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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/614/2004

ATAS/208/2005 du 22.03.2005 ( AI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/614/2004 ATAS/208/2005

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

1ère chambre

du 22 mars 2005

En la cause

Monsieur M__________, mais comparant par Me Karine FRACHEBOUD en l'Etude de laquelle il élit domicile

recourant

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE, sis rue de Lyon 97à Genève

intimé


EN FAIT

Monsieur M__________, ressortissant double national suisse et tunisien, né le 13 décembre 1954, marié et père de quatre enfants, est arrivé en Suisse en 1975.

2. Il a travaillé auprès de divers établissements bancaires et entreprises à Genève de 1980 à 1984 comme analyste-programmeur, puis a suivi des cours d'informatique de gestion auprès de la société de sciences économiques et sociales à l'Université.

3. Du mois d'août 1988 au mois d'octobre 1995, il a séjourné en Tunisie, où il s'est occupé de marketing, gestion et organisation de développements privés.

4. De retour à Genève en novembre 1995, l’intéressé n’a pas réussi à retrouver un travail et s’est inscrit auprès de l’Office cantonal de l’emploi ; il n’a toutefois pas pu bénéficier d’indemnités de chômage ne remplissant pas les conditions requises (cotisations). Il n’a plus exercé d’activité lucrative depuis lors.

L'Hospice général lui a accordé des prestations d’assistance depuis le 1er janvier 1999.

L'assuré, souffrant de douleurs dorso-lombaires notamment, a consulté plusieurs médecins de la Polyclinique de Médecine (Hôpitaux universitaires de Genève – HUG) dès le 31 janvier 1996.

En date du 7 février 2000, il a déposé une demande de prestations AI tendant à l'octroi d'une rente en raison d' « une hernie discale très grave, difficultés énormes pour marcher, bouger et faire le moindre mouvement, problèmes de dos et au ventre (…) », atteinte à sa santé dont il a déclaré souffrir depuis 6 ans en dépit des traitements suivis à l'Hôpital cantonal de Genève depuis de nombreuses années.

Dans un rapport établi le 25 avril 2000 à l’attention de l’Office cantonal AI (ci-après : l’OCAI), les Drs Dominique A__________ et B__________ (HUG) ont fait état d’une suspicion de trouble somatoforme indifférencié ICD 10S45.1 avec douleurs dorsales et abdominales. Ils ont précisé que l'assuré avait décrit des douleurs abdominales de l'hypocondre gauche, sous forme d'un "point" survenant depuis une quinzaine d'années par périodes pouvant durer plusieurs mois, déclenchées en particulier par le décubitus latéral et la position assise, disparaissant en décubitus dorsal et debout, sans relation avec les efforts, les repas, ou le transit digestif. Récemment, des nausées et des vomissements y étaient associés. L'intéressé s’était également plaint de douleurs dorsales présentes depuis 3 ans environ, semblant prédominer en région lombaire, décrites comme une "boule métallique" dans le dos, irradiant de manière diffuse dans le haut du dos et dans les membres inférieurs avec une extension variable, soulagées transitoirement par la position couchée ou s'il prenait appui (meuble, béquille). Une hypoesthésie fluctuante des membres inférieurs a par ailleurs été évoquée.

Les médecins ont relevé, d’une part, que l'intéressé avait une perception nettement subjective de son état de santé et que, d’autre part, il avait interrompu la prise en charge par la Polyclinique de Médecine lorsqu'une évaluation par un psychiatre lui avait été proposée. Ils ont ajouté que l'assuré avait été vu le 30 mars 2000 pour l'établissement du rapport et qu’ils avaient constaté qu’il avait consulté 8 fois du 31 janvier 1996 au 24 juin 1997 pour les douleurs abdominales et 7 fois du 13 août 1999 au 11 avril 2000 pour les douleurs dorsales.

En ce qui concerne l'incapacité de travail, ils l'ont estimée à 100% du 7 décembre 1999 au 30 avril 2000. Selon eux la capacité de travail pouvait être améliorée par des antidépresseurs à but antalgique ainsi qu'une évaluation, voire un suivi par un psychiatre. Des mesures professionnelles étaient également indiquées, compte tenu du fait que les compétences de l'assuré n’étaient plus à jour en raison de son inactivité prolongée, ce aussitôt qu'il serait apte à un reclassement professionnel, ses capacités d’apprentissage étant très altérées par son état actuel. Ils n'ont pas vu de contre-indication dans la profession exercée jusqu'ici.

8. Par courrier du 24 avril 2002, l'assuré a informé l'office cantonal de l'assurance-invalidité (ci-après l'OCAI) que ses problèmes de santé étaient permanents et graves, qu'aucune amélioration n'était envisagée et que son incapacité de travail était totale depuis de nombreuses années. Il a ajouté que sa santé s'était détériorée. Il a joint divers certificats médicaux établis à tour de rôle par des médecins traitants des HUG, notamment les Dr C__________, D__________ et E__________, attestant d'une incapacité de travail quasiment continue depuis le 31 mars 2000 jusqu’à cette date.

9. Dans un rapport daté du 16 août 2002, les Dresses D__________ et E__________ (HUG) ont fait état de douleurs dorso-lombaires chroniques depuis 1996 ayant des répercussions sur la capacité de travail de l’assuré et ont confirmé qu'il était en incapacité de travail à 100% depuis cette date. Selon elles, l'état de santé de l'assuré était stationnaire et sa capacité de travail ne pouvait être améliorée par des mesures médicales. Des mesures professionnelles n'étaient pas indiquées non plus. Elles ont précisé que depuis 1996, le patient se plaignait de douleurs lombaires et abdominales, ainsi que, depuis environ une année, de diarrhées aqueuses chroniques et vomissements. Elles ont pronostiqué des séances de physiothérapie une à deux fois par année ainsi que des analgésiques.

10. Ces médecins, dans l’annexe à leur rapport, ont établi que l'atteinte à la santé avait eu pour conséquence une inactivité professionnelle depuis 1996, que le travail exercé jusqu'alors n'était plus exigible en raison des douleurs dorsales déclenchées par la position assise notamment et qu'il y avait une diminution de rendement de 100%. Elles ont précisé que l'on ne pouvait exiger de l'assuré une autre activité, le patient se plaignant de douleurs continues, insupportables, se disant invalide, et que jusqu'à présent il avait été impossible d'entrer en matière quant à une prise en charge multidisciplinaire des douleurs.

11 Le 28 octobre 2002, le Dr F__________, médecin-conseil de l’AI, a constaté que l’on avait posé comme diagnostics des lombalgies sans troubles dégénératifs, ainsi que des troubles somatoformes douloureux persistants, mais que les renseignements médicaux étaient insuffisants, de sorte qu'une expertise psychiatrique lui paraissait nécessaire. En date du 31 octobre 2002, l'OCAI a adressé une demande d’expertise psychiatrique au Dr Jacques G__________.

Le 18 novembre 2002, l'assuré a informé l'OCAI de ce qu'il n'était pas d'accord avec sa façon d'instruire son dossier, ne comprenant notamment pas pourquoi une expertise psychiatrique avait été demandée et précisant qu’après s’être rendu une fois au cabinet du Dr G__________, il refusait une deuxième consultation.

Ayant été formellement sommé à deux reprises par l’OCAI, l’intéressé a finalement accepté de se soumettre à l’expertise.

12. Dans son rapport d'expertise psychiatrique établi le 3 décembre 2002, le Dr  G__________, psychiatre FMH, dit n’avoir pu déceler aucune pathologie psychiatrique évidente. A son sens, l'assuré était cohérent, il ne présentait pas de trouble de la pensée ni de trouble de la thymie, il n'était pas déprimé et ne formulait aucune plainte qui aurait pu orienter le dialogue dans ce sens. Il se bornait à demander au médecin de croire que tout se limitait exclusivement à ses douleurs physiques ainsi qu’à ses médicaments et évitait toute autre discussion.

Le Dr G__________ a déclaré ne pouvoir déterminer l'impact des affections somatiques sur la capacité de travail, mais pencher vers une appréciation diagnostique de : "trouble somatoforme chronique avec un mécanisme d'accoutumance à cette condition". Le Dr G__________ a exposé que l'assuré s’était décrit comme impotent et définitivement incapable de reprendre toute activité professionnelle ; toutefois, il n'y avait pas de pathologie psychiatrique qui permette de comprendre ce refus d'envisager une amélioration de sa condition de santé. Selon lui, il était impératif de procéder à une évaluation en milieu socioprofessionnel et cela pendant une période de trois mois, afin de déterminer avec précision quelles étaient les capacités de l'intéressé et comment on pourrait les adapter à une activité, fût-elle partielle dans l'avenir. Sur le plan psychique et mental, il a estimé que l'assuré montrait une attitude d'échec: il se trouvait trop vieux pour travailler mais ne considérait pas d'intermédiaire, comme une occupation partielle ou des essais en milieu socioprofessionnel. L'assuré avait dit ne plus pouvoir travailler en raison de son état physique, mais ceci était à objectiver selon l'expert. Quant à savoir si l'activité exercée jusqu'ici était encore exigible, le Dr G__________ a souligné que si le travail de programmeur était dévalorisé de manière générale vu les progrès de l’informatique, une activité de consulting par exemple serait possible « même dans une modeste mesure ».

L'expert a indiqué ne pouvoir se prononcer plus précisément quant à la capacité résiduelle de travail. Selon lui il était inutile de procéder à une autre batterie d’examens et autres investigations, la situation étant déjà suffisamment ancrée comme cela ; par contre, il lui paraissait impératif de revoir les capacités, de chercher une adaptation au travail, probablement partielle.

13. Afin de compléter l’instruction de la demande de prestations, l’assuré a été convoqué au Service médical régional AI (SMR) le 17 juin 2003.

14. L’examen clinique pluridisciplinaire a eu lieu le 17 juin 2003. Il ressort du rapport établi le 23 septembre 2003 par les Doctoresses H__________, médecine physique et rééducation, et I__________, psychiatre FMH, que les diagnostics suivants peuvent être posés :

- Trouble somatoforme indifférencié, sans comorbidité psychiatrique F45.1

- Lombalgies sur trouble de la statique (scoliose en S avec convexité à droite au niveau dorsal, hypercyphose) hernie intra-spongieuse au plateau inférieur D12 et arthrose inter-apophysaire L5-S1 débutante (M54.05).

- Stéatose hépatique.

Les médecins ont constaté que l’assuré avait présenté depuis 1996, soit une année après son retour en Suisse, des douleurs variées, surtout au niveau du rachis, permanentes et rebelles aux traitements tant médicamenteux que physiothérapeutiques. Ces douleurs s’étaient peu à peu étendues à l’épaule droite, mais un peu moins à la gauche, ainsi qu’aux fesses et aux genoux, ce qui obligeait l'intéressé à se déplacer avec une canne. Ses douleurs étaient sur 75% du temps très importantes et ne disparaissaient jamais complètement. A l'examen, la mobilisation de toutes les articulations faisait mal, et les mouvements actifs étaient très limités. La mobilisation passive était plus ample malgré une résistance active nette. Toutefois, quand l'assuré était concentré sur quelque chose d'autre, il parvenait très bien à bouger ses articulations. Les douleurs à la palpation étaient diffuses et n'avaient aucun rapport avec les « tender points » de la fibromyalgie. On observait aussi une localisation bizarre des douleurs provoquées: par exemple, la palpation de l'artère poplitée provoquait des douleurs au niveau du dos. Manifestement, il y avait une discordance entre les plaintes avancées et les données cliniques, les investigations radiologiques n'ayant pas fourni d'explications pour ces douleurs. Ceci évoquait le diagnostic de douleurs fonctionnelles.

L'examen clinique psychiatrique n'a pas montré de dépression majeure, de décompensation psychotique, d'anxiété généralisée, de trouble phobique, de trouble de la personnalité morbide, ni de limitation fonctionnelle psychiatrique, de sorte que les doctoresses n'ont pu retenir une quelconque incapacité de travail justifiable du point de vue médico-juridique. Elles n'ont pas noté non plus de perturbation de l'environnement psychosocial, malgré l'allégation de lourds handicaps exposée par l'assuré. Il n’existait donc pas de limitations fonctionnelles psychiatriques.

Les caractéristiques des douleurs évoquées demeuraient vagues. Les experts ont posé le diagnostic de trouble somatoforme indifférencié qui n'était en soi pas déterminant pour l'estimation de la capacité de travail « surtout dans le cas de l'assuré qui avait adopté un rôle d'invalide ». Des limitations fonctionnelles au plan rhumatologique étaient liées aux troubles de la statique du rachis : il faudrait éviter un travail en position penchée, en avant ou en rotation du rachis ainsi que porter des charges plus lourdes que 20 kilos et en porte-à-faux.

