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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/602/1997

ATA/692/1997 du 11.11.1997 ( TPE ) , ADMIS

Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; AUTORISATION PREALABLE; PERMIS DE DEMOLIR; MOYEN DE DROIT; COLLABORATION ENTRE AUTORITES; ORGANISATION(PROCEDURE); PROCEDURE; TPE
Normes : LCI.146 al.1
Résumé : Nécessité de délivrer simultanément une autorisation préalable de construire et une autorisation de démolir (assortie d'une condition suspensive), afin de respecter le principe de coordination. Il n'est possible d'attaquer une autorisation de démolir qu'au moment où celle-ci est formellement décidée et publiée et non pas au moment où son "principe" est accepté dans le cadre de l'autorisation préalable de construire. Il conviendrait que l'administration publie simultanément l'autorisation préalable de construire et l'autorisation de démolir, en assortissant cette dernière d'une condition suspensive consistant en l'octroi de l'autorisation de construire définitive ayant acquis force de chose décidée.
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 11 novembre 1997

 

 

dans la cause

 

 

Madame M. W. et Monsieur M. V.

 

et

 

ACTION PATRIMOINE VIVANT

 

 

contre

 

 

COMMISSION DE RECOURS LCI

 

et

 

DEPARTEMENT DES TRAVAUX PUBLICS ET DE L'ENERGIE

 

et

 

Monsieur J. M.

représenté par Me Jean-Pierre Carera, avocat


EN FAIT

 

1. Mme A. M. est propriétaire de la parcelle..., feuille 3 de la commune de Confignon, sise route de S.. Cette parcelle se situe en zone 4B protégée au sens des articles 19 alinéa 2 et 30 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30).

 

2. Le 23 décembre 1993, le frère de Mme M., Monsieur J. M., représenté par le bureau d'architectes B., a déposé auprès du département des travaux publics et de l'énergie (ci-après : le DTPE) une requête préalable en autorisation de construire (dossier DP ..) se rapportant, selon l'intitulé de celle-ci, à la démolition d'une ancienne ferme et à la construction de quatre maisons mitoyennes sur la parcelle ....

 

3. Le 19 avril 1994, le service des monuments et des sites (ci-après : le SMS) a émis un préavis défavorable à la démolition de l'ancienne ferme, dite ferme M., située sur la parcelle ...

La qualité générale de l'ensemble bâti, dont les origines remontaient vraisemblablement au seizième siècle, se traduisait encore par la présence, dans les maçonneries, d'éléments tels que niches et encadrements. L'assemblage très dense des volumes de mas formait un ensemble rural de grande qualité dans un site très en vue, en continuité du groupement voisin, église et cure (bâtiments classés). Toutefois, au vu des interventions successives ayant marqué l'évolution de ce mas, un projet qui s'appuierait sur le maintien des seules maçonneries structurant cet ensemble pouvait être envisagé.

 

4. Dans son préavis du 27 avril 1994, la commune de Confignon n'a soulevé aucune objection.

 

5. Le service cantonal d'archéologie a estimé, le 12 août 1994, que le mas appartenait à une implantation remontant à la fin du Moyen-Age, avec un bâti de maisons étroites et contiguës. L'ensemble du mas avait été considérablement remanié au cours des temps et jusqu'à une période récente, tout en gardant une substance modeste mais intéressante. Ce secteur du village de Confignon était encore partiellement préservé. Ainsi, si des travaux importants, voire une destruction, devaient être menés dans ce mas, le service cantonal d'archéologie devrait être informé à temps pour pouvoir effectuer une série d'analyses de détails qui permettraient de reconnaître la valeur architecturale de certains éléments pouvant éventuellement être intégrés dans le futur projet.

 

6. Le 17 août 1994, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) a rendu un préavis défavorable.

 

La destruction de la ferme M. déstructurerait complètement le mas villageois, situé à proximité de l'église et de la cure. Les conditions pour l'octroi d'une dérogation en application de l'article 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) n'étaient pas réunies, les distances entre les constructions étant insuffisantes. Par contre, un projet au programme moins dense en logements, qui serait mieux adapté au caractère particulier du lieu et qui pourrait favoriser des activités artisanales, serait envisageable.

 

7. Par décision du 1er novembre 1994, publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : F.A.O.) du 4 novembre 1994, le DTPE a délivré l'autorisation préalable requise au sens de l'article 5 alinéa 1 LCI. La description de l'objet concerné était "construction de 4 maisons mitoyennes - parkings", tant dans la décision que dans la publication de la F.A.O..

 

Selon les plans visés "ne varietur" le 1er novembre 1994, l'autorisation de construire préalable impliquait la démolition de la ferme M..

 

L'autorisation préalable de construire DP .. est entrée en force.

8. Le 20 décembre 1995, M. M. a adressé au DTPE une demande d'autorisation de démolir la ferme située sur la parcelle n° ... (dossier M 4263).

9. Le 7 juin 1996, M. M. a adressé au DTPE une demande d'autorisation de construire (dossier DD ..) définitive concernant la même parcelle, relative à la construction des quatre maisons mitoyennes.

 

10. La CMNS et le SMS ont pris acte de la délivrance de l'autorisation préalable, le SMS ajoutant que le choix des matériaux et des teintes devait lui être soumis pour approbation avant le début des travaux et que, dès l'obtention de l'autorisation, contact devait être pris avec le service cantonal d'archéologie.

 

11. Les autres services consultés ainsi que la commune de Confignon ont émis un préavis favorable.

 

12. Par décision du 12 novembre 1996, publiée dans la F.A.O. du 15 novembre 1996, le DTPE a délivré l'autorisation de construire requise. Par décision du même jour, le DTPE a délivré l'autorisation de démolir la ferme M..

 

13. Par acte du 5 décembre 1996, Monsieur M. V., propriétaire de la parcelle n° .. et copropriétaire de la parcelle n° .., feuille 3 du cadastre de la commune de Confignon, de même que Madame M. W., propriétaire de la parcelle n° .., feuille 3 du cadastre de la commune de Confignon, ont recouru auprès de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après : commission de recours LCI) contre les autorisations de démolir et de construire précitées.

 

Cette ferme, plus que centenaire et qui faisait partie du patrimoine de la commune, pouvait être aménagée pour accueillir plusieurs familles, au lieu d'être détruite. Le bâtiment, loin d'être la ruine décrite par le requérant et le DTPE, pouvait en effet être rénové et restructuré, de manière à permettre l'aménagement d'appartements modernes, conformes aux normes d'habitabilité. Le coût de tels travaux n'avait pas à être pris en compte : seul importait le fait que ceux-ci étaient possibles et permettaient de préserver le site. En outre, les constructions envisagées n'étaient pas en harmonie avec le style du hameau.

La décision du DTPE, qui reposait sur des considérations économiques, sans égard pour la protection du patrimoine de la commune et le respect du site, violait l'article 106 LCI.

 

14. Par acte du 16 décembre 1996, l'Association Patrimoine Vivant (ci-après : APV) a également recouru, tant contre l'autorisation de construire que contre l'autorisation de démolir précitées.

 

Son recours portait principalement sur l'autorisation de démolir contre laquelle elle n'avait pas pu recourir au niveau de l'autorisation préalable de construire, puisque l'autorisation de démolir n'avait pas été délivrée à ce moment-là. D'après la jurisprudence relative à la maison Europa, le recours contre la délivrance d'une autorisation préalable de construire ne permettait pas à l'autorité de recours de se prononcer sur la légitimité d'une démolition, en l'absence d'une autorisation de démolir; cette question ne pouvait donc qu'être examinée lors de la délivrance d'une telle autorisation de démolir, dans le cadre de la délivrance de l'autorisation de construire définitive.

 

Le recours formé contre l'autorisation de construire était donc formé à titre subsidiaire; en effet, l'annulation de l'autorisation de démolir entraînerait celle de l'autorisation de construire définitive, nonobstant l'existence d'une autorisation préalable entrée en force. Cette situation mettait en évidence le problème de la simultanéité de la délivrance des autorisations de construire.

 

15. Par décision du 8 mai 1997, la commission de recours LCI a rejeté ces recours.

 

Le projet ayant fait l'objet de l'autorisation préalable de construire DP .. était le même que celui ayant donné lieu aux autorisations définitives de construire DD .. et de démolir M ... L'autorisation préalable de construire DP .. concernait ainsi tant la démolition de la ferme M. que la construction des quatre maisons mitoyennes. Or, à teneur de l'article 5 alinéa 1 LCI, un recours dirigé contre une autorisation définitive, précédée d'une autorisation préalable en force, ne pouvait porter sur les objets tels qu'agréés par celle-ci.

 

16. Par acte posté le 26 juin 1997, Mme W. et M. V. ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif (cause n° A/602/1997-TPE). Ils ont conclu à son annulation ainsi qu'à l'annulation de l'autorisation de démolir n° M ... "Subsidiairement", ils ont conclu à ce que toute la procédure d'autorisation soit annulée pour vice de forme, s'il devait apparaître, après vérification, que M. M. ne bénéficiait pas d'une procuration valable faite par sa soeur au moment du dépôt de sa requête en autorisation préalable de construire n° DP ... En outre, ils ont conclu à ce qu'il soit examiné si la promesse de vente de la parcelle .., intervenue en cours de procédure, était de nature à en provoquer l'annulation.

 

La commission de recours LCI avait violé son devoir d'instruire. Lors du transport sur place qu'elle avait organisé, elle n'avait examiné la ferme M. que sommairement et partiellement. M. M. n'avait pas prouvé avoir agi au moyen d'une procuration de sa soeur. En outre, M. M. avait agi à l'insu des autorités en charge de son dossier de requêtes en autorisation, puisqu'il avait effectué une promesse de vente à un groupe de quatre familles désirant réaliser leur projet de construction de quatre logements familiaux.

 

L'autorisation de construire préalable, publiée dans la F.A.O. du 4 novembre 1994, était incomplète puisqu'elle ne mentionnait pas la démolition de la ferme M.. L'objet agréé par l'autorisation préalable de construire, passée en force, se limitait à la construction de quatre maisons mitoyennes et parking. Le recours, en tant qu'il concernait la démolition de la ferme M., ne portait donc pas sur un objet agréé par l'autorisation préalable.

 

17. Par acte posté le 30 juin 1997, APV a également recouru contre la décision de la commission de recours LCI du 8 mai 1997 (cause n° A/618/1997 - TPE). Elle a conclu, préparatoirement, à ce qu'un transport sur place soit et, principalement, à l'annulation de la décision attaquée ainsi que des autorisations de construire n° ... et de démolir n° M ...

 

Une autorisation préalable ne portait que sur un projet de construction, non sur une démolition. La pratique constante du DTPE, en présence d'un projet de construction impliquant la démolition d'un bâtiment existant, consistait à réserver, lors de la délivrance d'une autorisation préalable portant sur le bâtiment futur, la décision portant sur la demande de démolition; l'autorisation de démolir était délivrée simultanément à l'autorisation définitive de construire. Le DTPE aurait certes pu prévoir un autre système, soit délivrer l'autorisation de démolir simultanément à l'autorisation préalable de construire, mais il ne l'avait pas fait. Le fait que le dossier de plans indiquait l'emplacement des bâtiments existants, ce qui correspondait à une obligation légale concernant le contenu des plans, ne signifiait pas que la requête portait également sur la démolition de ces bâtiments. La requête en autorisation de démolir faisait l'objet d'une procédure distincte de celle de l'autorisation préalable de construire.

 

La ferme M. devait être maintenue, pour les motifs exposés devant la commission de recours LCI, et qui avaient d'ailleurs été confirmés par la CMNS ainsi que par le SMS.

 

La décision attaquée devait donc être annulée et le dossier renvoyé à la commission de recours LCI pour qu'elle statue sur le fond de l'affaire.

 

18. Dans son mémoire de réponse, M. M. a conclu au rejet des recours.

 

Si l'implantation d'un projet présupposait une démolition, les conditions de cette démolition devaient être tranchées, autant que possible, au stade de l'autorisation préalable de construire. Les décisions subséquentes ne pouvaient plus que porter sur les détails des constructions et sur les modalités de la démolition qu'elles impliquaient. Décider autrement reviendrait à ôter toute utilité à l'autorisation préalable, "chaque fois que celle-ci devait impliquer la délivrance d'une autorisation définitive dont dépendait le sort du projet".

 

Les recourants ne prétendaient pas avoir été empêchés de recourir du fait du libellé de l'autorisation préalable.

 

La construction existante, compte tenu de sa vétusté, rendait problématique une reconversion aux fins de logement. L'habitation existante dans la ferme nécessiterait une restructuration et une rénovation complète. Le coût de transformation engendré par l'état de délitescence du bâtiment actuel était manifestement disproportionné au regard du coût d'une démolition-construction.

 

19. Le DTPE a fait siens les motifs de la commission de recours LCI.

 

Les recourants cherchaient à bénéficier d'une restitution du délai qui leur avait échappé lors de la publication de l'autorisation préalable.

L'objectif poursuivi par la pratique du DTPE était d'éviter qu'un immeuble ne soit démoli avant l'octroi de l'autorisation définitive de construction.

La ferme M. ne jouissait d'aucune protection particulière, tant au regard de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), que de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05).

 

20. A la demande du Tribunal administratif, le conseil de M. J. M. a versé à la procédure les documents suivants :

 

- une procuration signée par Mme A. M. devant notaire, constituant M. J. M. en tant que mandataire spécial afin de vendre, en pleine propriété, et aux clauses et conditions que le mandataire aviserait, la parcelle litigieuse et ses annexes au prix de CHF 650'000.--;

 

- une promesse de vente signée d'une part par M. J. M., pour le compte de sa soeur A. M. et, d'autre part, par M. C. H., M. B. S., Mme M. S., Mlle F. V., M. P. W. et Mme C. W., concernant la parcelle en question; la vente était promise à la condition expresse que M. J. M. obtienne l'autorisation de démolir le bâtiment N° .. et de construire un bâtiment de quatre logements en lieu et place, entrée en force, conformément à l'autorisation préalable N° ...

 

 

EN DROIT

 

1. a. En vertu de l'article 60 lettre b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1986 (LPA - E 5 10), les personnes parties à la procédure de première instance, de même que celles qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée ont qualité pour recourir.

 

b. Selon la jurisprudence, le voisin a qualité pour agir lorsque son terrain jouxte celui du constructeur ou se trouve à proximité immédiate et que le projet litigieux lui cause personnellement un préjudice de fait (ATF 112 Ib 170 consid. 5 b, p. 174; ATF 110 Ib 398 consid. 1b, p. 400; ATA K. du 24 juin 1997).

 

En l'espèce, la qualité pour recourir de Mme W. et de M. V. ne peut être contestée : ils sont propriétaires de parcelles directement voisines de la parcelle sur laquelle le projet est envisagé et sont touchés directement par les décisions attaquées.

 

c. Dans le cadre de la LPMNS, le Tribunal administra- tif a admis la qualité pour agir de l'APV (ATA APV du 17 décembre 1996 = SJ 1997 p. 449), relevant qu'elle compte près d'un millier de membres, domiciliés dans presque toutes les communes du canton. L'article 145 alinéa 3 lettre a LCI accordant la qualité pour agir aux associations d'importance cantonale au sens de l'article 63 LPMNS, la qualité pour recourir d'APV doit être admise, la parcelle étant située en zone protégée au sens des articles 104 et suivants LCI.

 

Dès lors, interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 8 ch. 104 de la loi sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits du 29 mai 1970 - LTA - E 5 05; art. 63 al. 1 let. a LPA).

 

2. Les recours se rapportant au même litige, leur jonction sera ordonnée (art. 70 LPA).

 

3. Selon l'article 11 chiffre 4 du règlement d'application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RALCI - L/5/4) toutes les demandes d'autorisation et les plans qui y sont joints doivent être signés et datés par le propriétaire de l'immeuble intéressé ou par un mandataire professionnellement qualifié.

 

Cette exigence est remplie en l'espèce, puisque tant la requête préalable en autorisation de construire que la demande définitive d'autorisation de construire et la demande définitive d'autorisation de démolir sont signées par un mandataire professionnellement qualifié. D'autre part, au vu des documents versés à la procédure, Mme A. M. avait donné pouvoir à son frère de la représenter dans le cadre des procédures liées à la vente de la parcelle en question. Ce dernier était dès lors autorisé à signer, dans la rubrique "propriétaire", lesdites requêtes.

 

4. Aux termes de l'article 22 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (RS 700 - LAT), aucune construction ou installation ne peut être créée ou transformée sans autorisation de l'autorité compétente.

 

Aux termes de l'article 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation (let. a) ni démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c).

 

Les formalités concrètes pour le dépôt des demandes préalables de construire, pour les demandes définitives de construire ainsi que pour les demandes de démolition sont traitées respectivement aux articles 7, 9 et 10 RALCI.

 

5. Aux termes de l'article 146 alinéa 1 LCI, le recours dirigé contre une autorisation définitive de construire, précédée d'une autorisation préalable en force, au sens de l'article 5 alinéa 1, ne peut porter sur les objets tels qu'agréés par celle-ci.

 

La demande préalable d'autorisation de construire tend à obtenir du département une réponse sur l'implan- tation, la destination, le gabarit, le volume et la dévestiture du projet présenté (art. 5 al. 1 LCI). Elle constitue une demande simplifiée qui peut être présentée avant le dépôt d'un projet définitif. Elle vise à épargner aux intéressés d'être contraints de dresser des plans de détail et à l'administration de compulser de tels plans, tant que les questions de principe n'auront pas été résolues (ATA J. du 1er juillet 1997; ATA S.I. R. S.A. du 22 août 1984; RDAF 1976, p. 126).

 

En l'espèce, il ressort de la lecture de l'intitulé de la requête d'autorisation préalable de construire que celle-ci portait sur la démolition d'une ancienne ferme et sur la construction de quatre maison mitoyennes.

 

Se fondant sur ce qui précède, les intimées affirment que l'autorisation de construire DP .. accordée à la suite de cette demande s'est donc prononcée sur la démolition de la ferme M. et qu'elle n'est par conséquent plus susceptible d'être revue à l'occasion d'un recours dirigé contre l'octroi de l'autorisation définitive de construire.

6. a. Dans une jurisprudence maintenant bien établie et ayant fait l'objet de nombreuses publications, le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions fondées, en tout ou en partie, sur le droit fédéral de l'environnement ou de l'aménagement du territoire. Ainsi, lorsque pour la réalisation d'un projet, différentes dispositions légales sont simultanément applicables et qu'il existe entre elles une imbrication telle qu'elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d'assurer leur coordination matérielle (ATF 118 Ib 381; 118 Ib 326; 117 Ib 35; 116 Ib 175; 116 Ib 50; 114 Ib 125; A. MARTI, Verfahrenrechtliche Möglichkeiten der Koordination bei der ersten Instanz, DEP 1991 pp. 226 ss; T. TANQUEREL/ R. ZIMMERMANN, Les recours, in Droit de l'environnement : mise en oeuvre et coordination, C.-A. MORAND éd., 1992, pp. 124-125). De l'exigence de coordination matérielle naît une obligation de coordi- nation formelle (ATF 117 Ib 325; 117 Ib 35; MEYLAN, op. cit., p. 183).

 

b. Se fondant sur cette jurisprudence, le Tribunal administratif a eu ainsi récemment l'occasion de préciser, s'agissant des abattages d'arbres, que cette question devait être réglée dans le cadre de la procédure fixant l'implantation d'un bâtiment, soit, cas échéant, dans le cadre de l'autorisation préalable de construire (ATA Association des habitants de Prieuré-Sécheron du 26 septembre 1995).

 

c. Les considérations qui précèdent au sujet de l'abattage des arbres valent mutatis mutandis pour ce qui est de la question d'une autorisation de démolir.

 

En d'autres termes, en présence d'une autorisation préalable de construire impliquant la démolition d'un bâtiment existant, c'est dans le cadre de cette première procédure que l'autorisation de démolir doit être obtenue. Seule une telle procédure permet de respecter les principes de coordinations matérielle et formelle.

Les intimés s'accordent d'ailleurs à admettre qu'en présence d'une autorisation préalable de construire impliquant la démolition d'un bâtiment existant, le "principe de la démolition" doit avoir été acquis dans le cadre de cette première procédure, sous peine de vider de sa substance l'autorisation préalable de construire. Il leur échappe cependant que, contrairement à l'autorisation de construire, une autorisation de démolition ne peut, par essence, être scindée en "principe de démolition", d'une part, et "modalités de la démolition", d'autre part.

 

d. En l'espèce, dans le cadre de l'autorisation préalable de construire, le service compétent n'a rendu aucune décision sujette à recours concernant la démolition de la ferme M.. Ni les préavis recueillis par les services consultés - qui, au demeurant, sont défavorables au projet -, ni les photographies et maquettes du site à détruire ne peuvent remplacer l'autorisation de démolition.

 

Il ne peut dès lors être considéré que le recours interjeté contre la délivrance de l'autorisation de démolir, à l'occasion de l'octroi de l'autorisation définitive de construire, porte sur des objets agréés par l'autorisation préalable de construire passée en force (art. 146 al. 1 LCI).

 

Le recours devra donc être admis et la décision de la commission de recours LCI annulée, la cause devant lui être renvoyée pour qu'elle examine le fond du litige, et en particulier, la validité de l'autorisation de démolir n° M 4263.

 

7. La pratique du DTPE qui consiste à juger, au niveau de l'autorisation préalable de construire, du "principe" de la démolition tout en ne délivrant l'autorisation de démolir elle-même que lors de l'autorisation définitive de construire ôte toute voie de recours aux personnes désireuses de s'opposer à l'autorisation de démolir. En effet, le "principe" de l'autorisation de démolir n'étant, juridiquement, pas attaquable, ce n'est donc qu'au moment de la délivrance de l'autorisation de démolir qu'il est possible de recourir. Se fonder alors, à l'instar du DTPE, sur l'article 146 alinéa 2 LCI pour prétendre que l'autorisation de démolir est couverte par l'autorisation préalable entrée force n'est donc pas soutenable.

 

Le DTPE justifie sa pratique par son souci d'éviter qu'un immeuble ne soit démoli avant l'octroi d'une autorisation définitive de reconstruction. Il est facile de pallier cette crainte en assortissant l'autorisation de démolir délivrée dans le cadre de l'autorisation préalable de construire d'une condition suspensive consistant en l'octroi de l'autorisation de construire définitive, ayant acquis force de chose décidée.

8. Le raisonnement qui précède est d'autant plus vrai en l'espèce que le département a lui-même modifié l'objet de la demande préalable en autorisation de construire, en supprimant, tant dans l'autorisation délivrée que dans la publication dans la F.A.O., la mention de la démolition d'une ancienne ferme.

 

9. Un émolument de CHF 1'000.-- sera mis à la charge de M. M..

 

Aucune indemnité ne sera allouée aux recourants, qui n'indiquent pas avoir exposé de frais.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable les recours interjetés le 26 juin 1997 par Madame M. W. et Monsieur M. V. et le 30 juin 1997 par Action Patrimoine Vivant contre la décision de la commission de recours LCI du 8 mai 1997;

 

préalablement :

 

ordonne la jonction des deux recours;

 

au fond :

 

les admet;

 

annule la décision de la commission de recours LCI du 8 mai 1997;

 

renvoie la cause à la commission de recours LCI afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnités;

 

met à charge de M. M. un émolument de CHF 1'000.--;

 

communique le présent arrêt à Madame M. W., à Monsieur M. V., à Action Patrimoine Vivant ainsi qu'à Me Carrera, mandataire de Monsieur J. M., à la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses et au département des travaux publics et de l'énergie.

 


Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Schucani, Mme Bonnefemme-Hurni, MM. Thélin, Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le greffier-juriste : la présidente :

 

O. Bindschedler L. Bovy

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le p.o. la greffière :

 

Mme J. Rossier-Ischi