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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/547/2000

ATA/66/2001 du 30.01.2001 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : PERMIS DE CONSTRUIRE; VILLA; AUTORISATION DEROGATOIRE(EN GENERAL); 5E ZONE; ESTHETIQUE; TPE
Normes : LCI.59 al.1; LCI.59 al.4 litt.a; LCI.1; LCI.14 al.1 litt.e
Résumé : Confirmation par le TA d'une autorisation de construire trois villas contiguës nécessitant une dérogation au sens de l'art. 59 al.4 litt.a LCI. Rappel de la jurisprudence sur la renonciation à l'administration des preuves requises (refus d'un nouveau transport sur place).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 30 janvier 2001

 

 

 

dans la cause

 

Monsieur Éric A.

Monsieur Maurice LOEW

Madame Suzanne W.

Monsieur Arturo P.

SOCIÉTÉ NOUVELLE DE PLACEMENTS ET D'INVESTISSEMENTS S.A.

représentés par Me François Bellanger, avocat

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

 

et

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

et

 

B. & M. SÀRL

représentée par Me Jean-Marc Siegrist, avocat

 



EN FAIT

 

 

1. Par requête publiée dans la Feuille d'avis officielle (FAO) du 12 mars 1999, le bureau d'architectes E. B. & P. P., pour le compte de la société B. & M. Sàrl (ci-après: B. & M.), a demandé l'autorisation de construire trois villas contiguës avec couverts à voitures (ci-après: le projet) sur la parcelle n° 4599, feuille 8 de la commune de Thônex (ci-après: la commune). Cette parcelle, d'une surface de 1'201 m2, appartient à Mme Eva S.; elle se trouve en cinquième zone au sens de l'article 19 alinéa 3 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) au chemin de la Béraille. Ce chemin est une desserte privée sans issue qui, au nord, débouche sur le chemin de Mapraz.

 

2. La propriété de Mme S. est entourée de parcelles construites. Au nord se trouve celle de M. Arturo P., à l'ouest celle de la Société nouvelle de placements et d'investissements S.A., et au sud celle de Mme Suzanne W.. À l'est et au nord-est, se trouvent, séparées par le chemin de la Béraille, celle de M. Maurice L. et celle de M. Éric A..

 

3. Le projet comporte trois villas formant un rectangle d'environ 10 mètres de largeur et 40 mètres de longueur (28 mètres si on ne tient pas compte des deux couverts à voitures adossés aux extrémités est et ouest des villas). La surface de plancher habitable représente 24,9 % de la surface du terrain. La partie habitable se constitue d'un rez-de-chaussée et d'un premier étage aménagé sous les combles.

 

4. Le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après: le département) a requis les préavis de la commune et de la commission d'architecture, le projet présenté nécessitant une dérogation au sens de l'article 59 alinéa 4 lettre a de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05).

 

5. Le 16 mars 1999, la commission d'architecture a indiqué qu'elle n'avait pas d'observation à formuler.

 

6. Le 23 mars 1999, la commune ainsi que l'office des transports et de la circulation (ci-après: OTC) ont émis chacun un préavis favorable.

 

7. Par décision du 29 juillet 1999 (DD 95'960), publiée dans la FAO du 4 août 1999, le département a autorisé la construction des villas.

 

8. Contre cette décision, M. Éric A., M. Maurice L., Mme Suzanne W., M. Arturo P. et la Société nouvelle de placements et d'investissements S.A. ont recouru le 3 septembre 1999 auprès de la commission de recours instituée par la loi sur les constructions et les installations diverses (ci-après: la commission). Ils ont demandé l'annulation de la décision entreprise ainsi que le refus de l'autorisation de construire.

 

9. Lors du transport sur place, la commission a constaté que la parcelle dont la construction était litigieuse et celles qui appartenaient aux recourants se trouvaient dans un quartier de villas d'habitation. Le caractère des constructions pouvait être qualifié de villas de type "Breccolini" ou de constructions usuelles dans le canton de Genève. Il existait aussi des constructions de type scandinave.

 

Par décision du 7 avril 2000, la commission a rejeté le recours. La décision en opportunité prise par le DAEL pour accorder la dérogation au rapport de surface apparaissait fondée. Quant au trafic généré par le projet, il ne créait pas une gêne durable au sens de l'article 14 LCI.

 

10. Le 18 mai 2000, les mêmes voisins ont recouru au Tribunal administratif contre la décision précitée. Ils concluent à son annulation et à celle de l'autorisation de construire du 4 août 1999. La commission aurait dû fonder sa décision en tenant compte du plan directeur de la commune, lequel constituait un préavis négatif. Le projet brisait l'unité et l'harmonie du quartier. L'accroissement du trafic généré par la construction de trois villas contiguës causait une gêne durable au sens de l'aricle 14 LCI. Pour ces motifs, la décision de la commission consacrait un excès de son pouvoir d'appréciation et une violation de l'article 59 alinéa 4 LCI, les conditions d'application de cette dernière disposition n'étant pas remplies.

11. Le 30 mai 2000, la commission a persisté dans les termes de sa décision, à laquelle elle n'avait rien à ajouter.

 

12. Dans sa réponse du 23 juin 2000, la société B. & M. conclut au rejet du recours.

 

13. Dans sa réponse du 29 juin 2000, le DAEL conclut également au rejet du recours. Les conditions nécessaires étant remplies, il n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en octroyant une dérogation au rapport des surfaces, pas plus que la commission en confirmant l'autorisation querellée.

 

14. Le 29 septembre 2000, le Tribunal administratif a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10) contre les décisions au fond prises par la commission en application de la LCI.

 

2. L'autorité peut renoncer à l'administration des preuves requises dont le résultat présumé n'apporterait pas d'éléments nouveaux (appréciation anticipée des preuves; ATF 120 Ib 224 consid. 2b p. 229 et arrêts cités).

 

En l'espèce, les pièces produites par les parties, notamment les prises de vue des maisons bordant le chemin de la Béraille ainsi que le procès-verbal de transport sur place de la commission du 17 mars 2000, constituent des éléments suffisants pour apprécier le caractère du quartier. Le Tribunal administratif renoncera ainsi à ordonner un nouveau transport sur place.

 

3. En vertu de l'article 59 alinéa 1 LCI, la surface de la construction, exprimée en m2 de plancher, ne doit pas excéder 20 % de la surface de la parcelle. Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, le département peut autoriser, après consultation de la commune et de la commission d'architecture, un projet de construction en ordre contigu dont la surface de plancher habitable n'excède pas 25 % de la surface du terrain (art. 59 al. 4 let. a LCI).

 

4. En l'espèce, autant le préavis de la commission d'architecture que celui de la commune sont positifs. Il est inexact de prétendre, comme le font les recourants, que ce dernier est négatif. En effet, le plan directeur communal dont ils se prévalent est un document de travail sans portée juridique (ATA B. du 29 août 2000) qui ne vise pas concrètement le projet litigieux, mais décrit de façon abstraite la politique de la commune en matière d'aménagement du territoire. De plus, il n'exclut pas a priori toute densification de la zone villas, mais prévoit de l'autoriser lorsqu'elle ne porte pas atteinte au quartier. Il convient ainsi d'admettre que le seul véritable préavis est celui du conseil administratif du 23 mars 1999, lequel est clairement positif.

 

5. L'article 59 alinéa 4 lettre a LCI contient une clause d'esthétique faisant appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées qui laissent à l'autorité de décision une certaine latitude de jugement (ATA S.-K. du 4 mars 1998). L'autorité de recours exerce un libre pouvoir de contrôle lorsqu'elle s'estime apte à trancher en connaissance de cause. En revanche, elle s'impose une certaine retenue lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est manifestement mieux en mesure qu'elle d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA S.-K. du 4 mars 1998). Enfin, la retenue que s'impose la juridiction cantonale est d'autant plus prononcée que les préavis sont unanimes (ATA M.-B. du 23 décembre 1997; ATA C.-M. du 15 octobre 1996).

 

Le Tribunal administratif ne reverra ainsi qu'avec retenue l'appréciation, par les autorités inférieures, de la compatibilité du projet avec l'harmonie du quartier. Il constate que tous les préavis sur lesquels se base la décision du département sont favorables au projet. En particulier, ni la commune, ni la commission d'architecture n'émettent de réserve quant à l'intégration du projet dans son environnement bâti. Quant à la commission de recours, qui a procédé à un transport sur place, elle précise que le caractère architectural et esthétique du projet n'amène aucune rupture dans le quartier. C'est la conclusion à laquelle parvient également le Tribunal administratif au vu des photographies jointes au dossier des recourants. En effet, les maisons bordant le chemin de la Béraille ne sont pas d'un style uniforme. Dès lors, il convient d'admettre, avec le département et la commission, que le projet ne met aucunement en péril l'unité et l'harmonie du quartier dans lequel sa réalisation est prévue. Ainsi, les autres conditions posées à l'octroi d'une dérogation au sens de l'article 59 alinéa 4 lettre a LCI n'étant plus contestées, les autorités inférieures n'ont pas violé cette disposition en autorisant le projet.

 

6. a. Le département peut refuser les autorisations prévues à l'article 1 LCI lorsqu'une construction ou une installation peut créer, par le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, une gêne durable pour la circulation (art. 14 al. 1 let. e LCI). Contrairement aux dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances, l'article 14 alinéa 1 lettre e LCI, qui tend à lutter contre un type de nuisances secondaires, conserve une portée propre (ATA C. du 9 janvier 2001).

 

b. Selon la jurisprudence du Tribunal administratif, l'accroissement du trafic routier, s'il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable, au sens de l'article 14 LCI (ATA L. du 7 mai 1996).

 

En l'espèce, l'OTC a donné un préavis favorable au projet. Il n'a émis qu'une seule réserve, qui concernait la largeur du débouché sur chemin de la Béraille et visait à garantir une visibilité acceptable. Ainsi, l'accroissement du trafic sur le chemin ne lui a pas paru poser de problèmes particuliers. Par ailleurs, le Tribunal administratif constate que les villas projetées sont dotées chacune d'un couvert à voitures, de sorte que la circulation ne devrait pas être perturbée par le stationnement de véhicules le long du chemin. Il observe également que le trafic supplémentaire engendré par la présence de nouveaux habitants dans le quartier est propre à la zone villas et donc conforme à la destination de cette zone. Pour le surplus, les recourants n'ont pas réussi à démontrer de façon convaincante que la construction de trois villas contiguës provoquerait un accroissement déraisonnable du trafic sur le chemin de la Béraille. Dans ces conditions, on ne saurait reprocher au département d'avoir abusé du large pouvoir d'appréciation que lui reconnaît l'article 14 LCI en décidant d'autoriser le projet, ni à la commission d'avoir confirmé cette décision.

 

7. Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

 

Un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

Une indemnité de CHF 1'500.- sera allouée à la société B. & M. qui a pris des conclusions en ce sens, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 18 mai 2000 par Monsieur Éric A., Monsieur Maurice L., Madame Suzanne W., Monsieur Arturo P. et la Société nouvelle de placements et d'investissements S.A. contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 7 avril 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 2'500.-;

 

alloue à la société B. & M. Sàrl une indemnité de CHF 1'500.-, à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement;

 

communique le présent arrêt à Me François Bellanger, avocat des recourants, à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, ainsi qu'à Me Jean-Marc Siegrist, avocat de la société intimée.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le président :

 

C. Goette D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci