019 et trois quarts de rente dès le 1er février 2019.

c. Le 3 juillet 2020, le SPC a informé l’assurée qu’il avait repris les calculs des prestations complémentaires du 1er avril 2013 au 30 juin 2020, pour tenir compte des nouvelles rentes. Il a joint à son envoi ses décisions du 19 juin 2020, recalculant le droit aux prestations complémentaires pour cette période, qui révélaient un trop-perçu de CHF 41'573.- que l’assurée était invitée à lui rembourser.

d. L’assurée, par son conseil, s’est opposée à ces décisions le 21 juillet 2020. Elle a affirmé que le SPC agissait de manière contraire à la bonne foi en revenant sur ses décisions pour lui imputer désormais un gain potentiel, alors que sa capacité de gain ne s’était pas modifiée.

L’assurée a produit à l’appui de son opposition un projet de décision de l’OAI du 2 juillet 2020, aux termes duquel elle présentait un taux d’invalidité de 100 % dès le 1er janvier 2020, compte tenu d’une incapacité de travail totale depuis le 18 octobre 2019.

e. Le 20 août 2020, le SPC a indiqué à l’assurée qu’il avait établi une nouvelle décision portant sur le montant des prestations complémentaires, dès le 1er janvier 2020, laquelle ne retenait plus de gain potentiel pour elle au vu de la rente entière qui lui était allouée dès cette date. Il a précisé que ce point ne faisait pas l’objet de la décision sur opposition qu’il rendrait ultérieurement.

f. Le 24 août 2020, le SPC a rendu une nouvelle décision sur le calcul des prestations complémentaires du 1er janvier au 31 août 2020, annulant et remplaçant sa précédente décision, dont il résultait un solde de CHF 2'464.- en faveur de l’assurée.

g. Par décision du 31 août 2020, le SPC a écarté l’opposition de l’assurée. Il a exposé que ses nouveaux calculs étaient justifiés par l’octroi rétroactif de la rente de l’époux de l’assurée. Le gain potentiel de l’assurée avait déjà été pris en compte dans les décisions précédentes et son bien-fondé confirmé par la chambre de céans. Depuis les arrêts rendus par celle-ci, l’assurée n’avait fait état d’aucun élément renversant la présomption qu’elle serait en mesure de réaliser un revenu.

E. a. Par écriture du 7 octobre 2020, l’assurée a interjeté recours contre la décision de l’intimé. Elle a conclu, sous suite de dépens, à l’octroi d’un délai pour compléter son recours, à la production par l’intimé de l’intégralité de son dossier, à son audition, à l’audition de ses médecins, à la mise en œuvre d’une expertise pour établir sa capacité de gain et - sur le fond - à l’annulation de la décision, à ce qu’il soit constaté qu’elle n’avait aucune capacité de travail résiduelle, et au renvoi de la cause à l’intimé pour le calcul de la rente (sic) et nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. La recourante a complété son recours le 17 novembre 2020, persistant dans ses conclusions. Elle a exposé être en incapacité totale de travailler, à tout le moins depuis août 2009. Elle n’exerçait plus d’activité lucrative depuis 2010. Elle avait à l’époque transmis divers certificats médicaux à son précédent conseil, lequel était censé les faire parvenir à l’OAI et à l’intimé. Ce dernier n’était ainsi pas en droit de retenir un gain potentiel.

Elle a notamment produit les documents suivants :

-          un certificat du Dr B______ du 18 septembre 2020, aux termes duquel la capacité de travail de la recourante était nulle depuis le 27 août 2009 en raison d’une hernie discale cervicale ;

-          un avis du docteur C______, médecin auprès du service médical régional de l’assurance-invalidité (ci-après : le SMR), rappelant que la demi-rente de la recourante avait été allouée en 2003 en raison d’atteintes rachidiennes. Au vu du cancer diagnostiqué le 18 octobre 2019, ce médecin a admis une aggravation et une capacité de travail nulle, dans toute activité, dès cette date.

c. Dans sa réponse du 17 décembre 2020, l’intimé a conclu à l’admission partielle du recours en ce sens qu’il acceptait de supprimer le gain potentiel imputé à la recourante, dès le 1er octobre 2019, au vu de l’avis du SMR de l’OAI. S’agissant de la période précédente, le gain hypothétique, confirmé par la chambre de céans, était maintenu.

d. Par réplique du 22 janvier 2021, la recourante a persisté dans ses conclusions, reprenant les arguments déjà développés et sollicitant derechef son audition et celle du Dr B______.

e. Dans sa duplique du 16 février 2021, l’intimé a persisté dans les conclusions de son préavis. L’audition du Dr B______ et de la recourante étaient inutiles, puisque la chambre de céans avait déjà examiné le dossier de l’assurance-invalidité pour déterminer si un gain hypothétique était indiqué.

f. À l’expiration du délai imparti à la recourante pour le dépôt d’éventuelles déterminations, prolongé à plusieurs reprises, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 3 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30). Elle statue aussi, en application de l'art. 134 al. 3 let. a LOJ, sur les contestations prévues à l'art. 43 de la loi cantonale sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.             La LPGA a été modifiée par la novelle du 21 juin 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2021. Cette modification n’est cependant pas applicable dans le présent cas, dès lors que le recours était pendant devant la chambre de céans lors de son entrée en vigueur, conformément à l’art. 82a LPGA.

3.             En matière de prestations complémentaires fédérales, les décisions sur opposition sont sujettes à recours dans un délai de trente jours (art. 56 al. 1 et 60 al. 1er LPGA ; art. 9 de la loi cantonale du 14 octobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité [LPFC - J 4 20]) auprès du tribunal des assurances du canton de domicile de l'assuré (art. 58 al. 1 LPGA).

S'agissant des prestations complémentaires cantonales, l'art. 43 LPCC ouvre les mêmes voies de droit.

Interjeté dans les forme et délai prévus par la loi, le recours est recevable.

4.             L'objet du litige dans la procédure administrative est le rapport juridique qui - dans le cadre de l'objet de la contestation déterminé par la décision - constitue, d'après les conclusions du recours, l'objet de la décision effectivement attaqué (arrêt du Tribunal fédéral 9C_197/2007 du 27 mars 2008 consid. 1.2). 

Tel que circonscrit par la portée temporelle de la décision attaquée, les conclusions de la recourante et l’acquiescement partiel de l’intimé auxdites conclusions, l’objet du litige porte sur la prise en compte d’un gain hypothétique, pour la recourante, dans le calcul des prestations complémentaires allant du 1er avril 2013 au 30 septembre 2019.

La recourante ne conteste pas expressément l’obligation de restituer ressortant de la décision attaquée. Cette question est cependant très étroitement liée à celle qui fait l’objet de la contestation, dans la mesure où l’obligation de restituer est une conséquence du caractère indu des prestations que révèlent les nouveaux calculs de l’intimé. Partant, la chambre de céans examinera également l’étendue de la restitution si lesdits calculs sont confirmés.

La remise et son étendue font l'objet d'une procédure distincte de la restitution (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 64/06 du 30 octobre 2007 consid. 4), de sorte que ce point ne fait pas partie du litige.

5.              

5.1.1 Les personnes qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse et qui remplissent les conditions (personnelles) prévues aux art. 4, 6 et 8 LPC ont droit à des prestations complémentaires. Ont ainsi droit aux prestations complémentaires notamment les personnes qui perçoivent une rente de l'assurance-invalidité, conformément à l'art. 4 al. 1 let. c LPC.

5.1.2 Les prestations complémentaires fédérales se composent de la prestation complémentaire annuelle et du remboursement des frais de maladie et d'invalidité (art. 3 al. 1 LPC). L'art. 9 al. 1er LPC dispose que le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants. Au niveau fédéral, les revenus déterminants comprennent notamment les ressources et parts de fortune dont un ayant droit s'est dessaisi (art. 11 al. 1 let. g LPC).

5.2 Au plan cantonal, l'art. 4 LPCC dispose qu'ont droit aux prestations complémentaires cantonales les personnes dont le revenu annuel déterminant n'atteint pas le revenu minimum cantonal d'aide sociale applicable.

L'art. 5 LPCC renvoie à la réglementation fédérale pour le calcul du revenu déterminant, sous réserve de l'ajout des prestations complémentaires fédérales au revenu déterminant ainsi que d'autres adaptations non pertinentes en l'espèce.

6.              

6.1 L’art. 14a de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI - RS 831.301) dispose que le revenu de l'activité lucrative des invalides est pris en compte sur la base du montant effectivement obtenu par l'assuré dans la période déterminante (al. 1). Pour les invalides âgés de moins de 60 ans, le revenu de l'activité lucrative à prendre en compte correspond au moins au montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux des personnes seules selon l'art. 10 al. 1 let. a ch. 1 LPC, pour un taux d'invalidité de 50 à moins de 60 % (let. b) (al. 2).

6.2 Lorsque le montant indiqué à l'art. 14a al. 2 let. a à c OPC-AVS/AI n'est pas atteint, de même que lorsqu'aucune activité lucrative n'est exercée, l'assuré est présumé avoir renoncé à des ressources au sens de l'art. 11 al. 1 let. g LPC. L'assuré peut renverser cette présomption en apportant la preuve que des circonstances objectives et subjectives extérieures à l'invalidité, telles que l'âge, le manque de formation ou de connaissances linguistiques, des circonstances personnelles ou la situation du marché du travail, entravent ou compliquent la réalisation d'un tel revenu. Le revenu déterminant pour le calcul de la prestation complémentaire est le revenu hypothétique que l'assuré pourrait effectivement réaliser (ATF 141 V 343 consid. 3.3 ; ATF 140 V 267 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_827/2018 du 20 mars 2019 consid. 4.3). Le bénéficiaire de prestations a en la matière une obligation accrue de collaborer à l'instruction des faits (art. 43 al. 1 LPGA), en ce sens il doit faire valoir les éléments susceptibles de renverser la présomption précitée. S'il ne le fait pas et si ces éléments ne sont pas apparents, ou si l'instruction ne parvient pas à un résultat concluant, il supporte l'absence de preuves (arrêt du Tribunal fédéral 9C_241/2016 du 22 juin 2016 consid. 3).

7.             L'art. 25 al. 1 OPC-AVS/AI prévoit que la prestation complémentaire annuelle doit être augmentée, réduite ou supprimée lors de chaque changement survenant au sein d'une communauté de personnes comprises dans le calcul de la prestation complémentaire annuelle (let. a) ; lors de chaque modification de la rente de l'assurance-vieillesse et survivants ou de l'assurance-invalidité (let. b). En vertu de l'alinéa deuxième de cette disposition, la nouvelle décision doit porter effet dès la date suivante : dans les cas prévus par l'al. 1 let. a et b, en cas de changement au sein d'une communauté de personnes, sans effet sur la rente, dès le début du mois qui suit celui au cours duquel le changement est survenu ; lors d'une modification de la rente, dès le début du mois au cours duquel la nouvelle rente a pris naissance ou au cours duquel le droit à la rente s'éteint (let. a).

8.              

8.1 En vertu de l'art. 25 LPGA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile (al. 1). Le droit de demander la restitution s'éteint un an après le moment où l'institution d'assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Si la créance naît d'un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai de prescription plus long, celui-ci est déterminant (al. 2). Selon la jurisprudence, l'obligation de restituer prévue par l'art. 25 al. 1 LPGA implique que soient réunies les conditions d'une reconsidération (cf. art. 53 al. 2 LPGA) ou d'une révision procédurale (cf. art. 53 al. 1er LPGA) de la décision par laquelle les prestations ont été accordées. L'octroi rétroactif d'une rente est un motif de révision procédurale au sens de l'art. 53 al. 1 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral 9C_341/2017 du 27 septembre 2017 consid. 4.1).

8.2 Au plan cantonal, aux termes de l'art. 24 al. 1 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées. La restitution ne peut être exigée lorsque l'intéressé était de bonne foi et qu'elle le mettrait dans une situation difficile. Conformément à l'art. 43A LPCC, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si le bénéficiaire ou le service découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits avant (al. 1). Le SPC peut revenir sur les décisions ou les décisions sur opposition formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable (al. 2). Jusqu'à l'envoi de son préavis à l'autorité de recours, le SPC peut reconsidérer une décision ou une décision sur opposition contre laquelle un recours a été formé (al. 3).

8.3 En ce qui concerne plus particulièrement la révision, l'obligation de restituer des prestations indûment touchées et son étendue dans le temps ne sont pas liées à une violation de l'obligation de renseigner. Il s'agit simplement de rétablir l'ordre légal après la découverte du fait nouveau (arrêt du Tribunal fédéral 8C_689/2016 du 5 juillet 2017 consid. 3.1).

9.            

9.1 Les délais de l'art. 25 al. 2 LPGA sont des délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d'office (arrêt du Tribunal fédéral 8C_535/2020 du 3 mai 2021 consid. 3.2). On précisera que les principes applicables à la restitution selon la LPGA sont issus de la réglementation et de la jurisprudence antérieures (ATF 130 V 318 consid. 5.2). Le délai absolu de cinq ans doit être calculé à partir du moment où la prestation a été effectivement fournie. En d'autres termes, cela signifie que si l'assureur rend une décision de restitution dans le délai relatif d'un an, il peut réclamer le remboursement des prestations versées au cours des cinq dernières années, le remboursement des prestations ayant été versées plus de cinq ans auparavant étant périmé (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 33/05 du 20 novembre 2006 consid. 2.3.2, rendu en application de l’ancien art. 52 de la loi fédérale sur l’assurance-accidents [LAA – RS 832.20], lequel prévoyait un délai de péremption de cinq ans pour demander la restitution de prestations indues). Le délai de péremption absolu de cinq ans commence à courir à la date du versement effectif de la prestation. Il met un point final à un rapport d'obligation entre l'assurance et le débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.2).

9.2 S’agissant du délai absolu de péremption de cinq ans, il faut relever ce qui suit, lorsque la restitution est dictée par l’octroi rétroactif de prestations d’un autre assureur social. En matière d’assurance-chômage, statuant en application de l’ancien art. 95 de la loi fédérale sur l'assurance-chômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité (LACI - RS 837.0), qui prévoyait un délai de péremption de cinq ans pour exiger la restitution d’indemnités de chômage, le Tribunal fédéral a retenu que le point de départ de ce délai était subordonné à la naissance d'une obligation de restituer l'indu. Une application indifférenciée de la notion de versement à tous les cas de restitution paralyserait de manière inadmissible les objectifs de coordination entre l'assurance-chômage et l'assurance-invalidité. Par conséquent, lorsque la restitution d'indemnités de chômage était justifiée par l'allocation avec effet rétroactif d'une rente de l'assurance-invalidité, le délai de cinq ans ne pouvait commencer à courir qu'à partir du moment où il apparaissait que ces indemnités étaient indues et donc sujettes à restitution, c'est-à-dire au moment de l'entrée en force de la décision de rente (ATF 127 V 484 consid. 3b/dd, portant sur la restitution de prestations versées durant une période de cinq ans exactement).

Un auteur s’est montré critique envers cet arrêt, soutenant que dans le cas où une prestation s’avère indue à la suite de l’octroi rétroactif de prestations d’une autre assurance, seul le délai relatif d’une année est applicable (Ueli KIESER, ATSG-Kommentar, 4ème éd. 2020, n. 92 ad art. 25, cf. également Joanna DORMANN in Commentaire bâlois, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n. 63 ad art. 25 LPGA, qui semble se rallier à cette analyse). Dans un arrêt portant sur la compensation interne par l’assurance-invalidité de rentes rétroactivement allouées à une assurée pour une période remontant à cinq ans et six mois avec un excédent de rentes servi à son époux pour la même période, le Tribunal fédéral a répété qu’en cas d’octroi rétroactif de prestations, les délais de péremption d'une année et de cinq ans ne commençaient à courir qu'au moment où la décision de l'assurance-invalidité entrait en force (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 98/04 du 13 octobre 2004 consid. 3). Par la suite, la Haute Cour, tout en notant la critique doctrinale exposée ci-dessus, a confirmé que dans le cas d’octroi rétroactif de prestations d’autres assureurs, le délai de cinq ans ne peut commencer à courir qu'à partir du moment où il apparaît que les prestations étaient indues et donc sujettes à restitution (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 71/06 du 3 octobre 2007 portant sur la restitution d'indemnités journalières pour perte de gain en cas de maladie versées pendant quelque six mois de 1994 à 1995, dont la restitution avait été requise en 2002 à la suite de l’octroi pour cette période d’une rente de l’assurance-invalidité).

Dans le cas de restitution ou compensation de prestations avec des rentes allouées rétroactivement, la jurisprudence de la chambre de céans n’est pas constante. À titre d’exemples, elle a admis la restitution par compensation de prestations complémentaires versées à tort entre le 1er novembre 2007 et le 28 février 2018, eu égard à une décision de l’OAI de 2018 (ATAS/779/2020 du 17 septembre 2020 consid. 6) et la compensation interne par une assurance de prestations versées à titre d’avance pour une période excédant cinq ans (ATAS/646/2019 du 9 juillet 2019 consid. 7b). Elle a considéré que le délai quinquennal était respecté dans le cas d’une restitution avec compensation de prestations pour accident versées de septembre 2000 au 31 décembre 2003, exigée par décision du 25 septembre 2007 à la suite de l’octroi rétroactif de prestations d’invalidité (ATAS/212/2010 du 2 mars 2010 consid. 16c).

Elle a en revanche annulé la décision du SPC recalculant les prestations complémentaires pour tenir compte de la rente allouée au conjoint de l’assurée en tant qu’elle exigeait la restitution de prestations versées plus de cinq ans auparavant (ATAS/267/2020 du 6 avril 2020 consid. 10), ainsi que dans un cas où le SPC avait opéré de nouveaux calculs sur une période remontant à plus de cinq ans avant sa décision de restitution (ATAS/206/2019 du 11 mars 2019 consid. 12c). Elle a également annulé la restitution de prestations complémentaires versées plus de cinq ans avant la décision de restitution rendue en raison de l’octroi pour cette période d’une rente de la prévoyance professionnelle (ATAS/885/2013 du 10 septembre 2013 consid. 8). Elle a confirmé qu’une restitution ne pouvait porter que sur les prestations versées dans les cinq ans avant la décision sur ce point (ATAS/741/2016 du 20 septembre 2016 consid. 11 dans une cause où l’OAI avait exigé la restitution de rentes qu’il affirmait indues sur une période de sept ans en raison de la prétendue activité déployée par l’intéressé durant cette période). Le délai absolu de cinq ans a également été appliqué pour annuler la restitution réclamée hors de ce délai de prestations versées en raison d’une erreur de l’administration (ATAS/754/2013 du 31 juillet 2013 consid. 14 c/aa). La chambre de céans a également annulé la restitution de rentes versées à tort plus de cinq ans auparavant à une assurée qui n’avait pas respecté son obligation d’annoncer (ATAS/1499/2009 du 26 novembre 2009 consid. 11.1), eu égard au délai quinquennal de l’art. 25 al. 2 LPGA.

10.         L'autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure entre les mêmes parties, une prétention identique à celle qui a été définitivement jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_685/2019 du 9 juin 2020 consid. 5.1.2). L'autorité de chose jugée signifie que l’arrêt est obligatoire et ne peut plus être remis en question ni par les parties, ni par les autorités judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 9C_346/2007 du 23 janvier 2008 consid. 4.2). En règle générale, seul le dispositif d'un jugement est revêtu de l'autorité de chose jugée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_20/2020 du 5 mai 2020 consid. 1.4). Toutefois, lorsque le dispositif se réfère expressément aux considérants, ceux-ci acquièrent eux-mêmes la force matérielle (arrêt du Tribunal fédéral 9C_58/2012 du 8 juin 2012 consid. 4.2 et les références citées). De plus, la portée du dispositif ne peut souvent se déterminer qu’en fonction des motifs (ATF 123 III 16 consid. 2a ; ATF 116 II 738 consid. 2a).

11.         En l’espèce, c’est en raison de l’octroi rétroactif d’une rente d’invalidité au conjoint de la recourante que l’intimé a repris ses calculs.

11.1 À ce stade de la procédure, la recourante ne semble plus expressément contester l’existence d’un motif de révision des précédentes décisions de l’intimé, mais elle s’en prend au gain potentiel retenu dans ses nouveaux calculs dès le 1er avril 2013. L’intimé fait quant à lui valoir que ce point a déjà été tranché par la chambre de céans.

Si la chambre de céans a certes confirmé dans son arrêt de 2014 le gain potentiel pris en compte pour la recourante, en se fondant sur la capacité de travail de 50 % ressortant du dossier de l’OAI et sur le fait que celle-ci n’avait pas démontré qu’elle ne serait pas en mesure de retrouver un emploi à ce taux, il y a lieu de se demander quelle est la portée de cet arrêt, et en particulier si la prise en compte d’un gain potentiel pour la recourante dans le calcul des prestations complémentaires revêt force de chose jugée. Le dispositif de l’arrêt du 29 janvier 2014 condamne l’intimé à verser à la recourante des prestations complémentaires chiffrées. Ce dispositif ne mentionne pas expressément l’exigibilité d’un gain potentiel pour la recourante, si bien qu’il n’est pas certain que ce point ait acquis force de chose jugée au sens de la jurisprudence.

De plus, les prestations complémentaires sont des prestations annuelles, et la force de chose décidée ou jugée de la décision ou de l’arrêt portant sur une telle prestation est limitée, du point de vue temporel, à l’année civile à laquelle elle se rapporte (arrêt du Tribunal fédéral des assurances P 29/04 du 9 novembre 2004 consid. 4.3). On ne peut dès lors pas considérer qu’un gain hypothétique retenu dans une décision entrée en force revêtirait un caractère immuable sur lequel l’autorité ne serait pas fondée à revenir par la suite en cas de modification de la situation de l’intéressé.

11.2 Cela étant, dans le cas d’espèce, l’éventuelle force de chose jugée attachée aux précédents jugements rendus par la chambre de céans n’a pas à être tranchée, dès lors que la recourante n’amène, en toute hypothèse, aucun élément qui justifierait que l’on renonce à tenir compte d’un gain potentiel avant le 1er octobre 2019. S’agissant de son état de santé, elle fait valoir qu’elle aurait régulièrement transmis des certificats médicaux à son précédent avocat, à charge pour ce dernier de les transmettre tant à l’intimé qu’à l’OAI. Cet argument ne lui est cependant d’aucun secours, puisque même à supposer que son mandataire ait effectivement omis de signaler une aggravation aux autorités concernées, la recourante répond de ce manquement. En effet, les actes et omissions d'un avocat sont imputables à son client (arrêt du Tribunal fédéral 8C_915/2014 du 26 février 2015 consid. 4.1). De plus, alors même que la recourante est désormais assistée d’un nouveau conseil, elle n’a fourni aucun de ces certificats. Par ailleurs, elle n’allègue ni ne démontre d’aggravation de son état de santé depuis l’arrêt du 29 avril 2014 jusqu’au diagnostic de cancer posé en octobre 2019. Elle a uniquement produit un certificat du Dr B______ du 18 septembre 2020, lequel fait état d’une incapacité de travail totale depuis 2009 en raison d’une hernie discale. Or, ce document – qui paraît du reste avoir été établi pour les besoins de la cause – est en contradiction avec la capacité de travail de 50 % que ce même médecin attestait en mai 2013. De plus, la hernie discale qui y est évoquée est précisément la pathologie qui a justifié l’octroi d’une demi-rente d’invalidité, comme cela ressort de l’avis du Dr C______. Il s’agit ainsi d’un diagnostic déjà pris en considération, et non d’une nouvelle pathologie, si bien qu’il ne justifie pas que l’on revienne sur l’appréciation de la capacité de gain de la recourante avant octobre 2019. Quant au fait que celle-ci n’a pas travaillé depuis 2010, cela ne suffit pas à exclure une capacité de travail résiduelle au plan médico-théorique. La recourante n’affirme par ailleurs pas qu’elle aurait tenté de retrouver un emploi pendant la période litigieuse, mais qu’elle n’y serait pas parvenue pour des motifs conjoncturels.

11.3 Au vu de ces éléments, la chambre de céans n’a pas de motif de revenir sur cette capacité de travail et, partant, sur le gain potentiel imputé à la recourante jusqu’à fin septembre 2019. Par appréciation anticipée des preuves, l’audition de la recourante et de ses médecins traitants s’avère ainsi inutile (arrêt du Tribunal fédéral 9C_779/2020 du 7 mai 2021 consid. 5.2).

Dans la mesure où l’intimé a admis la suppression du gain potentiel dès le 1er octobre 2019, il y a lieu de lui renvoyer la cause afin qu’il procède aux nouveaux calculs des prestations complémentaires dès cette date.

12.         Les autres éléments des nouveaux calculs opérés par l’intimé n’étant pas remis en cause, le montant des prestations complémentaires faisant l’objet des nouveaux calculs doit être confirmé jusqu’en septembre 2019. Il en découle que les prestations complémentaires versées en trop, eu égard à ces calculs, doivent être restituées, conformément aux principes rappelés ci-dessus.

Cependant, le montant de CHF 41'573.- retenu à ce titre selon les décisions du 19 juin 2020 confirmées sur opposition correspond aux prestations versées en trop selon les calculs couvrant la période du 1er avril 2013 au 30 juin 2020. Or, le nouveau calcul des prestations complémentaires à opérer, dès le 1er octobre 2019, entraînera selon toute vraisemblance une diminution de ce montant. La restitution ne peut, partant, pas être confirmée dans sa quotité. Elle peut toutefois l’être sur le principe, et notamment sur le fait qu’elle porte sur des prestations versées plus de cinq ans auparavant, soit dès le 1er avril 2013. La décision exigeant la restitution a en effet été rendue dans le délai relatif prévu à l’ancien art. 25 al. 2 LPGA, puisqu’elle est intervenue moins d’une année après que l’intimé a eu connaissance de la rente de l’assurance-invalidité allouée à l’époux de la recourante. Elle couvre certes une période excédant le délai quinquennal de l’art. 25 al. 2 LPGA. Toutefois, comme cela ressort de la jurisprudence fédérale et de la doctrine citées, ce délai ne trouve pas application dans le cas d’espèce, eu égard au fait que le caractère indu des prestations découle de l’octroi rétroactif d’autres prestations d’assurance.

13.         Compte tenu de ce qui précède, le recours est très partiellement admis.

La recourante étant assistée d’un mandataire professionnellement qualifié et obtenant très partiellement gain de cause a droit à des dépens, qui seront fixés à CHF 600.- (art. 61 let. g LPGA).

Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.        L’admet partiellement.

3.        Annule la décision de l’intimé du 31 août 2020 en tant qu’elle retient un gain potentiel pour la recourante dès le 1er octobre 2019 et qu’elle exige la restitution de CHF 41'573.-.

4.        La confirme pour le surplus.

5.        Renvoie la cause à l’intimé pour nouveau calcul des prestations complémentaires dès le 1er octobre 2019 et du montant à restituer.

6.        Condamne l’intimé à verser à la recourante une indemnité de dépens de CHF 600.-.

7.        Dit que la procédure est gratuite.

8.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110). Le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

Véronique SERAIN

 

Le président

 

 

Philippe KNUPFER

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le ______