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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1538/2009

ATAS/1273/2009 du 08.10.2009 ( AI ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/1538/2009 ATAS/1273/2009

ARRET

DU TRIBUNAL CANTONAL DES

ASSURANCES SOCIALES

Chambre 8

du 8 octobre 2009

 

En la cause

Madame S__________, domiciliée à Vernier, comparant avec élection de domicile en l'Etude de Maître MAUGUE Eric

 

 

recourante

contre

OFFICE CANTONAL DE L'ASSURANCE-INVALIDITE, sis rue de Lyon 97, 1203 Genève

intimé

 


EN FAIT

Madame S__________ (ci-après : la recourante), née en 1963, mariée, désormais mère de deux enfants nés en 1983 et 1999, et serveuse de profession, a déposé une demande de prestations AI pour adultes auprès de l’Office cantonal d'assurance invalidité (ci-après : OCAI) datée du 14 août 1998, en raison d'une épicondylite post-traumatique du coude droit suite à un accident du 29 janvier 1994 et de complications et séquelles suite à une intervention chirurgicale le 29 octobre 1997.

Par prononcé de l’OCAI du 4 mars 2002, la recourante fut mise au bénéfice d'une rente complète AI, sur la base d'un degré d'invalidité de 100 %, ceci dès le 23 mars 1998.

À l'appui de cette décision, l’OCAI indiquait que dans le cadre du stage OSER qui avait été mis en place, une capacité de travail de 50 %, soit un rendement normal sur un mi-temps avait été déterminée. Les domaines de la vente de bijoux ou colifichets et du contrôle visuel de la qualité en usine étaient cités en exemple. Toutefois, les conclusions du stage indiquaient des problèmes de coordination et de dissociation des gestes, en lien avec les bras et la main gauche qui n'étaient pas suffisamment habiles, une supination et latéralité du bras droit très limités, avec un port de charges limité à 1 kg à droite et une fatigabilité très importante du bras droit. Par ailleurs, les stages en entreprise, avaient démontrés que malgré un bon engagement de la recourante et le désir de trouver une solution, la capacité de travail avait chuté à 15 %.

Considérant ainsi que les limitations fonctionnelles du bras droit étaient trop importantes et ne permettaient de réaliser qu'une très faible partie des tâches inhérentes aux activités, même les plus simples, un degré d'invalidité de 100 % fut arrêté.

Le 16 septembre 2005, l’OCAI adressa à la recourante un questionnaire pour la révision de sa rente.

Cette dernière indiquait que son médecin traitant était la Dresse A__________, laquelle, le 24 octobre 2005, indiqua à l’OCAI que l'état de santé de la recourante étaie resté stationnaire.

Interrogée par l'OCAI, la Dresse A__________ indiqua le 25 janvier 2006 que la recourante présentait toujours des douleurs ainsi qu'un léger œdème du coude droit et de tout le membre supérieur droit. Elle présentait également une limitation à l'extension, à la flexion, à la supination et à la pronation de l'avant-bras droit, ce qui faisait qu'elle éprouvait des difficultés à faire son ménage, à se coiffer et à s’'habiller. La recourante n'avait pas été envoyée chez un orthopédiste depuis 2003, car le seul traitement possible était une nouvelle intervention au niveau du coude, ceci sans garantie d'une possible amélioration, de sorte que la recourante avait été réticente par rapport à une telle solution.

La recourante fut soumise à une expertise médicale réalisée par le Dr B__________, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, dont le rapport date du 9 juin 2006. Selon le Dr B__________, la recourante souffrait d'un status post ancien traumatisme du coude droit, d'un syndrome douloureux chronique résiduel et un trouble hystériforme était suspecté. Au sujet de ce dernier trouble, l’avis d'un expert psychiatre était souhaitable. Le degré d'invalidité n'avait pas changé depuis l'accident de 1997. En fonction de l'avis du psychiatre il n’était pas exclu qu’une reprise des activités professionnelles dans une activité ne faisant pas appel au membre supérieur droit soit exigible.

Selon un avis médical du 13 novembre 2007 du Service médical régional AI pour la suisse romande (ci-après SMR) signé par le Dr C__________, la recourante avait été soumise à un examen psychiatrique par le Dr D__________ au SMR. Cet examen n’avait permis de retenir aucune affection psychique.

Informé de cela, le Dr B__________ expliqua, par courrier du 19 novembre 2007, que son examen, réalisé durant l’expertise, n’avait révélé aucune limitation de la fonction du coude et du membre supérieur droit, aucune instabilité ligamentaire, aucune atrophie musculaire. Seule la présence de douleurs mal systématisées avait été constatée, lesquelles évoquaient le diagnostic de syndrome douloureux chronique. Les douleurs résiduelles nécessitaient la prise d'anti-inflammatoires et des infiltrations occasionnelles, ce qui n'était pas compatible avec une activité de serveuse. La recourante pouvait effectuer une profession sans nécessité d’une activité importante du membre supérieur, telle que gardien de musée ou huissier, à un taux de travail de 50 %, ceci de manière immédiate.

Par avis du 12 décembre 2007, le Dr C__________ du SMR indiqua qu’au vu des observations du Dr B__________, l’état de santé de la recourante s’était amélioré au moins depuis l’expertise du 15 mai 2006, une activité adaptée étant désormais exigible à 50%. Ainsi, et vu la longue inactivité de la recourante des mesures professionnelles étaient indiquées dans le sens d’un réentraînement au travail et d’une aide au placement au minimum.

Le 14 décembre 2007, l’OCAI communiqua à la recourante avoir décidé de mettre en place une orientation professionnelle pour déterminer les possibilités de réinsertion professionnelle. Cette mesure ne fut toutefois pas mise en place.

Le 26 mai 2008, l’OCAI communiqua à la recourante qu’une observation professionnelle était nécessaire et que ladite observation serait confiée aux Etablissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI).

L’observation professionnelle eu lieu du 22 septembre 2008 au 5 octobre 2008.

Selon rapport de synthèse de l’EPI du 15 octobre 2009, il était impossible actuellement de réintégrer la recourante dans le monde du travail. Compte tenu de l’attitude mono-manuelle de la recourante, seule une activité relevant du domaine tertiaire serait envisageable, mais la recourante ne présentait pas un profil favorable pour ce genre de formation.

Dans un avis du 9 février 2009, le Dr E__________ du SMR indiquait que le fait que la recourante se montre incapable d’utiliser son bras droit durant le stage ne démontrait pas l’impossibilité d’un tel usage. Des examens nécessaires et suffisants avaient été faits et aucun élément nouveau n’était apparu depuis, de sorte que c’était avec raison qu’une capacité de travail d’au moins 50% avait été retenue dans une activité adaptée.

Le 19 février 2009, l’OCAI communiqua derechef à la recourante avoir décidé de mettre en place une orientation professionnelle pour déterminer les possibilités de réinsertion professionnelle.

Le 12 mars 2009, la recourante sollicita la notification formelle de cette décision.

Une décision formelle lui fut adressée le 16 mars 2009.

Ladite décision précisait « Une orientation professionnelle pour déterminer les possibilités de réinsertion professionnelle aura lieu à l’Office. Nous vous informerons par courrier des démarches ultérieures et, en particulier, de la date d’un premier entretien. La présente communication ne met pas un terme à la procédure. Votre droit à d’éventuelles autres prestations sera encore examiné. »

Selon une note de premier entretien de réadaptation professionnelle du 1er avril 2009, la recourante avait préparé un curriculum vitae, mais n’avait pas préparé de pistes concernant des activités adaptées qu’elle pourrait exercer. Elle indiquait être motivée à suivre une formation et à reprendre une activité professionnelle mais n’avait pas de perspectives sur le type de profession.

Le 30 avril 2009, la recourante contesta la décision du 16 mars 2009 auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales, concluant à l’annulation de ladite décision sous suite de dépens.

Elle expliquait que l’orientation professionnelle avait pour but de cerner la personnalité des assurés et de déterminer leurs capacités et leurs dispositions qui constitueront la base permettant de choisir une activité professionnelle appropriée ou une activité dans un autre domaine, voir un placement adéquat. Dès lors que le stage réalisé par la recourante aux EPI avait conclu à son incapacité d’exercer une activité professionnelle, la mesure d’orientation professionnelle n’avait aucun sens.

Dans sa réponse du 28 mai 2009, l’OCAI indiquait que la mesure décidée n’était pas fondée sur l’art. 15 LAI mais sur l’art. 69 al. 2 RAI et constituait ainsi une mesure d’instruction. Par ailleurs, les conclusions du stage d’observation professionnelle aux EPI ne pouvaient supplanter l’avis médical motivé d’un médecin. L’annulation de la décision ne se justifiait pas, dès lors qu’elle ne mettait pas en péril les droits de la recourante à la rente et était conforme au principe de la primauté de la réadaptation. L’OCAI concluait ainsi au rejet du recours et à la confirmation de sa décision.

Invitées à répliquer et dupliquer, les parties persistèrent dans leurs conclusions par écritures respectives des 1er juillet et 31 août 2009.

La cause fut par la suite gardée à juger.

EN DROIT

Conformément à l'art. 56V al. 1 let. a ch. 2 de la Loi sur l'organisation judiciaire, du 22 novembre 1941 (LOJ ; RS E 2 05), le Tribunal cantonal des assurances sociales connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la Loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA ; RS 830.1) qui sont relatives à la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI ; RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

La loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (ci-après : LPGA), entrée en vigueur le 1er janvier 2003, est applicable en l’espèce.

Il convient en premier lieu d’examiner si le recours est recevable.

Déposé au Tribunal cantonal des assurances sociales le 30 avril 2009, le recours contre la décision de l’OCAI du 16 mars 2009 intervient en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA), vu la suspension des délais prévue par l’art. 38 al. 4 let. a LPGA.

Il reste toutefois à déterminer si le recours est recevable d’un point de vue matériel, dans la mesure où le recourant conteste la mise en place d’une mesure d’orientation professionnelle.

Or, conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 43 LPGA), il appartient en premier chef à l'administration de déterminer, en fonction de l'état de fait à élucider, quelles sont les mesures d'instruction qu'il convient de mettre en œuvre dans un cas d'espèce. Elle dispose à cet égard d'une grande liberté d'appréciation. Si elle estime que l'état de fait déterminant n'est pas suffisamment établi, ou qu'il existe des doutes sérieux quant à la valeur probante des éléments recueillis, l'administration doit mettre en œuvre les mesures nécessaires au complément de l'instruction (ATFA non publié du 6 juillet 2007, U 316/2006, consid. 3.1.1). L'assuré n'est pas habilité à requérir une décision formelle afin de faire examiner l'opportunité d'une mesure d'instruction (ATF 132 V 93 consid. 6.5). S'il se soustrait à une telle mesure alors que celle-ci est objectivement et subjectivement exigible (arrêt B. du 25 octobre 2001, I 214/01, consid. 2b), il prend - délibérément - le risque que sa demande de prestations soit rejetée par l'administration, motif pris que les conditions du droit à la prestation ne sont pas, en l'état du dossier, établies au degré de la vraisemblance prépondérante.

En procédure de recours, le juge ne doit alors examiner que si la décision, rendue conformément à l'art. 43 al. 3 LPGA et 73 RAI sur la base de l'état de fait existant (incomplet), est correcte (arrêts I. du 31 août 2001, U 489/00, consid. 2b et B. du 25 octobre 2001, I 214/01, consid. 3 et les références). Il ne se justifie pas - et cela n'a d'ailleurs aucun sens sous l'angle de l'économie de la procédure - d'examiner uniquement le caractère nécessaire ou non de la mesure requise. Soit les preuves recueillies jusqu'alors sont suffisantes pour trancher directement le litige, faisant apparaître comme inutile toute mesure complémentaire d'instruction. Soit le dossier n'est pas suffisamment instruit pour pouvoir statuer en connaissance de cause, justifiant par voie de conséquence le complément d'instruction requis par l'administration. Dans cette hypothèse, le juge ne peut que confirmer le rejet de la demande de prestations prononcé par l'administration, puisque le dossier ne permet pas d'établir, au degré de vraisemblance prépondérante, l'existence des conditions du droit à la prestation.

S’agissant de la mise sur pied d’une expertise médicale, la jurisprudence fédérale précise que l’acte par lequel l'assureur social ordonne une expertise n'a pas le caractère de décision au sens de l'art. 49 LPGA et intervient sous la forme d'une communication (ATF 132 V 100 consid. 5). En revanche, lorsque l'assuré, dans le cadre des droits conférés par l'art. 44 LPGA, fait valoir des motifs de récusation au sens des art. 36 al. 1 LPGA et 10 PA - dispositions relatives à la récusation des personnes appelées à préparer ou prendre des décisions, applicables mutatis mutandis -, l'administration doit rendre une décision directement soumise à recours (ATF 132 V 106 consid. 6). Une telle décision portant sur la récusation d'un expert peut, ainsi que l'a déjà jugé le Tribunal fédéral, être attaquée séparément par la voie du recours de droit administratif dès lors qu'elle est susceptible de causer un préjudice irréparable (VSI 1998 p. 128, consid. 1 et les références). L'entrée en vigueur de la LPGA n'a apporté à cet égard aucun changement (ATF 132 V 107 consid. 6.3).

Il convient ainsi de s’interroger sur la nature de la décision du 16 mars 2009, puisqu’au terme de la jurisprudence précitée, la recourante n’est pas habilitée à requérir une décision formelle afin de faire examiner l’opportunité d’une mesure d’instruction.

Les termes « autres prestations » figurant dans ladite décision seraient de nature à conduire à la conclusion selon laquelle il s’agirait d’une décision sur des prestations, décision visée par l’art. 49 al. 1 LPGA. Toutefois, le terme de « communication » permettrait de tirer la conclusion selon laquelle il s’agit d’une mesure d’instruction au sens de l’art. 43 LPGA.

Ce qui caractérise une mesure d'instruction, c’est qu’elle est destinée à réunir les données nécessaires sur l'état de santé du requérant, son activité, sa capacité de travail et son aptitude à être réadapté, ainsi que sur l'indication de mesures de réadaptation (art. 72 al. 1 RAI).

En l’espèce, il faut constater que, selon la décision entreprise, l’orientation professionnelle intervient « pour déterminer les possibilités de réinsertion professionnelle ». Il s’agit ainsi d’une étape vers la décision sur les prestations, comme le confirme le fait qu’il n’est pas mis un terme à la procédure.

Ainsi, la décision du 16 mars 2009 est une mesure d’instruction au sens de l’art. 43 LPGA.

L’on ne voit, par ailleurs, pas que la décision entreprise soit susceptible de causer à la recourante un préjudice irréparable.

Certes, l’on peut s’étonner de la mesure d’instruction mise en place au vu du résultat de la mesure d’observation professionnelle selon lequel la recourante ne peut réintégrer le monde du travail. L’on peut de même regretter que l’OCAI n’ait pas cherché à élucider ce qu’il en est de la capacité de travail effective de la recourante au vu de la contradiction entre l’avis médical de l’expert et celui du SMR, d’une part, et les conclusions de la mesure d’observation professionnelle, d’autre part, par exemple en soumettant les conclusions de l’observation professionnelle à l’expert. Toutefois, comme rappelé ci-dessus, l’administration dispose d’une grande liberté d’appréciation dans la détermination des mesures d’instruction à mettre en œuvre.

Cela étant, le résultat de la mesure d’orientation professionnelle pourra être apprécié, cas échéant, dans le cadre d’un éventuel recours contre la décision mettant fin à la procédure. Il peut aussi arriver que le résultat de cette mesure confirme les conclusions de l’observation professionnelle.

Il s’en suit que la décision du 16 mars 2009 ne cause pas de préjudice irréparable à la recourante.

Dès lors, c’est de manière erronée que l’OCAI a rendu une décision formelle et le recours doit être déclaré irrecevable.

Conformément à l’art. 69 al. 1bis LAI, la procédure de recours en matière de contestations portant sur l’octroi ou le refus de prestations de l’AI devant le tribunal cantonal des assurances est soumise à des frais de justice fixés entre 200 fr. et 1'000 fr. en fonction de la charge liée à la procédure.

En l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu de mettre des frais de justice à la charge de la recourante, dès lors qu’elle s’est conformée à l'indication erronée des voies de droit figurant dans la décision entreprise. De surcroît, la procédure n’a précisément pas porté sur l’octroi ou le refus de prestations.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL CANTONAL DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Déclare le recours irrecevable

Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la Loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le Président suppléant

 

 

 

 

Thierry STICHER

 

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le