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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/629/2019

ATAS/1115/2021 du 08.11.2021 ( LAA )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/629/2019 ATAS/1115/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Ordonnance d'expertise du 28 octobre 2021

3ème Chambre

 

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à CRANVES-SALES (France), comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Manuel MOURO

recourante

 

contre

CAISSE NATIONALE SUISSE D'ASSURANCE EN CAS D'ACCIDENTS - SUVA, Division juridique, Fluhmattstrasse 1, Lucerne

 

 

intimée

 


EN FAIT

 

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née en 1956, travaille comme enseignante auprès du Département de l’instruction publique de la culture et du sport de Genève. À ce titre, elle était assurée auprès de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (ci-après: SUVA) contre le risque d’accident, professionnel ou non, lorsqu’elle a fait une chute dans les escaliers de son domicile, le 26 mars 2017.

b. Les premiers soins ont été prodigués le jour même par le docteur B______, en France, qui a retenu les diagnostics de contusion et hématome de la fesse gauche, ainsi que de contusion de l’épaule droite. Il a attesté d'une incapacité de travail totale jusqu'au 1er avril 2017 et instauré un traitement conservateur.

c. Une radiographie de l’épaule droite réalisée le 12 janvier 2018 a montré une arthropathie acromio-claviculaire et une irrégularité du rebord glénoïdien inférieur à intégrer aux antécédents de la patiente. La structure et la morphologie osseuses et les rapports articulaires étaient conservés, les parties molles sans particularité.

d. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) de la même épaule pratiquée le 17 janvier 2018 a mis en évidence une rupture complète du tendon supra-épineux avec rétractation du moignon tendineux au sommet de la tête humérale et une lésion partielle subtotale de la partie distale et supérieure du tendon subscapulaire avec subluxation médiale du long chef du biceps (qui présentait un aspect de tendinopathie fissuraire au niveau de la partie intra-capsulaire), une fissuration du labrum supérieur, ainsi qu'une infiltration de stade I selon Goutalier des muscles supra-épineux et subscapulaire.

e. Le 13 mars 2018, l’assurée a subi une arthroscopie de l’épaule droite avec réinsertion du sus-épineux, réinsertion du subscapulaire, ténodèse du long chef du biceps et acromioplastie, effectuées par le docteur C______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur. Dans le compte-rendu opératoire du 15 mars 2018, celui-ci a posé les diagnostics de rupture transfixiante du sus-épineux, rupture haute du subscapulaire, instabilité médiale et latérale du long chef du biceps et conflit antéro-externe.

f. Le 16 juillet 2018, le docteur D______, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur et médecin d’arrondissement de la SUVA, a émis l’avis que la causalité naturelle entre l’intervention et l’événement du 26 mars 2017 était tout au plus possible : la rétractation tendineuse était conséquente, l’espace sous-acromial réduit et il existait une dégénérescence graisseuse parlant en faveur d’une atteinte ancienne.

g. Le 29 août 2018, le docteur E______, de même spécialité et également médecin d'arrondissement de la SUVA, s’est rallié à l’avis de son confrère.

h. Dans une appréciation plus détaillée, le 8 janvier 2019, le Dr E______ a retenu les diagnostics de lésion de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec lésion du sus-épineux, lésion du tendon du biceps, lésion partielle du subscapulaire. Il a expliqué que l’ensemble de ces lésions était survenu sur une épaule déjà dégénérative avec une atteinte plutôt de Goutalier II, infiltration graisseuse musculaire, lésions multiples dégénératives de l’épaule, en particulier acromio-claviculaire, mais également glénoïdienne, de sorte que l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’événement du 26 mars 2017 et l’intervention pratiquée en mars 2018 devait être considérée comme étant tout au plus de l’ordre du possible. Le Dr E______ a exprimé l'avis que le mécanisme de chute avec simple contusion de l’épaule n’était pas de nature à expliquer les lésions énumérées.

B.       Par décision du 14 novembre 2018, confirmée sur opposition le 22 janvier 2019, la SUVA a refusé de prendre en charge l’intervention chirurgicale du 13 mars 2018, au motif qu’un lien de causalité au moins probable avec l’événement du 26 mars 2017 n’avait pas été établi.

