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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/361/2000

ATA/719/2000 du 21.11.2000 ( CE ) , REJETE

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; AUTORISATION(EN GENERAL); PRESTATION PERIODIQUE; ESCALIER; PERTURBATEUR; PERTURBATEUR PAR SITUATION; CE
Normes : LCI.139
Résumé : Les différentes mesures et sanctions prises en vertu de la LCI, et en particulier la redevance prévue à l'art. 139 LCI, doivent être dirigées contre le perturbateur. Doit être considérée comme perturbateur la société qui intervient notamment à chaque demande d'autorisation comme requérante, malgré la présence d'une entreprise générale. Nouvelle compétence du TA en matière de LCI. Le Tribunal administratif est désormais compétent pour connaître des recours en matière de redevance prononcée par le Conseil d'Etat en application de l'article 139 LCI. Comme les différentes mesures et sanctions prises en vertu de la LCI, la redevance doit être réclamée au perturbateur. En l'espèce, doit être considérée comme perturbateur, la société qui intervient notamment à chaque demande d'autorisation comme requérante malgré la présence d'une entreprise générale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 21 novembre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

A. S.A.

représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ETAT

 



EN FAIT

 

1. a. A. S.A. a entrepris des démarches en 1996 en vue de la construction d'un groupe de villas sur la parcelle n° 000, feuille 0, de la commune du Grand-Saconnex, propriété de la masse en faillite de M. B..

b. Le 24 juillet 1996, A. S.A. a signé un contrat d'agence avec la société Maisons A. S.A. (ci-après : A.), de siège à M.. Selon l'article 2 du contrat, A. donnait mandat à l'agent qui acceptait de vendre les produits constitués de maisons individuelles sur catalogue, commercialisés sous la marque "maisons A.", propriété de A.. L'article 2 alinéa 3 du contrat spécifiait qu'aucun lien de subordination n'existait entre A. et l'agent. L'agent devait, pour chaque affaire conclue, transmettre à A., dans les meilleurs délais, le dossier de vente comportant les différentes pièces et documents nécessaires à son suivi afin que A. puisse préparer le dossier client définitif (art. 3 al. 5). Il n'était pas autorisé à percevoir des fonds de clients, toutes les transactions financières devant être exécutées auprès de A..

 

c. Le 20 septembre 1996, A. S.A. a déposé, par l'intermédiaire de M. F., architecte, une demande d'autorisation de construire six villas contiguës à l'adresse chemin des Corbillettes 36-36A-36B-38-38A-38B.

 

d. Parallèlement, elle a trouvé des personnes intéressées par l'acquisition d'un terrain et qui s'engageaient à conclure un contrat d'entreprise générale avec A. pour la réalisation de leur villa.

2. Le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) a délivré l'autorisation de construire DD 94'513 à A. S.A., le 17 mars 1997.

 

3. Le 8 décembre 1997, M. F. a informé le département qu'il n'était plus mandataire de la société A. S.A., que la plaque d'autorisation avec tous les documents y relatifs ainsi que les formulaires d'ouverture de chantier avaient été remis à la société requérante A. S.A. Il priait le département de s'adresser directement au requérant pour la réalisation des travaux et indiquait que les villas étaient en construction, à l'état brut, et que le choix des matériaux serait transmis par A. S.A.

 

4. Suite à un contrôle révélant que les plans visés ne varietur relatifs à une des villas n'étaient pas respectés, le département a, par lettre recommandée du 12 décembre 1997, invité A. S.A. à solliciter une autorisation complémentaire et a ordonné l'arrêt du chantier dès le 1er janvier 1998 jusqu'à l'aboutissement de ladite requête.

 

5. Une demande complémentaire pour des modifications diverses du projet initial a été déposée par A. S.A. le 5 janvier 1998.

 

6. a. Le 6 janvier 1998, le département a réclamé à A. S.A. le nom de son nouveau mandataire professionnellement qualifié.

 

b. Il a pris note le 14 janvier 1998 qu'A. S.A. avait mandaté M. E., domicilié chez A. S.A.. Il soulignait que le suivi des dossiers se ferait sous la seule responsabilité de ce dernier qui serait tenu pour l'interlocuteur du département.

 

7. a. Lors d'un contrôle effectué le 26 mai 1999 en vue de la délivrance du permis d'occuper, l'inspecteur de la police des constructions a constaté que, dans cinq villas, la largeur des escaliers d'accès au sous-sol ainsi qu'aux étages variait entre 77 et 80 cm et n'était donc pas conforme à la réglementation en vigueur.

b. Une amende de CHF 5'000.-- a été infligée le 3 juin 1999 à M. E. par le chef du département en application de l'article 137 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Le montant de l'amende tenait compte qu'à deux reprises déjà le service de la police des constructions avait constaté des infractions qui avaient dû être régularisées ce qui était incompatible avec le statut de mandataire professionnellement qualifié. Par ailleurs, le chef du département invitait M. E. à requérir auprès du Conseil d'Etat le maintien à titre précaire des escaliers.

 

c. Aucun recours n'a été interjeté contre cette décision et A. S.A. a payé l'amende.

 

8. Le complément à l'autorisation de construire a été accepté par le département le 21 octobre 1998.

 

9. a. Le 8 juin 1999, le département a imparti un délai de trente jours à M. E. pour formuler une requête auprès du Conseil d'Etat pour le maintien à titre précaire de la largeur insuffisante des escaliers et pour prolonger les mains courantes sur toute la longueur des escaliers d'accès aux sous-sols des cinq villas.

 

b. Cette lettre a été retournée au département par télécopie du 10 juin 1999 munie du timbre humide de A. S.A. et avec une mention destinée à A. "faire le nécessaire. Urgent" pour les mesures ordonnées par le département relatives au prolongement des mains courantes.

 

c. Précédemment, A. S.A. avait déjà transmis à A. les observations du département. Ainsi, par courrier daté du 21 octobre 1997, A. S.A. avait demandé à A. de mettre tout en oeuvre pour que les travaux puissent continuer dans les règles de l'art et selon les recommandations de la police des constructions, inspection des chantiers. Elle précisait que tous les problèmes qui pourraient surgir du non-respect des réglementations en vigueur seraient pris entièrement à la charge de A. et ceci à la décharge complète de la société A. S.A.. De même, lors de la constatation de la non-conformité de la largeur des escaliers, A. S.A. avait prié A. de prendre contact avec l'inspecteur de la police des constructions pour régler ce problème au plus vite.

 

10. Le 10 juin 1999, A. S.A., sous la plume de M. E., a sollicité une autorisation à titre précaire du maintien des escaliers non conformes au permis de construire et aux lois en vigueur. Elle indiquait que les escaliers avaient été construits par l'entreprise générale A. et que le plan de base remis à l'architecte pour l'obtention du permis de construire mentionnait une largeur de 92 cm.

 

11. a. Par courrier du 2 novembre 1999, le département a informé les propriétaires des villas concernées que les escaliers d'accès au sous-sol et aux étages n'étaient pas conformes aux dispositions légales et qu'A. S.A. avait déposé une demande de maintien à titre précaire des escaliers en l'état. En cas d'octroi de l'autorisation du maintien à titre précaire, l'article 139 LCI prévoyait le paiement d'une redevance dont ils seraient, en leur qualité de propriétaires, débiteurs conjointement et solidairement avec A. S.A.. Un délai leur était imparti pour se déterminer sur la requête d'A. S.A..

 

b. Par l'intermédiaire de leur avocat, quatre des cinq propriétaires ont fait savoir qu'ils acceptaient la demande de maintien à titre précaire, à la condition expresse que toute amende ou redevance soit mise à la charge exclusive des constructeurs. Le constructeur, A., leur avait assuré qu'il ferait son affaire de toute réclamation, amende ou pénalité décidée par le Département en raison de la non-conformité des escaliers.

 

12. Par arrêté du 1er mars 2000, le Conseil d'Etat a admis, à titre précaire, le maintien des escaliers d'accès au sous-sol et aux étages des villas et a condamné A. S.A. au paiement d'une redevance annuelle de CHF 2'000.- pour une durée de dix ans, payable globalement par un versement de CHF 20'000.-. Il a relevé que la société A. S.A., en sa qualité de mandataire professionnellement qualifié, répondait, avec le constructeur, de la non-conformité des ouvrages.

 

13. A. S.A. a saisi le Tribunal administratif d'un recours le 30 mars 2000. Elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêté attaqué et, subsidiairement, à la réduction à CHF 5'000.- de la redevance annuelle. Elle ne disposait dès le moment de la vente des parcelles d'aucun moyen juridique lui permettant d'intervenir. Un contrat d'entreprise générale avait été conclu entre les nouveaux propriétaires et A., elle-même n'avait pas la faculté de contrôler la bonne exécution des travaux. Elle n'était pas partie à la procédure, la responsable étant A.. Subsidiairement, si elle devait être tenue pour punissable, le règlement d'application de la LCI devait être taxé de désuet, la redevance était exagérée et devait être réduite à CHF 5'000.-- au maximum.

 

14. Le département conclut au rejet du recours. Au regard du texte de l'article 139 LCI et de la systématique des articles 137 et suivants de la LCI on se trouvait dans une logique de sanction, dès lors la décision devait être dirigée contre le perturbateur. A. S.A. avait eu pendant la procédure d'autorisation mais également pendant la phase de construction des villas un rôle décisif. Elle avait été l'interlocutrice principale du département. Elle était au moins perturbateur par situation. Quant au montant de la redevance, le but du maintien à titre précaire était d'éviter la démolition. En l'espèce, les coûts qu'auraient généré la démolition-reconstruction auraient été nettement plus considérables que le montant fixé pour la redevance, celle-ci était dès lors tout à fait raisonnable.

 

 

EN DROIT

 

1. Avant la réforme de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05) et l'abrogation de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 (LTA), en matière LCI, seules les décisions au fond de la commission de recours LCI (art. 8 al. 1 ch. 104 LTA et 149 al. 1 LCI) et les décisions du département des travaux publics et de l'énergie ordonnant des mesures ou des sanctions (art. 8 al. 1 ch. 105 LTA et 150 LCI) pouvaient faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif. Le tribunal de céans n'était dès lors pas compétent pour connaître d'un recours contre une autorisation à titre précaire délivrée par le Conseil d'Etat en application de l'article 139 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

 

Depuis le 1er janvier 2000, le Tribunal administratif est l'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 56A al. 1 LOJ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Le recours au Tribunal administratif est ouvert contre les décisions des autorités et juridictions administratives, au sens des articles 4, 5, 6, alinéa 1, lettre c et 57, de la LPA, sauf exception prévue par la loi (art. 56A al. 2 LOJ). Selon l'article 56B LOJ le recours au Tribunal administratif n'est pas recevable contre les décisions pour lesquelles le droit fédéral ou une loi cantonale prévoit une autre voie de recours.

 

L'article 145 LCI prévoit que toute décision prise par le département en application de la présente loi ou des règlements prévus à l'article 151 peut être déférée à la commission de recours, l'article 150 étant réservé. Conformément à l'article 150 LCI lorsque des travaux sont entrepris sans autorisation, le recours contre la mesure ou la sanction doit être formé au Tribunal administratif.

 

La question de savoir si, avec la modification de la LOJ et l'abrogation de la LTA, l'autorisation à titre précaire ainsi que la redevance prononcées par le Conseil d'Etat en vertu de l'article 139 LCI tombent désormais sous le coup de l'article 150 LCI peut rester indécise, le recours devant de toute manière être déclaré recevable en application de la clause générale de compétence en faveur du Tribunal administratif.

2. La recourante prétend que la construction des villas a fait l'objet d'un contrat d'entreprise signé entre les propriétaires et A. et qu'elle-même n'avait pas le pouvoir de contrôle sur l'exécution des travaux. Elle est à tort partie de la procédure, la seule responsable étant A..

Il convient donc de déterminer dans un premier temps si la recourante pouvait être condamnée au paiement d'une redevance au regard des dispositions de la LCI étant précisé que les rapports de droit civil entre les différents protagonistes ne sont pas pertinents dans la présente procédure.

 

3. L'article 139 LCI qui traite de la redevance est intégré dans le chapitre I du titre VI intitulé "sanctions administratives". Selon l'alinéa 1 de cet article, lorsqu'une construction ou une installation n'est pas conforme à l'autorisation donnée ou si, entreprise sans autorisation, elle n'est pas conforme aux prescriptions légales, le Conseil d'Etat peut la laisser subsister, à titre précaire, si elle ne nuit pas à la sécurité, à la salubrité ou à l'esthétique, moyennant le paiement, en plus de l'amende, d'une redevance annuelle dont il fixe le montant et la durée selon la gravité de l'infraction.

4. Selon une jurisprudence constante, les différentes mesures et sanctions prises en vertu de la LCI doivent être dirigées en principe contre le perturbateur. Le perturbateur est celui qui a occasionné un dommage ou un danger par lui-même ou par le comportement d'un tiers relevant de sa responsabilité (perturbateur par comportement), mais aussi celui qui exerce sur l'objet qui a provoqué une telle situation un pouvoir de fait ou de droit (perturbateur par situation; ATA SI A.-C. et La G.I. du 21 décembre 1999 et les arrêts cités).

La recourante est apparue à différents stades de la procédure d'autorisation et de construction des villas. Initiatrice du projet, elle a entrepris les démarches nécessaires pour la construction des six villas contiguës. Elle a requis et obtenu l'autorisation de construire et a déposé la demande complémentaire. C'est elle encore qui a sollicité l'autorisation de maintien à titre précaire des escaliers non conformes à la législation en vigueur. Elle est ainsi intervenue à chaque demande d'autorisation comme requérante. La recourante est également intervenue en nommant M. E. comme mandataire. A cette occasion, elle n'a émis aucune réserve lorsque le département a exprimé de façon claire que les dossiers se feraient sous la seule responsabilité de ce dernier qui serait son unique interlocuteur. De même, lors des différents contrôles effectués par le département, elle n'a pas contesté sa responsabilité ou précisé que la construction des villas était l'oeuvre de A. et qu'elle-même ne disposait d'aucun moyen pour intervenir et a transmis les constatations du département à A. en lui demandant d'y donner suite. Enfin, aucun recours n'a été interjeté contre l'amende infligée par le chef du département qu'elle a payée. On relèvera encore que la correspondance était effectuée au moyen de son papier-en-tête ou munie de son timbre humide.

 

Au vu de tous ces éléments, il faut admettre que c'est bien la recourante qui est intervenue vis-à-vis du département tant pendant la procédure d'autorisation que pendant la phase de construction comme maître de l'ouvrage. Peu importe de savoir si la recourante avait ou non un pouvoir de contrôle sur la bonne exécution des travaux, son rôle étant de loin suffisant pour la considérer comme perturbatrice par situation au regard de la LCI. C'est donc à juste titre que le Conseil d'Etat l'a condamnée au paiement de la redevance.

 

5. Subsidiairement, la recourante se plaint du montant de la redevance.

 

Selon l'article 139 alinéa 1 in fine LCI le montant et la durée de la redevance doivent être fixés en tenant compte de la gravité de l'infraction. L'alinéa 2 précise que la redevance doit être au moins égale au bénéfice annuel résultant de l'infraction et que sa durée ne peut être supérieure à 30 ans.

 

L'article 52 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses, entré en vigueur le 23 mars 1978, fixe à 0,9 m. la largeur minimale des escaliers pour les villas (al. 1). Cet article a été revu lors de la révision de septembre 1998 et, contrairement à ce que soutient la recourante, il n'existe aucun motif permettant de le déclarer désuet.

 

Dans le cas d'espèce, la largeur des escaliers dans les villas varie entre 77 et 80 cm. L'infraction peut donc être qualifiée de moyenne, même si elle a été constatée dans cinq villas. En fixant la redevance à CHF 2'000.-- pour une durée de 10 ans, soit CHF 20'000.--, payable en une fois, ce qui correspond à un montant total, par villa, de CHF 4'000.--, le Conseil d'Etat n'a pas outrepassé son pouvoir d'appréciation et a correctement appliqué la loi.

6. En tous points mal fondé le recours doit être rejeté. Un émolument de CHF 1'000.-- sera mis à la charge de la recourante.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 30 mars 2000 par A. S.A. contre la décision du Conseil d'Etat du 1er mars 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge de A. S.A. un émolument de CHF 1'000.--;

 

communique le présent arrêt à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges, M. Bonard, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj.: le vice-président :

 

C. Goette Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci