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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/629/2019

ATAS/1292/2021 du 15.12.2021 ( LAA )

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/629/2019 ATAS/1292/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 15 décembre 2021

3ème Chambre

En la cause

Madame A______, domiciliée à Cranves-Sales (France), comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Manuel MOURO

 

 

recourante

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA, Division juridique, Fluhmattstrasse 1, Lucerne

 

 

intimée

 


Attendu EN FAIT

Que Madame A______ (ci-après : l’assurée), maîtresse dans l’enseignement professionnel auprès du Département de l’instruction publique de la culture et du sport du canton de Genève, était assurée auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: SUVA) contre le risque d’accidents, professionnels ou non, lorsqu'elle a fait une chute dans les escaliers de son domicile le 26 mars 2017 ;

Que le 13 mars 2018, l’assurée a subi une arthroscopie de l’épaule droite avec réinsertion du sus-épineux, réinsertion du subscapulaire, ténodèse du long chef du biceps et acromioplastie, effectuées par le docteur B______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur ;

Que par décision du 14 novembre 2018, confirmée sur opposition le 22 janvier 2019, la SUVA, s'appuyant sur les appréciations de ses médecins d'arrondissement, a refusé de prendre en charge cette opération, au motif que l’existence d’un lien de causalité au moins probable avec l’événement du 26 mars 2017 n’avait pas été établie ;

Que le 15 février 2019, l’assurée a interjeté recours contre la décision du 22 janvier 2019 en concluant, sous suite de dépens, à ce que l’intimée soit condamnée à prendre en charge l'intervention chirurgicale du 13 mars 2018 ;

Qu'invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 25 mars 2019, a conclu au rejet du recours ;

Qu'une audience s'est tenue en date du 21 novembre 2019, lors de laquelle le chirurgien orthopédique a été entendu ;

Que dans leurs écritures respectives des 16 janvier, 19 juin, 29 juillet et 21 août 2020, auxquelles étaient joints des rapports médicaux ainsi que des articles de doctrine médicale, les parties ont persisté dans leurs conclusions, la recourante sollicitant par ailleurs la mise en œuvre d'une expertise judiciaire ;

Que par ordonnance du 28 octobre 2021 (ATAS/1115/2021), la Cour de céans a confié une mission d’expertise au docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, et fixé aux parties un délai pour faire valoir d'éventuels motifs de récusation ;

Que par courrier du 19 novembre 2021, l'intimée a requis la récusation du Dr C______ ;

Que par pli du 25 novembre 2021, l'intimée a proposé en qualité d’expert les docteurs D______ ou E______, tous deux spécialistes FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur ;

Que par lettre du 3 décembre 2021, la recourante a soutenu que la demande de récusation du Dr C______ n'était pas fondée, et, subsidiairement, suggéré en tant qu'expert le docteur F______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur.

CONSIDÉRANT EN DROIT

Que la demande de récusation a été formée dans le délai imparti (art. 39 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]), de sorte qu’elle est recevable ;

Que selon l’art. 39 al. 2 LPA, les causes de récusation de l'art. 15 LPA prévues pour les membres des autorités administratives s'appliquent aux experts ;

Que l'art. 15 al. 1 LPA prévoit la récusation des membres des autorités administratives s'ils ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a), s’ils sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple (let. b), s’ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c); ou encore s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d) ;

Qu'en matière de récusation, il convient de distinguer entre les motifs formels et les motifs matériels; que les motifs de récusation énoncés dans la loi (cf. art. 10 al. 1 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 [PA – RS 172.021] et 36 al. 1 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 [LPGA - RS 830.1]) sont de nature formelle parce qu'ils sont propres à éveiller la méfiance à l'égard de l'impartialité de l'expert; que les motifs de nature matérielle, dirigés contre l'expertise elle-même (par exemple parce qu'il s'agit d'une «second opinion») ou le type et l'étendue de l'expertise (par exemple concernant le choix des disciplines) ou encore contre la personne de l'expert (par exemple ses compétences professionnelles; arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2013 du 10 février 2014 consid. 2.1), ne mettent en revanche pas en cause son impartialité; que de tels motifs doivent en principe être examinés avec la décision sur le fond dans le cadre de l'appréciation des preuves (ATF 132 V 93 consid. 6.5; voir aussi ATF 139 V 349, 138 V 271) ;

Que selon la jurisprudence relative aux art. 29 al. 1, 30 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), les parties à une procédure ont le droit d'exiger la récusation d'un expert dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur son impartialité; que cette garantie tend notamment à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d'une partie; qu'elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective est établie, car une disposition interne de l'expert ne peut guère être prouvée; qu'il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale; que seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; et que les impressions individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (cf. ATF 134 I 20 consid. 4.2 et les arrêts cités) ;

Que selon la jurisprudence, le fait que l’expert soit un tenant déclaré d’une école de pensée ou d’un courant scientifique particulier ne suffit pas à fonder un soupçon de prévention, sauf s’il apparaît dès le départ que l’expert va soutenir une opinion plutôt qu’une autre (arrêts du Tribunal fédéral 8C_548/2016 du 4 janvier 2017 consid. 4.1; U.305/05 du 26 mai 2006 consid. 5.1; Jacques Olivier PIGUET, in Commentaire romand Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 37 ad art. 44 LPGA) ;

Qu'en l'espèce, l'intimée invoque un motif formel de récusation au sens de l'art. 15 al. 1 let. d LPA, alléguant une apparence de prévention à l'encontre du Dr C______, désigné en qualité d'expert judiciaire, en se basant sur des rapports rédigés par ce dernier (dans d'autres dossiers) ;

Qu'il ressort desdits documents que le Dr C______ partage catégoriquement le même avis que les membres du groupe d'experts épaule/coude de la Société suisse d'orthopédie, selon lesquels un choc direct sur l'épaule sans réception sur le membre supérieur en extension est apte à générer une lésion transfixiante (https://www.swissorthopaedics.ch/fr/experts/commissions-et-groupes-dexperts/groupes-dexperts/epaule-coude) ;

Que le Dr B______, qui a procédé à l'intervention chirurgicale litigieuse, est également membre dudit groupe d'experts et qu'il a lors de l'audience d'enquête du 21 novembre 2029, ainsi que dans son rapport du 5 juin 2020, affirmé qu'une telle action vulnérante est apte à créer une lésion de la coiffe des rotateurs, telle que subie par la recourante ;

Qu'il apparaît que le Dr C______, s’il était amené à se prononcer sur les prises de position du Dr B______, manquerait de l'objectivité nécessaire pour discuter de l'appréciation divergente des médecins d'arrondissement, qui estiment que la chute dont a été victime la recourante ne peut être retenue à titre de mécanisme d'une lésion traumatique de la coiffe des rotateurs ;

Qu'en conséquence, la demande de récusation du Dr C______ est admise et l'expertise judiciaire confiée au docteur G______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et spécialiste de l'épaule.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur incident

À la forme :

1.        Déclare recevable la demande de récusation déposée par la SUVA à l'encontre du docteur C______.

Au fond :

2.        L'admet.

3.        Désigne en lieu et place le docteur G______ comme expert judiciaire.

4.        Réserve la suite de la procédure.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SÉCHAUD

 

La Présidente

 

 

 

 

Karine STECK

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral de la santé publique par le greffe le