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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/192/2019

ATAS/1117/2019 du 02.12.2019 ( LAA ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/192/2019 ATAS/1117/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 2 décembre 2019

6ème Chambre

 

En la cause

Monsieur A______, domicilié à VÉSENAZ, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Thierry ULMANN

 

 

recourant

 

contre

ALLIANZ SUISSE SOCIETE D'ASSURANCES S.A., sise Richtiplatz 1, WALLISELLEN, représentée par son service juridique, case postale, ZÜRICH

 

 

intimée

 


EN FAIT

1.        Monsieur A______ (ci-après : l'assuré ou le recourant), né en 1982, au bénéfice d'un bachelor en économie d'entreprise - ressources humaines de la Haute Ecole de Gestion, travaillait depuis le 12 octobre 2007 pour B______ (B______) et était assuré à ce titre pour les accidents professionnels et non professionnels auprès d'Allianz suisse société d'assurances S.A. (ci-après : l'assureur ou l'intimée).

2.        Le 8 décembre 2010, l'assuré a été victime d'un accident alors qu'il circulait au guidon d'un motocycle, il est entré en collision avec un véhicule qui venait de s'engager sur sa route et qui ne lui a pas accordé la priorité. L'assuré, qui circulait à environ 50 km/h, n'a pas réussi à s'arrêter malgré un freinage d'urgence. Le pneu avant de son scooter a glissé sur la chaussée détrempée avant de venir percuter le flanc gauche du véhicule. Présentant notamment un hématome à la tête, l'assuré a été transporté en ambulance aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG ; rapport de police du 13 décembre 2010).

3.        Un CT thoraco-abdominal du 8 décembre 2010 a conclu à l'absence de lésion traumatique récente.

4.        Le résumé de séjour de l'assuré du 9 décembre 2010 au service des urgences des HUG atteste comme diagnostic principal une hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique et une perte de connaissance avec amnésie circonstancielle. L'assuré se plaignait de douleurs basi-thoraciques droites et au flanc droit. Alors qu'il roulait sur un scooter, il avait été éjecté, avec réception frontale sur le sol, avec une haute énergie (50 km/h).

Le CT scan tête-bassin a conclu à :

-          une hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite. Pas de lésion osseuse traumatique. Petite lésion en verre de l'os spongieux de la branche montante de la mandibule droite sans atteinte corticale ;

-          pas de lésion traumatique du rachis cervico-dorso-lombaire ;

-          au thorax, pas de lésion des gros vx ni de contusion parenchymateuses ; troubles ventilatoires ;

-          abdo : pas de lésion traumatique récente.

Le CT scan cérébral de contrôle effectué le 9 décembre 2010 attestait une régression de l'hémorragie sous-arachnoïdienne.

Le traitement consistait notamment en la surveillance de l'assuré, car il n'y avait pas de sanction chirurgicale envisagée par le neurochirurgien.

5.        En raison d'une recrudescence des céphalées et des nausées, une tomodensitométrie axiale computérisée du cerveau a été effectuée le 5 janvier 2011 concluant à une régression complète de l'hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite ; pas d'effet de masse ni déplacement de la ligne médiane ; pas de dilatation anévrismale ni shunt artério-veineux ; sinusite maxillaire bilatérale.

6.        Le 17 février 2011, le docteur C______, spécialiste FMH en neurologie, a mentionné que l'assuré avait présenté une perte de connaissance, un traumatisme crânio-cérébral (ci-après TCC) et sur le flanc droit. Le scanner avait montré une hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite. Sur le plan des organes et du tronc, il n'y avait aucune lésion visible, qu'elle soit abdominale ou thoracique. Le diagnostic était des troubles neuropsychologiques post-traumatiques persistants.

7.        En raison de troubles cognitifs et mnésiques, de céphalées et nausées, une imagerie par résonance magnétique (ci-après IRM) du cerveau a été effectué le 21 février 2011. Elle n'a pas révélé d'effet de masse, ni déplacement de la ligne médiane. Elle a conclu à une régression complète de l'hémorragie fronto-insulaire droite ; pas de dilatation anévrismale ; image polypoïde à composante hydrique de signal hypo-intense en T1 et hyper-intense en T2 dans le cadre de sinusite maxillaire aiguë.

8.        L'assuré a été soumis à un examen neuropsychologique les 18 et 19 avril 2011 par Madame D______, psychologue-neuropsychologue FSP, laquelle a conclu à des troubles cognitifs sévères, avec au premier plan un ralentissement psychomoteur et des troubles attentionnels sévères, auxquels s'associaient des troubles exécutifs modérés et des difficultés mnésiques sensibles en modalité verbale. Quatre mois post TCC, ces troubles cognitifs en constituaient les séquelles. Celles-ci étaient sévères et étaient de nature à empêcher actuellement toute reprise de l'activité professionnelle. Vu la sévérité du tableau d'atteinte cognitive, elle proposait une réhabilitation neuropsychologique. L'assuré, qui voulait se présenter au test d'admission pour l'école de police des finances, était seulement partiellement nosognosique de ses difficultés cognitives (rapport du 19 avril 2011).

9.        Le 2 mai 2011, le docteur E______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté des troubles mnésiques et cognitifs marqués. Des démarches étaient faites pour entreprendre un suivi neuropsychologique adapté avec un traitement de l'atteinte mnésique et cognitive. L'assuré était objectivement dans l'incapacité d'entreprendre de nouvelles études ou d'avoir une activité professionnelle.

10.    Le 5 mai 2011, Mme D______ a attesté, vu les sévères troubles cognitifs, qu'une réhabilitation neuropsychologique était nécessaire auprès d'un spécialiste.

11.    L'assuré a été soumis à un examen neuropsychologique les 21, 29 mai et 8 juin 2012 par Madame F______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP, laquelle effectuait son suivi depuis mai 2011, à raison de deux fois par semaine ; cet examen a conclu à des troubles cognitifs, comportementaux et émotionnels de nature modérée à sévère compatibles avec les séquelles du TCC du 8 décembre 2010. L'assuré était partiellement nosognosique de ces troubles cognitifs. Il était peu conscient de la gravité de ses troubles et des répercussions que cela pouvait avoir dans le cadre professionnel. Il n'avait aucun souvenir de son accident. Un bilan logopédique complet paraissait justifié. Compte tenu des troubles, de leur intensité et de la nosognosie partielle, la reprise d'un emploi paraissait risquée et prématurée. L'assuré insistait toutefois très fortement depuis le début à cette reprise professionnelle. Il avait trouvé, par lui-même, un emploi à 20% (rapport du 29 juin 2012).

12.    Dès le 1er juillet 2012, l'assuré a travaillé à 20 % comme comptable, par le biais de mesures thérapeutiques, puis à 30 % dès décembre 2012.

13.    Le 19 octobre 2012, Mme F______ a attesté une reprise thérapeutique de travail à 20 % le 1er juillet 2012 ; il fallait s'attendre à un dommage résiduel.

14.    L'assuré a été soumis à un bilan neuropsychologique d'évolution les 1er, 8 et 12 juillet 2013 par Mme F______, laquelle a constaté une amélioration globale de toutes les fonctions cognitives et comportementales, mais le maintien d'une limitation cognitive ; l'assuré présentait dans son emploi des difficultés de concentration, engendrant de nombreuses erreurs et imprécisions, une fatigue, une lenteur d'exécution, un manque d'organisation, des actions inachevées ou mélangées et une augmentation occasionnelle de l'irritabilité. L'assuré était toujours partiellement nosognosique de ses troubles cognitifs. La conscience des troubles était meilleure. Toutefois, la gravité de son état et les conséquences que cela pouvait avoir sur le long terme n'étaient pas encore intégrées. Cela engendrait parfois des projets peu réalistes de sa part. Les troubles étaient compatibles avec les séquelles liées au TCC. L'anxiété aggravait de façon importante le tableau, en ayant un effet direct sur certaines performances (rapport du 29 juillet 2013).

15.    Le 3 septembre 2013, un CT du thorax a conclu à l'absence de nodule identifiable au niveau du parenchyme pulmonaire droit, nodule de 2.5 cm appartenant à un petit granulome banal du segment de Fowler gauche.

16.    Le 28 juillet 2014, le docteur G______, FMH médecine physique et réadaptation (La Tour Sport Médecine), a attesté un polytraumatisme, une tendinopathie de l'épaule droite et une entorse à la colonne dorsale, avec persistance de douleurs costales droites et à l'épaule droite.

17.    L'assuré a été soumis à un bilan neuropsychologique d'évolution les 7, 14 et 22 août 2014 par Mme F______ concluant à de meilleures performances (mais dues à la mise en place de stratégies pour pallier ses difficultés) et à la persistance de limitations cognitives, avec fatigabilité, compatible avec les séquelles du TCC du 8 décembre 2010. L'assuré présentait des pertes d'équilibre et des maux de tête quand il devait se concentrer longuement ou réfléchir. Le pourcentage d'activité lucrative à 30% n'avait jamais pu être augmenté en raison de la fatigabilité et du nombre d'erreurs commises (rapport du 12 septembre 2014).

18.    L'assuré a été soumis à un bilan neuropsychologique d'évaluation par Mme F______ les 24 juin, 2 et 9 juillet 2015 concluant à une amélioration des performances due au fait que l'assuré mettait en place de nombreuses stratégies pour pallier ses difficultés, avec cependant l'apparition de maux de tête et fatigue ; des troublesétaient encore présents ; son taux de travail n'avait jamais été augmenté à plus de 30 % en raison de la fatigue et un retour à l'emploi semblait compromis (rapport du 3 août 2015).

19.    Les 29 janvier 2013, 29 septembre 2013, 4 janvier 2014, 11 octobre 2015 et 1er novembre 2015, le Dr E______, a attesté des troubles cognitifs sur TCC post accident.

20.    Par décision du 4 mars 2016, l'Office de l'assurance-invalidité (ci-après : l'OAI) a alloué à l'assuré une rente entière d'invalidité (100 %) depuis le 1er mai 2015.

21.    L'assuré a été soumis à un bilan neuropsychologique d'évaluation les 22, 28 avril et 3 et 13 mai 2016 par Mme F______. La prise de conscience des troubles était meilleure mais le moral de l'assuré moins bon ; ses performances étaient fluctuantes, certaines s'étant améliorées et d'autres ayant régressé ; les aspects comportementaux et thymiques étaient moins bons ; la fatigue représentait un handicap massif pour toutes les activités de la vie quotidienne ; les troubles étaient compatibles avec les séquelles liées à son TCC sévère, en lien avec la présence d'un état anxio-dépressif marqué et réactionnel ; une forme de stabilisation était atteinte (rapport du 31 mai 2016).

22.    Le 19 octobre 2016, le CEMed (docteurs H______, FMH psychiatrie et psychothérapie, I______, FMH neurologie et Madame J______, neuropsychologue FSP) a rendu un rapport d'expertise à la demande de l'assureur.

L'assuré se plaignait d'une fatigue majeure, de troubles du sommeil, de la concentration, de la mémoire, de l'équilibre, de maux de tête, de douleurs à l'épaule droite, dorsales, costales droites, au genou gauche et de troubles du comportement avec agressivité.

Les experts ont posé le diagnostic de status après accident de la voie publique le 8 décembre 2010 ayant entraîné un TCC modéré à moyennement important avec hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite ; sur le plan neuropsychologique : des troubles attentionnels, mnésiques et exécutifs, fatigabilité, changements comportementaux et émotionnels consécutifs à l'événement accidentel du 8 décembre 2010 ; un syndrome post-commotionnel (F07.2) associant des céphalées, sensations vertigineuses, fatigue, irritabilité, troubles cognitifs, sentiments dépressifs et anxieux ; un syndrome de dépendance à l'alcool utilisation épisodique (F10.26) depuis 2013 d'après les souvenirs de l'assuré.

Du point de vue neurologique, l'évolution pouvait être considérée comme normalement favorable bien que persistaient encore un syndrome post-commotionnel modéré caractérisé par des maux de tête, des troubles de l'équilibre, une fatigabilité. On était quelque peu étonné par l'importance des troubles neuropsychologiques et comportementaux par rapport au caractère objectivement relativement modeste du traumatisme sur le plan radiologique, notamment en l'absence de contusion cérébrale objectivée. Les facteurs psychologiques dans l'évolution défavorable devaient être discutés. Les quelques plaintes formulées actuellement par l'assuré ne représentaient pas une cause d'incapacité de travail dans l'activité exercée préalablement ainsi que dans toute autre activité potentiellement exigible. Cette appréciation ne tenait bien entendu pas compte des éléments neuropsychologiques et psychiatriques.

Du point de vue psychiatrique, le tableau clinique était compatible avec un diagnostic de syndrome post-commotionnel (F07.2), associant des céphalées, sensations vertigineuses, fatigue, irritabilité, troubles cognitifs, sentiments dépressifs et anxieux. Ce trouble était clairement lié à l'accident de fin 2010. L'assuré ne souffrait pas de trouble psychiatrique avec l'accident. Il souffrait également d'une problématique d'alcool, dépendance pendant une année et abus occasionnels d'alcool depuis 2014, un diagnostic supplémentaire de syndrome de dépendance à l'alcool utilisation épisodique (F10.26) était donc retenu. Les limitations fonctionnelles n'étaient pas d'ordre psychiatrique, mais étaient liées aux troubles cognitifs. Du point de vue strictement psychiatrique, il n'y avait pas de limitation fonctionnelle. La capacité de travail était complète dans toute activité sans diminution de rendement.

Du point de vue neuropsychologique, l'examen mettait en évidence un déficit attentionnel, mnésique et de plusieurs mécanismes exécutifs (organisation, flexibilité, inhibition), une fatigabilité ; existaient au dossier des informations faisant état de changements comportementaux, d'une incapacité de gestion financière, d'un isolement social, d'une perte de plaisir, d'une mauvaise gestion émotionnelle avec irritabilité. Par rapport à l'examen pratiqué par Mme F______ en mai 2016, le tableau était globalement superposable.

Les déficits cognitifs résiduels étaient importants et de nature à contre-indiquer une activité comportant des responsabilités, impliquant des aptitudes de gestion, de prise de décisions, d'organisation, de planification ou d'anticipation, ainsi que d'adaptation stratégique. En effet, au vu du risque élevé d'erreurs lié aux troubles mnésiques, attentionnels et exécutifs, de la faible acceptation des déficits par l'assuré, des difficultés de concentration, d'organisation et d'adaptation mentale rapide, de la fatigabilité et du rythme de travail lent, seul un poste à responsabilité limitée, en petite équipe, n'impliquant pas ou peu de contact avec la clientèle et ne plaçant pas l'assuré en situation de rythme de travail imposé (tel qu'un travail sur une chaîne de production) paraissait envisageable, ceci afin de permettre l'aménagement de pauses, un fractionnement des horaires et une surveillance, par un tiers responsable, des productions de l'assuré. D'autre part, en raison de la fatigabilité objectivée lors de l'examen, une telle activité adaptée pourrait être effectuée à un taux ne dépassant pas 50 % (4 heures par jour).

À plus de cinq ans de l'événement accidentel, les troubles cognitifs étaient encore significatifs. Bien que la neuropsychologue rejoignait l'avis du neurologue quant à une certaine incongruence entre la bonne évolution, sur le plan radiologique, des lésions cérébrales post-traumatiques et la persistance de plaintes et de dysfonctionnements cognitifs importants, la nature des déficits cognitifs, l'absence d'arguments en faveur d'un défaut d'effort, d'une affection psychiatrique invalidante ou d'autres facteurs étrangers à l'accident amenaient à penser qu'ils étaient en relation de causalité naturelle avec l'accident de décembre 2010.

Les déficits neuropsychologiques étaient une conséquence naturelle de l'accident du 8 décembre 2010. La capacité de travail était nulle comme agent de sécurité et de 50 % dans une activité adaptée. Le tableau paraissait stabilisé.

L'association de troubles cognitifs affectant plusieurs secteurs de la cognition (dans le cas présent : la mémoire de travail et épisodique verbale, l'attention soutenue et les aptitudes d'inhibition/organisation/flexibilité), entraînant des modifications comportementales et socio-relationnelles significatives (achats compulsifs, mauvaise gestion émotionnelle, sensibilité accrue au stress, inadéquation dans les relations sociales à l'origine de tensions et conflits avec les ami-e-s, la famille) compromettant le retour à l'ancienne place de travail et incompatibles avec l'exercice de métiers comportant des responsabilités mêmes réduites, correspondaient à une atteinte à l'intégrité modérée à moyenne, de 35 %, selon la table 8 de la SUVA.

Avant l'accident, l'assuré n'avait jamais souffert de trouble psychiatrique ni de personnalité pathologique. Les changements comportementaux étaient à mettre, entre autres, sur le compte des pertes auxquelles cet assuré avait dû faire face (santé, réseau social, travail).

23.    Le 29 novembre 2016, l'assuré, représenté par un avocat, a contesté auprès de l'assureur le degré de l'atteinte à l'intégrité fixé par le CEMed et a requis un degré de 50 %.

24.    Le 14 juillet 2017, le docteur K______, spécialiste FMH en médecine interne générale, a attesté des séquelles neuropsychologiques sévères post TCC.

25.    Le 8 novembre 2017, l'assureur a communiqué à l'assuré un droit d'être entendu.

Le traumatisme qu'il avait subi n'avait entraîné aucune lésion cérébrale, de sorte qu'il se rapprochait non pas d'une contusion cérébrale, mais d'une commotion cérébrale ; les experts du CEMed s'étaient étonnés de l'importance des troubles neuropsychologiques et comportementaux. En présence d'un accident de gravité moyenne, aucun des critères jurisprudentiels pour admettre la causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'accident n'était réalisé ; en l'absence de séquelles physiques, l'assuré n'avait pas droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité (ci-après IPAI). Dès le 1er novembre 2017, le droit aux prestations d'assurance n'était plus donné ; l'effet suspensif de l'opposition était retiré.

26.    Le 9 novembre 2017, Mme F______ a écrit au médecin-conseil de l'assureur qu'il n'y avait que peu d'évolution sur le plan de la fatigue et des troubles cognitifs, qui restaient toujours très présents et fortement handicapants, les difficultés cognitives, émotionnelles et comportementales provoquaient des troubles fonctionnels au quotidien assez importants. La prise de conscience des limites s'accompagnait d'un état dépressif léger qui était traité par l'instauration d'un anti-dépresseur et d'un soutien psychologique.

27.    Le 22 janvier 2018, l'assuré s'est opposé au projet de décision ; il a contesté la suppression de ses prestations au 1er novembre 2017 ; son atteinte à l'intégrité psychique était de 50 % et non pas de 35 %. L'assureur invoquait une commotion cérébrale alors que les experts du CEMed parlaient bien d'un TCC et même une commotion cérébrale pouvait entraîner un syndrome post-commotionnel à long terme. Les experts du CEMed avaient admis, malgré une certaine incongruence, un syndrome post-commotionnel lié à l'accident et provoquant une incapacité de travail. Par ailleurs, plusieurs critères jurisprudentiels étaient réalisés, tels que les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques, la gravité et la nature particulière des lésions, un long traitement, des douleurs physiques et psychiques intenses, des difficultés intervenues au cours de la guérison, l'importance de l'incapacité de travail, de sorte que le lien de causalité adéquate entre les troubles et l'accident était donné. Enfin, l'assuré contestait ne pas présenter de séquelles physiques.

Il a communiqué :

-          un rapport du 28 décembre 2017 du Dr K______ indiquant qu'il était en désaccord complet avec la décision de l'assureur. Les séquelles cérébrales organiques étaient présentes, malgré l'absence de séquelles radiologiques. La capacité de travail résiduelle, telle que décrite par les experts du CEMed, était incompatible avec une activité professionnelle sur le marché de l'emploi actuel ; l'arrêt de l'existence normale de l'assuré au moment de l'accident était particulièrement dramatique ; le suivi psychologique était un traitement prolongé et pénible pour l'assuré ; il n'y avait pas de guérison, mais la persistance de complications psychologiques handicapantes ; les traitements de la gestion des émotions étaient entravés d'effets secondaires (complications importantes) entraînant leur arrêt ; l'importance de l'incapacité de travail était reconnue par le CEMed. L'assuré présentait un syndrome post-commotionnel (selon le rapport du CEMed), avec impact sévère sur ses activités de la vie quotidienne amenant à un handicap majeur. La causalité avec l'accident était clairement attestée par le CEMed. Les limitations fonctionnelles étaient liées aux troubles cognitifs séquellaires et d'ordre neurologique et donc pas d'ordre psychologique ou psychiatrique ;

-          un rapport de Mme F______ du 18 janvier 2018 selon lequel l'état de stress de l'assuré, associé à une fatigabilité importante, avait probablement causé des incongruences ; la fatigue était un symptôme connu après un TCC, non lié au degré de celui-ci. Dès lors que l'assuré avait présenté une hémorragie sous-arachnoïdienne (qui était une atteinte cérébrale), cela dépassait une simple commotion cérébrale, laquelle pouvait avoir engendré le syndrome post-commotionnel ; l'absence de lésion cérébrale à l'IRM du 21 février 2011 ne signifiait pas l'absence de lésion fonctionnelle et ce type d'IRM ne permettait pas de mettre en évidence les lésions. Après deux ans, l'assuré avait dû stopper son emploi à 30 %, contre sa volonté ; il avait fait des efforts en vue de retravailler. Le traitement qu'elle avait prodigué à l'assuré depuis le 23 mai 2011 pouvait être qualifié de spécifique et pénible ; le traitement avait cessé en novembre 2017, faute de remboursement et l'assuré était livré à lui-même, ce qui était fâcheux et incompréhensible ; il souffrait de douleurs psychologiques et morales ; il avait présenté une lésion grave et particulière, soit une hémorragie sous-arachnoïdienne et des difficultés étaient apparues au cours de la guérison (HTA, troubles du sommeil, blessures physiques, prise de poids). Les troubles cognitifs, comportementaux et émotionnels devaient être considérés de gravité moyenne (table 8 de la SUVA), soit 50% d'IPAI. La décision de l'assureur lui paraissait incompréhensible.

28.    Par décision du 26 janvier 2018, l'assureur a cessé toute prestation au 1er novembre 2017 ; le TCC subi, qui n'avait entraîné aucune lésion cérébrale, se situait au niveau d'une commotion cérébrale ; la causalité adéquate devait donc être examinée selon la jurisprudence applicable aux troubles psychiques ; le lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l'accident, de gravité moyenne, n'était pas donné, en relevant que les circonstances de l'accident n'avaient pas été particulièrement dramatiques. La lésion neurologique initiale, certes importante, n'avait finalement pas présenté de caractère de gravité particulier. Comme déjà indiqué, il n'y avait pas eu de contusion cérébrale et l'hématome sous-arachnoïdien s'était résorbé assez rapidement, ne laissant aucune séquelle cérébrale. Au plan neurologique, l'assuré n'avait pas présenté de douleurs importantes. Le traitement médical avait été adéquat. Il n'y avait pas eu de difficultés ou complications au cours de la guérison des lésions somatiques (neurologiques). L'incapacité de travail de longue durée n'était pas liée aux séquelles de l'atteinte neurologique, mais avait persisté en raison des troubles neuropsychologiques psychiques.

Les experts n'avaient pas retenu uniquement sur le plan neurologique une discordance entre l'importance des troubles (il n'y en avait pratiquement pas au niveau neurologique) et le caractère modeste du traumatisme au niveau radiologique. Même lorsqu'il s'était agi d'apprécier le lien causal (naturel) par rapport aux dysfonctionnements cognitifs et émotionnels, l'expert neuropsychologue s'était lui aussi étonné d'un certain manque de congruence. Par ailleurs, en l'absence de séquelles physiques, il n'y avait pas de droit à une IPAI. Enfin, l'effet suspensif de l'opposition était retiré.

29.    Le 28 février 2018, l'assuré a fait opposition à la décision du 26 janvier 2018 en concluant, préalablement à la restitution de l'effet suspensif à l'opposition, et principalement, à l'annulation de la décision et au versement des prestations d'assurance depuis le 1er novembre 2017, dont la prise en charge des traitements médicaux et une IPAI.

Il a communiqué :

-          un rapport du 8 février 2018 du Dr G______, indiquant avoir vu l'assuré la dernière fois le 21 juillet 2014 et avoir posé le diagnostic de status post-accident de la voie publique le 8 décembre 2010 avec comme séquelles une instabilité et des douleurs de l'épaule droite ; des douleurs fémoro-patellaires gauches et des douleurs costales droites. Il y avait une vraisemblance proche de la certitude que ses douleurs le limitaient fonctionnellement dans beaucoup d'activités dans le long terme ; l'instabilité de l'épaule droite pouvait créer dans le long terme de l'arthrose, avec de sévères limitations fonctionnelles ;

-          un rapport du 26 février 2018 du docteur L______, FMH médecine interne générale, attestant une acuité visuelle de l'assuré nettement diminuée à gauche entre son examen d'avril 2010 et son examen de mars 2015.

-          un certificat médical du 27 février 2018 du Dr C______, attestant suivre l'assuré depuis 2011 suite à un TCC sévère avec hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite entraînant des troubles neuropsychologiques persistants ; selon les publications connues à ce jour, un TCC pouvait être associé à diverses altérations neurocomportementales ou d'ordre cognitif voire neuropsychiatriques, même en l'absence de dommage structurel macroscopique cérébral ; l'assuré avait présenté une hémorragie sous-arachnoïdienne post-traumatique, ces signes avaient disparu, mais les séquelles neuropsychologiques persistaient. Même s'il n'était pas possible de mettre en évidence des lésions objectives sur le plan cérébral, la relation de causalité naturelle et adéquate pouvait être retenue etil appuyait les conclusions des experts du CEMed à cet égard.

30.    Par décision du 20 décembre 2018, l'assureur a rejeté l'opposition au motif qu'aucun critère pertinent pour admettre la causalité adéquate entre les troubles psychiques de l'assuré et l'accident, de gravité moyenne - ce que l'assuré ne contestait pas - n'était donné. Le TCC se situait au niveau d'une commotion cérébrale. Les experts avaient admis le lien de causalité naturelle, tout en relevant le manque de congruence entre la bonne évolution des lésions et la persistance des dysfonctionnements cognitifs et émotionnels importants. La causalité adéquate s'examinait selon la jurisprudence applicable aux troubles psychiques. L'accident n'avait pas été particulièrement impressionnant, il n'avait pas provoqué de lésion particulièrement grave puisque l'hémorragie s'était résorbée rapidement ; le traitement en cours ne se rapportait pas à une lésion somatique ; l'incapacité de travail n'était pas liée à une atteinte neurologique, mais en raison de troubles neuropsychologiques et psychiques ; au plan neurologique l'assuré n'avait pas présenté de douleurs importantes ; le traitement médical avait été adéquat ; il n'y avait pas eu d'erreur dans le traitement ; ni de difficultés ou de complications concernant les lésions somatiques. La lésion neurologique initiale n'avait pas présenté de caractère de gravité particulier puisqu'elle s'était résorbée assez rapidement, ne laissant aucune séquelle cérébrale.

La décision ne se prononçait pas sur la demande de restitution de l'effet suspensif formée par l'assuré.

31.    Le 18 janvier 2019, l'assuré, représenté par son conseil, a recouru auprès de la chambre des assurances sociales de la Cour de justice à l'encontre de cette décision en concluant, sous suite de frais et dépens, préalablement, à l'octroi de l'effet suspensif au recours avec le versement des indemnités journalières depuis le 1er novembre 2017, à la comparution personnelle des parties et à l'audition des médecins traitants et, principalement, à l'annulation de la décision et à l'octroi des prestations d'assurance depuis le 1er novembre 2017, dont la prise en charge des traitements médicaux et le versement d'une IPAI.

Selon le recourant, il avait subi une importante perte oculaire en raison de l'accident et il avait aussi des douleurs à l'épaule droite, au genou gauche et à la paroi costale droite. L'intimée avait admis finalement que les experts avaient constaté l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et les troubles dont il souffrait. L'incongruence relevée par les médecins n'était pas un élément de fait suffisant pour remettre en cause l'admission par les experts de l'existence d'un lien de causalité naturelle. L'accident avait été d'une gravité particulière et le critère du caractère particulièrement impressionnant de l'accident était réalisé. En outre, les lésions étaient particulièrement graves. Il avait en outre présenté des douleurs importantes, tant sur le plan psychologique que physique. Le Dr G______ avait constaté qu'il souffrait du genou et de l'épaule, provoquant des limitations fonctionnelles sévères. Les experts avaient relevé que les problèmes orthopédiques n'avaient pas fait l'objet d'une expertise particulière. Par conséquent, l'intimée ne pouvait pas retenir que le recourant n'avait pas présenté de douleurs importantes. En outre, il suivait de nombreuses séances depuis sept ans. Le traitement était donc spécifique et pénible pour lui. Il y avait eu de nombreuses difficultés et complications qui étaient apparues au cours du traitement. De plus, il n'était pas guéri puisque les experts préconisaient la poursuite d'un traitement médical. Le syndrome post-commotionnel regroupait des aspects neurologiques, neuropsychologiques et psychiques. L'intimée retenait à tort que l'incapacité de travail n'était pas liée aux atteintes neurologiques. De manière surprenante, l'intimée retenait qu'il n'y avait rien sur le plan neurologique alors que sur ce plan-là, l'expertise mentionnait qu'il persistait des troubles neuropsychologiques et/ou un syndrome post-commotionnel. Le degré de l'incapacité de travail était total, comme l'avait admis l'OAI et elle était due à ses séquelles psychiques et physiques. Le lien de causalité adéquate devait donc être admis.

Par ailleurs, le recourant contestait l'IPAI à 35 % retenue par les experts. En lisant leur rapport, il était évident que l'atteinte à l'intégrité psychique était de 50 %. Par conséquent, les séquelles étaient d'une gravité particulière. Enfin, l'intimée n'avait pas pris en compte les rapports joints à son opposition du 28 février 2018, en violation de son droit d'être entendu.

32.    Le 4 février 2019, l'assureur a rendu une nouvelle décision sur opposition, identique à celle du 20 décembre 2018, sous réserve qu'elle spécifiait que l'effet suspensif d'un éventuel recours était retiré.

33.    Le 5 février 2019, la chambre de céans a indiqué à l'intimée que sa décision du 4 février 2019 remplaçait dorénavant celle du 20 décembre 2018.

34.    Le 6 février 2019, le recourant a informé la chambre de céans qu'il avait requis de l'intimée l'annulation de la décision du 4 février 2019, dans un courrier du même jour, au motif qu'une reconsidération de la décision du 20 décembre 2018 ne pouvait aggraver les conséquences de celle-ci.

35.    Le 7 février 2019, l'intimée a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

36.    Le 13 février 2019, le recourant a relevé notamment que l'acte du 4 février 2019 n'était pas une nouvelle décision, mais une simple proposition faite au juge. Il n'entendait pas déposer un nouveau recours.

37.    Le 5 mars 2019, le recourant a répliqué sur la question de l'effet suspensif.

38.    Par arrêt incident du 21 mars 2019, la chambre de céans a jugé que le recours avait un effet suspensif et a réservé la suite de la procédure (ATAS/239/2019).

39.    Sur le fond, par réponse du 1er avril 2019, l'intimée a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet du recours.

Elle a fait valoir notamment que le rapport du Dr G______ faisait état d'une consultation qui remontait au 21 juillet 2014. Partant, le recourant n'avait plus revu ce médecin depuis plus de quatre ans. Tel était également le cas du Dr L______.

L'intimée a indiqué qu'elle ne contestait pas le lien de causalité naturelle entre les plaintes et l'accident. Les déficits neuropsychologiques étaient en lien de causalité naturelle avec l'accident. Le lien de causalité adéquate n'était toutefois pas rempli.

La question de la causalité naturelle au plan neurologique était sans objet dès lors que l'expert avait constaté l'absence d'atteinte somatique sur ce plan.

Contrairement aux allégations du Dr K______, il n'y avait aucune séquelle cérébrale.

Le Dr C______ parlait de la possibilité qu'il subsiste un syndrome post-commotionnel à long terme entraînant des conséquences sur l'état de santé du recourant. Cela étant, aucun document médical n'avait fait état de l'existence de ces séquelles.

Comme le traumatisme crânien n'avait entraîné aucune lésion cérébrale, il se situait au niveau d'une commotion cérébrale et pas d'une contusion cérébrale. La causalité adéquate devait donc être examinée selon la jurisprudence applicable aux troubles psychiques. Les critères applicables à un accident de gravité moyenne, ce qui n'était pas contesté par le recourant, n'étaient pas remplis pour les motifs indiqués dans la décision litigieuse.

Enfin, l'intimée n'avait pas violé le droit d'être entendu du recourant. Les faits avaient été pris en considération dans la décision sur opposition, étant précisé que le recourant n'avait apporté aucun nouvel élément médical.

A l'appui de sa position, l'intimée a produit un rapport de Mme J______ du 27 mars 2019, renvoyant à ses conclusions du 19 octobre 2016, à savoir que le recourant présentait des troubles attentionnels et exécutifs, une fatigabilité, des changements comportementaux et émotionnels causés par l'événement accidentel qui avait occasionné un TCC de degré modéré à moyen ; le trouble neuropsychologique, qui persistait cinq ans après l'accident, était stable et définitif ; il était de degré moyen, à savoir que du fait de son existence, la capacité fonctionnelle du recourant était significativement limitée au quotidien et pour la plupart des sollicitations professionnelles. Les experts n'avaient pas constaté d'éléments évoquant l'existence de facteurs étrangers à l'accident pouvant expliquer les plaintes et les troubles neuropsychologiques objectivés ; les troubles résiduels n'étaient pas non plus imputables à une affection psychiatrique invalidante ou à un défaut d'effort ; ils persistaient malgré le suivi neuropsychologique et n'étaient pas liés à une mauvaise compliance ou à un défaut d'investissement de sa part, dans les démarches de réinsertion professionnelle qui avaient été tentées. En raison des échecs de ces dernières et des difficultés rencontrées dans sa vie quotidienne, le recourant était devenu plus conscient de la sévérité de ses dysfonctionnements et de l'importance de ses pertes, ce qui avait retenti sur son estime.

40.    Le 20 mai 2019, la chambre de céans a entendu les parties.

Le recourant a déclaré :

« Je suis en traitement chez Mme F______ à raison d'une fois par semaine. Au début, j'y allais deux fois par semaine. Je n'ai jamais cessé le traitement. Lorsqu'ALLIANZ a cessé la prise en charge, c'est mon assureur-maladie qui a pris le relais, mais j'ai dû passer par un psychiatre.

Ce qui me handicape le plus dans ma vie c'est la fatigue qui me tombe dessus sans signaux d'alerte et qui ne disparaît pas malgré un bon sommeil. Elle m'empêche également de me concentrer, de retenir des choses. Je me sens également en décalage émotionnel avec les événements qui m'entourent, ce qui peut engendrer des conflits avec les gens. Je peux par exemple rire à un enterrement ou pleurer à une fête. J'ai des changements brusques d'humeur qui peuvent varier entre la joie et la dépression. J'ai également des douleurs physiques qui à mon sens n'ont pas été suffisamment prises en compte, soit des douleurs aux genoux, aux côtes car j'ai un nerf qui s'est coincé à ce niveau. À cet égard, une chirurgie a été évoquée, mais sans garantie de succès. J'ai également des vertiges qui surviennent périodiquement et ma vision qui se trouble par moments et qui s'est dégradée du côté gauche. Je ne retiens pas ce que je souhaiterais et parfois j'ai des souvenirs de choses peu importantes. Par exemple, je ne me souviens pas de la naissance de ma fille qui a 4 ans. À cette époque, je travaillais en reprise thérapeutique à 20 % et j'étais totalement engagé dans cette activité qui me prenait toute mon énergie, au détriment de ma vie privée. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que j'avais une fille, mais je n'ai aucun souvenir de la période antérieure.

J'ai vu un médecin du sport pour mes genoux, mes côtes et mon épaule et j'ai suivi beaucoup de séances de physiothérapie. J'avais trouvé un traitement d'ostéopathie qui était efficace, mais que j'ai dû cesser lorsqu'ALLIANZ a cessé sa prise en charge. J'ai suivi un traitement d'hypnose chez un médecin car j'ai présenté beaucoup de phobies et d'anxiété, en particulier dans les transports avec une angoisse qui s'est logée sur la peur qu'il arrive quelque chose à mes enfants. Grâce à ce traitement, je gère mieux cet aspect, mais je n'arrive par exemple à quitter la ville car j'ai beaucoup de peine avec tout ce qui est nouveau. Par exemple, ma femme doit prendre ses vacances toute seule.

Je me rappelle avoir été soumis à une expertise pluridisciplinaire à Nyon qui s'est bien passée.

Je suis au bénéfice d'une rente AI entière. »

L'intimée a expliqué notamment :

« Nous n'avons pas repris les versements, parce que nous attendions l'audience de ce jour, malgré l'entrée en force du jugement sur effet suspensif.

Nous avons cessé les prestations en 2017 après avoir réalisé une expertise pluridisciplinaire pour juger des capacités neurologiques et psychologiques.

Je précise que nous admettons toutes les conclusions de l'expertise, notamment le diagnostic de traumatisme cranio-cérébral modéré à moyennement important.

Je vous communiquerai la référence exacte de l'arrêt du Tribunal fédéral 8C J5/2016.

Vous attirez mon attention sur le fait que les jurisprudences citées par ALLIANZ se rapportent toutes à des cas de traumatismes crâniaux cérébral léger, ce qui n'est pas le cas dans la présente procédure. Nous réexaminerons la question après avoir reçu la réplique du recourant.

Nous sommes d'accord de reprendre le versement des prestations avec effet immédiat suite à l'arrêt incident. »

41.    Par réplique du 28 mai 2019, le recourant a contesté ne pas présenter d'atteintes somatiques. L'expertise du CEMed avait relevé de la fatigue, des maux de tête, des troubles de l'équilibre, troubles de la mémoire et de la concentration, des douleurs dorso-costales droites, des douleurs à l'épaule droite et au genou gauche avec hypoesthésie tactile et douloureuse sous-rotulienne. Il avait subi une importante perte occulaire. Même si les examens radiologiques ne révélaient pas de séquelles physiques, cela ne signifiait pas qu'il n'existait pas des séquelles cérébrales organiques liées à l'accident. Le Dr C______ avait d'ailleurs attesté l'existence de séquelles. Le recourant avait fait beaucoup de séances de physiothérapie.

Il contestait ne pas présenter de troubles neurologiques, et ceux-ci étaient en lien avec l'accident. L'intimée n'avait pas discuté des rapports des médecins traitants dans sa décision litigieuse. Les experts avaient retenu un lien de causalité naturelle tant sur le plan neurologique que sur le plan neuropsychologique. Il était faux de prétendre que le lien de causalité naturelle au plan neurologique était sans objet.

Lors de la comparution personnelle, l'intimée avait admis que le TCC subi était modéré à moyennement important. Par conséquent, l'accident subi devait être classé dans la catégorie des accidents graves. Ainsi, le lien de causalité adéquate devait être admis. Par ailleurs, c'était à tort que l'intimée n'avait examiné les critères jurisprudentiels qu'au regard des atteintes somatiques. L'intimée aurait dû examiner le lien de causalité adéquate entre l'accident et les atteintes neurologiques, donc somatiques.

42.    Par duplique du 15 juillet 2019, l'intimée a indiqué que le recourant avait effectivement souffert de douleurs dorso-costales droites, à l'épaule droite, au genou gauche et de troubles sensitifs pré-tibiaux. Cependant, ces douleurs n'entraînaient pas de difficultés pour exercer une activité lucrative.

L'évolution avait été particulièrement défavorable sur le plan neuropsychologique, malgré le traitement, avec la persistance de difficultés mnésiques, de troubles dysexécutifs, d'une fatigue et de troubles émotionnels et comportementaux. D'ailleurs, la reprise à 20 % - 30 % avait été un échec après deux ans d'activité en raison des nombreux mélanges et oublis. Il ne s'agissait pas d'atteintes somatiques. Ainsi, l'incapacité de travail résultait des problèmes neuropsychologiques et psychiques, qui n'avaient rien à voir avec la problématique somatique, laquelle n'avait pas entraîné d'incapacité de travail permanente. L'état de santé du recourant avait tout de même évolué sur le plan neuropsychologique.

L'intimée a précisé qu'elle ne niait pas l'existence de lésions somatiques. Celles-ci n'étaient pas à la base de l'incapacité de travail du recourant, lequel avait développé progressivement après l'accident des troubles psychiatriques.

Il n'y avait pas de certificats justifiant d'incapacités de travail concernant les genoux, les côtes et l'épaule. Le recourant avait expliqué en audience qu'il avait vu un médecin et suivi des séances de physiothérapie. Il n'avait toutefois pas prouvé ses allégations. Dans le cadre de la gestion du sinistre, l'intimée avait constaté que les interventions s'étaient limitées à la problématique psychique et neuropsychologique.

S'agissant du lien de causalité adéquate, aucun critère jurisprudentiel n'était rempli. C'était donc à juste titre que l'intimée avait admis l'existence du lien de causalité naturelle, mais nié celle du lien de causalité adéquate entre les plaintes du recourant et l'événement du 8 décembre 2010.

43.    Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        La question de la compétence de la chambre de céans a déjà été examinée dans l'arrêt incident du 21 mars 2019, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer (ATAS/239/2019).

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

Toutefois, les modifications légales contenues dans la LPGA constituent, en règle générale, une version formalisée dans la loi de la jurisprudence relative aux notions correspondantes avant l'entrée en vigueur de la LPGA; il n'en découle aucune modification du point de vue de leur contenu, de sorte que la jurisprudence développée à leur propos peut être reprise et appliquée (ATF 130 V 343 consid. 3).

3.        Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. Dans la mesure où l'accident est survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance est soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2). Les dispositions légales seront citées ci-après dans leur teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2016.

4.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]). Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 ss LPGA et 62 ss LPA).

5.        Le litige porte sur la question de savoir si les troubles présentés par le recourant sont en lien de causalité avec l'accident du 8 décembre 2010.

6.        A titre préalable, on relèvera que la question de savoir si la nouvelle décision sur opposition de l'intimée du 4 février 2019 a remplacé la décision sur opposition du 20 décembre 2018 peut rester ouverte dès lors qu'hormis la question du retrait de l'effet suspensif - qui a été réglée par arrêt incident du 21 mars 2019 (ATAS/239/2019) - les deux décisions sont identiques.

7.        a. Aux termes de l'art. 6 al. 1 LAA, l'assureur-accidents verse des prestations à l'assuré en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle. Par accident, on entend toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

La responsabilité de l'assureur-accidents s'étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle (ATF 119 V 335 consid. 1 ; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références) et adéquate avec l'événement assuré (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

b. L'exigence afférente au rapport de causalité naturelle est remplie lorsqu'il y a lieu d'admettre que, sans l'événement dommageable de caractère accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne serait pas survenu de la même manière. Il n'est pas nécessaire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou immédiate de l'atteinte à la santé; il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1).

Savoir si l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l'accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 ; ATF 119 V 335 consid. 1; ATF 118 V 286 consid. 1b et les références).

Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu'après la survenance d'un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident. Il convient en principe d'en rechercher l'étiologie et de vérifier, sur cette base, l'existence du rapport de causalité avec l'événement assuré (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 consid. 3b).

c. En matière de lésions du rachis cervical par accident de type «coup du lapin», de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit fonctionnel organique, l'existence d'un lien de causalité naturelle entre l'accident et l'incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d'un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). L'absence de douleurs dans la nuque et les épaules dans un délai de 72 heures après l'accident assuré permet en principe d'exclure un traumatisme de type « coup du lapin » justifiant d'admettre un rapport de causalité naturelle entre cet accident et d'autres symptômes apparaissant parfois après un période de latence (par ex., vertiges, troubles de la mémoire et de la concentration, fatigabilité), malgré l'absence de substrat objectivable; il n'est pas nécessaire que ces derniers symptômes - qui appartiennent, avec les cervicalgies, au tableau clinique typique d'un traumatisme de type « coup du lapin » - apparaissent eux-mêmes dans le délai de 72 heures après l'accident assuré (SVR 2007 UV n. 23 p. 75; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 580/06 du 30 novembre 2007 consid. 4.1).

d. Le droit à des prestations suppose en outre l'existence d'un lien de causalité adéquate. La causalité est adéquate si, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s'est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 125 V 456 consid. 5a et les références).

En présence d'une atteinte à la santé physique, le problème de la causalité adéquate ne se pose guère, car l'assureur répond aussi des complications les plus singulières et les plus graves qui ne se produisent habituellement pas selon l'expérience médicale (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références). En cas d'atteinte à la santé psychique, les règles applicables en matière de causalité adéquate sont différentes selon qu'il s'agit d'un événement accidentel ayant entraîné une affection psychique additionnelle à une atteinte à la santé physique (ATF 115 V 133
consid. 6; ATF 115 V 403 consid. 5) ou d'un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue à la colonne cervicale et d'un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit organique objectivable
(ATF 134 V 109 consid. 7 à 9; ATF 117 V 369 consid. 4b; ATF 117 V 359 consid. 6a; SVR 1995 UV n° 23 p. 67 consid. 2; sur l'ensemble de la question
cf. ATF 127 V 102 consid. 5b/bb).