Selon la SUVA, le certificat établi le 6 décembre 2018 par le docteur F______, invoqué par l’assurée, ne pouvait se voir reconnaître valeur probante, dès lors que ce praticien n'indiquait pas sur quels éléments il se basait pour affirmer que sa patiente ne présentait pas de pathologie, même dégénérative, de son épaule droite avant sa chute. Le fait que cette épaule ait été asymptomatique avant l’événement - comme le soutenait par ailleurs le Dr C______ dans son rapport du 17 septembre 2018 - n’était pas de nature à remettre en cause les conclusions des Drs D______ et E______, étant rappelé que le raisonnement fondé sur l’adage post hoc, ergo propter hoc ne suffisait pas pour établir le lien de causalité naturelle.

C.       a. Par acte du 15 février 2019, l’assurée a interjeté recours en concluant à ce que l'intimée soit condamnée à prendre en charge l'intervention du 13 mars 2018.

b. Invitée à se déterminer, l’intimée, dans sa réponse du 25 mars 2019, conclut au rejet du recours.

c. La recourante a informé la Cour de céans qu’elle avait interpellé le Dr C______ afin qu’il se détermine plus précisément et qu’elle est sans nouvelles de sa part. Dès lors, elle sollicitait son audition.

e. Après plusieurs convocations et annulations d’audience, une audience d’enquêtes a enfin pu avoir lieu en date du 21 novembre 2019, au cours de laquelle le Dr C______ a expliqué les raisons pour lesquelles il considérait que les atteintes étaient corrélées au traumatisme.

f. Dans sa détermination du 16 janvier 2020, l'intimée a campé sur sa position, faisant valoir que l'avis du Dr C______ n'était pas de nature à jeter le doute sur celui de son médecin d'arrondissement. Elle reproche au médecin de ne pas avoir abordé la question de la dégénérescence de la coiffe des rotateurs chez les personnes âgées de moins de 70 ans. Elle argue que 10% des personnes entre 50 et 59 ans souffrent d'une atteinte asymptomatique, ce chiffre atteignant 20% chez les sujets entre 60 et 69 ans. À l'appui de ses dires, elle produit un article intitulé « The evidence-based shoulder evaluation », publié dans le « Current sports medicine reports » en 2014.

g. La recourante a quant à elle persisté dans ses conclusions, en joignant un rapport du Dr C______ du 5 juin 2020, dans lequel ce dernier s'inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle une contusion ou un coup sur l'épaule ne pourrait pas causer une lésion de la coiffe des rotateurs. Il met également en doute l'appréciation du Dr E______ concernant la réduction de l'espace sous-acromial.

h. L'intimée a à son tour persisté dans ses conclusions, en s'appuyant sur une nouvelle appréciation du Dr E______. Ce dernier y explique que l'index acromial de 0,76 - supérieur à 0,7 - interprété sur la radiographie du 12 janvier 2018, évoque une dégénérescence de la coiffe des rotateurs.

i. Par écriture du 21 août 2020, la recourante a demandé une expertise judiciaire.

Elle produit un rapport du Dr C______ du 11 août 2020, dans lequel il déclare que les signes radiologues classiques ne sont pas fiables pour déterminer l'origine traumatique - versus dégénérative - des lésions de la coiffe des rotateurs. Il joint à cet effet un article intitulé « How to discriminate between acute traumatic and chronic degenerative rotator cuff lesions: an analysis of specific criteria on radiography and magnetic resonance imaging » publié dans le « Journal of shoulder and elbow surgery » en 2015.

 

EN DROIT

 

1.        a. Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 5 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations prévues à l’art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-accidents, du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

b. En vertu de l'art. 58 LPGA, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l'assuré ou d'une autre partie au moment du dépôt du recours (al. 1). Si l'assuré ou une autre partie sont domiciliés à l'étranger, le tribunal des assurances compétent est celui du canton de leur dernier domicile en Suisse ou celui du canton de domicile de leur dernier employeur suisse; si aucun de ces domiciles ne peut être déterminé, le tribunal des assurances compétent est celui du canton où l'organe d'exécution a son siège (al. 2).

c. L'employeur de la recourante, laquelle est domiciliée en France, est situé dans le canton de Genève, de sorte que la Cour de céans est compétente à raison de la matière et du lieu pour juger du cas d'espèce.

