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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/135/2002

ATA/756/2002 du 03.12.2002 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; COMPTABILITE COMMERCIALE; DEDUCTION; PERTE; DECLARATION D'IMPOT; FIN
Normes : ALCP.21 litt.a
Résumé : Rappel des conditions d'une déduction d'une perte commerciale. En l'espèce, il n'appartenait pas à l'autorité de reconstituer la comptabilité commerciale des recourants ni de déterminer les montants non annoncés par ces derniers, en se fondant sur les données apparaissant dans leur déclaration et ses nombreuses annexes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 3 décembre 2002

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur T__________

Madame T__________

représentés par M. Claude Charmillot, expert fiscal

auprès de SFF Family Office S.A.

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

1. Madame T__________ et son époux, Monsieur T__________, tous deux de nationalité suisse, sont contribuables à Genève. M. T__________ exerce notamment une activité commerciale dans le domaine de l'immobilier et est propriétaire de plusieurs immeubles.

 

2. Au cours des années, les époux T__________ ont rempli leurs déclarations d'impôts à l'intention de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC).

 

a. Le 29 septembre 1995, ils ont transmis à l'AFC, assortie de diverses annexes, leur déclaration 1995 concernant les revenus réalisés en 1994; celle-ci laisse apparaître un revenu et une fortune nulles. Une taxation provisoire leur a été notifiée le 29 octobre 1996, sur laquelle ne figure aucun revenu et aucune fortune.

 

A la lecture de l'avis de taxation valant attestation fiscale, il n'est pas fait mention d'un report de pertes. Toutefois, un certain nombre de chiffres figurant sur la déclaration ont été modifiés par l'AFC.

 

b. Pour les impôts de l'année 1996 (revenus réalisés en 1995), les époux T__________ ont transmis à l'AFC des documents similaires. Selon la taxation provisoire, le revenu et la fortune étaient toujours nuls. L'avis de situation établi par l'AFC mentionnait une perte et un passif commercial déclarés et retenus de CHF 1'473'534.-.

 

c. Pour l'année 1997 (revenus réalisés en 1996), les documents remis à l'AFC par les époux T__________ étaient similaires, avec des revenus et fortune nuls. Sur l'avis de situation établi par l'AFC figurait une rubrique "pertes et passif commercial", déclarés par les contribuables et retenus par l'AFC, de CHF 21'119'404.-.

 

Ultérieurement, un bordereau rectificatif a été notifié aux contribuables, duquel les éléments susmentionnés sont absents.

 

d. Pour l'année 1998 (revenus réalisés en 1997), les époux T__________ ont à nouveau rempli leur déclaration pour l'impôt cantonal, communal et fédéral direct, à laquelle ils ont joint un certain nombre de feuilles annexes à celles figurant dans la déclaration.

 

Il résulte de la taxation provisoire notifiée aux contribuables le 19 juin 1999 que leurs revenus et fortune étaient nuls. Dans l'avis de situation étaient mentionnées des pertes reportées, annoncées par le contribuable et retenues par l'AFC, en CHF 41'016'136.-.

 

Un bordereau rectificatif a été notifié aux époux T__________ le 27 octobre 1999, modifiant en particulier les pertes reportées : L'AFC avait en effet retenu un montant de CHF 13'561'354.-; seuls les éléments comptabilisés avaient été pris en compte pour déterminer les pertes reportées.

 

3. Le 9 décembre 1999, les époux T__________ ont élevé réclamation auprès de l'AFC, qui l'a rejetée le 8 février 2000.

 

Ils ont alors saisi la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission) le 6 mars 2000. En substance, ils exposaient qu'ils avaient subi une perte commerciale de CHF 9'619'776.- en 1994, qui ressortait de la déclaration remise pour l'année 1995. En tenant compte de la perte de CHF 9'601'027.- ressortant de la déclaration 1995, de celle de CHF 6'001'487.- ressortant de la déclaration 1996 et de CHF 25'413'622.- ressortant de la déclaration 1997, le total déductible au titre du report des pertes pour l'impôt cantonal était de CHF 41'016'136.-, et non de CHF 13'561'354.- comme l'AFC l'avait retenu. Cette différence impliquait une réduction particulièrement importante du report de pertes commerciales à valoir pour l'année fiscale 1999.

 

4. Le 13 décembre 2001, la commission a rejeté le recours. L'article 21 lettres l et m de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) permettait de reporter les pertes commerciales des trois exercices fiscaux précédant l'exercice en question, ce qui présupposait que lesdites pertes avaient été admises en déduction, mais que les revenus du contribuable n'avaient pas été suffisants pour les absorber. L'AFC n'avait admis des pertes que pour les années 1996 et 1997, et pas en 1995. Ces décisions étaient entrées en force.

 

5. a. Les époux T__________ ont saisi le Tribunal administratif d'un recours le 7 février 2002.

 

Il ressortait de la déclaration déposée en 1995 - qui contenait des éléments privés et commerciaux dont la différence était mentionnée dans la déclaration - que la perte commerciale pertinente pour la déclaration 1995 était de CHF 9'616'776.-. Le fait que la perte reportée de 1995 n'ait pas été mentionnée dans les déclarations 1996 et 1997 n'empêchait pas d'en demander la déduction annuelle dans la déclaration 1998. De plus, l'AFC avait omis de transmettre les avis de modification de taxation pour les années 1995 et 1996. La déclaration 1996 mentionnait une perte commerciale de CHF 6'021'746.-, dont CHF 20'259.- d'éléments privés, et non de CHF 1'473'534.- retenus par la commission.

 

b. L'AFC s'est opposée au recours le 8 mars 2002. Le report de pertes était directement lié aux pertes prises en considération dans les taxations précédentes. Durant les années 1995 à 1998, M. T__________ n'avait pas produit de comptabilité commerciale au sens des articles 957 et suivants du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO - RS 220). La déclaration 1995 ne faisait état d'aucune activité indépendante pour cette année-là, et l'AFC avait retenu les chiffres mentionnés dans la déclaration des contribuables pour les années suivantes. Les bordereaux concernant les années fiscales 1995, 1996 et 1997 étaient entrés en force. Dès l'année 1995, les époux T__________ avaient reçu un avis de taxation énumérant exhaustivement les éléments retenus par l'AFC. Le recours devait être rejeté.

 

6. a. Entendus en comparution personnelle le 9 juillet 2002, les recourants ont confirmé qu'ils n'avaient pas établi de comptabilité commerciale proprement dite, si bien qu'il n'y avait pas eu de pertes inscrites en 1995, ni de pertes reportées jusqu'en 1998. Cette manière de procéder avait été admise par l'AFC, qui n'avait pas exigé de comptabilité. Pour déterminer la perte de l'année 1995, il suffisait que l'AFC fasse la balance entre les divers montants indiqués sur les feuilles "E1", "F1", "G" et "G 2".

 

b. L'AFC a relevé qu'aucun chiffre ne figurait sur la feuille "B", qui n'avait pas été remplie. Si elle l'avait été, les pertes auraient été reportées. Le taxateur n'avait pas la feuille "G" en main au moment où il avait procédé à la taxation.

 

c. Les recourants et le département ont été invités à vérifier les chiffres relatifs aux reports de pertes retenus par leur partie adverse.

 

7. a. Le 19 août 2002, les époux T__________ ont indiqué au tribunal que les calculs effectués par l'AFC étaient corrects, tout en insistant sur le fait qu'ils maintenaient leur désaccord avec la position de l'AFC.

 

b. Le 9 septembre 2002, l'AFC a indiqué être d'accord avec les produits annoncés par le contribuable pour les années fiscales 1995, 1996 et 1997. Pour l'année fiscale 1998, elle avait retenu un montant de loyers encaissés de CHF 13'260'980.-.

 

En ce qui concernait les charges des années fiscales concernées, les montants articulés n'étaient pas vérifiables, car aucun justificatif n'avait été produit. Pour l'année fiscale 1996, l'AFC n'admettait qu'un montant de CHF 220'999.- pour la commission fiduciaire et pour l'année 1998, elle avait retenu une provision de CHF 2'085'304.- en lieu des CHF 1'986'814.- articulés par les contribuables.

 

L'AFC a insisté sur le fait que cette vérification n'impliquait pas qu'elle accepte la position des contribuables.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Ainsi que les parties l'admettent et conformément à la jurisprudence et aux règles régissant l'application du droit dans le temps (ATA AFC du 12 novembre 2002, parmi beaucoup d'autres), la présente affaire doit être étudiée sous l'angle des dispositions légales applicables au moment des faits et non à l'aune des nouvelles dispositions fiscales entrées en vigueur le 1er janvier 2001.

 

3. a. Selon l'article 21 lettre l aLCP, le contribuable peut déduire de son revenu brut les pertes commerciales de l'exercice déterminant. Comme la jurisprudence l'a déterminé (ATA B. du 31 janvier 2001 et les références citées), deux conditions cumulatives sont nécessaires pour que cette déduction soit admise :

 

- Le contribuable doit exercer son activité en la forme commerciale;

 

- Il doit tenir régulièrement une comptabilité au sens des articles 957 et suivants CO.

 

b. L'article 21 lettre m aLCP autorise, pour sa part, la déduction des pertes commerciales comptabilisées des trois exercices commerciaux précédent ledit exercice déterminant pour la part qui n'a pas pu être déduite dans la taxation de l'année antérieure.

 

Il ressort de l'arrêt précité que les pertes reportées doivent avoir été comptabilisées et que les revenus du contribuable n'aient pas été suffisants pour les absorber.

 

4. a. En l'espèce, les parties admettent que les époux T__________ n'ont pas tenu de comptabilité commerciale au sens des articles 957 et suivants CO, ce qui devrait empêcher toute déduction de pertes commerciales et, en conséquence, toute déduction de report de telles pertes, ces dernières étant inexistantes.

 

b. Même en tenant compte de la pratique de l'AFC qui, concrètement, a admis le report des pertes des années fiscales 1996 et 1997 en l'absence d'une comptabilité commerciale, le Tribunal administratif doit constater que, pour l'année 1995, aucun revenu, ni perte d'une activité indépendante n'ont été annoncés à l'autorité sur la feuille "B" de la déclaration d'impôts, précisément destinée à cela. Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, il n'appartient pas à l'autorité de reconstituer la comptabilité commerciale qu'ils n'ont pas tenue, ni de déterminer les montants qu'ils n'ont pas annoncés en se fondant sur les autres données apparaissant dans la déclaration remise et dans ses nombreuses annexes.

 

Ainsi, le recours sera rejeté, les conditions nécessaires à ce qu'une déduction d'une perte commerciale pour l'année fiscale 1995 n'étant pas remplies. Cette absence de déductibilité implique que lesdites pertes ne peuvent être reportées sur les exercices fiscaux postérieurs.

 

5. Au surplus, il serait vain de déterminer si les bordereaux d'impôts 1995 et 1996 sont devenus définitifs ou non du fait de l'absence d'avis de modification notifié aux contribuables, ce d'autant que ces derniers ne contestent pas les calculs de l'AFC en soi, mais uniquement, et à tort, le mode de faire de cette dernière.

 

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

 

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge des époux T__________, qui succombent.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 7 février 2002 par Monsieur T__________ et Madame T__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 13 décembre 2001;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge des recourants un émolument de CHF 2'000.-;

 

communique le présent arrêt à M. Claude Charmillot, expert fiscal auprès de SFF Family Office S.A., mandataire des recourants, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega