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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/905/2020

ATAS/1034/2021 du 05.10.2021 ( AI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit

rÉpublique et

canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/905/2020 ATAS/1034/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 5 octobre 2021

1ère Chambre

 

En la cause

Madame A______, domiciliée c/o Mme B______, à GENÈVE, comparant avec élection de domicile en l'étude de Maître Sarah BRAUNSCHMIDT SCHEIDEGGER

 

 

recourante

 

contre

OFFICE DE L'ASSURANCE-INVALIDITÉ DU CANTON DE GENÈVE, sis rue des Gares 12, GENÈVE

intimé

 


EN FAIT

A.      a. Madame A______ (ci-après : l’assurée), née le ______1993, a travaillé du 15 août au 11 novembre 2012 comme serveuse à Genève.

Le 18 novembre 2012, elle a été victime d’un accident de la circulation alors qu’elle se trouvait assise à l’arrière d’un véhicule. Souffrant d’un traumatisme crânien cérébral TCC de grade V sévère, l’assurée a été conduite aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : les HUG) ; une tomodensitométrie (CT-Scan) a aussitôt été réalisée, laquelle a mis en évidence un hématome épidural frontal gauche, des contusions hémorragiques bi-frontales à prédominance gauche, une fracture crânienne frontale gauche s’étendant aux sinus frontaux, au toit de l’orbite et aux lames papyracées, ainsi que des fractures para-sagittales de l’os sphénoïdal gauche. Le même jour, elle a subi une double opération maxillo-faciale et neurochirurgicale.

b. Figurent dans son dossier LAA, notamment : un rapport du 12 novembre 2014 établi par le docteur C______ du Service de médecine de premier recours des HUG, une expertise de la clinique CORELA, datée du 1er avril 2016 et réalisée par les docteurs D______, spécialiste FMH en ophtalmologie, E______, neurochirurgien, F______, psychiatre-psychothérapeute, ainsi que Madame G______, neuropsychologue, et un complément d’expertise (neuropsychologique), daté du 1er septembre 2016, effectué par le Dr E______ et Mme G______ de la clinique CORELA.

Par décision du 29 décembre 2016, l’assureur-accidents a mis fin à la prise en charge du traitement médical et accordé à l’assurée, dès le 1er novembre 2016, une rente d’invalidité de 10% (CHF 7.- par mois), qu’il lui a été proposé de remplacer par le versement d’un capital unique de CHF 2'586.-, et une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20% (CHF 25'200.-).

B.       a. Le 24 mars 2016, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l'office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI).

À la demande de l’OAI, les docteurs H______ et I______, du Service de médecine de premier recours des HUG, ont établi un rapport le 10 juin 2016. Ils ont indiqué retenir les diagnostics avec effet sur la capacité de travail d’état anxio-dépressif, de céphalées post-traumatiques et de troubles neurocognitifs, tous présents depuis 2012. La capacité de travail de l’assurée était évaluée à 50% dans son activité habituelle et à 60% dans une activité adaptée à ses limitations (fatigabilité importante, troubles mnésiques et exécutifs légers à modérés, céphalées, photosensibilité, troubles de l’humeur et état anxio-dépressif).

Répondant au questionnaire complémentaire adressé à la Dresse H______, le Dr I______ a indiqué, le 9 mai 2017, que le bilan psychiatrique de juin 2016 avait montré un fonctionnement altéré, potentiellement lié à une modification durable de la personnalité ou à une symptomatologie anxio-dépressive. Toutefois, l’assurée avait cessé de consulter depuis lors. Lors de sa dernière consultation, en juin 2016, sa symptomatologie psychiatrique était très présente et se répercutait de manière très importante sur son fonctionnement, mais compte tenu du délai important écoulé depuis lors, il était difficile, voire impossible, de se prononcer sur sa capacité de travail actuelle et sur une éventuelle stabilisation de son état de santé.

Le 6 septembre 2017, le SMR s’est rallié aux conclusions des experts de la clinique CORELA et a retenu une capacité de travail nulle du 18 novembre 2012 au 15 octobre 2014, puis de 90% quelle que soit l’activité envisagée dès le 16 octobre 2014.

b. Par décision du 31 octobre 2017, l’OAI a nié le droit de l’assurée à toute prestation. Même si elle avait présenté une capacité de travail nulle du 18 novembre 2012 au 15 octobre 2014, l’assurée ne pouvait prétendre à des prestations d’invalidité pendant cette période, car elle n’avait déposé sa demande qu’en mars 2016. Dès le 16 octobre 2014, elle avait recouvré une capacité de travail de 90% dans toute activité lucrative, ce qui correspondait à un taux d’invalidité de 10%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente d’invalidité ou à des mesures d’ordre professionnel.

Par arrêt du 15 janvier 2019 (ATAS/17/2019), la chambre de céans a partiellement admis le recours interjeté contre la décision précitée, annulé celle-ci et renvoyé la cause à l'OAI pour mise en œuvre d'une expertise auprès d'experts indépendants.

Elle a en substance considéré que la décision attaquée reposait sur une instruction incomplète et que l'intimé l'avait rendue sur la base d'un rapport de la clinique CORELA exempt de valeur probante, sans faire appel à des experts indépendants. Cela étant, contrairement à ce que sollicitait l'assurée, il n'y avait pas lieu d'extraire l'expertise de la clinique CORELA de son dossier médical, dans la mesure où il incombait aux futurs experts d'accomplir leur mandat en toute indépendance et rien ne permettait de supposer qu'ils ne seraient pas à même de le faire, du fait d'une expertise antérieure figurant dans le dossier.

Sur mandat de l'OAI, le Centre d'expertise médicale (CEMed) a procédé à une expertise multidisciplinaire. L'assurée a été examinée le 28 août 2019 par Madame J______, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP, le 5 septembre 2019 par le docteur K______, spécialiste FMH en psychiatrie-psychothérapie, et le 18 septembre 2019 par le docteur L______, spécialiste FMH en neurologie.

Le rapport d'expertise a été établi le 24 octobre 2019.

Les experts ont conclu à une capacité de travail de 100% avec un rendement diminué de 20% en lien avec les troubles neuropsychologiques, étant précisé que si l'activité était répétitive et ne sollicitait pas trop la mémoire immédiate et antérograde et simple, le rendement pourrait augmenter.

Par complément d'expertise du 2 décembre 2019, Madame J______ a ajouté que dans la mesure où l'observation actuelle des troubles neuropsychologiques était superposable à celle de 2016, elle retenait une capacité de travail avec baisse de rendement de 20% depuis l'expertise du 5 avril 2016 (recte 1er avril 2016).

Selon son rapport final du 10 décembre 2019, le SMR s'est rallié aux conclusions du rapport d'expertise pluridisciplinaire du CEMed et de son complément, retenant en conséquence que la capacité de travail était nulle dans l'activité habituelle d'employée de restauration depuis le 18 novembre 2012 et entière, dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement de 20%, dès le 5 avril 2016, étant précisé que les limitations fonctionnelles étaient un ralentissement psychomoteur, un syndrome dysexécutif modéré caractérisé par un déficit d'initiation et de mise en place de stratégie associée à un sévère déficit sur une épreuve d'abstraction, des faiblesses en mémoire immédiate et de travail auditivo-verbal, des céphalées chroniques, une limitation dans l'attention visuelle continue sur écran et le travail en extérieur en été ou en cas de soleil rasant.

c. Par projet de décision du 16 décembre 2019, l'OAI a informé l’assurée qu'il envisageait de rejeter la demande de prestations. À l'issue de l'instruction médicale, il reconnaissait une incapacité totale, dès le 18 novembre 2012, dans l'activité habituelle de sommelière exercée en dernier lieu ; dès avril 2016, il estimait que la capacité de travail était entière dans une activité adaptée à son état de santé, avec une diminution de rendement de 20%. La demande de prestation avait été déposée le 24 mars 2016, de sorte qu'elle était tardive et qu'aucune prestation ne pouvait intervenir avant septembre 2016.

Afin de déterminer le degré d'invalidité, il a fixé le revenu d'invalide en se référant aux données statistiques de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS 2016 ; tableau TA1, tous les secteurs confondus [total], femmes, activités simples et répétitives, niveau 1), soit un montant de CHF 54'581.- (CHF 4'363.- / 40 heures x 41,7 heures x 12 mois), puis réduit à CHF 43'665.- compte tenu de la diminution de rendement de 20% en lien avec les limitations fonctionnelles. Pour le revenu sans invalidité, il s'est basé sur la déclaration d'accident de l'employeur de l'époque, qui figurait au dossier d'assurance perte de gain, soit un montant de CHF 40'800.- (CHF 3'400.- x 12 mois), indexé à CHF 42'026.- en 2016. La comparaison entre le revenu exigible (CHF 43'665.-) et celui présumable sans invalidité pour un travail à 100% (CHF 42'026.-) laisse apparaitre une perte de 0%. Le taux d'invalidité est donc nul.

Par décision du 7 février 2020, l'OAI a confirmé son projet de décision.

C.       a. Par acte du 11 mars 2020, complété le 1er juillet 2020, l'assurée a interjeté recours, par le biais de son avocate, contre ladite décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'une rente entière d'invalidité.

Elle admet bénéficier à ce jour d'une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles neuropsychologiques, selon les conclusions de l'expertise du CEMed. En revanche, elle conteste l'examen rétrospectif de sa capacité de travail par les experts sur la base de l'expertise CORELA et en contradiction avec les autres éléments du dossier. Dans la mesure où il n'était pas possible d'accorder pleine confiance au rapport du 1er avril 2016 de la clinique CORELA et à son complément, les experts du CEMed ne pouvaient pas se fonder sur ce document pour estimer l'évolution dans le temps de sa capacité de travail. Il incombait à l'OAI de prouver l'amélioration de son état de santé. Elle allègue que sa capacité de travail est nulle dès le 18 novembre 2012, de 50% dès le 1er juin 2016 et de 80% dès le 24 octobre 2019. Elle se réfère en particulier aux rapports du 10 juin 2016 des Drs H______ et I______ des HUG, du 9 mai 2017 du Dr I______ et du 22 juin 2018 du Dr M______.

En outre, elle doutait de l'impartialité de l'expert psychiatre, lequel lui avait demandé si son avocate avait proposé de régler les dettes qu'elle avait auprès des HUG. Aussi contestait-elle l'entier de l'expertise psychiatrique et ses conclusions.

Elle relevait enfin que le revenu sans invalidité retenu par l'OAI ne tenait pas compte du treizième salaire prévu par la convention collective de travail (CTT), ni des pourboires qu'elle réalisait, de l'ordre de CHF 400.- par mois, de sorte qu’il était en réalité de CHF 49'091.-.

b. Par réponse du 3 août 2020, l'OAI a conclu au rejet du recours. Contrairement à ce qu'alléguait la recourante, il ne s'était pas fondé sur les conclusions de l'expertise CORELA pour déterminer la capacité de travail. L'expert avait simplement indiqué que les résultats des examens cliniques effectués à ce jour, d'un point de vue neuropsychologique, étaient superposables aux tests cliniques effectués à l'époque. Toutes les atteintes à la santé et limitations fonctionnelles avaient été prises en comptes tant par les experts que par le SMR et la recourante ne faisait valoir aucun élément concret susceptible de remettre en cause les conclusions des experts.

S'agissant du revenu sans invalidité, il s'était basé sur le salaire déclaré par l'employeur de la recourante dans la déclaration d'accident et aucun élément au dossier ne permettait de modifier cette appréciation. Au demeurant, le revenu annuel de CHF 49'091, tel qu'allégué par la recourante, n'ouvrait de toute façon pas un droit à une rente ni à des mesures d'ordre professionnel.

c. Par réplique du 28 septembre 2020, la recourante a persisté dans ses conclusions. Si les experts indiquaient que les tests étaient superposables, c'est qu'ils en avaient pris connaissance et les avaient comparés. L'expertise CORELA avait donc joué un rôle dans la procédure, ce qui n'aurait pas dû être le cas. Il fallait considérer les expertises rendues par la clinique CORELA comme non existantes et sans aucune valeur probante. Aussi les experts ne pouvaient-ils pas comparer leur examen à ceux de l'expertise CORELA et en tirer des conclusions. Dans ces conditions, l'OAI aurait dû davantage instruire la question de l'évolution dans le temps et utiliser les autres rapports médicaux. De plus, dans la mesure où elle ne pouvait plus exercer son ancienne activité, qu'elle était encore jeune et qu’elle devait trouver une activité adaptée, elle sollicitait des mesures professionnelles.

d. Par duplique du 20 octobre 2020, l'OAI a intégralement maintenu ses conclusions. Il a ajouté que l’assurée pouvait exercer différentes activités adaptées ne nécessitant pas de formation complémentaire, de sorte que des mesures d'ordre professionnel n'entraient pas en ligne de compte.

Par courrier du 15 mars 2021, le CEMed a précisé son complément d'expertise du 2 décembre 2019, en indiquant que, sur le plan strictement neurologique, la capacité de travail était à considérer comme complète après une période d'un an au maximum suite à l'accident de novembre 2012 et que les observations de l'expert-neurologue avait été rédigées sans tenir compte des conclusions de l'expertise CORELA d'avril 2016.

Sur le plan psychique, jamais aucune atteinte psychiatrique proprement dite, ni dans l'importance ni dans la durée, n'avait conduit à une incapacité durable, voire invalidante. Les appréciations psychiatriques émises jusqu'ici étaient fortement imprégnées par les énoncés de la recourante, sans véritable status psychiatrique et sans distinction entre facteurs médicaux et extra-médicaux. Tant les Drs H______ et I______ des HUG, que le Dr M______, avaient apprécié la situation de manière globale et non exclusivement délimitée à la partie psychiatrique. La nette amélioration constatée entre 2018 et 2019 et l'absence de médication et de suivi, permettaient de conclure que la recourante avait certes vécu des passages difficiles sur le plan psychique, mais que ceux-ci n'avaient pas été d’un niveau dépressif clinique significatif, ni d'une durée prolongée. Si tel avait été le cas, des mesures thérapeutiques auraient été appliquées.

Enfin, sur le plan neuropsychologique, les experts ont relevé que le rapport du Dr M______ énumérait des troubles non évalués sur la base d'un nouvel examen neuropsychologique, et que les Drs H______ et I______ ne distinguaient pas la part des troubles psychiques de ceux neuropsychiques, les premiers semblant prépondérants. Sur la base du comparatif entre les résultats observés à l'examen neuropsychologique des HUG du 21 avril 2016 et à l'expertise du 24 octobre 2019, les experts ont noté une évolution positive dans certains domaines et ont retenu qu'à partir de l'expertise CEMed de 2019, une pleine capacité de travail avec diminution de rendement de 20% pouvait être raisonnablement exigée.

e. Par courrier du 14 avril 2021, l'OAI a indiqué avoir soumis la réponse du CEMed au SMR et se rallier intégralement à l'avis de ce dernier, daté du 12 avril 2021, selon lequel il était tout à fait objectif de retenir que la recourante présentait déjà une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée, en 2016 au moins, avec une baisse de rendement de 20%.

f. Le 31 mai 2021, l’assurée a persisté dans ses conclusions et fait valoir qu'il ressortait de la réponse des experts qu'elle avait recouvré une capacité de travail de 80% dans une activité adaptée lors de l'expertise de 2019, de sorte que la position de l'OAI selon laquelle l'amélioration de l'état de santé était intervenue en juin 2016, était erronée. En juin 2016, sa capacité de travail était de 50% comme en attestaient les certificats établis par les HUG.

En outre, le revenu qui était pris en compte par l'OAI dans le cadre du calcul du taux d'invalidité était inférieur de plus de 5% à ceux réalisés dans la branche de la restauration du fait qu’elle ne disposait ni de titre de séjour ni de formation, aussi convenait-il d'appliquer le parallélisme des revenus pour déterminer le degré d'invalidité. Enfin, il fallait retenir un abattement d'au moins 15%, distinct de la baisse de rendement, pour tenir compte de ses limitations fonctionnelles neuropsychologiques et psychiatriques.

g. Les dernières écritures des parties leur ont été transmises et la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.        Conformément à l'art. 134 al. 1 let. a ch. 2 de la loi sur l'organisation judiciaire, du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05) en vigueur dès le 1er janvier 2011, la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît, en instance unique, des contestations prévues à l'art. 56 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1) relatives à la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - RS 831.20).

2.        Sa compétence pour juger du cas d’espèce est ainsi établie.

3.        À teneur de l'art. 1 al. 1 LAI, les dispositions de la LPGA s'appliquent à l'assurance-invalidité, à moins que la loi n'y déroge expressément.

4.        Le 1er janvier 2021 est entrée en vigueur la modification du 21 juin 2019 de la LPGA. Toutefois, dans la mesure où le recours était, au 1er janvier 2021, pendant devant la chambre de céans, il reste soumis à l'ancien droit (cf. art. 83 LPGA).

5.        Le délai de recours est de trente jours (art. 56 LPGA; art. 62 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10]).

Interjeté dans la forme et le délai prévus par la loi, le recours est recevable.

6.        Le litige porte sur la question de savoir à partir de quand la recourante a recouvré une pleine capacité de travail avec diminution de rendement de 20%, ainsi que sur le calcul du taux d'invalidité.

7.        Est réputée invalidité, l'incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée, résultant d'une infirmité congénitale, d'une maladie ou d'un accident (art. 8 al. 1 LPGA et 4 al. 1 LAI). Selon l’art. 7 LPGA, est réputée incapacité de gain toute diminution de l'ensemble ou d'une partie des possibilités de gain de l'assuré sur le marché du travail équilibré qui entre en considération, si cette diminution résulte d'une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique et qu'elle persiste après les traitements et les mesures de réadaptation exigibles (al. 1). Seules les conséquences de l’atteinte à la santé sont prises en compte pour juger de la présence d’une incapacité de gain. De plus, il n’y a incapacité de gain que si celle-ci n’est pas objectivement surmontable (al. 2 en vigueur dès le 1er janvier 2008).

8.        En vertu de l’art. 28 al. 2 LAI, l’assuré a droit à une rente entière s’il est invalide à 70% au moins, à un trois-quarts de rente s'il est invalide à 60% au moins, à une demi-rente s’il est invalide à 50% au moins, ou à un quart de rente s’il est invalide à 40% au moins.

Pour évaluer le taux d'invalidité, le revenu que l'assuré aurait pu obtenir s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA et art. 28a al. 1 LAI).

Il y a lieu de préciser que selon la jurisprudence, la notion d'invalidité, au sens du droit des assurances sociales, est une notion économique et non médicale; ce sont les conséquences économiques objectives de l'incapacité fonctionnelle qu'il importe d'évaluer (ATF 110 V 273 consid. 4a). L’atteinte à la santé n’est donc pas à elle seule déterminante et ne sera prise en considération que dans la mesure où elle entraîne une incapacité de travail ayant des effets sur la capacité de gain de l’assuré (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 654/00 du 9 avril 2001 consid. 1).

9.        En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

10.    a. Pour pouvoir calculer le degré d’invalidité, l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents qu’un médecin, éventuellement d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est, à ce motif, incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 et les références).

Selon le principe de libre appréciation des preuves, pleinement valable en procédure judiciaire de recours dans le domaine des assurances sociales (cf. art. 61 let. c LPGA), le juge n'est pas lié par des règles formelles, mais doit examiner de manière objective tous les moyens de preuve, quelle qu'en soit la provenance, puis décider si les documents à disposition permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. En cas de rapports médicaux contradictoires, le juge ne peut trancher l'affaire sans apprécier l'ensemble des preuves et sans indiquer les raisons pour lesquelles il se fonde sur une opinion médicale et non pas sur une autre. L'élément déterminant pour la valeur probante d'un rapport médical n'est ni son origine, ni sa désignation, mais son contenu. À cet égard, il importe que les points litigieux importants aient fait l'objet d'une étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la description des interférences médicales soit claire et enfin que les conclusions de l'expert soient bien motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1; ATF 133 V 450 consid. 11.1.3; ATF 125 V 351 consid. 3).

Sans remettre en cause le principe de la libre appréciation des preuves, le Tribunal fédéral des assurances a posé des lignes directrices en ce qui concerne la manière d'apprécier certains types d'expertises ou de rapports médicaux.

b. Ainsi, en principe, lorsqu’au stade de la procédure administrative, une expertise confiée à un médecin indépendant est établie par un spécialiste reconnu, sur la base d'observations approfondies et d'investigations complètes, ainsi qu'en pleine connaissance du dossier, et que l'expert aboutit à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu'aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 125 V 351 consid. 3b/bb).

c. Un rapport du SMR a pour fonction d'opérer la synthèse des renseignements médicaux versés au dossier, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical. En tant qu'il ne contient aucune observation clinique, il se distingue d'une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou d'un examen médical auquel il arrive au SMR de procéder (art. 49 al. 2 RAI; ATF 142 V 58 consid. 5.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_542/2011 du 26 janvier 2012 consid. 4.1). De tels rapports ne sont cependant pas dénués de toute valeur probante, et il est admissible que l'office intimé, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 142 V 58 consid. 5; ATF 135 V 465 consid. 4.4 et 4.6; arrêt du Tribunal fédéral 9C_371/2018 du 16 août 2018 consid. 4.3.1). 

d. En ce qui concerne les rapports établis par les médecins traitants, le juge peut et doit tenir compte du fait que, selon l'expérience, le médecin traitant est généralement enclin, en cas de doute, à prendre parti pour son patient en raison de la relation de confiance qui l'unit à ce dernier (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc). S'il est vrai que la relation particulière de confiance unissant un patient et son médecin traitant peut influencer l'objectivité ou l'impartialité de celui-ci (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a 52; ATF 122 V 157 consid. 1c et les références), ces relations ne justifient cependant pas en elles-mêmes l'éviction de tous les avis émanant des médecins traitants. Encore faut-il démontrer l'existence d'éléments pouvant jeter un doute sur la valeur probante du rapport du médecin concerné et, par conséquent, la violation du principe mentionné (arrêt du Tribunal fédéral 9C_973/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.2.1).

e. On ajoutera qu'en cas de divergence d’opinion entre experts et médecins traitants, il n'est pas, de manière générale, nécessaire de mettre en œuvre une nouvelle expertise. La valeur probante des rapports médicaux des uns et des autres doit bien plutôt s'apprécier au regard des critères jurisprudentiels (ATF 125 V 351 consid. 3a) qui permettent de leur reconnaître pleine valeur probante. À cet égard, il convient de rappeler qu'au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d'expertise (ATF 124 I 170 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral I 514/06 du 25 mai 2007 consid. 2.2.1, in SVR 2008 IV Nr. 15 p. 43), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l'administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu'un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion contradictoire. Il n'en va différemment que si ces médecins traitants font état d'éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l'expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l'expert (arrêt du Tribunal fédéral 9C_369/2008 du 5 mars 2009 consid. 2.2).

11.    En ce qui concerne les facteurs psychosociaux ou socioculturels et leur rôle en matière d'invalidité, ils ne figurent pas au nombre des atteintes à la santé susceptibles d'entraîner une incapacité de gain au sens de l'art. 4 al. 1 LAI. Pour qu'une invalidité soit reconnue, il est nécessaire, dans chaque cas, qu'un substrat médical pertinent, entravant la capacité de travail (et de gain) de manière importante, soit mis en évidence par le médecin spécialisé. Plus les facteurs psychosociaux et socioculturels apparaissent au premier plan et imprègnent l'anamnèse, plus il est essentiel que le diagnostic médical précise s'il y a atteinte à la santé psychique qui équivaut à une maladie. Ainsi, il ne suffit pas que le tableau clinique soit constitué d'atteintes qui relèvent de facteurs socioculturels; il faut au contraire que le tableau clinique comporte d'autres éléments pertinents au plan psychiatrique tels, par exemple, une dépression durable au sens médical ou un état psychique assimilable, et non une simple humeur dépressive. Une telle atteinte psychique, qui doit être distinguée des facteurs socioculturels, et qui doit de manière autonome influencer la capacité de travail, est nécessaire en définitive pour que l'on puisse parler d'invalidité. En revanche, là où l'expert ne relève pour l'essentiel que des éléments qui trouvent leur explication et leur source dans le champ socioculturel ou psychosocial, il n'y a pas d'atteinte à la santé à caractère invalidant (ATF 127 V 294 consid. 5a in fine).

12.    Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

13.    Conformément au principe inquisitoire qui régit la procédure dans le domaine des assurances sociales, le juge des assurances sociales doit procéder à des investigations supplémentaires ou en ordonner lorsqu'il y a suffisamment de raisons pour le faire, eu égard aux griefs invoqués par les parties ou aux indices résultant du dossier. Il ne peut ignorer des griefs pertinents invoqués par les parties pour la simple raison qu'ils n'auraient pas été prouvés (VSI 5/1994 220 consid. 4a). En particulier, il doit mettre en œuvre une expertise lorsqu'il apparaît nécessaire de clarifier les aspects médicaux du cas (ATF 117 V 282 consid. 4a; RAMA 1985 p. 240 consid. 4; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 751/03 du 19 mars 2004 consid. 3.3). Lorsque le juge des assurances sociales constate qu'une instruction est nécessaire, il doit en principe mettre lui-même en œuvre une expertise lorsqu'il considère que l'état de fait médical doit être élucidé par une expertise ou que l'expertise administrative n'a pas de valeur probante (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4). Un renvoi à l’administration reste possible, notamment quand il est fondé uniquement sur une question restée complètement non instruite jusqu'ici, lorsqu'il s'agit de préciser un point de l'expertise ordonnée par l'administration ou de demander un complément à l'expert (ATF 137 V 210 consid. 4.4.1.3 et 4.4.1.4; SVR 2010 IV n. 49 p. 151, consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 8C_760/2011 du 26 janvier 2012 consid. 3).

14.    Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

15.    a. En l'espèce, l’assurée a été victime d’un accident le 18 novembre 2012 à la suite duquel elle a souffert d’un traumatisme crânio-cérébral grave.

Dans une première décision datée du 31 octobre 2017, l’OAI lui a refusé toute prestation, aux motifs, d’une part, que, même si sa capacité de travail était nulle du 18 novembre 2012 au 15 octobre 2014, sa demande, déposée le 24 mars 2016, était tardive et, d’autre part, que sa capacité de travail était à nouveau de 90% dès le 16 octobre 2014, quelle que soit l'activité lucrative envisagée, ce qui correspondait à un taux d’invalidité de 10% insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

Cette décision a été annulée par la chambre de céans, dès lors que l’OAI s’était fondé sur l’expertise - n’ayant aucune valeur probante - de la Clinique CORELA du 1er avril 2016 (arrêt du 15 janvier 2019, ATAS/17/2019).

b. Les médecins du CEMed, soit les Drs K______ et L______, ainsi que Mme J______, ont établi, à la demande de l’OAI, un rapport d’expertise le 24 octobre 2019. Ils ont conclu à une capacité de travail de 100% avec un rendement diminué de 20% en lien avec les troubles neuropsychologiques. Mme J______ a précisé le 2 décembre 2019 que cette capacité de travail était valable depuis l’expertise du 5 avril 2016 (recte 1er avril 2016), « dans la mesure où l'observation actuelle des troubles neuropsychologiques était superposable à celle de 2016 ».

L’OAI s’est fondé sur ces conclusions pour à nouveau rejeter la demande de prestations. Il a ainsi retenu une capacité de travail nulle dans l'activité habituelle d'employée de restauration depuis le 18 novembre 2012 et entière dans une activité adaptée dès le 5 avril 2016, avec une baisse de rendement de 20%.

c. L’assurée admet qu’elle est capable de travailler à 80% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles neuropsychologiques, mais conteste la date du 5 avril 2016 prise en compte par l’OAI. Elle allègue qu’en réalité, sa capacité de travail est nulle dès son accident en 2012, de 50% dès le 1er juin 2016, date du rapport des Drs H______ et I______, et de 80% dès le 24 octobre 2019, date du rapport d’expertise du CEMed.

16.    L’expertise réalisée par les médecins du CEMed en octobre 2019 remplit tous les réquisits permettant de lui reconnaître pleine valeur probante, s'agissant de l'évaluation de la capacité de travail. Les conclusions auxquelles ils sont parvenus, reprises par l'OAI, sont du reste pour l'essentiel admises par l'assurée.

Ils ont pris note que l’assurée avait cessé de consulter le Dr I______ en 2016 et en concluent que « la nette amélioration constatée entre 2018 et 2019 et l'absence de médication et de suivi, permettent de conclure que la recourante a certes vécu des passages difficiles sur le plan psychique mais qui n’ont pas atteint un niveau dépressif clinique significatif et d'une durée prolongée. Si tel avait été le cas, des mesures thérapeutiques auraient été appliquées ».

Sur le plan neuropsychologique, les médecins du CEMed ont retenu une capacité de travail entière dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement de 20%.

17.    Reste toutefois à déterminer la date à compter de laquelle l’assurée est capable de travailler à 100%, avec une baisse de rendement de 20%. L'assurée ne conteste pas que son état de santé se soit amélioré dès juin 2016, mais considère que sa capacité de travail n'a alors pas dépassé les 50%.

Dans leur rapport du 24 octobre 2019, les médecins du CEMed ne se sont pas prononcés sur cette question. Le 5 avril 2016 a été fixé par Mme J______ dans le complément d’expertise du 2 décembre 2019 ; elle l’a justifié par le fait que « l'observation actuelle des troubles neuropsychologiques est superposable à celle de 2016 ». Le 5 avril 2016 (recte 1er avril 2016) correspond en effet à la date à laquelle le rapport d’expertise CORELA a été rendu.

Or, dans son arrêt du 15 janvier 2019 (ATAS/17/2019), la chambre de céans a nié toute valeur probante à ce rapport.

Il est vrai que les médecins du CEMed ont affirmé, le 15 mars 2021, que les observations de l'expert-neurologue avaient été rédigées sans tenir compte des conclusions de l'expertise CORELA d'avril 2016.

Une telle affirmation apparaît toutefois peu vraisemblable, dans la mesure où ils ont précisément retenu la date du 5 avril 2016 et procédé à la comparaison entre les troubles neuropsychologiques tels qu’ils se présentaient en 2016 - nécessairement sur la base de l’expertise CORELA - avec ceux qu’ils ont eux-mêmes constatés en 2019.

En conséquence, le fait que, pour fixer cette date du 5 avril 2016, des éléments de l’expertise CORELA ont été pris en considération suscitent de sérieux doutes quant à la valeur probante de celle-ci s’agissant de la date à compter de laquelle l’assurée est capable de travailler à 100%, avec une baisse de rendement de 20%.

Qui plus est, les médecins du CEMed ont précisé le 15 mars 2021 que, sur le plan strictement neurologique, la capacité de travail était à considérer comme complète après une période d'un an au maximum suite à l'accident de novembre 2012. Selon eux, « une activité adaptée définie sur le plan neuropsychologique et neurologique était exigible depuis la fin des séquelles de son accident ».

Cette précision qui reviendrait à évaluer la capacité de travail à 100% dès novembre 2013, est d’autant moins compréhensible qu’elle vient contredire la conclusion selon laquelle la capacité de travail était nulle de novembre 2012 à avril 2016.

18.    a. Il convient à ce stade d’examiner si les avis des Drs H______ et I______ des HUG du 1er décembre 2016, du Dr I______ du 9 mai 2017 et du Dr M______ du 22 juin 2018 permettent de s’écarter des conclusions du CEMed, selon lesquelles c'est à compter du 5 avril 2016 que sa capacité de travail est de 100%, avec baisse de rendement de 20%.

Dans leur rapport du 10 juin 2016, les Drs H______ et I______ ont indiqué que les diagnostics avec effet sur la capacité de travail d’état anxio-dépressif, de céphalées post-traumatiques et de troubles neurocognitifs étaient tous présents depuis 2012. Ils ont également relevé que par rapport à une précédente évaluation effectuée le 30 novembre 2012, l’examen montrait la persistance de troubles exécutifs, d’un léger ralentissement attentionnel, de troubles de la mémoire verbale, ainsi que d’un léger défaut de la mémoire épisodique visuelle à long terme, et constaté une majoration des troubles de l’humeur, avec des éléments anxio-dépressifs et des ruminations. Ils ont ainsi évalué la capacité de travail à 60% dans une activité adaptée à ses limitations (fatigabilité importante, troubles mnésiques et exécutifs légers à modérés, céphalées, photosensibilité, troubles de l’humeur et état anxio-dépressif).

Le 9 mai 2017, le Dr I______ a confirmé qu’en juin 2016, la symptomatologie psychiatrique de l'assurée était très présente et se répercutait de manière très importante sur son fonctionnement », précisant que le bilan psychiatrique de juin 2016 avait montré un fonctionnement altéré, potentiellement lié à une modification durable de la personnalité ou à une symptomatologie anxio-dépressive. Il a toutefois informé l’OAI que l’assurée avait cessé de consulter depuis lors.

Dans son rapport du 22 juin 2018, le Dr M______ a indiqué que :

« L'assurée présente un état dépressif d'intensité modérée. Un traitement psychiatrique et psychothérapeutique est entrepris auprès de moi-même. Actuellement, il n'y a pas de médication prescrite (l'indication à un traitement antidépresseur est présente mais la patiente a souhaité privilégier la psychothérapie).

Le diagnostic est retenu sur la base des éléments suivants : la patiente présente une humeur triste avec une vision très négatives du monde et de l'avenir ainsi qu'une altération de l'estime de soi, une anhédonie partielle. Elle rapporte une baisse de l'énergie avec une diminution des activités. Elle présente des troubles de la concentration et une fatigabilité. Elle s'est isolée socialement par peur d'être critiquée ou rejetée, ce qu'elle vit même dans les situations sociales banales et informelles. L'appétit est sans particularité et le poids stable. Le sommeil est régulièrement perturbé par des cauchemars en lien avec son accident, ou la peur du rejet. Elle présente des idées de mort passives, alimentée par l'idée que si elle disparaissait, cela serait un soulagement pour ses proches, et par le désespoir de ne plus retrouver de vie normale.

On relève aussi des symptômes anxieux marqués et très handicapants. Elle présente des pensées obsédantes sur les cicatrices au scalp et au front, vécues comme l'équivalent d'une mutilation. Elle craint la réaction de dégoût et de rejet que cela pourrait provoquer. Cela conduit à des comportements d'évitement très contraignants. Elle doit faire attention aux horaires d'affluences, à la luminosité, à ses vêtements, à la position des gens autour d'elle. Les expositions sont accompagnées de symptômes importants.

Il est important de relever que les symptômes décrits se sont installés à la suite de son grave accident survenu en 2012 (où elle est victime d'un TCC sévère, reste incarcérée dans le véhicule et est abandonnée par les personnes qui l'accompagnaient). Cet accident est survenu alors que la patiente demandait de manière insistante à ce qu'on la laisse sortir du véhicule.

L'abandon qu'elle a vécu dans une telle circonstance semble lié à la peur du rejet qu'elle présente de manière importante et participe à sa dépression. A ce sujet, il est difficilement compréhensible que l'on retrouve pas dans l'expertise médicale d'exploration claire de ces symptômes liés au traumatisme.

On peut considérer, d'un point de vue psychiatrique, qu'elle présente des difficultés relationnelles importantes, une estime de soi fortement altérée, des troubles de l'attention et de la concentration et une résistance au stress fortement réduite. Actuellement cela représente une incapacité de travail de 50%, la capacité résiduelle est envisageable dans la mesure d'un environnement adapté ».

b. Les experts du CEMed ont pris connaissance de ces rapports et les ont commentés le 15 mars 2021. Ils ont relevé que les descriptions du Dr M______, qui avait suivi l'assurée en 2018, apparaissaient relativement dramatiques, alors qu'au jour de leur examen, l'assurée relativisait beaucoup, voire invalidait ces notions ; elle ne se disait pas souffrir particulièrement de dépression et, n'y voyant plus de nécessité, elle avait arrêté son suivi chez le psychiatre en 2016, sans jamais avoir pris, ni qu'on lui ait proposé, de traitement médicamenteux. Ils ont ainsi confirmé que sur le plan psychique, l'assurée disposait de ressources suffisantes pour une activité professionnelle et qu'aucune limitation fonctionnelle de principe n'était constatée. Il y a lieu de rappeler qu'une amélioration de l'état de santé psychique de l'assurée en 2019, n'est pas contestée. Il est en revanche important de constater que les médecins du CEMed ne nient pas qu'il y ait eu une évolution positive entre 2018 et 2019.

c. Il est vrai que l’assurée a cessé de consulter un spécialiste en 2016. Les Drs H______ et I______ parlent toutefois en juin 2016 de la persistance des troubles exécutifs et de la majoration des troubles de l’humeur avec des éléments anxio-dépressifs et des ruminations, et le Dr I______, en mai 2017, insiste sur les effets - très importants - de la symptomatologie psychiatrique sur le fonctionnement.

Il importe de souligner que les médecins du CEMed ont eux-mêmes retenu que c’est à partir de l'expertise CEMed du 24 octobre 2019 qu’une pleine capacité de travail avec diminution de rendement de 20% pouvait être raisonnablement exigée.

Il convient de considérer, au vu de ce qui précède, que l'assurée n’a recouvré une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée avec une baisse de rendement de 20% que depuis octobre 2019. On peut par ailleurs admettre, au degré de vraisemblance requis par la jurisprudence, une capacité de travail de 50% depuis juin 2016 sur la base des rapports des Drs H______, I______ et M______ des 10 juin 2016, 9 mai 2017 et 22 juin 2018.

19.    Reste à déterminer le degré d'invalidité.

Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit être évalué sur la base d'une comparaison des revenus. Pour cela, le revenu que l'assuré aurait pu réaliser s'il n'était pas invalide est comparé avec celui qu'il pourrait obtenir en exerçant l'activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 8 al. 1 et art. 16 LPGA).

La comparaison des revenus s'effectue, en règle ordinaire, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la différence permettant de calculer le taux d'invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1; ATF 104 V 135 consid. 2a et 2b).

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment de la naissance du droit à la rente; les revenus avec et sans invalidité doivent être déterminés par rapport à un même moment et les modifications de ces revenus susceptibles d'influencer le droit à la rente survenues jusqu'au moment où la décision est rendue doivent être prises en compte (ATF 129 V 222 et ATF 128 V 174).

Pour fixer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l'assuré aurait – au degré de la vraisemblance prépondérante – réellement pu obtenir au moment déterminant s'il n'était pas invalide (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 et ATF 135 V 297 consid. 5.1). Ce revenu doit être évalué de manière aussi concrète que possible si bien qu’il convient, en règle générale, de se référer au dernier salaire que l'assuré a obtenu avant l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des circonstances au moment de la naissance du droit à la rente et des modifications susceptibles d'influencer ce droit survenues jusqu'au moment où la décision est rendue (ATF 129 V 222 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2017 du 4 mai 2018 consid. 2.2). Ce n'est qu'en présence de circonstances particulières qu'il peut se justifier qu'on s'en écarte et qu'on recoure aux données statistiques résultant de l’ESS éditée par l'Office fédéral de la statistique (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 201/06 du 14 juillet 2006 consid. 5.2.3 et I 774/01 du 4 septembre 2002). Tel sera le cas lorsqu'on ne dispose d'aucun renseignement au sujet de la dernière activité professionnelle de l'assuré ou si le dernier salaire que celui-ci a perçu ne correspond manifestement pas à ce qu'il aurait été en mesure de réaliser, selon toute vraisemblance, en tant que personne valide; par exemple, lorsqu'avant d'être reconnu définitivement incapable de travailler, l'assuré était au chômage ou rencontrait d'ores et déjà des difficultés professionnelles en raison d'une dégradation progressive de son état de santé ou encore percevait une rémunération inférieure aux normes de salaire usuelles. On peut également songer à la situation dans laquelle le poste de travail de l'assuré avant la survenance de l'atteinte à la santé n'existe plus au moment déterminant de l'évaluation de l'invalidité (arrêts du Tribunal fédéral des assurances I 168/05 du 24 avril 2006 consid. 3.3 et B 80/01 du 17 octobre 2003 consid. 5.2.2).