Selon la pratique du « coup du lapin », l'examen de ces critères doit se faire au moment où aucune amélioration significative de l'état de santé de l'assuré ne peut être attendue de la poursuite du traitement médical relatif aux troubles typiques du « coup du lapin » - dont les composantes psychologique et physique ne sont pas facilement différenciées - (ATF 134 V 109 consid. 4.3 et consid 6.2; arrêt du Tribunal fédéral 8C_303/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4.1) ou, autrement dit, du traitement médical en général (« ärztlichen Behandlung insegamt » une amélioration sensible de l'état de santé de l'assuré (RUMO-JUNGO / HOLZER, Bundesgestz über die Unfallversicherung [UVG] 2012 ad art. 6 p. 60).

Pour juger du caractère adéquat du lien de causalité entre les plaintes et un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral sans preuve d'un déficit organique objectivable, il y a lieu d'abord d'opérer une classification des accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement; les accidents insignifiants ou de peu de gravité (par ex. une chute banale), les accidents de gravité moyenne et les accidents graves (ATF 134 V 109 consid. 10.1;
ATF 115 V 133 consid. 6). Pour procéder à cette classification, il convient non pas de s'attacher à la manière dont l'assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d'un point de vue objectif, sur l'événement accidentel lui-même (ATF 117 V 359 consid. 6a). Sont déterminantes les forces générées par l'accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt du Tribunal fédéral 8C_890/2012 du 15 novembre 2013 consid. 5.2 et les références).

Lorsque l'accident est insignifiant ou de peu de gravité, l'existence d'un lien de causalité adéquate entre cet événement et d'éventuels troubles peut, en règle générale, être d'emblée niée, sans même qu'il soit nécessaire de trancher le point de savoir si l'assuré a été victime ou non d'un traumatisme de type « coup du lapin », d'une lésion analogue à une telle atteinte ou d'un traumatisme cranio-cérébral
(ATF 134 V 109 consid. 10.1; ATF 117 V 359 consid. 6a; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 428/2006 du 30 octobre 2008 consid. 4.2). Ce n'est qu'à titre exceptionnel qu'un accident de peu de gravité peut constituer la cause adéquate d'une incapacité de travail et de gain. Il faut alors que les conséquences immédiates de l'accident soient susceptibles d'avoir entraîné les troubles psychiques et que les critères applicables en cas d'accident de gravité moyenne se cumulent ou revêtent une intensité particulière (arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2008 du
24 avril 2009 consid. 5.2; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 369/01 du
4 mars 2002 consid. 2c).

Lorsque l'assuré est victime d'un accident grave, il y a lieu, en règle générale, de considérer comme établie l'existence d'une relation de causalité adéquate entre cet événement et l'incapacité de travail (ou de gain) (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; par analogie ATF 115 V 403 consid. 5b).

Sont réputés accidents de gravité moyenne, les accidents qui ne peuvent être classés dans l'une ou l'autre des catégories décrites ci-dessus. Pour admettre le caractère adéquat du lien de causalité entre un tel accident et des atteintes à la santé sans preuve de déficit organique consécutives à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue ou un traumatisme crânio-cérébral, il faut que soient réunis certains critères objectifs, désormais formulés de la manière suivante (ATF 134 V 109 consid. 10.2):

- les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l'accident ;

- la gravité ou la nature particulière des lésions ;

- l'administration prolongée d'un traitement médical spécifique et pénible ;

- l'intensité des douleurs ;

- les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l'accident ;

- les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes;

- et, enfin, l'importance de l'incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l'assuré.

L'examen de ces critères est effectué sans faire de distinction entre les composantes physiques ou psychiques: ainsi, les critères relatifs à la gravité ou à la nature particulière des lésions subies, aux douleurs persistantes ou à l'incapacité de travail sont déterminants, de manière générale, sans référence aux seules lésions ou douleurs physiques (ATF 117 V 359 consid. 6a; ATF 117 V 369 consid. 4b).

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. Un seul d'entre eux peut être suffisant, notamment si l'on se trouve à la limite de la catégorie des accidents graves. Inversement, en présence d'un accident se situant à la limite des accidents de peu de gravité, les circonstances à prendre en considération doivent se cumuler ou revêtir une intensité particulière pour que le caractère adéquat du lien de causalité soit admis (ATF 134 V 109 consid. 10.1 ; ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 et les références).

Nonobstant ce qui précède, même en présence d'un traumatisme de type «coup du lapin» à la colonne cervicale, d'un traumatisme analogue ou d'un traumatisme cranio-cérébral - si les symptômes (non psychiques) du tableau clinique sont réellement à l'arrière- plan par rapport à l'importance des symptômes psychiques, ou si ces troubles psychiques apparaissent très tôt de manière prédominante, soit dans un délai maximum de six mois, ou si l'accident n'a fait que renforcer des troubles psychiques qui étaient déjà présents avant cet événement, ou encore lorsque les troubles psychiques constituent plutôt une atteinte à la santé indépendante et non seulement l'un des éléments du tableau clinique type
(ATF 123 V 98 consid. 2) - il convient d'appliquer, dans les cas d'accidents de gravité moyenne, les critères objectifs tels que définis à l'ATF 115 V 133
consid. 6c/aa et à l'ATF 115 V 403 consid. 5c/aa, au regard des seules atteintes somatiques.

8.        a. L'existence d'un traumatisme de type « coup du lapin » et de ses suites doivent être dûment attestées par des renseignements médicaux fiables (ATF 119 V 335
consid. 1; ATF 117 V 359 consid. 4b).

Le Tribunal fédéral a précisé qu'il est indispensable, pour examiner le lien de causalité, de mettre en oeuvre, déjà dans les premiers temps qui suivent l'accident, une instruction médicale approfondie (sous la forme d'une expertise pluri- ou interdisciplinaire), lorsqu'il existe des motifs de craindre une persistance ou une chronicisation des douleurs. Par ailleurs, une expertise apparaît indiquée dans tous les cas où les douleurs se sont déjà maintenues durant une assez longue période, sans que l'on puisse augurer une amélioration décisive dans un proche délai. En principe, une telle mesure devrait être ordonnée six mois environ après le début des plaintes (ATF 134 V 109 consid. 9.4).

Le Tribunal fédéral a précisé les conditions de validité d'une telle expertise pluri- ou interdisciplinaire. Celle-ci doit non seulement satisfaire aux exigences relatives à la valeur probante des expertises et rapports médicaux, mais elle doit encore émaner de médecins spécialisés, particulièrement au fait de ce genre de traumatismes. Il s'agit en priorité d'effectuer des investigations dans les domaines neurologique/orthopédique (dans la mesure du possible à l'aide d'appareils appropriés), psychiatrique et, au besoin, neuropsychologique. Pour trancher des questions spécifiques et exclure des diagnostics différentiels, il est indiqué de procéder aussi à des investigations otoneurologiques, ophtalmologiques, etc. L'expert doit disposer d'un dossier fiable. Cela souligne encore une fois l'importance d'une documentation détaillée du déroulement de l'accident et des premières constatations médicales, mais également du développement ultérieur jusqu'à la mise en oeuvre de l'expertise. En ce qui concerne le contenu, il faut que l'on dispose de conclusions convaincantes pour déterminer si les plaintes sont crédibles et, le cas échéant, si, en dépit de l'absence d'un déficit organique consécutif à l'accident, ces plaintes sont - au degré de la vraisemblance prépondérante - au moins partiellement en relation de causalité avec un traumatisme de type «coup du lapin» à la colonne cervicale (distorsion), un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral. En raison des spécificités de la jurisprudence applicable en matière de traumatisme du type «coup du lapin», l'expertise doit, en cas de confirmation du diagnostic, contenir également des renseignements permettant de déterminer si une problématique d'ordre psychique doit être considérée comme une partie du tableau clinique typique de tels traumatismes, dont les aspects somatique et psychique sont difficilement séparables, ou si cette problématique représente une atteinte à la santé psychique propre, distincte du tableau clinique. C'est seulement dans le cas où l'expertise établit de manière convaincante que cette atteinte ne constitue pas un symptôme du traumatisme qu'une autre origine peut être envisagée. Il ne suffit pas de relever les circonstances sociales et socio-culturelles défavorables dans lesquelles se trouve l'assuré. Ensuite, il y a lieu d'établir dans quelle mesure la capacité de travail dans l'activité habituelle ou (en cas d'octroi d'une rente) dans des activités adaptées est limitée par les plaintes considérées comme étant en relation de causalité naturelle avec l'accident (ATF 134 V 109 consid. 9.5).

Une expertise pluri- ou interdisciplinaire répondant aux exigences ci-dessus exposées doit notamment permettre de trancher la question de savoir quels sont les principes applicables pour examiner le caractère adéquat du lien de causalité entre un accident et des plaintes (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb ; ATF 123 V 98
consid. 2a et les références ; RAMA 2002 n° U 470 p. 531).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. A cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

c. Ainsi, en principe, lorsqu'au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

d. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C/973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

9.        Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b;
ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l'administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

10.    En l'occurrence, l'intimée est d'avis que les troubles présentés par le recourant ne sont pas en lien de causalité avec l'accident survenu le 8 décembre 2010, ce que le recourant conteste.

Il résulte des pièces versées au dossier que le recourant a été victime, le 8 décembre 2010, d'un accident entraînant une hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite, avec perte de connaissance et amnésie circonstancielle, ainsi que des douleurs basi-thoraciques droites et au flanc droit (rapport des HUG du 9 décembre 2010).

A la demande de l'intimée, une expertise a été effectuée par le CEMed, concluant, par rapport du 19 octobre 2016, à un TCC modéré à moyennement important avec hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite. Sur le plan neuropsychologique, le recourant présentait des troubles attentionnels, mnésiques et exécutifs, une fatigabilité, des changements comportementaux et émotionnels consécutifs à l'événement accidentel du 8 décembre 2010. Les experts ont retenu que la relation de causalité des troubles neuropsychologiques avec l'accident était certaine. Il existait apparemment un manque de congruence entre la bonne évolution des lésions objectivées radiologiquement et la persistance des dysfonctionnements cognitifs et émotionnels importants. Les experts ont toutefois relevé qu'en l'absence d'éléments évocateurs de dysfonctionnements cognitifs antérieurs à l'accident ou de signes de défaut d'effort, et au vu de la nature des troubles objectivés, qui touchaient des fonctions cognitives particulièrement vulnérables aux lésions cérébrales traumatiques, de l'absence d'une affection psychiatrique invalidante ou d'autres facteurs étrangers à l'accident, ils considéraient que les déficits neuropsychologiques étaient en relation de causalité naturelle avec l'accident assuré (pp. 24 et 25 du rapport d'expertise).

Sur le plan psychiatrique, les experts ont retenu un syndrome post-commotionnel (F07.2), associant des céphalées, des sensations vertigineuses, de la fatigue, de l'irritabilité, des troubles cognitifs, et des sentiments dépressifs et anxieux. Selon les experts, ce trouble était clairement lié à l'accident assuré (p. 23 du rapport d'expertise).

Au vu des conclusions des experts, non contestées par les parties, et non contestables, il y a lieu de retenir que le recourant a présenté un TCC modéré à moyennement important avec hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite engendrant des troubles neuropsychologiques et psychiques en lien de causalité naturelle avec l'accident du 8 décembre 2010.

Sur le plan orthopédique, le recourant fait valoir qu'il présente des douleurs dorso-costales droites, à l'épaule droite et au genou gauche avec hypoesthésie tactile et douloureuse sous-rotulienne. Le Dr G______ a effectivement constaté, le 21 juillet 2014, comme séquelles de l'accident, une instabilité et des douleurs de l'épaule droite, des douleurs fémoro-patellaires gauches et des douleurs costales droites, engendrant des limitations fonctionnelles et pouvant entraîner, à long terme, de l'arthrose à l'épaule droite (rapport du 8 février 2018). Alors que le recourant prétend, à cet égard, avoir suivi beaucoup de traitements pris en charge par l'intimée (comparution personnelle des parties du 20 mai 2019), l'intimée, qui ne conteste pas l'existence de ces atteintes, nie être intervenue à ce sujet (cf. duplique du 15 juillet 2019). Quoi qu'il en soit, contrairement à ce qu'avance l'intimée, la chambre de céans ne saurait écarter l'examen de la responsabilité de l'assureur-accidents à l'égard des atteintes orthopédiques du recourant, au simple motif que celles-ci n'entraîneraient pas de difficultés pour exercer une activité lucrative, ce d'autant plus qu'il n'y a pas eu d'instruction médicale probante.

Par conséquent, dans la mesure où les pièces versées au dossier ne permettent pas à la chambre de céans de se déterminer sur les diagnostics orthopédiques en lien de causalité avec l'accident, ainsi que sur les éventuels traitements médicaux nécessaires et leurs éventuelles répercussions sur la capacité de travail du recourant, il y a lieu de renvoyer la cause à l'intimée, afin qu'elle procède à une instruction complémentaire auprès d'un expert indépendant.

S'agissant de la perte oculaire alléguée par le recourant, la chambre de céans relèvera que si le Dr L______ a certes fait état d'une diminution de l'acuité visuelle à gauche entre avril 2010 et mars 2015 (rapport du 26 février 2018), aucune pièce au dossier ne fait toutefois état de l'existence d'une atteinte de la vue causée par l'accident assuré.

Il convient par conséquent d'examiner si les troubles neuropsychologiques et psychiques - dont il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu'ils sont en lien de causalité naturelle avec l'accident - sont en lien de causalité adéquate avec celui-ci.

La chambre de céans relèvera déjà que c'est à juste titre que l'intimée a retenu l'existence d'un TCC sans preuve de déficit organique. En effet, les examens radiologiques des 5 et 21 février 2011 ont permis de constater une régression complète de l'hémorragie sous-arachnoïdienne fronto-insulaire droite et l'absence de lésion au cerveau. Par ailleurs, contrairement à ce que semble croire le recourant, la seule constatation de troubles neuropsychologiques ne suffit pas pour établir la présence d'une atteinte organique (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_553/2018 du 22 janvier 2019 consid. 3.3).

L'intimée fait valoir que l'examen des critères devrait se faire au regard des seules atteintes somatiques, dès lors que le TCC subi par le recourant se rapprocherait d'une commotion cérébrale et non pas d'une contusion cérébrale.

Le Tribunal fédéral a certes jugé que lorsqu'un TCC a, tout au plus atteint le degré de gravité d'une commotion cérébrale (traumatisme cérébral léger), mais n'est pas à la limite d'une contusion cérébrale, le lien de causalité adéquate doit alors s'examiner au regard de la jurisprudence applicable aux troubles psychiques selon l'ATF 115 V 133 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_258/2013 consid. 4.3.2).

En l'occurrence, les experts ont retenu que le recourant avait présenté un TCC de degré modéré à moyennement important, ce que l'intimée ne conteste au demeurant pas (cf. procès-verbal de comparution personnelle du 20 mai 2019). Aussi bien, il n'y a pas lieu de rechercher si le recourant a souffert d'une contusion et le caractère adéquat du lien de causalité doit-il être examiné à la lumière des principes applicables en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue à la colonne cervicale ou de traumatisme cranio-cérébral, à savoir sans faire de distinction entre les composantes physiques ou psychiques des atteintes à la santé du recourant. A cet égard, la chambre de céans relèvera que malgré l'absence de conclusions probantes sur le plan orthopédique, les éléments figurant au dossier sont suffisants pour permettre l'examen des critères jurisprudentiels du lien de causalité adéquate entre les troubles neuropsychologiques, psychiques et l'accident assuré.

Le Tribunal fédéral a récemment rappelé que s'agissant des accidents impliquant des motocyclistes percutés par un véhicule automobile, les cas classés dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu ont en commun le choc d'un motocycliste roulant à une vitesse comprise entre 50 km/h et 70 km/h avec un automobiliste en train de bifurquer (arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2019 du 8 octobre 2019 consid. 4.4.1, renvoyant aux arrêts du Tribunal fédéral 8C_902/2010 du 6 avril 2011 et 8C_726/2007 du 16 mai 2008 et aux arrêts du Tribunal fédéral des assurances U 78/07 du 17 mars 2008 et U 115/05 du 14 septembre 2005). Le Tribunal fédéral a par ailleurs qualifié d'accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves, le cas d'un motocycliste ayant été projeté à une dizaine de mètres du point d'impact après avoir été percuté par un véhicule automobile (arrêt du Tribunal fédéral 8C_134/2015 du 14 septembre 2015), ainsi que celui d'une collision frontale violente s'étant produite entre un scooter et une camionnette (arrêt du Tribunal fédéral 8C_917/2010 du 28 septembre 2011). En l'occurrence, compte tenu du déroulement de l'accident du 8 décembre 2010, la chambre de céans est d'avis qu'il doit être qualifié d'accident de gravité moyenne se situant à la limite supérieure de cette catégorie, étant donné que suite à l'impact avec le véhicule qui lui a coupé la route, le recourant a été éjecté et s'est réceptionné frontalement sur le sol (rapport des HUG du 9 décembre 2010), ce qui constitue manifestement une circonstance particulière propre à aggraver l'accident.

Par ailleurs, conformément à la casuistique du Tribunal fédéral en cas d'accident de la circulation (cf. arrêts 8C_257/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.3.3; 8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 18/07 du 7 février 2008), il convient d'admettre que le critère du caractère particulièrement impressionnant de l'accident n'est pas réalisé, même si le choc ayant entraîné le TCC a été violent, ce d'autant plus qu'il a engendré une perte de connaissance. Par ailleurs, il n'y a pas eu non plus de circonstances concomitantes particulièrement dramatiques, ni d'erreurs dans le traitement médical.

En revanche, le recourant a présenté dès l'accident des troubles neuropsychologiques et psychiques, qui ont persisté sans interruption, même s'ils ont pu varier en intensité, jusqu'à l'expertise réalisée par le CEMed. Les experts ont en effet expressément admis que le recourant présente non seulement des troubles cognitifs affectant plusieurs secteurs de la cognition (la mémoire de travail et épisodique verbale, l'attention soutenue et les aptitudes d'inhibition/organisation/flexibilité), mais également des céphalées, des sensations vertigineuses, de la fatigue, de l'irritabilité, des sentiments dépressifs et anxieux ; en outre, les troubles cognitifs entraînent des modifications comportementales et socio-relationnelles significatives (achats compulsifs, incapacité de gestion financières, mauvaise gestion émotionnelle, sensibilité accrue au stress, inadéquation dans les relations sociales à l'origine de tensions et conflits avec les amis et la famille, isolement social, perte de plaisir). Les experts ont reconnu que les déficits cognitifs résiduels, à plus de cinq ans de l'événement, étaient importants et encore significatifs. Ils ont notamment relevé que depuis l'accident, le recourant avait arrêté de pratiquer un art martial et de lire ; il ne pouvait conduire que sur des trajets n'excédant pas les 30 minutes ; il n'était plus parti en vacances depuis son accident ; il ne gérait plus les tâches administratives et ménagères ; il répondait parfois à des mails, mais cela pouvait lui prendre des heures ; il avait perdu un certain nombre de connaissances et des amis proches, en raison de son irritabilité. Les experts ont également relevé qu'avant l'accident, le recourant avait bien pu s'intégrer en Suisse, obtenir un diplôme, se marier, fonder une famille. Au moment de l'expertise, le recourant paraissait pouvoir compter sur le soutien de son entourage familial, mais les troubles cognitifs et les changements comportementaux (irritabilité, fatigabilité) semblaient réduire fortement l'exploitation de ses ressources. Dans son rapport du 17 mars 2019, Mme J______ a encore souligné que le trouble neuropsychologique était de degré moyen, de sorte que la capacité fonctionnelle du recourant était significativement limitée au quotidien. En raison des difficultés rencontrées dans sa vie quotidienne, le recourant était devenu plus conscient de la sévérité de ses dysfonctionnements et de l'importance de ses pertes, ce qui avait retenti sur son estime. Par ailleurs, le recourant a notamment expliqué, par-devant la chambre de céans, ne pas se souvenir de la naissance de sa fille, pouvoir rire à un enterrement ou pleurer à une fête, et ne pas arriver à quitter la ville.

Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que le recourant remplit manifestement le critère de la gravité et de la nature particulière des atteintes ainsi que celui de l'intensité des douleurs psychologiques et morales engendrées par ces atteintes.

En outre, les atteintes sont persistantes puisqu'au jour de la notification de la décision litigieuse, le recourant était encore en suivi neuropsychologique, soit plus de huit ans après l'accident, de sorte que la durée du traitement médical, qui a consisté en un suivi à raison de deux fois par semaine durant plus d'une année, puis une fois par semaine, est anormalement longue et pénible, avec une prise de conscience progressive et douloureuse de la gravité de sa situation (rapport de Mme F______ du 18 janvier 2018). Qui plus est, les experts ont estimé nécessaire la poursuite de la prise en charge médicale, avec des contrôles réguliers auprès du médecin traitant, du neurologue et de la neuropsychologue, et ce sans pouvoir compter sur une véritable rémission, Mme J______ estimant même que le trouble neuropsychologique est définitif (cf. rapport du 27 mars 2019).

Par conséquent, le critère de l'administration prolongée d'un traitement médical spécifique et pénible est également rempli.

En ce qui concerne le critère de l'importance de l'incapacité de travail, on rappellera que ce n'est pas la durée de l'incapacité qui est déterminante mais bien plutôt son importance au regard des efforts sérieux accomplis par l'assuré pour reprendre une activité, au besoin en exerçant une autre activité compatible avec son état de santé (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7).  

En l'occurrence, il n'est pas contesté que depuis son accident le 8 décembre 2010, le recourant ne présente aucune capacité de travail dans son activité d'agent de sécurité, et ce de manière définitive (p. 26 du rapport d'expertise). Au bénéfice d'un bachelor en économie d'entreprise - ressources humaines, le recourant a travaillé comme comptable, par le biais de mesures thérapeutiques, d'abord à 20%, puis à 30%. Au cours de sa deuxième année, à la demande de Mme F______, le recourant a dû quitter son poste en raison des nombreuses erreurs commises et des effets collatéraux de sa fatigue sur son comportement au travail et à domicile. Par la suite, durant environ deux ans, le recourant avait présenté périodiquement de nouvelles offres d'emploi à Mme F______, alors qu'il n'était pas en mesure de travailler vu l'importance de ses séquelles (rapport de Mme F______ du 18 janvier 2018). Par ailleurs, si les experts ont certes estimé que la capacité de travail ne pouvait pas dépasser 50% dans une activité adaptée à faible responsabilité, au sein d'une petite équipe, n'impliquant pas ou peu de contact avec la clientèle, sans rythme de travail imposé, avec un aménagement des pauses, un fractionnement des horaires et une surveillance par un tiers responsable, il n'en demeure pas moins que se pose la question de savoir si cette capacité de travail résiduelle est réellement compatible avec une activité professionnelle. Quoi qu'il en soit, elle ne peut être retenue, en l'état, dès lors que le volet orthopédique n'a pas fait l'objet d'une instruction de la part de l'intimée.

Force est ainsi de constater que le recourant a fait des efforts suffisants et reconnaissables en vue d'une reprise d'activité et que la durée de son incapacité de travail, ainsi que son degré revêtent une intensité suffisante pour que le critère en question soit réalisé.

Enfin, la question de savoir si des difficultés ou des complications importantes sont apparues au cours de la guérison peut rester ouverte, dès lors que les critères précités (soit la gravité et la nature particulière des lésions, l'intensité des douleurs psychologiques et morales, l'administration prolongée d'un traitement médical spécifique et pénible ainsi que l'importance de l'incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables du recourant), au vu de leur nombre et de leur intensité, sont suffisants pour admettre le lien de causalité adéquate entre les troubles neuropsychologiques et psychiques du recourant et l'accident.

C'est par conséquent à tort que l'intimée a mis fin aux prestations légales à compter du 1er novembre 2017. Les décisions sur opposition litigieuses devront par conséquent être annulées, le recourant ayant droit, postérieurement au 1er novembre 2017, au versement des prestations temporaires (indemnités journalières et prise en charge du traitement médical) pour les troubles neuropsychologiques et psychiques qu'il présente.

11.    Compte tenu de ce qui précède, et après avoir instruit le volet orthopédique, l'intimée devra examiner le droit du recourant à une rente complémentaire d'invalidité, au sens de l'art. 20 al. 2 LAA, étant rappelé que l'OAI l'a reconnu invalide à 100 % (décision du 4 mars 2016).

12.    Enfin, s'agissant de l'IPAI, selon l'art. 24 LAA, si, par suite de l'accident, l'assuré souffre d'une atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique, il a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité (al. 1). L'indemnité est fixée en même temps que la rente d'invalidité ou, si l'assuré ne peut prétendre une rente, lorsque le traitement médical est terminé (al. 2).

Celle-ci est fixée en fonction de la gravité de l'atteinte, qui s'apprécie d'après les constatations médicales. C'est dire que chez tous les assurés présentant le même status médical, l'atteinte à l'intégrité est la même ; elle est évaluée de manière abstraite, égale pour tous, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de tenir compte des inconvénients spécifiques qu'elle entraîne pour l'assuré concerné (art. 25 al. 1 LAA; ATF 115 V 147 consid. 1 ; ATF 113 V 221 consid. 4b et les références).

En l'occurrence, les experts ont certes estimé que le taux de l'atteinte à l'intégrité était de 35%. Cela étant, force est de relever que cette estimation a été effectuée uniquement en tenant compte des troubles neuropsychologiques présentés par le recourant. Or, dans la mesure où les troubles psychiques sont également en lien de causalité naturelle et adéquate avec l'accident, il incombera à l'intimée de fixer le degré de l'atteinte à l'intégrité au regard de ces troubles également, et, le cas échéant, des atteintes orthopédiques.

13.    Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis et les décisions sur opposition des 20 décembre 2018 et 4 février 2019 seront annulées. Il sera dit que les troubles neuropsychologiques et psychiques dont souffre le recourant sont en lien de causalité avec l'accident du 8 décembre 2010, le recourant ayant droit, postérieurement au 1er novembre 2017, au versement des prestations temporaires (indemnités journalières et prise en charge du traitement médical) pour ces troubles, la cause étant par ailleurs renvoyée à l'intimée pour instruction des atteintes orthopédiques, détermination du droit à une rente complémentaire d'invalidité et à une IPAI, et nouvelle décision.

14.    Le recourant, représenté par un conseil, obtenant partiellement gain de cause, une indemnité de CHF 3'000.- lui est octroyée à titre de participation à ses frais et dépens (art. 61 let. g LPGA ; 89H al. 3 LPA ; art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en matière administrative du 30 juillet 1986 [RFPA - E 5 10.03]).

15.    La procédure est gratuite (art. 61 let. a LPGA).

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare le recours recevable.

Au fond :

2.      L'admet partiellement.

3.      Annule les décisions sur opposition de l'intimée des 20 décembre 2018 et 4 février 2019.

4.        Dit que les troubles neuropsychologiques et psychiques dont souffre le recourant sont en lien de causalité avec l'accident du 8 décembre 2010.

5.        Dit que le recourant a droit, postérieurement au 1er novembre 2017, au versement des prestations temporaires (indemnités journalières et prise en charge du traitement médical) pour les troubles neuropsychologiques et psychiques.

6.        Renvoie la cause à l'intimée pour instruction complémentaire au sens des considérants, et nouvelle décision.

7.        Condamne l'intimée à verser au recourant une indemnité de CHF 3'000.- à titre de dépens.

8.        Dit que la procédure est gratuite.

9.        Informe les parties de ce qu'elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

La greffière

 

Julia BARRY

 

La présidente

 

Valérie MONTANI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu'à l'Office fédéral de la santé publique par le greffe le