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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1022/2002

ATA/881/2003 du 02.12.2003 ( TPE ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : LOGEMENT; LOGEMENT SOCIAL; SURTAXE; REVENU DETERMINANT; ALLOCATION FAMILIALE; FRAIS DE VOYAGE; TPE
Normes : LGL.31C al.1 litt.a
Résumé : Contestation du revenu déterminant pris en considération par l'OCL. L'OCL a commis une faute de calcul en annualisant le revenu et a ajouté ex nihilo des allocations familiales au revenu des locataires. Par ailleurs, les frais de déplacement forfaitaires ne sont pas déductibles du revenu en application de l'art. 31C al. 1 litt a LGL.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 2 décembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur et Madame R__________ et __________ R__________

représentés par l'ASLOCA - VOLTAIRE

 

 

 

contre

 

 

 

 

OFFICE CANTONAL DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur et Madame N__________ et __________ R__________ sont locataires, depuis le 1er décembre 1997, d'un appartement subventionné de 4 pièces, sis ______________ à Châtelaine, qu'ils ont occupé avec deux enfants puis, dès juillet 2002, avec trois enfants.

 

Le loyer annuel de l'appartement s'élevait à CHF 13'512.-- jusqu'au 29 février 2002, puis à CHF 14'304.-- depuis le 1er mars 2002.

 

Monsieur R__________ travaille comme chef d'équipe pour l'entreprise Z__________ ___________ à Aarau. Madame R__________ est employée à Genève par l'entreprise R__________ ___________ S.A.

 

2. Le 26 avril 2002, l'office cantonal du logement (ci-après : l'office) a notifié à M. et Mme R__________ une décision de surtaxe rétroactive pour la période du 1er octobre 2000 au 31 mai 2002, d'un montant total de CHF 3'427.--. Il a également notifié une surtaxe pour la période du 1er juin 2002 au 31 mars 2003, d'un montant mensuel de CHF 115,25.

 

3. Le 24 mai 2002, M. et Mme R__________ ont formé réclamation contre la décision de l'office et ont contesté la prise en compte de frais de déplacement dans la détermination du revenu brut.

 

4. Le 26 septembre 2002, l'office a rendu une décision sur réclamation, par laquelle était déduite du revenu brut des époux R__________ en 2000, 2001 et 2002 le versement d'une pension alimentaire de CHF 3'000.-- et, du revenu 2000, une somme de CHF 7'280.-- de frais divers. Le montant des surtaxes pour 2000 et 2001 était resté quasiment inchangé, tandis que le montant de la surtaxe mensuelle due pour 2002 a été considérablement augmenté, atteignant CHF 441,60 puis, suite à la naissance du 3ème enfant, CHF 364,30.

 

5. Par lettre du 23 octobre 2002, M. et Mme R__________ ont recouru auprès du tribunal administratif (cause A/1022/2002). Ils ont contesté le montant du revenu brut pris en considération par l'office pour l'année 2002. Ce courrier tenait lieu de recours contre la décision sur réclamation du 26 septembre 2002.

 

Plus précisément, les époux R__________ ont contesté :

 

- Le montant des salaires annuels bruts retenus par l'office;

- Le versement d'allocations familiales à Mme R__________, qui n'apparaissaient pas sur les feuilles de salaires; M. R__________ a lui reçu des allocations familiales de son employeur, aux montants fixés par le canton d'Argovie;

- L'absence de déduction de frais de déplacement et de frais divers pour M. R__________ à hauteur de CHF 10'150.--.

 

6. L'office a conclu au rejet du recours : les montants retenus pour le calcul de la surtaxe ne sauraient être remis en cause dès lors qu'ils étaient intégralement démontrés par pièces.

 

7. Sur demande du juge délégué, M. R__________ a précisé qu'en 2002, il avait travaillé sur le chantier du CERN, situé à Meyrin, et qu'il avait dû s'y rendre en voiture, puisqu'il travaillait en équipe (horaire 3 x 8). En outre, il a précisé que le règlement interne de l'entreprise Z__________ concernant le remboursement des frais correspondait aux dispositions de la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse pour le bâtiment / gros oeuvre 1998 - 2000, du 13 février 1998 (ci-après : CN 2000) ainsi qu'à celles de l'annexe 12 de la CN 2000 "Convention pour les travaux souterrains" en sa teneur du 4 mai 2001 (ci-après : annexe 12/2001).

 

Sur demande du juge délégué également, l'administration des caisses d'allocations familiales et de prévoyance sociale de la Fédération des entreprises romandes (Genève) a affirmé, par courrier du 28 octobre 2003, ne pas avoir versé d'allocations familiales à Mme R__________ pour son activité en 2002.

 

8. Le 18 février 2003, l'office a notifié une nouvelle surtaxe pour la période allant du 1er avril 2003 au 31 mars 2004. Le revenu brut retenu s'élevait à CHF 152'274.-- et la surtaxe mensuelle à CHF 404,90 dès le 1er avril 2003.

 

Le 19 mars 2003, les époux R__________ ont formé réclamation contre cette décision. Ils ont contesté le revenu brut pris en considération pour la nouvelle surtaxe et prié l'OCL de se référer aux chiffres et aux pièces produits dans la procédure A/1022/2002.

 

9. Le 6 août 2003, l'office a pris une décision sur réclamation modifiant la taxation avec effet au 1er avril 2003. Le seul élément revu tenait à la déduction de la pension versée aux parents de Mme R__________, pour un montant de CHF 3'000.--.

 

10. Le 2 septembre, les époux R__________ ont interjeté recours (cause A/1643/2003), pour les mêmes motifs que ceux soulevés dans leur réclamation du 19 mars 2003. En annualisant leurs salaires du premier semestre 2003 et en déduisant la pension alimentaire versée, ils ont évalué leur revenu brut 2003 à CHF 133'441.--. Ils ont encore précisé que ces chiffres étaient donnés sous réserve de l'issue de la procédure pendante. Pour le surplus, les arguments avancés par les parties dans la cause A/1643/2003 étaient les mêmes que dans la cause A/1022/2002. Les recourants ont encore relevé dans leur réplique du 21 novembre 2003 que l'office prétendait de manière parfaitement infondée qu'ils auraient perçu deux fois les allocations familiales, une fois sur le salaire de M. R__________ (CHF 150.-- par enfant), et une fois sur le salaire de Mme R__________ (CHF 200.-- par enfant).

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjetés en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Se rapportant à des causes juridiques identiques, les recours A/1022/2002 et A/1643/2003 seront joints en application de l'article 70 alinéa 1 LPA.

 

3. Le tribunal administratif relève que les recourants ne contestent ni le principe de la surtaxe, ni les surtaxes prononcées pour les années 2000 et 2001. Seuls restent litigieux les revenus déterminants pris en compte pour le calcul de la surtaxe des années 2002 et 2003.

 

Le revenu brut 2002 sera examiné en premier lieu. Trois éléments en sont contestés : le montant du salaire annuel de la recourante, le versement d'allocations familiales à la recourante et la déduction des frais de déplacement et de frais divers pour le recourant.

 

4. Au moment où l'office reconsidère sa décision du 26 avril 2002, elle fixe le revenu déterminant pour 2002 en annualisant les salaires des premiers mois de l'année. Cette manière de procéder a été consacrée par la jurisprudence du tribunal administratif (ATA K. du 23 août 1995). L'office commet cependant une simple erreur de calcul en divisant par 5 au lieu de 6 les salaires reçus de janvier à juin 2002, ce qui augmente la projection du revenu annuel de la recourante, qui passe ainsi de CHF 35'118.-- à CHF 42'142.--. Cette erreur est confirmée par le certificat de salaire annuel établi le 16 décembre 2002 par l'employeur, qui se monte effectivement à CHF 35'038,15. C'est donc ce dernier chiffre qui doit être retenu.

 

5. L'intimé comptabilise dans le revenu des recourants une somme de CHF 7'200.-- qui aurait été versée à la recourante au titre d'allocations familiales. Force est de constater que ce montant n'est attesté par aucune pièce, contrairement à ce qu'allègue l'office dans ses écritures.

 

Selon l'article 9 alinéa 2 de la loi genevoise sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF -J 5 10), les allocations ne sont pas dues si le même enfant ouvre droit à des prestations familiales en vertu d'une autre législation.

 

La caisse d'allocations familiales de l'employeur, genevois, de la recourante a confirmé ne rien lui avoir versé en 2002 pour son activité à Genève. Le montant de CHF 7'200.-- retenu ex nihilo par l'intimé est donc infondé.

 

6. La déduction des frais de déplacement et de frais divers a déjà été examinée à plusieurs reprises par le tribunal administratif.

 

En principe, le revenu déterminant pour le calcul de la surtaxe, tel qu'il est défini à l'article 31C alinéa 1 lettre a de la loi générale sur le logement et la protection des locataires du 4 décembre 1977 (LGL - I 4 05), correspond à l'ensemble des ressources financières, y compris les allocations diverses, les suppléments pour travaux spéciaux, la participation à l'assurance-maladie, etc. En prévoyant dans la LGL uniquement des déductions forfaitaires, le législateur a expressément entendu exclure les autres déductions admises par l'administration fiscale, telles que les frais de déplacement ou les frais pharmaceutiques.

 

Le tribunal administratif a, d'une manière très restrictive, assoupli cette rigueur en admettant que les frais étroitement et directement liés à l'acquisition du revenu, d'une manière telle qu'ils constituaient une dépense indispensable à son obtention, pouvaient être déduits (ATA S. du 22 juin 1993; ATA B. du 27 mai 1997).