2.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAA, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-accidents, à moins que la loi n'y déroge expressément.

3.        Le 1er janvier 2021, est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, comme le recours était alors pendant devant la Cour de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 82a LPGA ; RO 2020 5137 ; FF 2018 1597; erratum de la Commission de rédaction de l’Assemblée fédérale du 19 mai 2021, publié le 18 juin 2021 in RO 2021 358).

4.        Dans la mesure où l'accident est survenu le 26 mars 2017, la LAA dans sa teneur en vigueur dès le 1er janvier 2017 s'applique au cas d'espèce (cf. par. 1 des dispositions transitoires sur la modification de la LAA du 25 septembre 2015, RO 2016 4375, 4388 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2016 du 23 mai 2017 consid. 2.2).

5.        Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable (art. 56 et 60 LPGA; art. 62 al. 1 let. a de la de loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

6.        Le litige porte sur le point de savoir si l'intimée doit prendre en charge l'opération du 13 mars 2018, singulièrement s'il existe un rapport de causalité naturelle entre les troubles dont se plaignait la recourante à l'épaule droite et la chute survenue le 26 mars 2017.

7.        a. Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel, d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.

b. Aux termes de l’art. 6 al. 2 LAA, l’assurance alloue aussi ses prestations pour les lésions corporelles suivantes, pour autant qu'elles ne soient pas dues de manière prépondérante à l'usure ou à une maladie : les fractures (let. a), les déboîtements d'articulations (let. b), les déchirures du ménisque (let. c), les déchirures de muscles (let. d), les élongations de muscles (let. e), les déchirures de tendons (let. f), les lésions de ligaments (let. g) et les lésions du tympan (let. h).

c. Dans un arrêt 8C_22/2019 du 24 septembre 2019 (publié aux ATF 146 V 51), le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident. Il s'est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l'assureur-accidents a admis l'existence d'un accident au sens de l'art. 4 LPGA et que l'assuré souffre d'une lésion corporelle au sens de l'art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que, dans cette hypothèse, l'assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l'art. 6 al. 1 LAA; en revanche, en l'absence d'un accident au sens juridique, le cas doit être examiné sous l'angle de l'art. 6 al. 2 LAA (ATF 146 V 51 consid. 9.1; résumé dans la RSAS 1/2020 p. 33 ss.; arrêt 8C_520/2020 du 3 mai 2021 consid. 5.1).

c. En l’espèce, la chute dans les escaliers survenue le 26 mars 2017 est constitutive d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U.283/01 du 25 octobre 2002). Par ailleurs, l'IRM du 17 janvier 2018 a objectivé -entre autres - une rupture transfixiante complète du tendon sus-épineux, lésion qui figure dans la liste de l'art. 6. al. 2 let. f LAA (ATF 146 V 51 consid. 7.3; 123 V 43; arrêts du Tribunal fédéral 8C_412/2019 du 9 juillet 2020 consid. 5.1; 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.1). Dans cette hypothèse, conformément à la jurisprudence, la cause doit être examinée exclusivement sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA.

Il convient ainsi d'examiner, au regard des principes exposés à l'ATF 146 V 51, la question du lien de causalité entre les lésions constatées et l'accident du 26 mars 2017.

8.        a. En relation avec les art. 10 (droit au traitement médical) et 16 (droit à l’indemnité journalière) LAA, l’art. 6 al. 1 LAA implique, pour l'ouverture du droit aux prestations, l'existence d'un rapport de causalité naturelle et adéquate entre l'accident, d'une part, le traitement médical et l'incapacité de travail de la personne assurée, d'autre part (arrêt 8C_726/2008 du 14 mai 2009 consid. 2.1). Dans le domaine de l'assurance-accidents obligatoire, cependant, en cas d'atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu'elle ne joue pratiquement pas de rôle (ATF 123 V 102; 122 V 417; 118 V 286 consid. 3a; 117 V 359 consid. 5d/bb).

