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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2638/2017

ATAS/1061/2017 du 27.11.2017 ( AI )

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/2638/2017 ATAS/1061/2017

 

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt incident du 27 novembre 2017

sur la recevabilité du recours

10ème Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée à DARDAGNY, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Eric MAUGUE

 

 

recourante

 

contre

CAISSE CANTONALE GENEVOISE DE COMPENSATION, Service juridique, sise rue des Gares 12, GENÈVE

intimée

 


EN FAIT

1.        Madame A______ (ci-après : l'assurée ou la recourante), née le _____ 1949, est bénéficiaire d'une rente de vieillesse depuis plusieurs années. Avant l'âge de la retraite, elle était bénéficiaire d'une rente d'impotent de l'assurance-invalidité, et bénéficiait en outre de différentes prestations, notamment de moyens auxiliaires.

2.        En date du 3 octobre 2016, l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l'OAI) a adressé à l'assurée un courrier l'informant qu'elle faisait l'objet d'une révision de l'allocation pour impotent.

3.        Aux termes de l'instruction de cette procédure de révision, diligentée par l'OAI sur mandat de la caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après : la CCGC), cette dernière a notifié à l'assurée, par décision du 17 février 2007, la suppression de l'allocation pour impotent AVS, avec effet au premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision, soit dès le 1er avril 2017. L'effet suspensif a été retiré en cas d'opposition. Il ressortait de l'enquête ménagère que l'assurée avait besoin d'une aide régulière et importante d'autrui pour accomplir l'acte ordinaire de la vie « se déplacer », l'impotence n'étant plus manifeste suite à la mise en place de divers moyens auxiliaires à domicile afin de gagner une plus grande autonomie.

4.        L'assurée ayant formé opposition contre cette décision, par courrier du 22 février 2017, exposant qu'elle avait toujours besoin des aides qui lui sont octroyées, la CCGC a rendu une décision sur opposition le 12 mai 2007, rejetant l'opposition.

5.        Par courrier recommandé du 16 juin 2017, la CAP compagnie d'assurance de protection juridique SA (ci-après : la mandataire), agissant pour le compte de l'assurée, a saisi la chambre des assurances sociales de la Cour de justice d'un recours contre la décision sur opposition du 12 mai 2017. Elle conclut préalablement à l'octroi d'un délai pour compléter le recours, et au fond à l'annulation de la décision entreprise, et de celle du 17 février 2017, et à ce qu'il soit ordonné l'octroi d'une allocation pour impotence de gravité moyenne, le tout sous suite de dépens.

6.        Invité par la chambre de céans à lui communiquer la preuve de notification de la décision sur opposition du 12 mai 2017, l'OAI a fourni la copie de l'extrait du suivi "Track & Trace" de la Poste Suisse, dont il ressort que la décision a été distribuée le 15 mai 2017.

7.        Dans sa détermination du 9 octobre 2017, l'intimé a conclu à titre principal à ce que le recours soit déclaré irrecevable pour tardiveté. Il a réservé ses conclusions sur le fond, pour le cas où la chambre de céans devrait déclarer le recours néanmoins recevable. Selon le justificatif produit, la décision querellée avait été notifiée au guichet de la Poste le 15 mai 2017, de sorte que le délai de recours arrivait à échéance, dans tous les cas, au plus tard le 14 juin 2017. Dès lors, le mémoire de recours daté du 16 juin 2017 (date du timbre postal), doit être considéré comme tardif, et le recours par conséquent irrecevable.

8.        Par courrier du 13 octobre 2017, la chambre de céans a invité la recourante à lui communiquer ses observations sur la question de la recevabilité du recours, et pour indiquer à la juridiction de céans si elle-même ou son mandataire avaient été empêchés sans leur faute d'agir dans le délai fixé; dans l'affirmative d'apporter la preuve de l'empêchement et du dépôt d'une demande motivée de restitution de délai dans les 30 jours à compter de celui où l'empêchement aurait cessé.

9.        Par courrier du 30 octobre 2017, dans le délai prolongé par la chambre de céans, la mandataire de la recourante a exposé en substance qu'à la suite de différents concours de circonstances entre compagnies d'assurances, la mandataire n'avait pu déposer le recours que le lendemain de la réception, le 15 juin 2017, des documents transmis par la recourante, et qu'en conséquence elle avait agi avec diligence, sans qu'on puisse lui reprocher une faute ce qui, selon elle, justifiait qu'on lui reconnaisse un empêchement d'agir dans le délai utile, et la preuve qu'elle avait agi dans le délai de trente jours après cessation de l'empêchement. Elle concluait donc à la « confirmation » de la restitution du délai de recours, et à ce que celui-ci soit déclaré recevable.