 

a) En l'occurrence, le recourant travaille uniquement sur des chantiers de construction de tunnels. Dans son écriture du 28 janvier 2003, il prend argument de cette spécificité pour dire qu'il est amené à se déplacer dans toute la Suisse et que ces déplacements engendrent des frais supplémentaires importants de trajets, de nourriture et de logement qui ne sont même pas couverts par les indemnités versées. Si tel a pu être le cas pour les années précédentes (non litigieuses en cette cause), le recourant n'a travaillé en 2002 que sur le chantier du CERN à Meyrin, proche de son domicile. Il n'est donc pas nécessaire d'examiner plus avant cet argument.

 

Une attestation de salaire établie par l'employeur du recourant le 21 octobre 2002 indique le versement d'indemnités forfaitaires de CHF 40.-- par jour et de CHF 100.-- par semaine pour les déplacements. Le 28 octobre 2003, l'employeur précise que le règlement interne de l'entreprise se fonde sur la convention nationale, qui prévoit le versement des frais divers et des frais de déplacement (art. 54 CN 2000 et art. 12 annexe 12/2001) quel que soit le lieu de travail en Suisse.

 

Selon la jurisprudence du tribunal administratif (ATA B. déjà cité), les frais forfaitaires ne peuvent être déduits du revenu au sens de la LGL. En effet, la justification de leur lien avec l'acquisition des revenus n'est pas assez étroite, et l'utilisation des indemnités forfaitaires ne peut être contrôlée par l'administration.

 

Les montants payés au titre de "frais de déplacement" et de "frais divers" doivent donc être considérés comme partie intégrante du revenu du recourant au sens de l'article 31C alinéa 1 lettre a LGL.

 

7. En résumé, le revenu brut des recourants pour l'année 2002 doit être calculé comme suit :

 

- salaire du recourant (y compris

les "frais de déplacement",

les "frais divers" et les

allocations familiales) CHF 102'275.--

- salaire de la recourante + CHF 35'038.--

- pension alimentaire versée - CHF 3'000.--

Total CHF 134'313.--

 

dont il faut déduire les montants forfaitaires prévus à l'article 31C alinéa 1 lettre a LGL, soit CHF 27'500.-- de janvier à juillet 2002, et CHF 32'500.-- dès août 2002 pour obtenir le revenu déterminant pour le calcul de la surtaxe, qui s'élève à CHF 104'728.-- pour l'année 2002.

 

8. En ce qui concerne les revenus de l'année 2003, les mêmes problèmes se posent.

 

a) Le salaire de la recourante a été incorrectement annualisé par l'intimé qui refait la même erreur de calcul. Le montant qui doit être retenu, calculé sur la base de feuilles de salaire de janvier à juin 2003, s'élève à CHF 38'301,90.

 

b) Le salaire du recourant doit être calculé comme suit: le salaire annualisé, y compris les allocations familiales (CHF 36'580.-- / 6 x 13 = CHF 79'256,70) auquel s'ajoutent les frais annualisés (CHF 12'489,55 / 6 x 12 = CHF 24'979.--), soit une projection annuelle se montant à CHF 104'235,70.

 

c) De même que pour l'année 2002, les montant versés au titre des frais de déplacement ou de frais divers ne peuvent être déduits du revenu brut, en application de l'article 31A alinéa 1 lettre a LGL et conformément à la jurisprudence établie en la matière.

 

d) La pension versée aux parents de la recourante doit être déduite du revenu brut, soit un montant de CHF 3'000.--.

 

e) Aucune pièce ne permet de penser que la recourante aurait reçu des allocations familiales en 2003. Le montant de CHF 7'200.-- retenu par l'intimé est à nouveau totalement infondé.

 

9. En résumé, le revenu brut des recourants pour l'année 2003 s'établit comme suit:

 

- salaire du recourant (y compris

les "frais de déplacement",

les "frais divers" et les

allocations familiales) CHF 104'235.--

- salaire de la recourante + CHF 38'801.--

- pension alimentaire versée - CHF 3'000.--

Total CHF 139'537.--

dont il faut déduire le montant forfaitaire de CHF 32'500.--, pour obtenir le revenu déterminant pour le calcul de la surtaxe, qui s'élève à CHF 107'037.-- pour l'année 2003.

 

10. Le recours sera ainsi partiellement admis et les causes renvoyées à l'intimé pour le nouveau calcul de la surtaxe au sens des considérants. En application de l'article 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (E 5 10.03), il n'y a pas lieu de percevoir un émolument. Les recourants n'ayant pas demandé d'indemnité de procédure, il ne leur en sera pas allouée.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevables les recours interjetés les 23 octobre 2002 et 2 septembre 2003 par Monsieur et Madame R__________ et __________ R__________ contre les décisions de l'office cantonal du logement des 26 septembre 2002 et 6 août 2003;

 

au fond :

 

les admet partiellement;

 

annule la décision du 23 octobre 2002 en tant qu'elle concerne l'année 2002;

 

annule la décision du 6 août 2003;

 

renvoie le dossier à l'autorité intimée pour le calcul de la surtaxe au sens des considérants;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité, ni perçu d'émolument;

communique le présent arrêt à l'ASLOCA - VOLTAIRE, mandtaire des recourants, ainsi qu'à l'office cantonal du logement.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni , Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

N. Mega