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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3559/2020

ATAS/1135/2021 du 09.11.2021 ( LPP )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/3559/2020 ATAS/1135/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 9 novembre 2021

15ème Chambre

En la cause

Monsieur A______, domicilié ______, à PLAN-LES-OUATES, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Fabien RUTZ

 

demandeur

contre

B______SA, sise à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Vincent CARRON

PENSIONSKASSE DER D______ GRUPPE, sise c/o B______ AG, ZOUG, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Vincent CARRON

ZUSATZKASSE DER E______ GRUPPE, sise c/o B______ AG, ZOUG, comparant avec élection de domicile en l’étude de Maître Vincent CARRON

 

défenderesse

 

appelées en cause

EN FAIT

A.      a. Monsieur A______ (ci-après : l’employé, l’assuré ou le demandeur), né le ______1973, domicilié dans le canton de Genève, a été employé par la banque C______(Suisse) SA puis par la B______SA (ci-après : la banque ou la défenderesse principale) lors de l’intégration de la première par la seconde.

b. Le contrat de travail, signé par l’employé et la banque le 30 décembre 2013 (contrat qui a remplacé le précédent contrat), prévoyait un salaire annuel de CHF 148'374.-, sur lequel devaient être prélevés les cotisations de sécurité sociale, l’impôt à la source (si applicable) et les contributions personnelles de l’employé au plan de pension. Un bonus annuel pouvait être versé à l’employé selon les résultats de la banque et les performances personnelles conformément à l’annexe intitulée « Definition of Formula-based Variable compensation Parameters ». Ce contrat, résilié par l’employeur par courrier du 27 novembre 2017, a pris fin le 30 juin 2018. Le chapitre 6 du règlement du personnel, intitulé « salaire, bonus, allocations » prévoit que le salaire annuel convenu dans le contrat est payé aux collaborateurs à raison de douze versements mensuels de même montant vers la fin de chaque mois (art. 47), l’employeur ayant l’obligation et le droit d’opérer périodiquement les déductions sociales suivantes du salaire du collaborateur : a. les cotisations aux organismes d’assurances sociales fixées par la loi ; b. les contributions des collaborateurs à la caisse de pension ; c. les retenues de l’impôt à la source pour tous les étrangers soumis à l’impôt à la source ; d. les autres retenues prévues par la loi ainsi que celles convenues avec les collaborateurs (art. 48).

c. L’employé était affilié pour la prévoyance professionnelle obligatoire à PENSIONSKASSE DER D______ GRUPPE (ci-après : CP) et pour la prévoyance surobligatoire à ZUSATZKASSE DER E______ GRUPPE (ci-après : CC). Le règlement de la CP prévoyait que le salaire annuel assuré correspondait au salaire annuel diminué d’un montant de coordination (max. CHF 20'000.-) et que le bonus soumis à cotisations correspondait au « bonus cash » versé pour l’année en cours, le bonus assuré correspondant à la moyenne des trois derniers bonus soumis à cotisations (art. 6). Le financement prescrivait une cotisation d’épargne en % du salaire annuel assuré selon l’âge de la personne assurée, soit pour un assuré de 45 ans, un taux de 12.65 % du salaire assuré selon le « Plan d’épargne+ » et 20 % pour la part dite employeur. Les cotisations d’épargne sur le bonus représentaient quant à elles 4.3 % du salaire pour la part de l’employé et 8.5 % pour la part de l’employeur. Une cotisation « risque » se calculait enfin tant sur le salaire assuré que sur le bonus assuré à raison de 1 % (part employé) et 3.5 % (part employeur) (art. 7). Selon les dispositions générales du règlement de la CP, le salaire annuel correspondait au salaire annuel contractuel, sans les bonifications spéciales, « comme p. ex. l’indemnité pour frais, indemnité de repas, etc. ».

Les principes suivants doivent être pris en compte lors de la fixation du salaire annuel : a. Les éléments du salaire qui ne sont payés qu’occasionnellement ou temporairement, comme par exemple les indemnisations pour heures supplémentaires, ne seront pas pris en considération ; ( ) (art. 6 al. 1). Le montant de coordination était de 25 % du salaire annuel, mais au maximum CHF 20'000.- (art. 6 al. 2). Le bonus soumis à cotisations correspondait au « cash-bonus » versé pour l’année en cours (art. 6 al. 5). La somme du salaire annuel et du bonus soumis à cotisations ne devait pas dépasser le plafond 2 (art. 6 al. 6). Le salaire annuel est fixé pour l’année entière. En cas d’affiliation en cours d’année, il est annualisé (art. 6 al. 9). L’annexe au règlement prévoyait que le plafond 2 était de CHF 230'000.-.

Le règlement de la CC prévoyait une admission obligatoire si des éléments de salaire et de bonus dépassaient CHF 230'000.- (art. 2). Les cotisations d’épargne sur le salaire annuel assuré à partir du plafond 2 ainsi que du bonus soumis à cotisations s’élevaient respectivement à 4.3 % (part employé, 45 ans) et 8.5 % (part employeur) et les cotisations du risque à 1 % (part employé, 45 ans) et 2.5 % (part employeur).

d. La banque et l’assuré ont conclu une convention, le 18 octobre 2018, à teneur de laquelle la banque s’engageait à verser à bien plaire à l’assuré la somme de CHF 181'500.- bruts à titre de « Performance-based Variable Compensation pour 2017 et 2018 dans les 30 jours de la signature de la convention », la somme de CHF 79'686.55 bruts à titre de solde de vacances ( ), la somme de CHF 4'000.- bruts à titre d’indemnité pour salaire de service et à lui verser « en plus des prétentions salariales énoncées ci-dessus, à bien plaire et sans reconnaissance de responsabilité, la somme de CHF 134'180.- bruts à titre d’indemnité supplémentaire dans les 30 jours de la signature de la convention ».

e. Ces quatre montants ont été versés à l’assuré au mois de novembre 2018 sous les intitulés « Paiement compensatoire » : CHF 181'500.- ; « Remboursement vac. CHF » : CHF 79'686.55 ; « Jubilé » : CHF 4'000.- ; « indemnité de départ » : CHF 7'280.- ; « indem, départ sans comp » : CHF 126'900.-.

f. Par courrier daté du 6 décembre 2018, l’assuré a indiqué à la banque être étonné du fait qu’aucune déduction n’avait été faite sur ces montants dans la mesure où aux termes de la convention passée, les montants étaient « expressément stipulés bruts ». Il sollicitait de la banque qu’elle rectifie ces erreurs et effectue « les versements au titre des cotisations sociales concernant les différents montants stipulés dans la convention transactionnelle, tant au titre des cotisations sociales AVS/AI/APG qu’au titre du 2ème pilier ».

g. Par courrier du 8 mars 2019, la banque a indiqué à l’assuré que, conformément à sa demande, le montant de CHF 181'500.- avait fait l’objet en décembre 2018 de déductions sociales complémentaires au titre du 2ème pilier. Elle sollicitait le remboursement de la part de CHF 9'619.50 due par l’employé.

h. Par courrier du 6 juillet 2020, l’assuré a mis en demeure la banque de verser les « parts salariales et patronales » sur tous les montants indiqués dans la convention.

i. Par réponse du 16 juillet suivant, la banque a indiqué que le montant de CHF 181'500.- avait bien fait l’objet de déduction à titre de 2ème pilier. Elle était en attente de la part employé dont elle sollicitait le remboursement.

B.       a. Par acte du 6 novembre 2020, l’assuré a adressé à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : CJCAS) une « demande en déclaration et en paiement de cotisations à la prévoyance professionnelle » contre la banque, la CP et la CC (ci-après : les caisses). Il concluait à l’appel en cause des deux caisses et à la condamnation de la banque à déclarer auprès de ces dernières les cotisations dues au titre de prévoyance professionnelle obligatoire et/ou surobligatoire relativement aux montants de CHF 181'500.-, CHF 79'686.55, CHF 4'000.- et CHF 134'180.- et à ce que la CJCAS invite et condamne en tant que de besoin les caisses à établir des décomptes précis des parts employeur et employé en lien avec ces montants. Il a conclu en outre à ce que la CJCAS condamne la banque à verser les montants ainsi déterminés avec intérêts à 2 % l’an dès le 1er décembre 2018, et qu’elle lui donne acte de son engagement à verser à la banque la part employé conformément au décompte établi par les caisses, qu’elle condamne la banque à lui verser CHF 1'684.45 (avant procès) et CHF 4'500.- à titre de dépens.

En substance, le demandeur allègue que la convention du 18 octobre 2018 mentionnait expressément que les montants étaient « bruts » de sorte que selon lui la banque aurait dû prélever des cotisations de prévoyance sur ceux-ci. La banque l’avait du reste admis pour le montant de CHF 181'500.-. Les documents qui lui avaient été soumis ne permettaient pas de prouver que des déductions avaient été faites sur ce montant ou les trois autres montants mentionnés dans la convention. Des montants versés occasionnellement par un employeur pouvaient être extraits du salaire soumis à cotisations si cela était prévu dans le règlement de prévoyance suffisamment clair. Le montant versé à titre de « Performance-based Variable Compensation » était une rémunération pour 2017 et 2018. Tel un « cash-bonus », ce montant était soumis à cotisations à teneur du règlement de prévoyance. Le solde pour vacances non prises était une part du salaire car le travailleur ne pouvait pas renoncer à ses vacances ou à l’indemnité compensatoire. L’indemnité d’anniversaire était courante chez l’employeuse et récompensait les travailleurs pour leur ancienneté. Elle n’était ni spéciale ni occasionnelle. Le règlement ne faisait que reprendre ces derniers adjectifs d’une ordonnance fédérale sans en expliquer le sens, de sorte qu’il n’était pas suffisamment clair pour exclure cette indemnité du salaire et partant des cotisations. Il en allait de même de l’indemnité de départ. Qu’elle soit qualifiée de salaire ou de bonus, elle devait être soumise à cotisations, le règlement n’excluant pas clairement un tel versement de la notion de salaire soumis à cotisations. En tout état, les parties avaient convenu que les quatre indemnités étaient « brutes », donc « avant prélèvement de cotisations », ce qui plaidait dans le même sens.

b. Par acte du 12 janvier 2021, la banque et les caisses, toutes trois représentées par le même conseil, ont conclu au rejet du recours. Dans des conclusions reconventionnelles, la banque a conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la CJCAS condamne le demandeur à lui verser CHF 9'619.50 avec intérêts à 5 % l’an dès le 7 avril 2019 au titre de la part de cotisations « employé ». Subsidiairement, elle a conclu à ce que le demandeur soit condamné à s’acquitter de toutes les cotisations « employé » avec intérêts soit en ses propres mains soit directement à la caisse de prévoyance compétente. Les caisses ont conclu, sous suite de frais et dépens, à ce que la CJCAS condamne le demandeur à acquitter toute cotisation « employé » qui serait due, avec suite d’intérêts.

En substance, la banque et les caisses soutiennent que les montants versés au demandeur en novembre 2018 à titre respectivement de solde de vacances non prises (CHF 79'686.55), de prime d’anniversaire (CHF 4'000.-) et d’indemnité de départ (CHF 134'180.-) ne constituaient pas un salaire soumis à cotisations de prévoyance professionnelle. Le solde versé après la fin du rapport contractuel afin de compenser des vacances non prises n’entrait pas dans le salaire contractuel au sens de la prévoyance professionnelle. La prime d’anniversaire payée tous les cinq ans seulement n’entrait pas dans le salaire contractuel au sens des plans de pension. L’indemnité de départ était par définition payée après la fin du contrat à titre discrétionnaire de sorte qu’elle n’entrait pas dans le salaire contractuel soumis à cotisations de prévoyance. Quant au montant de CHF 181'500.-, la banque avait payé les cotisations de prévoyance, y compris la part employé. Elle était en droit de solliciter le remboursement de ce montant au demandeur. Le salaire contractuel de ce dernier s’élevant à CHF 148'374.- et le règlement de prévoyance prévoyant qu’au-delà de CHF 230'000.- le salaire n’était plus soumis à cotisations de prévoyance obligatoire, la banque n’avait soumis que la somme de CHF 81'626.- à cotisation obligatoire (auprès de la CP) ; le solde de CHF 99'874.- a été soumis à cotisations qui ont été versées à la CC. Elles s’opposaient aux prétentions en paiement d’honoraires d’avocat du demandeur avant procès puisque le demandeur avait signé une convention pour solde de tous comptes alors qu’il était assisté d’un conseil et qu’il lui appartenait de clarifier les aspects de prévoyance professionnelle lors des négociations.

c. Par acte du 31 mars 2021, demandeur a conclu au rejet de la demande reconventionnelle, sous suite de frais et dépens (CHF 1'684.45 avant procès et CHF 7'500.-). Il appartenait à la banque, qui avait rédigé la convention, d’exclure clairement les indemnités convenues des salaires assurés. En indiquant « bruts » après chaque montant, la banque et le demandeur qui avait signé la convention avaient donc décidé de soumettre toutes les indemnités à cotisations sociales, ce qui signifiait, selon le demandeur, aux cotisations AVS/AI/APG et également à la prévoyance professionnelle. En cas de doute, la convention devait être interprétée en défaveur de sa rédactrice. L’employeuse avait dans ce cas agi en tant que représentant des caisses à qui on pouvait opposer le sens de la convention voulu par le demandeur, puisque la banque avait pu décider de soumettre le « Performance-based Variable Compensation » à cotisations. Elle n’était pas distincte des caisses mais avait pu décider pour ces dernières et faisait partie du même groupe. Le demandeur avait d’ailleurs de bonne foi pensé qu’un rapport de représentation liait son employeuse aux caisses. La part du salaire assuré obligatoirement et surobligatoirement sur le « Performance-based Variable Compensation » n’avait pas été calculée correctement puisque le salaire reçu l’année du licenciement avait été de CHF 74'187.- et non de CHF 148'374.-. Les taux appliqués étaient également erronés. Le montant relatif au solde des vacances faisait partie du salaire assuré à l’instar de l’indemnité d’anniversaire, conformément à la documentation interne de la banque. Cette indemnité était due par l’employeuse à chaque employé à intervalles réguliers, de sorte qu’il ne s’agissait pas d’un versement occasionnel ou temporaire. L’indemnité supplémentaire n’était quant à elle pas une indemnité de départ mais une part du salaire, laquelle n’était en tout état pas expressément exclue du salaire assuré dans le règlement des caisses.

d. Par acte du 20 mai 2021, la défenderesse et les caisses ont contesté chacun des arguments du demandeur.

e. Les parties n’ayant pas développé de nouveaux arguments à l’issue de l’échange d’écritures, la cause a été gardée à juger.

f. Autant qu’utiles à la solution du litige, il sera fait état des arguments développés par les parties à l’appui de leurs conclusions respectives dans les considérants en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.        Conformément à l’art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO - RS 220] ; art. 52, 56a al. 1 et art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 [LPP - RS 831.40] ; art. 142a du Code civil [CC - RS 210]).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        Le demandeur a dirigé son action contre la banque et contre ses deux anciennes caisses de prévoyance professionnelle en demandant à la chambre de céans de les appeler en cause.

2.1 Selon l’art. 71 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10), l’autorité peut, d’office ou sur requête, ordonner l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de la procédure ; que dans ce cas, ils acquièrent les droits et obligations des parties et que la décision leur devient opposable.

2.2 En l'espèce, le demandeur reproche à la défenderesse de ne pas avoir déclaré des montants versés aux appelées en cause et, partant, de ne pas avoir versé les cotisations du 2ème pilier sur ces montants après la fin des rapports de travail. Il exige que ces cotisations manquantes soient déclarées aux appelées en cause et que ces dernières fixent les montants des cotisations.

L’action porte principalement sur l’obligation de déduire des cotisations sur des indemnités convenues conventionnellement, mais le demandeur prend également des conclusions à l’égard des caisses desquelles il sollicite la fixation des cotisations et s’engage en outre à verser sa part d’employé dans le cas où il obtiendrait gain de cause et que les différents montants arrêtés dans la convention seraient considérés comme du salaire assuré.

Partant, la demande pourrait avoir des effets sur les caisses qu’il convient d’appeler en cause.

3.        Le litige porte sur la question de savoir si les indemnités convenues entre les parties par convention du 18 octobre 2018 font partie du salaire déterminant soumis à cotisations de prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire. Il porte également sur la question de l’exactitude des cotisations prélevées sur l’indemnité intitulée « Performance-based Variable Compensation ».

4.        4.1 En vertu de l’art. 7 al. 1er LPP, les salariés auxquels un même employeur verse un salaire annuel supérieur à CHF 21'330.- sont soumis à l’assurance obligatoire pour les risques de décès et d’invalidité dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 17 ans et, pour la vieillesse, dès le 1er janvier qui suit la date à laquelle ils ont eu 24 ans. L’al. 2 ajoute que le salaire déterminant au sens de la LAVS est pris en considération, tout en précisant que le Conseil fédéral peut admettre des dérogations.

Selon l’art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS ; RS 831.10), le salaire déterminant comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé. Il englobe les allocations de renchérissement et autres suppléments de salaire, les commissions, les gratifications, les prestations en nature, les indemnités de vacances ou pour jours fériés et autres prestations analogues, ainsi que les pourboires, s’ils représentent un élément important de la rémunération du travail.

L’art. 6 al. 1 du règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS ; RS 831.101) stipule que le revenu provenant d’une activité lucrative comprend, sous réserve des exceptions mentionnées expressément dans les dispositions qui suivent, le revenu en espèces ou en nature tiré en Suisse ou à l’étranger de l’exercice d’une activité, y compris les revenus accessoires. L’al. 2 prévoit toute une série d’exceptions (let. a-h) qui ne sont pas comprises dans le revenu provenant d’une activité lucrative.

Sur la base de la délégation de compétence figurant à l’art. 7 al. 2 LPP, l’art. 3 al. 1 let. a de l’ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2 ; RS 831.441.1) prévoit que l’institution de prévoyance peut s’écarter du salaire déterminant dans l’AVS dans son règlement, en faisant abstraction d’éléments de salaire de nature occasionnelle.

Le Conseil fédéral a retenu, dans son message relatif à la LPP, que le « salaire imputable » servait à déterminer quels salariés sont soumis à l’assurance obligatoire. Certains éléments du salaire déterminant dans l’AVS devraient en revanche être exclus en raison de leur irrégularité ou de leur nature exceptionnelle, afin de s’assurer que le salaire imputable présente le degré de stabilité indispensable au bon fonctionnement du système du deuxième pilier. La LPP est en outre fondée sur l’hypothèse que le salaire annuel est fixé à l’avance et que la réalisation des conditions salariales déterminantes pour l’assurance obligatoire est examinée au début des rapports de travail. [ ] Globalement, l’examen du texte de l’art. 3 al. 2 let. a OPP 2 et des travaux préparatoires aboutit à la conclusion que dans la prévoyance minimale selon la LPP, il est aussi possible d’éliminer certaines disparités du revenu imputable » (Brechbühl in Commentaire LPP et LFLP art. 7 n° 36).

4.2 Le Tribunal fédéral s’est prononcé (arrêt B 115/05 du 10 avril 2006) au sujet de différents éléments de salaire tels que les gratifications, les primes d’ancienneté, les indemnités de déplacement ou pour travaux pénibles et les heures supplémentaires. Dans la prévoyance obligatoire comme surobligatoire, le règlement ne peut s’écarter de la notion de salaire déterminant prévalant en AVS qu’au travers d’une disposition suffisamment claire. Une formulation sous forme de liste négative n’est cependant pas indispensable. Le règlement visé dans cette affaire fixait les prestations en fonction du salaire prévu, soit le salaire fixe annoncé. Les juges fédéraux ont ainsi considéré que les dispositions établissaient de manière suffisamment claire que seuls les éléments de salaire fixes étaient déterminants. Ils en ont déduit que les indemnités pour travail en équipe, fixées à l’avance sur la base de plans de travail, devaient être considérées comme des éléments de salaire fixes mais qu’il en allait différemment des autres indemnités, dès lors qu’elles dépendaient du succès ou d’évènements particuliers.

4.3 Quant à l’indemnité de départ, dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 106 du 19 mai 2008, l’Office fédéral des assurances sociales (ci-après : OFAS) confirmait que « l’indemnité de départ versée par l’employeur fait en principe partie du salaire déterminant AVS et elle est par conséquent soumise aux cotisations dans l’AVS », tout en mentionnant l’exception prévue à l’art. 8ter RAVS. Il poursuivait en relevant que, de ce fait, l’indemnité de départ est en principe aussi soumise aux cotisations LPP (art. 7 al. 2 LPP), sous réserve du cas où l’institution de prévoyance s’écarte, dans son règlement, du salaire déterminant dans l’AVS en faisant abstraction d’éléments de salaire de nature occasionnelle. Dans ce contexte, il ajoutait ce qui suit : « Toutefois selon la jurisprudence, l’institution de prévoyance ne peut pas se borner à reprendre de façon abstraite dans son règlement la disposition de l’art. 3 al. 1 let. a OPP 2 mais elle doit au contraire prévoir une disposition réglementaire formulée de manière concrète et précisant les éléments de salaire à ne pas prendre en considération (arrêt du TFA du 30 avril 2002, cause B 58/00, en particulier consid. 2c, résumé dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 63, p. 4 ; voir aussi Isabelle VETTER-SCHREIBER, Berufliche Vorsorge, 2005, p. 326 ad art. 3 OPP 2 et Stauffer, p. 160 N 432). Si ces exigences sont respectées, l’employeur et l’employé ne peuvent pas imposer à l’institution de prévoyance la perception de cotisations LPP sur l’indemnité de départ. Par contre, si le règlement se contente de reprendre de manière abstraite l’art. 3 al. 1 let. a OPP 2, sans préciser concrètement les éléments de salaire qui ne sont pas pris en compte, il n’est alors pas admissible d’exclure les cotisations sur l’indemnité de départ ».

4.4 Le montant d’une indemnité compensatoire pour vacances non prises ne peut être versé qu’après la fin du rapport de travail et vise à compenser un repos que l’employé n’a pas pu prendre, de sorte qu’elle ne présente pas de relation de causalité directe avec une prestation de travail (arrêt du Tribunal fédéral 9C_725/2016 du 18 mai 2016).

5.        Dans le cadre de la prévoyance plus étendue, les employés assurés sont liés à l’institution par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance (ATF 131 V 27 consid. 2.1). Le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé de ce contrat, savoir ses conditions générales, auxquelles l’assuré se soumet expressément ou par actes concluants. Il doit ainsi être interprété selon les règles générales sur l’interprétation des contrats. Il y a lieu de rechercher, tout d’abord, la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO), ce qui en matière de prévoyance professionnelle vaut avant tout pour les conventions contractuelles particulières (ATF 129 V 145 consid. 3.1). Lorsque cette intention ne peut être établie, il faut tenter de découvrir la volonté présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le sens que le destinataire de celles-ci pouvait et devait raisonnablement leur donner selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance). L’interprétation en application de ce principe, dite objective ou normative, consiste à établir le sens que chacune des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. Pour ce faire, il convient de partir du texte du contrat (ou du règlement) avant de l’examiner dans son contexte ; dans ce dernier cas, toutes les circonstances ayant précédé ou accompagné sa conclusion doivent être prises en considération (ATF 132 V 286 consid. 3.2.1 et les références ; ATF 129 III 118 consid. 2.5). À titre subsidiaire, il peut également être tenu compte du mode d’interprétation spécifique aux conditions générales, notamment la règle de la clause ambiguë (in dubio contra stipulatorem ; ATF 131 V 27 consid. 2.2 ; ATF 122 V 142 consid. 4c).

6.        Lorsqu’une institution de prévoyance décide d’étendre la prévoyance au-delà des exigences minimales fixées dans la loi (prévoyance surobligatoire ou plus étendue), on parle alors d’institution de prévoyance « enveloppante ». Une telle institution est libre de définir, dans les limites des dispositions expressément réservées à l’art. 49 al. 2 LPP en matière d’organisation, de sécurité financière, de surveillance et de transparence, le régime de prestations, le mode de financement et l’organisation qui lui convient, pour autant qu’elle respecte les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, ainsi que l’interdiction de l’arbitraire (ATF 138 V 176 consid. 5.3 p. 180 et la référence ; ATF 140 V 145).

7.        En l’espèce, le contrat de travail du demandeur indiquait notamment que le salaire annuel était de CHF 148'374.-, payable en douze fois, et que sur celui-ci étaient prélevés les cotisations de sécurité sociale, l’impôt à la source (si applicable) et les contributions personnelles de l’employé au plan de pension. Un bonus annuel pouvait être versé selon les résultats de la banque et les performance personnelles conformément à un appendice intitulé « Definition of Formula-based Variable compensation Parameters ».

L’art. 6 al. 1 du règlement de prévoyance de la CP du 1er janvier 2018 portant sur le salaire annuel et le bonus stipule que le salaire annuel assuré correspond au salaire annuel contractuel, sans les bonifications spéciales comme par exemple l’indemnité pour frais, indemnité de repas, etc.

Les principes suivants doivent être pris en compte lors de la fixation du salaire annuel : a. Les éléments du salaire qui ne sont payés qu’occasionnellement ou temporairement, comme par exemple les indemnisations pour heures supplémentaires, ne seront pas prises en considération ; ( ).

8.        Le règlement considère ainsi que le salaire assuré est composé du salaire contractuel et du bonus. Les rémunérations occasionnelles sont exclues du salaire assuré. À titre d’exemples, le règlement mentionne les indemnités pour frais ou repas ainsi que les heures supplémentaires. L’on notera que cette dernière indemnité est exclue du salaire assuré, alors même qu’elle vise à compenser des heures de travail, dans la mesure où elles ne sont qu’occasionnelles.

Les règlements des caisses sont suffisamment précis, en visant expressément le salaire annuel et le bonus (cash-bonus) et en excluant les autres bonifications. Les montants convenus par les parties après le contrat à l’exclusion de celle qualifiée de bonus n’ont dès lors à juste titre pas été pris en compte à titre de salaire ou bonus assuré.

En tant que destinataire des règlements de prévoyance, le demandeur ne pouvait pas comprendre de ceux-ci que des bonifications et partant des indemnités négociées après la fin du contrat de travail étaient soumises à cotisations. Le demandeur ne se prévaut d’ailleurs pas d’avoir compris le contraire à la lecture des règlements en vigueur mais soutient avoir compris que les quatre indemnités prévues dans la convention seraient soumises à cotisations de prévoyance en raison principalement du terme brut accolé à leur montant.

L’interprétation qu’il fait de la convention conclue postérieurement à la fin de son contrat ne peut pas lui permettre d’interpréter rétroactivement des règlements clairs des caisses dans le sens qu’il souhaiterait donner à la convention conclue avec la banque pour solde de tous comptes.

Le terme « brut » accolé aux montants des indemnités convenues ne peut pas s’interpréter comme un accord des parties de soumettre des montants ne constituant pas du salaire contractuel soumis à cotisations à la prévoyance professionnelle au mépris des règlements de prévoyance excluant les montants occasionnels du salaire assuré.

Le fait d’avoir soumis le « Performance-based Variable Compensation » à cotisations dans une proportion conforme au règlement de prévoyance à la demande du demandeur ne pouvait pas engager la banque et en aucun cas les caisses tenues par leur règlement à tenir compte des autres montants de la transaction à titre de salaire assuré contrairement audit règlement. La banque et les caisses étant des entités juridiques différentes, la banque n’était à l’évidence pas la représentante des caisses. Le demandeur n’affirme d’ailleurs pas que la banque aurait prétendu représenter les caisses dans une transaction ne les concernant pas directement.

En conclusion, la chambre de céans retient que l’indemnité pour les vacances non prises, qui a été versée en décembre 2018, ne faisait pas partie du salaire contractuel. Ce salaire ne rémunérait pas un travail accompli durant la relation contractuelle mais a été convenu après la fin du contrat pour compenser des vacances que le demandeur n’avait pas pu prendre. Contrairement à ce que soutient le demandeur, cette indemnité n’est dès lors pas une part du salaire contractuel convenu et n’est, en l’espèce, pas soumise à cotisations de prévoyance obligatoire ou surobligatoire (cf. notamment l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_725/2016 du 18 mai 2016 précité). La prime d’anniversaire (CHF 4'000.-) était due aux employés de la banque après dix ans en raison de leur ancienneté et non en rémunération d’un travail. Elle n’était qu’occasionnelle et soustraite de ce fait aux cotisations de prévoyance professionnelle. L’indemnité qualifiée d’indemnité de départ par la défenderesse principale (CHF 134'180.-) a été convenue dans le cadre d’une transaction postérieure à la fin du contrat de travail et ne constitue pas une part d’un salaire contractuellement convenu.

En conséquence, ces trois indemnités par nature occasionnelles et non en lien direct avec le travail accompli, au contraire de l’indemnité appelée « Performance-based Variable Compensation », n’étaient pas soumises à cotisations.

La défenderesse s’est valablement écartée de la notion de salaire AVS déterminant dans le cadre de ses règlements de prévoyance.

La défenderesse n’était dès lors pas tenue de retenir des cotisations LPP sur le solde de vacances, l’indemnité d’anniversaire et l’indemnité de départ versée au demandeur, de sorte que ce dernier doit être débouté de ses conclusions y relatives.

9.        Le demandeur se plaint en outre du montant du bonus pris en compte dans le calcul de ses cotisations.

9.1 Le salaire annuel est fixé pour l’année entière. En cas d’affiliation en cours d’année, il est annualisé (art. 6 al. 9 respectivement al. 7 des règlements de la CP et de la CC). Le salaire annuel assuré correspond au salaire annuel selon l’al. 1 de l’art. 6 diminué du montant de coordination, mais s’élève d’au moins 1/8ème de la rente vieillesse maximale AVS (art. 6 al. 4 CP) et correspond au salaire annuel moins le salaire annuel assuré dans la caisse de pension et le montant de coordination dans la caisse de pension (art. 6 al. 3).

C’est ainsi à juste titre que la banque a tenu compte du salaire contractuel annuel et non pas du seul salaire versé en 2018.

La somme du salaire annuel et du bonus soumis à cotisations ne doit pas dépasser le plafond 2 (art. 6 al. 6) ; plafond 2 = CHF 230'000.-.

Pour vérifier si le plafond de CHF 230'000.- est atteint, il sied d’ajouter audit salaire, le bonus soumis à cotisations, lequel correspond au « cash-bonus » versé pour l’année en cours (art. 6 al. 5). Le bonus soumis à cotisations correspond au « cash-bonus » versé pour l’année en cours moins le bonus soumis à cotisations pris en compte dans la caisse de pension (art. 6 al. 4). Par « cash bonus », on entend le bonus brut versé dans le cadre des bonus réguliers, c’est-à-dire, le bonus brut moins une éventuelle déduction d'actions ou options, avant la déduction des cotisations d'assurances sociales (section K).

Dans ce cas, seul un montant de CHF 81'626.- pouvait entrer en ligne de compte pour la prévoyance obligatoire (CHF 230'000.- – CHF148'374.- = CHF 81'626.-).

Le financement d’épargne dès 45 ans suppose un prélèvement sur le bonus assuré de 3.5 % (part employé) et 8.5 % (part employeur) (art. 7). La cotisation de la part surobligatoire (CHF 99'874.-) est de 4.3 % (part employé) et 8.5 % (part employeur) (art. 7). La cotisation du risque due par la personne assurée est de 1 % et celle de l’employeur de 4.3 % pour la prévoyance obligatoire et de 1 %, respectivement 2.5%, pour la prévoyance surobligaoire.

9.2 Au moment de sa sortie d’assurance en juin 2018, les cotisations se sont présentées comme suit :

 

 

 

Part employé

Par employeur

Épargne sur le bonus CP

4.3 % de CHF 81'626.-

8.5 % de CHF 81'626.-

Épargne sur le bonus CC

4.3 % de CHF 99'874.-

8.5 % de CHF 99'874.-

Risque bonus CP

1 % de CHF 81'626.-

3.5 % de CHF 81'626.-

Risque bonus CC

1 % de CHF 99'874.-

2.5 % de CHF 99'874.-

Le calcul opéré par la banque est conforme à ces chiffres, de sorte que les griefs du demandeur ne sont pas fondés.

Enfin, c’est à raison que la banque n’a pas appliqué les taux dus sur le salaire (12.65 % et 20 %) dans la mesure où il s’agissait de prélever des cotisations sur un bonus.

La demande principale est infondée.

10.    La demande reconventionnelle est en revanche bien fondée dans la mesure où la banque a versé les cotisations (part employeur et part employé) sur le bonus. Le demandeur doit dès lors rembourser le montant de CHF 9'619.50 à la banque défenderesse.

11.    Au vu du sort de la demande, le demandeur ne peut pas prétendre à des dépens.

12.    Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP et art. 89H al. 1 LPA).

* * * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préalablement :

1.        Appelle en cause PENSIONSKASSE DER D______ GRUPPE et ZUSATZKASSE DER E______ GRUPPE, sises c/o B______ AG.

À la forme

2.        Déclare la demandeprincipale et la demande reconventionnelle recevables.

Au fond :

3.        Rejette la demande principale.

4.        Admet la demande reconventionnelle.

5.        Condamne Monsieur A______ à verser CHF 9'619.50 à la B______SA.

6.        Dit que la procédure est gratuite.

7.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Marie NIERMARÉCHAL

 

La présidente

 

 

 

 

Marine WYSSENBACH

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le