Un rapport de causalité naturelle doit être admis lorsque le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière sans l'événement assuré. Il n'est pas nécessaire que cet événement soit la cause unique, prépondérante ou immédiate de l'atteinte à la santé. Il suffit qu'associé éventuellement à d'autres facteurs, il ait provoqué l'atteinte à la santé, c'est-à-dire qu'il se présente comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références citées). Il ne suffit pas que l'existence d'un rapport de cause à effet soit simplement possible; elle doit pouvoir être qualifiée de probable dans le cas particulier, sans quoi le droit aux prestations fondées sur l'accident doit être nié (arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.3 et les références).

9.        En vertu de l'art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l'atteinte à la santé n'est que partiellement imputable à l'accident. Lorsqu'un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l'assurance-accidents d'allouer des prestations cesse si l'accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l'accident. Tel est le cas lorsque l'état de santé de l'intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l'accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l'accident par suite d'un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n'est pas rétabli, l'assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l'état maladif préexistant, dans la mesure où il s'est manifesté à l'occasion de l'accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités). En principe, on examinera si l'atteinte à la santé est encore imputable à l'accident ou ne l'est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales, étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit, soit à l'assureur (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités).

10.    a. Savoir si l'événement assuré et l'atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l'administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante (ATF 142 V 435 consid. 1 et les références citées).

b. Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux (ATF 125 V 351 consid. 3b).

c. Ainsi, le juge peut accorder pleine valeur probante aux rapports et expertises établis par les médecins d'un assureur social aussi longtemps que ceux-ci aboutissent à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de son appréciation ni de soupçonner une prévention à l'égard de l'assuré. Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières que les doutes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent être considérés comme objectivement fondés. Étant donné l'importance conférée aux rapports médicaux dans le droit des assurances sociales, il y a lieu toutefois de poser des exigences sévères quant à l'impartialité de l'expert (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee).

Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes suffisants quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en œuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral 9C_301/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3).

11.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

12.    a. En l'espèce, les Drs D______ et E______, médecins d'arrondissement de l'intimée, estiment que le lien de causalité naturelle entre l'événement du 26 mars 2017 et les troubles présentés par la recourante doit être nié, au motif que la rétraction tendineuse était conséquente, l'espace sous-acromial réduit, qu'il existait une dégénérescence graisseuse de grade 2 - et non de grade 1 - selon la classification de Goutalier, ainsi qu'une lésion acromio-claviculaire dégénérative. Ils en infèrent que la lésion de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite avait une origine dégénérative. Ils ajoutent que l'état structurel de cette épaule n'a pas pu être causé par la chute, qui n'aurait selon eux entraîné qu'une simple contusion (appréciations des 16 juillet et 29 août 2018 et 8 janvier 2019).

De son côté, le Dr C______, médecin traitant, expose que la subluxation du biceps et la morphologie tendineuse préservée parlent en faveur d'une origine traumatique de la lésion de la coiffe des rotateurs. D'après lui, une rétraction tendineuse peut également résulter d'un traumatisme selon les forces exercées. L'infiltration graisseuse dans les muscles, faible en l'occurrence, ainsi que la réduction de l'espace sous-acromial ne sont quant à elles pas décisives pour déterminer l'origine de la lésion (procès-verbal d'enquête du 21 novembre 2019). Il relève qu'une mesure directe ou un cliché comparatif absent(e) en l'espèce , est nécessaire pour conclure à une diminution de l'espace sous-acromial (rapport du 5 juin 2020). À cette remarque, le Dr E______ réplique que l'index acromial de 0,76, calculé à la lecture de la radiographie du 12 janvier 2018, témoigne de la dégénérescence de la coiffe des rotateurs (rapport du 29 juillet 2020). Prenant à nouveau position, le Dr C______, se référant à la littérature, répond que les signes radiologiques à l'inverse des IRM ne permettent pas de distinguer entre l'origine traumatique ou dégénérative de la lésion de la coiffe des rotateurs (rapport du 11 août 2020). Le Dr C______ conclut que le lien de causalité naturelle entre la lésion à l'épaule droite et l'accident est donné à un degré dépassant la vraisemblance prépondérante (supérieur à 50 %; procès-verbal d'enquête du 21 novembre 2019).

Force est de constater qu'à ce stade, il est impossible à la Cour de céans de trancher entre les opinions contradictoires de ces spécialistes.

b. Il ressort en outre d'un article intitulé « Lésions transfixiantes dégénératives ou traumatiques de la coiffe des rotateurs » publié dans le Forum médical suisse en 2019 (https://medicalforum.ch/fr/detail/doi/fms.2019.03247) que l'arthropathie acromio-claviculaire, mise en évidence sur la radiographie du 12 janvier 2018, d'origine dégénérative (rapport du Dr E______ du 8 janvier 2019), n'est pas corrélée à une lésion de la coiffe des rotateurs. Ainsi, même si la recourante présentait une épaule droite dégénérative, son état maladif antérieur (à la chute) n'a peut-être pas joué un rôle dans la survenance de la lésion de la coiffe des rotateurs. En tout cas, le Dr E______ se contente d'affirmer que la lésion du sus-épineux, celle du tendon du biceps, ainsi que celle partielle du subscapulaire sont apparues sur une épaule dégénérative préexistante, sans fournir la moindre explication circonstanciée sur le processus non traumatique à l'origine selon lui desdites lésions.

Les médecins d'arrondissement ne prennent pas non plus position sur l'appréciation du Dr C______ selon laquelle la subluxation du biceps, la morphologie tendineuse préservée et la rétraction tendineuse sont ou peuvent être les témoins d'une lésion traumatique de la coiffe des rotateurs. Leurs conclusions n'emportent dès lors pas non plus la conviction de la Cour.

c. Certes, dans l'arrêt 8C_446/2019 du 22 octobre 2019, le Tribunal fédéral a considéré qu'un traumatisme direct de l'épaule (chute, contusion, impact) ne peut être retenu à titre de mécanisme d'une lésion traumatique de la coiffe des rotateurs (consid. 5.2.2 et 5.2.3). Toutefois, l'aptitude d'un choc direct à créer une telle lésion fait l'objet d'une controverse médicale (voir également arrêt du Tribunal fédéral 8C_511/2020 du 15 avril 2021 consid. 5.2.3 et 5.3). Le Dr C______ est d'avis qu'un choc direct sur l'épaule, sans mouvement de traction, est apte à générer une lésion de la coiffe des rotateurs (rapport du 5 juin 2020; procès-verbal d'enquête du 21 novembre 2019). Quoi qu'il en soit, celui-ci, comme on l'a dit plus haut, a indiqué qu'il observait sur l'IRM du 17 janvier 2018 une lésion de la coiffe des rotateurs d'ordre traumatique. La chute dans les escaliers a donc pu causer, du moins partiellement, cette atteinte. Dans ces circonstances, on ne saurait admettre péremptoirement, sans avoir procédé à une instruction complémentaire, que cette chute soit-elle par hypothèse sans réception sur le membre supérieur en extension (aucun document ne fait état du mécanisme accidentel) empêche d'emblée de reconnaître la rupture traumatique de la coiffe des rotateurs.

Les autres facteurs dont l'intimée se prévaut, tels que l'absence de mention d'une limitation fonctionnelle au niveau de l'épaule droite dans le rapport initial du Dr B______, la consultation tardive chez le Dr C______ (dix mois après l'événement accidentel), la brève incapacité de travail dans les suites immédiates de l'accident, ou l'âge de la recourante (60 ans au moment du sinistre), ne sauraient suffire à nier de prime abord le lien de causalité entre les troubles à l'épaule droite et la chute dont la recourante a été victime, puisque le Dr C______, au regard des constatations résultant de l'IRM, n'exclut pas l'origine traumatique de la lésion de la coiffe des rotateurs. Il sera à cet égard relevé que, lors de la première consultation du 22 janvier 2018, ce médecin a constaté que la mobilisation en bout de course était difficile et douloureuse principalement en élévation (rapport du 2 février 2018). Il importe donc de déterminer si cela indique ou pas l'origine traumatique de l'atteinte à la coiffe des rotateurs.

d. Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'ordonner une expertise orthopédique afin de départager les médecins précités.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

Préparatoirement :

I. Ordonne une expertise orthopédique. La confie au Dr G______.

II. Dit que la mission d’expertise sera la suivante :

A. Prendre connaissance du dossier de la cause.

B. Si nécessaire prendre tous renseignements auprès des médecins ayant traité la personne expertisée, notamment le docteur C______.

C. Examiner la personne expertisée et, si nécessaire, ordonner d'autres examens.

D. Établir un rapport comprenant les éléments et les réponses aux questions suivantes :

1. Quelle est l'anamnèse détaillée?

2. Quelles sont les plaintes de la personne expertisée?

3. Quelles sont vos constatations objectives?

4. Quels sont les diagnostics, en particulier ceux révélés par les imageries et radiographies?

5. Depuis quand ces atteintes sont-elles présentes chez la personne expertisée et comment ont-elles évolué ?

6. Causalité

6.1 Les atteintes constatées sont-elles dans un rapport de causalité avec la chute dans les escaliers survenue le 26 mars 2017 ? Plus précisément ce lien de causalité est-il seulement possible (probabilité de moins de 50 %), probable (probabilité de plus de 50 %) ou certain (probabilité de 100 %) ?

Veuillez motiver votre réponse pour chaque diagnostic posé.

6.2 La personne expertisée présente-t-elle des atteintes dégénératives préexistantes de l'épaule droite ?

Dans l'affirmative, quelles sont ces atteintes?

6.2.1 L’accident a-t-il décompensé un état maladif préexistant ?

6.2.2 À partir de quel moment le statu quo ante a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident) ?

Veuillez indiquer la date du statu quo ante pour chaque diagnostic posé.

6.2.3 À partir de quel moment le statu quo sine a-t-il été atteint (moment où l’état de santé de la personne expertisée est similaire à celui qui serait survenu tôt ou tard, même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire) ?

Veuillez indiquer la date du statu quo sine pour chaque diagnostic posé.

6.3 Selon vous, l'intervention du 13 mars 2018 était-elle en relation de causalité naturelle avec l'accident d'une façon possible (moins de 50 %), probable (plus de 50 %) ou certaine (100 %) ?

Veuillez motiver votre réponse pour chaque atteinte ayant nécessité cette opération.

7. Appréciation d'avis médicaux du dossier

Veuillez motiver votre réponse pour chacun des rapports cités ci-dessous.

7.1 Dans son rapport du 2 février 2018, le Dr C______ indique que la mobilisation en bout de course était difficile et douloureuse principalement en élévation.

Ce constat parle-t-il en faveur de l'étiologie traumatique de la lésion de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite?

7.2 Êtes-vous d'accord avec l'avis du Docteur D______ du 16 juillet 2018 selon lequel la causalité naturelle entre l'opération du 13 mars 2018 et l'accident était tout au plus possible ?

7.3 Êtes-vous d'accord avec l'appréciation du docteur E______ du 8 janvier 2019 qui parvient à la même conclusion que son confrère ?

7.4 Êtes-vous d'accord avec la prise de position du Dr C______ exprimée lors de l'audience d'enquête du 21 novembre 2019, retranscrite dans le procès-verbal du même jour, lequel considère, à l'inverse, que la lésion à l'épaule droite est due à l'accident d'une façon probable (plus de 50 %)?

7.5 Êtes-vous d'accord avec le rapport du Dr C______ du 5 juin 2020 ?

7.6 Êtes-vous d'accord avec l'appréciation du Dr E______ du 29 juillet 2020 ?

7.7 Êtes-vous d'accord avec le rapport du Dr C______ du 11 août 2020 ?

8. Faire toutes autres observations ou suggestions utiles.

E. Invite l’expert à déposer son rapport en trois exemplaires dans les meilleurs délais auprès de la Cour de céans.

F. Réserve le fond ainsi que le sort des frais jusqu’à droit jugé au fond.

III. Fixe aux parties un délai de 10 jours dès réception de la présente pour faire valoir d’éventuels motifs de récusation des experts nommés.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Marie-Catherine SECHAUD

 

La présidente

 

 

 

 

Karine STECK

 

 

 

 

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties par le greffe le