Concernant la capacité de travail exigible au plan psychiatrique, en l'absence de toute comorbidité psychiatrique ou troubles douloureux, elle a été estimée à 100%. Sur le plan rhumatologique, dans la profession d'informaticien, la capacité de travail a été également estimée à 100% si les positions de travail étaient ergonomiques. En conclusion, les médecins ont estimé que globalement la capacité de travail exigible était de 100%.

15. Au vu des considérations qui précèdent, par décision du 24 octobre 2003, l'OCAI a refusé l'octroi d'une rente d'invalidité en l'absence de toute invalidité.

16. Par courrier du 24 novembre 2003, l'assuré a formé opposition à la décision précitée, alléguant qu’il souffrait depuis 1996 d’une atteinte à sa santé et était dans l’incapacité totale de travailler depuis lors. Il devait dès lors être reconnu invalide, ce d'autant qu'aucun traitement n'était envisageable pour obtenir une guérison ou une atténuation de ses souffrances. Aucune mesure médicale n'était envisageable, pas plus que des mesures d'ordre professionnel. Son degré d'invalidité s'élevait donc à 100%. L’assuré a conclu à ce que la décision du 24 octobre 2003 soit mise à néant et que soit reconnu son droit à une rente AI entière.

17. En date du 20 janvier 2004, l'assuré a complété son opposition. Il a notamment déclaré avoir dû se rendre le 13 janvier 2004 aux urgences des HUG où les médecins avaient constaté une péjoration des douleurs lombaires. Il a produit des pièces médicales établies à cette occasion et persisté dans ses conclusions, ajoutant qu’il sollicitait subsidiairement la mise sur pied d’un stage professionnel.

18. En date du 17 février 2004, l'OCAI a rendu une décision sur opposition et maintenu son refus. Il a fait valoir que le rapport du SMR remplissait toutes les exigences requises par la jurisprudence pour se voir reconnaître entière valeur probante, de sorte qu'il ne saurait s'écarter d'un avis aussi circonstancié sous peine de tomber dans l'arbitraire. Il a souligné que l'assuré n'avait apporté aucun élément objectif susceptible de remettre en cause ledit avis.

S'agissant du droit au reclassement, l’OCAI a considéré que les investigations médicales complémentaires du SMR avaient déjà permis de répondre à la question de savoir si la poursuite de l'activité habituelle était exigible de la part de l'assuré. En conclusion, il a rejeté l'opposition et confirmé la décision du 24 octobre 2003.

19. En date du 24 mars 2004, l'assuré a interjeté recours contre la décision susmentionnée. Il a fait grief à l'Office AI de ne pas avoir correctement tenu compte de l'ensemble des pièces du dossier. Il lui a également reproché une absence de motivation de sa décision et a estimé qu'il avait violé le droit en faisant une appréciation juridique erronée des faits.

Le recourant a conclu à ce que la décision du 24 octobre 2003 soit mise à néant et son droit à une rente AI entière reconnu, subsidiairement, à ce qu'il soit intégré dans un stage pour évaluer avec précision sa capacité de gain et éventuellement à ce qu’il soit soumis à un examen neurologique.

20. Par préavis du 4 mai 2004, l'OCAI a conclu au rejet du recours.

21. Sur ce la cause a été gardée à juger.

22. Les autres éléments de faits pertinents seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

La loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) a été modifiée et a institué, dès le 1er août 2003, un Tribunal cantonal des assurances sociales, composé de 5 juges, dont un président et un vice-président, 5 suppléants et 16 juges assesseurs (art. 1 let. r et 56 T LOJ).

Suite à l’annulation de l’élection des 16 juges assesseurs, par le Tribunal fédéral le 27 janvier 2004 (ATF 130 I 106), le Grand Conseil genevois a adopté, le 13 février, une disposition transitoire urgente permettant au Tribunal cantonal des assurances sociales de siéger sans assesseurs à trois juges titulaires, ce, dans l’attente de l’élection de nouveaux juges assesseurs.

Conformément à l'art. 56 V al. 1 let. a ch. 2 LOJ, le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’article 56 LPGA qui sont relatives à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959.

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3. La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) est entrée en vigueur le 1er janvier 2003, entraînant la modification de nombreuses dispositions légales dans le domaine des assurances sociales. Sur le plan matériel, le point de savoir quel droit s'applique doit être tranché à la lumière du principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 127 V 467 consid. 1, 126 V 136 consid. 4b et les références). En revanche, en ce qui concerne la procédure, et à défaut de règles transitoires contraires, le nouveau droit s'applique sans réserve dès le jour de son entrée en vigueur (ATF 117 V 93 consid. 6b, 112 V 360 consid. 4a; RAMA 1998 KV 37 p. 316 consid. 3b). C'est pourquoi les procédures pendantes au 1er janvier 2003 ou introduites après cette date devant un tribunal cantonal compétent en matière d'assurances sociales sont régies par les nouvelles règles de procédure contenues dans la LPGA et par les dispositions de procédure contenues dans les différentes lois spéciales modifiées par la LPGA.

4. Interjeté le 24 mars 2004, contre la décision sur opposition du 17 février 2004 de l’OCAI, le recours est recevable à la forme conformément aux art. 56, 59 et 60 LPGA.

5. L’objet du litige porte sur le point de savoir si c’est à bon droit que l’OCAI a considéré qu’il n’existait pas d’invalidité justifiant l’octroi d’une rente.

6. Selon l’art. 4 LAI, l’invalidité est la diminution de la capacité de gain présumée permanente ou de longue durée qui résulte d’une atteinte à la santé physique ou mentale provenant d’une infirmité congénitale, d’une maladie ou d’un accident (cf. également art. 8 LPGA).

La circulaire concernant l’invalidité et l’impotence (ci-après CIIAI) précise que l’invalidité ainsi comprise comporte trois éléments constitutifs, à savoir une atteinte à la santé, une incapacité de gain, et un rapport de causalité entre l’atteinte à la santé et l’incapacité de gain (chiffre 1001). Le chiffre 1015 de ladite circulaire souligne que les troubles psychiques qui sont provoqués principalement par des circonstances extérieures tel que le surmenage causé par l’exercice de plusieurs professions ou un milieu défavorable, mais qui disparaissent si les circonstances sont modifiées d’une manière raisonnablement exigible, n’ont en eux-mêmes pas valeur d’invalidité.

En ce qui concerne le lien de causalité entre l’incapacité de gain et l’atteinte à la santé, l’on ne saurait parler d’invalidité, au sens de l’AI, que si l’incapacité de gain ou l’incapacité de travail spécifique résulte d’une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique. Il doit dès lors exister un lien de causalité entre ces deux éléments. Cependant, une personne qui ne présenterait pas une incapacité de travail au moins partielle ne peut prétendre à une incapacité de gain et, dès lors ne peut être considérée comme invalide. En particulier, il n’y a pas de lien de causalité et l’on n’est pas en présence d’un cas d’invalidité lorsque l’incapacité de gain n’a pas été provoquée par une atteinte à la santé, mais par d’autres facteurs, notamment par la situation économique ou pour des raisons inhérentes à la personnalité de l’assuré, tel par exemple un manque d’ardeur au travail (CIIAI chiffres 1022 et suivants).

7. Pour pouvoir apprécier le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge s’il y a recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore raisonnablement exiger de l’assuré (ATF 125 V 261 consid. 4, 115 V 134 consid. 2, 114 V 314 consid. 3c, 105 V 158 consid. 1).

En ce qui concerne par ailleurs la valeur probante d’un rapport médical, ce qui est déterminant, c’est que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description du contexte médical soit claire et qu’enfin les conclusions de l’expert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les références). L’élément déterminant pour la valeur probante n’est en principe ni l’origine du moyen de preuve, ni sa désignation, sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. L’expertise doit donc être fondée sur une documentation complète et des diagnostics précis, être concluante grâce à une discussion convaincante de la causalité, et apporter des réponses exhaustives et sans équivoques aux questions posées. Cela dit, elle doit être compréhensible, concluante et ne pas trancher des points de droit.

Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, l'administration est tenue d'ordonner une instruction complémentaire lorsque les allégations des parties et les éléments ressortant du dossier requièrent une telle mesure. En particulier, elle doit mettre en oeuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 283 consid. 4a; RAMA 1985 K 646 p. 240 consid. 4).

En principe, le juge ne s’écarte pas sans motif impératif des conclusions d’une expertise médicale, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une sur-expertise ordonnée par le Tribunal en affirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, l’on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 118 V 290 consid. 1b ; 112 V 32ss et les références).

En dernier lieu, il sied de rappeler que, selon la jurisprudence constante, il y a lieu d’attacher plus d’importance aux constatations faites par les spécialistes qu’à l’appréciation faite par le médecin traitant (RCC 1988 p. 504).

8. En l’espèce, dans leur rapport du 25 avril 2000, les Drs A__________ et B__________ (HUG) ont diagnostiqué une suspicion de trouble somatoforme indifférencié avec douleurs dorsales et abdominales. Ils ont souligné que le recourant avait une perception fort subjective de son état et qu’il avait refusé une évaluation psychiatrique.

Ils ont estimé l’incapacité de travail à 100% du 7 décembre 1999 au 30 avril 2000. Ladite capacité de travail devait pouvoir être améliorée par des antidépresseurs à but antalgique ainsi qu’un suivi psychiatrique, étant précisé que les compétences professionnelles du recourant n’étaient plus à jour en raison de son activité prolongée et que des mesures professionnelles étaient souhaitables, mais qu’il n’y avait pas de contre-indication à l’exercice de sa profession.

Les Dresses D__________ et J__________, médecins traitants, dans leur rapport du 16 août 2002, ont fait état de douleurs dorso-lombaires chroniques existant depuis 1996 et estimé que l’incapacité de travail du recourant était totale depuis cette époque. Selon elles, la capacité de travail ne pouvait être améliorée ni par des mesures médicales ni par des mesures professionnelles.

Les médecins précités concluent certes à une incapacité de travail totale, mais ajoutent qu’aucune activité lucrative n’est exigible du recourant pour la seule raison que celui-ci se plaint de douleurs.

9. Le SMR a procédé à un examen complet et minutieux de l’état de santé de l’assuré. Pour ce faire, les experts se sont appuyés sur l’entier du dossier, notamment sur les certificats des médecins ayant examiné le patient auparavant, de sorte que l’on ne peut que constater que leur rapport se base sur un dossier bien étayé.

Une anamnèse complète a été réalisée et le patient a été longuement entendu par les experts. L’état de santé du recourant a fait l’objet d’examens approfondis. Le rapport est circonstancié et les experts du SMR ont procédé à une séance de décision multidisciplinaire afin de parvenir à des conclusions claires.

Du point de vue rhumatologique seul, la capacité de travail résiduelle a été estimée à 100% dans la profession d’informaticien pour autant que les positions de travail soient ergonomiques. L’assuré présentait des douleurs chroniques dorsales et lombaires ; il apparaît toutefois que l’ensemble des éléments objectifs ou cliniques ne permettait pas d’expliquer l’origine des douleurs. Les médecins ont souligné une discordance entre l’intensité extrême des plaintes alléguées et les constatations objectives qui étaient modérées. A leur avis, le manque de motivation du recourant ne relevait pas du domaine médical ; il avait adopté un rôle d’invalide.

10. Le Dr G__________, psychiatre, n’a pu déceler aucune pathologie psychiatrique. Il a considéré que l’intéressé était cohérent, qu’il ne présentait pas de trouble de la pensée, n’était pas dépressif et ne formulait aucune plainte qui aurait pu orienter le dialogue dans ce sens. Il a noté cependant que le recourant se décrivait comme impotent et définitivement incapable de reprendre toute activité professionnelle, qu’il présentait une attitude d’échec, n’envisageant pas de situation intermédiaire, telle une occupation partielle ou une autre activité professionnelle. C’est ainsi qu’il a posé le diagnostic de trouble somatoforme chronique avec mécanisme d’accoutumance à cet état.

11. Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peuvent, comme les atteintes physiques, provoquer une invalidité au sens des art. 8 LPGA et 4 LAI, on doit mentionner – à part les maladies mentales proprement dites – les anomalies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne considère pas comme des conséquences d’un état psychique maladif, donc pas comme des affections à prendre en charge par l’assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de gain que l’assuré pourrait empêcher en faisant preuve de bonne volonté ; la mesure de ce qui est exigible doit être déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son infirmité mentale, exercer une activité que le marché du travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point déterminant est ici de savoir quelle activité peut raisonnablement être exigée. Pour admettre l’existence d’une incapacité de gain causée par une atteinte à la santé mentale, il n’est donc pas décisif que l’assuré exerce une activité lucrative insuffisante ; il faut bien plutôt se demander s’il y a lieu d’admettre que la mise à profit de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être raisonnablement exigée de lui, où qu’elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165 ; VSI 1996 page 318 consid. 2a, page 321 consid. 1a, page 424 consid. 1a ; RCC 1992 page 182 consid. 2a et les références).

Selon la jurisprudence la plus récente du Tribunal fédéral des assurances (ATFA non publiés I 282/03 et I 283/03 du 8 juin 2004 et I 870/02 du 21 avril 2004), des troubles somatoformes douloureux peuvent, dans certaines circonstances, conduire à une incapacité de travail. De tels troubles entrent dans la catégorie des affections psychiques, pour lesquelles une expertise psychiatrique est en principe nécessaire quand il s'agit de se prononcer sur l'incapacité de travail qu'ils sont susceptibles d'entraîner (VSI 2000 p. 160 consid. 4b; arrêt I 683/03 du 12 mars 2004, destiné à la publication, consid. 2.2.2 et les arrêts cités). Compte tenu des difficultés, en matière de preuve, à établir l'existence de douleurs, les simples plaintes subjectives de l'assuré ne suffisent pas pour justifier une invalidité (entière ou partielle). Dans le cadre de l'examen du droit aux prestations de l'assurance sociale, l'allégation des douleurs doit être confirmée par des observations médicales concluantes, à défaut de quoi une appréciation de ce droit aux prestations ne peut être assurée de manière conforme à l'égalité de traitement des assurés.

Un rapport d'expertise attestant la présence d'une atteinte psychique ayant valeur de maladie est une condition juridique nécessaire, mais ne constitue pas encore une base suffisante pour que l'on puisse admettre qu'une limitation de la capacité de travail revêt un caractère invalidant. En effet, selon la jurisprudence, une telle atteinte n'entraîne pas, en règle générale, une limitation de longue durée de la capacité de travail pouvant conduire à une invalidité au sens de la loi. Une exception à ce principe est admise dans les seuls cas où, selon l'estimation du médecin, l’atteinte se manifeste avec une telle sévérité que, d'un point de vue objectif, la mise en valeur de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, - sous réserve des cas de simulation ou d'exagération - plus raisonnablement être exigée de l'assuré, ou qu'elle serait même insupportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 2001 p. 224ss consid. 2b et les références; arrêt I 683/03 précité consid. 2.2.3 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 127 V 298 consid. 4c in fine).

Dès lors qu'en l'absence de résultats sur le plan somatique le seul diagnostic de troubles psychiques ne suffit pas en soi pour justifier un droit à des prestations d'assurance sociale, il incombe à l'expert psychiatre, dans le cadre large de son examen, d'indiquer à l'administration (et au juge en cas de litige) si et dans quelle mesure un assuré dispose de ressources psychiques qui lui permettent de surmonter ses douleurs. Il s'agit pour lui d'établir de manière objective si, compte tenu de sa constitution psychique, l'assuré peut exercer une activité sur le marché du travail, malgré les douleurs qu'il ressent (cf. arrêt I 683/03 précité consid. 2.2.4. et les arrêts cités).

11. Admissible seulement dans des cas exceptionnels, le caractère non exigible d'un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de la réintégration dans un processus de travail suppose, dans chaque cas, soit la présence manifeste d'une comorbidité psychiatrique d'une acuité et d'une durée importantes, soit le cumul d'autres critères présentant une certaine intensité et constance. Ce sera le cas (1) des affections corporelles chroniques ou d'un processus maladif s'étendant sur plusieurs années sans rémission durable, (2) d'une perte d'intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie, (3) d'un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique, marquant simultanément l'échec et la libération du processus de résolution du conflit psychique (profit primaire tiré de la maladie), ou enfin (4) de l'échec de traitements ambulatoires ou stationnaires conformes aux règles de l'art et de mesures de réhabilitation, cela en dépit de la motivation et des efforts de la personne assurée pour surmonter les effets des troubles somatoformes douloureux (ATFA non publié du 23 juin 2004 en la cause I 172/03 ; VSI 2000 p. 155 consid. 2c; arrêt N. précité, consid. 2.2.3 in fine; MEYER-BLASER, op. cit. p. 76ss, spéc. 80ss).

12. Il convient d’examiner dans le cas d’espèce les critères fixés par la jurisprudence précitée dont la réalisation permet de considérer qu’un effort de volonté en vue de surmonter la douleur et de se réintégrer dans un processus de travail n’est pas exigible.

- L’existence d’une comorbidité psychiatrique a été clairement niée tant par le Dr G__________ que les médecins du SMR.

- Le critère de la chronicité et de la durée des douleurs, susceptible de fonder un pronostic défavorable à propos de l'exigibilité d'une reprise de l'activité professionnelle, apparaît en revanche manifestement réalisé ici.

- Bien que l’assuré souffre d’un certain isolement, on ne peut retenir une perte d’intégration sociale dans toutes les manifestations de la vie. En effet, telle que décrite par les médecins, sa vie sociale apparaît normale ; il est bien entouré par sa belle-famille, même si sa femme vit en Tunisie avec trois de leurs enfants.

- Le recourant s’est opposé à toute prise en charge psychiatrique. Les experts ont pourtant souligné qu’une telle prise en charge constituerait théoriquement le traitement indiqué. L’intéressé n’a pas suivi non plus de traitement médicamenteux (antidépresseurs). Au vu de ce qui précède, l’on ne peut conclure à l’existence d’un état psychique cristallisé, sans évolution possible au plan thérapeutique.

- De même, l’on ne peut conclure in casu à l’échec de tous traitements conformes aux règles de l’art au vu du manque de motivation et de l’attitude générale dont a fait preuve l’intéressé.

Eu égard aux considérations qui précèdent, il apparaît qu’un trouble somatoforme douloureux invalidant ne peut être retenu en l’espèce, seul un des critères examinés étant réalisé. Le Tribunal constate que c’est à bon droit que l’autorité intimée s’est ralliée aux conclusions des expertises par elle mandatées et a refusé l’octroi d’une rente au recourant. En effet, en l’absence d’éléments permettant de mettre en doute les conclusions du SMR ou du Dr G__________, et dans la mesure où ces rapports répondent à toutes les exigences jurisprudentielles en la matière, il y a lieu de leur reconnaître pleine valeur probante. Il ne se justifie pas en l’occurrence d’admettre l’existence de troubles physiques et psychiques ayant des répercussions invalidantes sur la capacité de travail du recourant.

12. En d’autres termes, il apparaît que si l’assuré, au chômage lors de son retour de Tunisie, avait repris un travail (même différent, même à temps partiel), ce qui était alors possible, plutôt que de s’accoutumer à son inactivité, une telle évolution défavorable ne se serait pas produite par la suite. Le recourant a adopté un comportement inadéquat et n’a pas pris les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter ses connaissances, soit pour tenter d’éviter le dommage connu à ce jour alors qu’il était tenu de le faire. Ce comportement inapproprié de l’assuré qui n’a pas repris de travail alors qu’il en était capable, a entraîné une situation difficile et regrettable.

13. Par ailleurs, nul n’est besoin d’examiner les conclusions subsidiaires du recourant dès lors que le droit au reclassement professionnel suppose un taux d’invalidité d’au moins 20% et au vu des constatations de l’expertise du SMR y relatives.

14. Eu égard à ce qui précède, le recours est rejeté au sens des considérants.


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

(conformément à la disposition transitoire de l’art. 162 LOJ)

A la forme :

Déclare le recours recevable.

Au fond :

Le rejette.

Dit que la procédure est gratuite.

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification par pli recommandé adressé au Tribunal fédéral des assurances, Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE, en trois exemplaires. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire doit : a) indiquer exactement quelle décision le recourant désire obtenir en lieu et place de la décision attaquée; b) exposer pour quels motifs il estime pouvoir demander cette autre décision; c) porter sa signature ou celle de son représentant. Si le mémoire ne contient pas les trois éléments énumérés sous lettres a) b) et c) ci-dessus, le Tribunal fédéral des assurances ne pourra pas entrer en matière sur le recours qu’il devra déclarer irrecevable. Le mémoire de recours mentionnera encore les moyens de preuve, qui seront joints, ainsi que la décision attaquée et l’enveloppe dans laquelle elle a été expédiée au recourant (art. 132, 106 et 108 OJ).

La greffière:

Marie-Louise QUELOZ

La Présidente :

Doris WANGELER

La secrétaire-Juriste : Alexandra PAOLIELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le