10.    Toutefois, par courrier spontané, recommandé et devancé par fax du 1er novembre 2017, un avocat s'est constitué pour la recourante et a conclu à la forme que soit déclaré recevable le recours interjeté par la recourante (personnellement) par acte reçu par l'office intimé le 13 juin 2017; au fond préalablement que soit accordé à la recourante un délai pour compléter son recours, et principalement à l'annulation de la décision de l'intimé du 17 février 2017 et de la décision sur opposition du 12 mai 2017, et à ce qu'il soit dit et constaté que la recourante continue à avoir droit à une allocation pour impotence de gravité moyenne, le tout avec suite de frais et dépens.

Il ressort du dossier de l'intimé que par courrier non daté reçu le 13 juin 2017 par l'OAI, la recourante a manifesté son intention de recourir contre cette décision: (ce courrier à la teneur suivante :

« concerne : votre lettre du 12 mai 2017

référence : 756. 4833. 8527. 77

Suite à votre lettre du 12 mai 2017.

Le secrétariat du Docteur B______ m'a envoyé une lettre dont copie ainsi qu'un certificat médical du Dr B______ que je joins à votre lettre d'opposition à mon recours.

En cas de questions, veuillez vous adresser au Dr B______.

Dans l'attente d'une réponse de votre part, je vous prie de recevoir, mes meilleures salutations. A______ (signature illisible). »

En annexe à ce courrier figure notamment un rapport médical adressé à l'OAI dans lequel le médecin s'exprime ainsi : « Je me réfère à votre courrier en date du 12 mai et concernant l'assurée susnommée. Je suis le médecin diabétologue de (Mme D.). Cette dernière est actuellement au bénéfice d'une rente d'impotence de gravité moyenne. J'atteste qu'elle a besoin d'aide pour l'habillage et déshabillage de même que pour sa toilette. Elle nécessite des soins infirmiers à domicile à raison de 2 fois par semaine. Elle arrive juste à faire quelques pas et se mobilise à l'aide d'un fauteuil roulant électrique. D'autre part elle est au bénéfice d'un suivi psychiatrique. Au vu de ce qui précède, la continuation de sa rente d'impotence de gravité moyenne est de manière évidente tout à fait indispensable. J'appuie donc le recours de Madame (D.) à l'encontre de la suppression de sa rente d'impotent. »

Le courrier de transmission de ce rapport médical par le secrétariat du médecin indiquait : « Suite à notre entretien téléphonique du 31 mai, vous trouverez ci-joint à ce courrier, le certificat médical à joindre à votre recours contre la décision de l'Office d'assurance-invalidité reçue en date du 12 mai 2017 ».

Figurait encore en annexe à l'envoi de la recourante une copie de la décision sur opposition du 12 mai 2017.

A réception de cet envoi, l'OAI a adressé un courrier à la recourante aux termes duquel il lui indique avoir accusé bonne réception de son courrier reçu le 13 juin 2017. Il l'informait que si elle souhaitait faire recours contre la décision sur opposition du 12 mai 2017, il convenait de l'adresser au « Tribunal Cantonal des Assurances Sociales » (sic).

En substance, il ressort clairement du courrier de la recourante et de ses annexes, reçus le 13 juin 2017, à savoir dans le délai de trente jours dès la notification de la décision entreprise le 15 mai 2017, que cette dernière entendait recourir contre la décision sur opposition, l'intimé l'ayant d'ailleurs clairement compris, vu le courrier d'accusé de réception qu'il lui a adressé le jour-même. Dans de telles circonstances, il appartenait à l'office intimé de transmettre cet acte de recours à la chambre de céans comme objet de sa compétence. Enfin, du point de vue du principe de la bonne foi, l'autorité intimée n'est pas fondée à se prévaloir de la tardiveté du recours dans la mesure où elle a invité la recourante à s'adresser à la juridiction cantonale par courrier du 13 juillet 2017, soit la veille de l'échéance du délai de recours, lui laissant ainsi entendre qu'elle pouvait encore agir dans les délais.

11.    Par courrier du 13 novembre 2017, l'intimé invité à se prononcer sur les écritures du conseil de la recourante, a déclaré s'en rapporter à justice sur la recevabilité, au vu des arguments soulevés par la recourante.

12.    Vu l'objet du présent arrêt, limité à la question de la recevabilité du recours, les griefs de fond seront examinés ultérieurement.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 (LAVS - RS 831.10) ainsi qu'à la loi sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

2.        a. La procédure devant la chambre de céans est régie par les dispositions de la LPGA et celles du titre IVA (soit les art. 89B à 89I) de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - RS/GE E 5 10), complétées par les autres dispositions de la LPA en tant que les articles précités n'y dérogent pas (art. 89A LPA), les dispositions spécifiques que la LAI contient sur la procédure restant réservées (art. 1 al. 1 LAI; cf. notamment art. 69 LAI).

b. A teneur de l’art. 89B al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; RS/GE E 5 10), la demande ou le recours est adressé en deux exemplaires à la chambre des assurances de la Cour de justice soit par une lettre, soit par un mémoire signé, comportant notamment un exposé succinct des faits ou des motifs invoqués et des conclusions. Si l’acte n’est pas conforme à ces règles, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice impartit un délai convenable à son auteur pour le compléter en indiquant qu’en cas d’inobservation la demande ou le recours est écarté (art. 89B al. 3 LPA).

c. Un délai fixé par la loi ne peut être prolongé. Les cas de force majeure sont réservés (art. 16 al. 1 LPA). Conformément à l’art. 16 al. 2 LPA, le délai imparti par l’autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration.

Les délais commencent à courir le lendemain de leur communication ou de l’événement qui les déclenche (art. 17 al. 1 LPA). Lorsque le dernier jour du délai tombe un samedi, un dimanche ou sur un jour légalement férié, le délai expire le premier jour utile (art. 17 al. 3 LPA). Les délais sont réputés observés lorsqu’une partie s’adresse par erreur en temps utile à une autorité incompétente (art. 17 al. 5 LPA).

3.        Conformément au principe de l’interdiction du formalisme excessif en matière de droit des assurances sociales, le juge saisi d’un recours ne doit pas se montrer trop strict lorsqu’il s’agit d’apprécier la forme et le contenu de l’acte de recours. A cet égard, la jurisprudence a précisé qu'il y a lieu d'accorder un délai convenable non seulement dans les cas où l'acte de recours est insuffisamment motivé, mais également en l'absence de toute motivation pour autant que le recourant ait clairement exprimé sa volonté de recourir contre une décision déterminée dans le délai légal de recours; demeure réservé l'abus de droit (ATF 134 V 162; arrêt 9C_248/2010 du 23 juin 2010, consid. 3.1; voir également Ueli KIESER, Bundesgesetz über den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts (ATSG), in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 2ème éd., n. 193 p. 299).

4.        En l’occurrence, suite à la décision sur opposition qui lui a été notifiée par pli recommandé du 12 mai 2017, reçu le 15 mai, la recourante a adressé à l’intimé un courrier non daté, reçu le 13 juin 2017. Force est de constater à la lecture de ce document - adressé non pas à l’autorité de recours mais à l'assureur social concerné -, que la recourante y fait clairement état de son intention de recourir contre la décision sur opposition susmentionnée, dont elle a d'ailleurs produit une copie en annexe à son courrier. Les autres annexes, soit le rapport médical de son médecin traitant et la lettre qui accompagnait ce dernier venant conforter le caractère de recours qu'il convient de reconnaître au courrier en question, de sorte que, comme l'observe le conseil de la recourante, il appartenait manifestement à l'intimé de transmettre ce document et ses annexes à la juridiction de céans, pour raison de compétence, ce qu'il n'a pas fait.

La chambre de céans rappelle que si un acte est adressé à une autorité et qu’il y a un doute quant au point de savoir s’il s’agit d’un recours, il incombe à l’autorité en question de le communiquer sans délai à l’autorité de recours, comme objet de sa compétence. C’est à cette dernière qu’il appartient en effet de se prononcer et d’interpeller, le cas échéant, l’assuré (ATAS/1010/2014).

Ceci dit, et s'agissant du recours interjeté par la CAP le 16 juin 2017, on ne saurait considérer que celui-ci puisse faire date, en termes de manifestation de la volonté de recourir, au détriment du courrier que la recourante avait directement adressé quelques jours avant à l'intimé : bien au contraire il corrobore la volonté de recourir manifestée par l'assurée quelques jours au préalable, directement auprès de l'intimé. De plus, la détermination de la mandataire du 30 octobre 2017, qui indique que l'assurée avait annoncé son sinistre à l'assurance de protection juridique, par courrier recommandé du 6 juin 2017 à l'intention de la CAP mais adressé à une agence générale de Allianz Suisse, cet élément vient encore, s'il le fallait, renforcer l'interprétation qu'il faut donner au courrier adressé en temps utile par la recourante à l'intimé, dans le but de recourir contre la décision entreprise.

5.        Le présent recours, interjeté au plus tard le 13 juin 2017, jour de sa réception par l'intimé, contre la décision litigieuse du 12 mai 2017, a donc été formé en temps utile (art. 60 al. 1 LPGA). Il satisfait aux exigences, peu élevées, de forme et de contenu prévues par l’art. 61 let. b LPGA (cf. aussi art. 89B LPA), quoi qu'il en soit complété par le mémoire - respectant les forme et contenu requit par l'art. 89 B LPA adressé par la mandataire à la chambre de céans le 16 juin 2017.

 

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur incident

1.        Déclare le recours recevable.

2.        Réserve la suite de la procédure.

3.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

Florence SCHMUTZ

 

Le président

 

 

 

 

Mario-Dominique TORELLO

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le