Quant au revenu d'invalide, il doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l'intéressé (ATF 135 V 297 consid. 5.2). Lorsque l'assuré n'a pas repris d'activité, ou aucune activité adaptée lui permettant de mettre pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle, contrairement à ce qui serait raisonnablement exigible de sa part, le revenu d'invalide peut être évalué sur la base de données statistiques, telles qu'elles résultent de l’ESS (ATF 126 V 75 consid. 3b/aa et bb). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table ESS TA1, à la ligne «total secteur privé» (ATF 124 V 321 consid. 3b/aa). On se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la médiane ou valeur centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb). La valeur statistique - médiane - s'applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu'elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu'ils seraient en mesure de réaliser en tant qu'invalides dès lors qu'il recouvre un large éventail d'activités variées et non qualifiées (branche d'activités), n'impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits, dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et taux d'occupation) et résulte d'une évaluation dans les limites du pouvoir d'appréciation. Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). L'étendue de l'abattement justifié dans un cas concret relève du pouvoir d'appréciation (ATF 132 V 393 consid. 3.3).

Lorsque les revenus avec et sans invalidité sont basés sur les mêmes données statistiques - soit lorsque la personne assurée n'exerçait pas d'activité lucrative avant la survenance de l'atteinte à la santé ou que le revenu sans invalidité ne peut pas être déterminé avec suffisamment de précision (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 243/99 du 23 mai 2000 consid. 2b) -, il est superflu de les chiffrer avec exactitude. En pareil cas, le degré d'invalidité se confond avec celui de l'incapacité de travail, sous réserve d'une éventuelle réduction du revenu d'invalide afin de tenir compte, conformément aux principes développés à l'ATF 126 V 75, de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 1/03 du 15 avril 2003 consid. 5.2).

22.    a. En l'espèce, l'OAI a fixé le degré d'invalidité de l'assurée à 0% en comparant un revenu avec invalidité de CHF 43'665.- et un revenu sans invalidité de CHF 42'026.-.

b. L’assurée conteste le revenu sans invalidité retenu par l’OAI, qui ne tient pas compte du treizième salaire prévu par la Convention collective de travail, ni des pourboires, et devrait dès lors être augmenté à CHF 49'091.-.

Il y a toutefois lieu de constater que les pourboires ne sont pris en compte pour l’évaluation du revenu sans invalidité, que s’ils sont soumis aux cotisations paritaires (8C_514/2012 consid. 4.2 ; Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI) n° 3023.1). Or, le montant pris en compte par l'OAI correspond au salaire déclaré par l'employeur de l'assurée, soit un montant de CHF 40'800.- (CHF 3'400.- x 12 mois), indexé à CHF 42'026.- en 2016.

c. Pour établir le revenu d’invalide, l'OAI s'est à juste titre référé aux données statistiques de l'Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS 2016 ; tableau TAI, tous secteurs confondus (total), femmes, activités simples et répétitives, niveau 1), soit un montant de CHF 154'581.- (CHF 4'363.-/40 heures x 41,7 heures x 12 mois), réduit à CHF 43'665.- vu la diminution de rendement de 20%.

L'assurée reproche à l'OAI de n'avoir tenu compte d’aucun taux d’abattement, alors qu’elle présente des limitations fonctionnelles neuropsychologiques et psychiatriques. Il convient toutefois de rappeler que la baisse de rendement de 20% a précisément été retenue pour tenir compte de ses limitations fonctionnelles.

d. Les revenus pris en considération par l'OAI ne peuvent en conséquence qu'être confirmés.

23.    a. En vertu des art. 28 al. 1 et 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à la date dès laquelle l’assuré a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne pendant une année sans interruption notable et qu’au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins, mais au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29 al. 1 LPGA. Selon l’art. 29 al. 3 LAI, la rente est versée dès le début du mois au cours duquel le droit prend naissance.

En cas de décision simultanée sur l'octroi d'une rente et son remplacement par une autre rente ou même sa suppression, le changement est régi par l'art. 88a RAI, lequel prévoit que, si la capacité de gain ou la capacité d'accomplir les travaux habituels d'un assuré s'améliore ou que son impotence ou le besoin de soins découlant de l'invalidité s'atténue, il y a lieu de considérer que ce changement supprime, le cas échéant, tout ou partie de son droit aux prestations dès qu'on peut s'attendre à ce que l'amélioration constatée se maintienne durant une assez longue période. Il en va de même lorsqu'un tel changement déterminant a duré trois mois déjà, sans interruption notable et sans qu'une complication prochaine soit à craindre (al. 1).

La modification du droit à la rente n'intervient qu'après l'écoulement de trois mois complets (ATAS/218/2017 du 21 mars 2017 consid. 23b).

b. En l'occurrence, de novembre 2012 à juin 2016, l’assurée a présenté une capacité de travail nulle quelle que soit l’activité envisagée. Elle ne peut toutefois prétendre à aucune prestation pour cette période du fait que sa demande de prestations a été déposée en mars 2016 (art. 29 al. 1 LAI).

c. De juin 2016 à octobre 2019, sa capacité de travail est de 50% dans toute activité. Il en découle un degré d’invalidité de 48% ouvrant le droit à un quart de rente d’invalidité de septembre 2016 (art. 29 al. 1 LAI) à fin décembre 2019 (art. 88a RAI).

d. La comparaison entre le revenu exigible (CHF 43'665.-) et celui sans invalidité pour une capacité de travail à 100% avec une diminution de rendement de 20% (CHF 42'026.-) conduit à un taux d'invalidité nul, à compter d’octobre 2019.

24.    Aussi le recours est-il partiellement admis, en ce sens que l’assurée a droit à un quart de rente d’invalidité de septembre 2016 à décembre 2019.

 

 


PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant

À la forme :

1.        Déclare recevable le recours.

Au fond :

2.        L’admet partiellement, en ce sens que l’assurée a droit à un quart de rente d’invalidité de septembre 2016 à décembre 2019.

3.        Condamne l’OAI à verser à l’assurée la somme de CHF 2’000.-, à titre de participation à ses frais et dépens.

4.        Met un émolument de CHF 200.- à la charge de l'OAI.

5.        Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

La greffière

 

 

 

 

Nathalie LOCHER

 

La présidente

 

 

 

 

Doris GALEAZZI

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le