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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/561/2001

ATA/718/2001 du 13.11.2001 ( VG ) , ADMIS

Descripteurs : FONCTIONNAIRE ET EMPLOYE; COMMUNE; RESILIATION; MISE A LA RETRAITE; RETRAITE; COMPETENCE; PROCEDURE ADMINISTRATIVE; TRIBUNAL ADMINISTRATIF; VG
Normes : LAC.86A
Résumé : Le refus de la VG de permettre à un employé de 62 ans de continuer de travailler comme auxiliaire fixe (comme le permet le statut du personnel de la VG) constitue une résiliation des rapports de service ou une mise à la retraite anticipée ouvrant la voie de recours au TA (85 LAC). La VG est obligée de maintenir les rapports de service de ses employés au delà de 62 ans dès l'instant où ceux-ci ont droit à une rente de 40 % au plus, sous réserve d'un licenciement ou d'une mise à la retraite anticipée justifiés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 13 novembre 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur J.-C. S.

représenté par Me Soli Pardo, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

VILLE DE GENÈVE

représentée par Me Lorella Bertani, avocate



EN FAIT

 

1. Monsieur J.-C. S., né le 12 mai 1939, a été engagé le 1er avril 1985 par la Ville de Genève en qualité d'auxiliaire fixe. Il a été nommé fonctionnaire le 1er juillet 1987.

 

2. M. S. a souffert de problèmes de santé, qui l'ont empêché de travailler pendant la première partie de l'année 2000. Entre le 15 août et le 12 décembre 2000, il a travaillé à mi-temps. Depuis lors, sa capacité de travail est totale.

 

3. M. S. a atteint l'âge de la retraite statutaire à la fin du mois de mai 2001. Il a demandé, le 23 janvier 2001, à pouvoir être mis au bénéfice de l'article 99 du Statut du personnel de l'administration communale de la Ville de Genève du 3 juin 1986 (LC 21 151; ci-après : le statut), dont l'alinéa 4 dispose que "le fonctionnaire dont le taux de rente à la Caisse d'assurance du personnel est de 40% au plus, peut poursuivre son activité. Il est alors engagé en qualité d'auxiliaire fixe jusqu'à l'âge de 65 ans au plus tard".

 

4. Par courrier recommandé du 2 mai 2001, le conseil administratif de la Ville de Genève n'a pas autorisé M. S. à prolonger son activité au-delà de l'âge de 62 ans. Son taux de retraite, à cet âge-là, serait de 32,5%. L'article 70 alinéa 3 du règlement du personnel auxiliaire fixe précisait que le conseil administratif ne pouvait accorder une prolongation à l'auxiliaire fixe que s'il jouissait d'une capacité de travail normale pour son âge. Or, entre le 10 décembre 1998 et la fin décembre 2000, l'intéressé avait totalisé 436 jours d'absence pour cause de maladie. Il avait été absent 364 jours entre le 15 novembre 1999 et le 12 novembre 2000.

 

5. Par acte remis dans un bureau de l'entreprise La Poste le 5 juin 2001, M. S. a recouru auprès du Tribunal administratif, autorité compétente pour connaître des décisions rendues par une autorité communale en matière de résiliation des rapports de service.

 

M. S. a reproché au conseil administratif de la Ville de Genève de lui avoir signifié la fin de leurs rapports de service alors qu'une disposition du statut lui donnait le droit de poursuivre son activité sans que la Ville n'ait un pouvoir discrétionnaire à cet égard. L'article cité par le conseil administratif de la Ville de Genève ne visait que les personnes qui, au moment d'atteindre l'âge de la retraite, travaillaient en qualité d'auxiliaires fixes et non celles au bénéfice du statut de fonctionnaire. Au surplus, le règlement ne pouvait déroger aux statuts du personnel.

 

De plus, même s'il avait rencontré des ennuis de santé durant l'année 1999, il jouissait d'une capacité de travail entière depuis le mois de décembre 2000.

 

6. La Ville de Genève a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours pour des raisons de compétence et subsidiairement à son rejet.

 

Selon l'article 86A de la loi sur l'administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05), la voie de recours au Tribunal administratif n'était ouverte qu'en cas de mesures disciplinaires, de problèmes de certificats de travail, de résiliation des rapports de service, de mise à la retraite anticipée, la liste étant exhaustive. Aucune disposition statutaire ne prévoyait la possibilité de recourir au Tribunal administratif, sauf en cas de licenciement et pour certaines sanctions disciplinaires.

 

Or, la décision litigieuse n'était ni un licenciement, une sanction disciplinaire ou une mise à la retraite anticipée, mais la constatation de la fin d'une relation de travail par l'écoulement du temps et du refus de la Ville de Genève d'embaucher M. S. en qualité d'auxiliaire fixe.

 

Quant au fond, la Ville de Genève a relevé que M. S. n'avait pratiquement pas occupé sa fonction dans les deux années précédentes. Au surplus, il a demandé à ne plus l'occuper pour des motifs de santé, ce qui avait amené son employeur à lui confier diverses missions ponctuelles. Dans ces circonstances, il n'était pas arbitraire d'estimer que M. S. n'était plus apte à exercer ses fonctions.

 

La Ville de Genève a encore relevé qu'elle avait pris des mesures pour que le taux de retraite de M. S. soit augmenté au moment de son départ à 62 ans.

 

 

EN DROIT

 

1. Selon l'article 56B alinéa 4 lettre a de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 ( LOJ - E 2 05), le recours au Tribunal administratif est ouvert contre des décisions concernant les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel des communes, dans la mesure où une disposition légale, réglementaire ou statutaire spéciale le prévoit.

 

L'article 86A LAC prévoit que le recours au Tribunal administratif est ouvert contre les décisions d'une autorité communale en matière de mesures disciplinaires, de certificat de travail, de résiliation des rapports de service, de mise à la retraite anticipée et d'application de la loi fédérale sur l'égalité entre hommes et femmes du 24 mars 1985 (LEG - RS 151; art. 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 - CEDH - RS 0.101) et cela, sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce.

 

2. Selon l'article 99 du statut, les fonctionnaires ayant atteint l'âge de 62 ans cessent de faire partie de l'administration municipale. Ceux dont le taux de rente à la caisse d'assurance du personnel est de 40% au plus peuvent poursuivre leur activité. Ils sont alors engagés en qualité d'auxiliaires fixes jusqu'à l'âge de 65 ans au plus tard.

 

L'article 70 du règlement du personnel auxiliaire fixe de l'administration municipale du 14 janvier 1987 (ci-après : RPAF) prévoit que l'auxiliaire ayant atteint l'âge de 62 ans cesse ses activités. Si le taux de rente à la caisse d'assurance du personnel est de 40% au plus, il peut poursuivre son activité jusqu'à l'âge de 65 ans révolus au plus tard. L'alinéa 3 de cette disposition prévoit que le conseil administratif peut accorder cette prolongation à l'auxiliaire qui jouit d'une capacité de travail normale pour son âge.

 

3. Au vu de ce qui précède, il est en premier lieu nécessaire de déterminer si la décision du conseil administratif de la Ville de Genève de refuser à M. S. la possibilité de continuer à oeuvrer pour la commune en tant que personnel auxiliaire fixe constitue une résiliation de service ou une mise à la retraite anticipée, permettant de recourir au Tribunal administratif.

 

Tel semble bien être le cas en l'espèce. En effet, le texte de l'article 99 des statuts, rappelé ci-dessus, ne laisse aucune marge d'interprétation. Lorsqu'un fonctionnaire atteint l'âge de 62 ans et que son taux de rente à la caisse d'assurance du personnel est égal à 40% ou moins, il a la possibilité de poursuivre son activité sans que la Ville de Genève ne puisse s'y opposer. Contrairement à ce que souhaite l'intimée, le statut ne prévoit pas la possibilité, pour le conseil administratif, de refuser cette prolongation lorsque le fonctionnaire rencontre des problèmes de santé atteignant sa capacité de travail d'une façon anormale pour son âge.

 

Dès lors, dans la mesure où M. S. désire continuer à oeuvrer pour la Ville de Genève, le refus de cette dernière de le garder dans son personnel doit être considéré comme étant équivalent à une résiliation des rapports de service ou à une mise à la retraite anticipée ouvrant la voie de recours au Tribunal administratif.

 

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

4. Le fait que le recours soit recevable emporte en l'espèce, d'une manière automatique, son admission. En effet, le conseil administratif de la Ville de Genève ne dispose d'aucune marge de manoeuvre face au fonctionnaire qui, ayant droit à une rente de 40% au plus, désire continuer à travailler en qualité d'auxiliaire fixe. L'article 99 des statuts oblige la Ville à l'engager. Pour s'en séparer, l'employeur doit suivre la procédure prévue par les statuts pour un licenciement, cas échant pour une mise à l'invalidité.

 

5. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, sans qu'il ne faille de donner à la Ville de Genève la possibilité de compléter ses écritures au sujet de l'absence d'arbitraire d'un refus d'embauche ou pour faire constater la réelle capacité de travail de M. S.. Ces éléments n'apparaissent en effet pas, en l'état, pertinents.

 

6. Vu l'issue du litige, une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée à M. S., à la charge de la Ville de Genève. Aucun émolument de procédure ne sera perçu.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 5 juin 2001 par Monsieur J.-C. S. contre la décision du Ville de Genève du 2 mai 2001;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision litigieuse;

 

renvoie la cause à la Ville de Genève au sens des considérants;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue une indemnité de CHF 1'500.- à M. S., à la charge de la Ville de Genève;

 

communique le présent arrêt à Me Soli Pardo, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Lorella Bertani, avocate de l'intimée.

 



Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges, M. Mascotto, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci