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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/289/2000

ATA/610/2000 du 10.10.2000 ( IEA ) , REJETE

Recours TF déposé le 17.11.2000, rendu le 13.02.2001, IRRECEVABLE, 2A.522/00
Descripteurs : VITICULTURE; SURFACE D'ASSOLEMENT; IEA
Normes : LAgr.60; LVit.7
Parties : NEURY François / SERVICE DE L'AGRICULTURE
Résumé : Confirmation de la décision de la commission d'expert refusant l'autorisation de planter de la vigne sur le terrain du recourant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 10 octobre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur François NEURY

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DE L'AGRICULTURE

 



EN FAIT

 

 

1. Monsieur François Neury est propriétaire des parcelles 4'043 et 2'056 de la commune de Corsier, au lieu dit Les Groubeaux, feuille 44 de la comme de Corsier, représentant une surface d'environ 3'350 m2 pour la première et de 620 m2 pour la seconde.

 

Situées en zone agricole, ces parcelles sont comprises dans les surfaces d'assolement au sens de l'article 16 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700). Par ailleurs, elles ne sont pas incluses dans le cadastre viticole de la commune de Corsier.

 

2. Le 5 août 1999, M. Neury a adressé au service de l'agriculture une demande d'autorisation de planter de la vigne sur les parcelles précitées, qui disposaient d'une légère pente et étaient orientées au sud. Aucune végétation ne venait perturber l'ensoleillement. M. Neury a précisé qu'il existait sur ces parcelles ainsi que sur le bas de la parcelle 3791 une vigne qui avait été arrachée avant la création du cadastre viticole. Cet emplacement comportait en outre le même type de sol et de sous-sol que ses autres vignes, éloignées de quelque trois cents mètres, et avait une orientation similaire. L'emplacement choisi ne laissait aucun doute sur son potentiel qualitatif.

 

3. Dans le cadre de l'instruction de la demande, le service de l'agriculture a soumis le dossier à la commission cantonale d'experts du cadastre viticole (ci-après : la commission d'experts). Celle-ci s'est rendue sur place le 20 octobre 1999 en présence de M. Neury, les représentants de la commune de Corsier étant également invités à participer à cette séance.

 

A cette occasion, la commission d'experts a constaté l'orientation des parcelles envisagée sud-ouest avec une déclivité d'environ 6%. Le préavis de la commission d'experts a été pris à l'unanimité et défavorable, au motif qu'il ne s'agissait pas d'un secteur à vocation viticole. Aucun terrain situé à proximité n'était compris dans le cadastre viticole et admettre la requête créerait une ouverture de zone. Enfin, la déclivité de l'extrémité sud du périmètre sollicitée avait tendance à s'atténuer et cet emplacement pouvait être assimilé à un bas-fond froid.

4. La communauté interprofessionnelle des vins de Genève (ci-après : l'interprofession) s'est également penchée sur la question des plantations de nouvelles vignes à l'occasion de sa séance du 23 décembre 1999. Retenant que l'interprofession avait pour but principal la régulation des marchés viticoles, elle a souhaité ne pas entrer en matière sur des demandes individuelles de plantation de nouvelles vignes, tâche ressortissant à la commission du cadastre. Toutefois, au vu de la mauvaise situation du marché, elle a émis un préavis restrictif à l'intention des personnes chargées de statuer. Un tel préavis ne signifiait toutefois pas un refus catégorique à toute demande.

 

5. Par décision du 9 février 2000, le service de l'agriculture a rejeté la demande de M. Neury. Les critères fixés à l'article 2 alinéa 2 de l'Ordonnance sur la viticulture et l'importation de vin du 7 décembre 1998 (RS 916.40) (ci-après : l'ordonnance sur le vin) n'étaient pas réunis : la proximité d'un ruisseau créait dans cet ubac un courant froid guère favorable à la culture de la vigne et la déclivité était insuffisante, voire au bas du secteur, quasiment inexistante. Le périmètre figurait à l'inventaire des surfaces d'assolement et se prêtait donc à d'autres cultures agricoles. Il ne s'agissait pas d'un secteur propice à une exploitation de vignes. L'autorisation de planter constituerait une ouverture de zone dans une région exempte de vignes.

 

6. M. Neury a saisi le Tribunal administratif d'un recours dirigé contre la décision précitée par acte du 9 mars 2000. Le service de l'agriculture s'appuyait sur des critères dont l'effet sur une culture viticole était des plus difficiles à mesurer sur une base objective pour prétendre que le secteur n'était pas propice à la viticulture. Il semblait omettre dans son appréciation d'autres facteurs qualitatifs primordiaux comme l'ensoleillement et l'exposition. Il ne prenait pas en compte que dans ce secteur des vignes étaient déjà implantées depuis longtemps dans des conditions similaires et sans souffrir d'un quelconque inconvénient cultural ou de dépréciation de la qualité des produits qui en étaient retirés. Le fait qu'une surface soit répertoriée dans les surfaces d'assolement ne permettait pas de conclure que celle-ci n'était pas propice à la viticulture. Contrairement à ce que prétendait le service de l'agriculture, cette région n'était pas exempte de vignes puisque ses autres vignes se situaient à proximité et appartenaient à une même entité géographique et topographique. Il a demandé au tribunal de bien vouloir reconsidérer la décision du service de l'agriculture.

 

7. Dans sa réponse du 14 avril 2000, le département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie (ci-après : le DIAEE) s'est opposé au recours pour les raisons précédemment exposées.

 

8. Le tribunal de céans a procédé à un transport sur place en date du 24 mai 2000.

 

M. Neury a précisé qu'il était propriétaire de ces parcelles depuis la guerre. Lorsqu'il les avait acquises, elles n'étaient déjà plus en vignes, ni d'ailleurs la parcelle voisine. Il a confirmé être le propriétaire des vignes qui se trouvaient le long du chemin des Groubeaux. Il était l'un des deux seuls viticulteurs de Corsier.

 

Le représentant du service de l'agriculture a relevé que la parcelle ne se trouvait pas dans le cadastre viticole et qu'elle ne répondait pas aux critères de la nouvelle loi sur la viticulture. Les exigences du législateur avaient changé, la nouvelle loi contenait des critères très précis qui devaient être respectés. Il n'y avait donc plus de droit potentiel à planter de la vigne sur des parcelles appartenant au cadastre viticole comme cela était le cas précédemment. Sur l'une des parcelles voisines de celles du recourant, à la hauteur de la route de Veigy, le service avait opposé un refus à l'implantation d'une nouvelle vigne quatre ou cinq ans auparavant et cela, suite au préavis de la commission.

 

Le membre de la commission viticole a précisé que le cadastre n'était pas intangible et qu'il pouvait être modifié si les parcelles étaient dignes de la culture de la vigne. La commission pour sa part s'employait à sortir du cadastre les parcelles impropres à la culture de la vigne comme par exemple des parcelles situées en plein nord. Le critère de la pente était l'un des critères parmi d'autres au nombre desquels figuraient également l'exposition, la nature du sol et le microclimat. Dans le cas de M. Neury, la commission avait pris sa décision à l'unanimité.

 

Le Tribunal administratif a constaté la présence de vignes sur la gauche du chemin des Groubeaux, quelques centaines de mètres avant les parcelles concernées. A la hauteur de celles-ci, il a pu constater que le terrain était au fond d'une légère cuvette et bordé sur la droite par le lit du Nant-d'Aisy.

 

9. Suite à cette audience, le service de l'agriculture a versé au débat le cadastre viticole de la commune de Corsier ainsi que la décision négative rendue en 1996 concernant une parcelle voisine de celle de M. Neury.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Selon l'article 60 de la loi fédérale du 29 avril 1998 sur l'agriculture (LAgr - RS 910.1), quiconque plante de nouvelles vignes doit être titulaire d'une autorisation du canton (al. 1). Le canton autorise la plantation des vignes destinées à la production de vin à condition que l'endroit choisi soit propice à la viticulture (al. 3).

 

Les cantons tiennent un cadastre viticole dans lequel sont décrites les particularités des vignobles, conformément aux principes définis par la Confédération (art. 61 LAgr).

 

L'article 2 de l'ordonnance sur le vin définit ce qu'il faut entendre par nouvelles plantations. Ainsi, par nouvelles plantations, on entend la plantation de vignes sur une surface où la vigne n'a pas été cultivée depuis plus de dix ans (al. 1). Les nouvelles plantations de vignes destinées à la production vinicole commerciale ne peuvent être autorisées que dans des endroits propices à la viticulture. On tiendra compte notamment :

 

a. de l'aptitude,

 

b. de la déclivité du terrain et de son exposition,

 

c. du climat local,

 

d. de la nature du sol,

 

e. des conditions hydrologiques du sol,

 

f. de l'importance de la surface au regard de la protection de la nature (al. 2).

 

3. Sur le plan cantonal, la nouvelle loi sur la viticulture du 17 mars 2000 est entrée en vigueur le 13 mai 2000 (Lvit - M 2 50). Cette loi, qui a pour but d'assurer l'application des dispositions fédérales relatives à la viticulture (art. 1 lettre a) précise que le cadastre viticole délimite les périmètres en dehors desquels la culture de la vigne est interdite. Il contrôle la zone viticole et les vignes situées en dehors de la zone viticole (art. 7 al. 2). Constituent de nouvelles plantations, toute plantation de vignes en dehors du cadastre viticole ou sur des surfaces qui, bien que comprises dans ce dernier, n'ont plus été cultivées en vignes depuis plus de dix ans (art. 7 al. 6).

 

Toute personne désireuse d'effectuer de nouvelles plantations de vignes doit obtenir une autorisation, à l'exclusion des vignes visées à l'article 9 alinéa 2 lettre b de la présente loi, qui sont soumises au régime de la notification obligatoire (art. 11 al. 1).

 

La procédure d'autorisation est réglée par le chapitre 3 du règlement d'application de la Lvit du 29 septembre 1980 (M 2 50.01). Une commission cantonale d'experts du cadastre viticole est chargée de préaviser toute demande ainsi que toute modification de la zone viticole (art. 6).

 

Enfin, l'article 6 Lvit fixe les compétences de l'interprofession, organe consultatif de droit privé, auquel l'Etat peut confier des tâches spécifiques en matière de viticulture.

 

4. Lorsque le droit entré en vigueur en cours de procédure répond à un intérêt public prépondérant par rapport aux intérêts privés opposés, il l'emportera sur le droit qu'il remplace. A cet égard, le nouveau droit doit être appliqué lorsqu'il a un but de police et notamment en matière d'autorisations de construire. C'est la protection de l'ordre public qui exige que les décisions antérieures soient modifiées pour tenir compte de nouvelles exigences légales (cf. A. GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, pp. 152-153; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., 1991, Nos 582 à 587; ATF 106 Ib 326; ATA S.I. V.R. du 24 mai 1984; Sem. Jud. 1989, p. 411; RDAF 1990, p. 411).

 

5. En l'espèce, la demande du recourant porte sur l'implantation d'une nouvelle vigne au sens des dispositions légales précitées, les parcelles n'ayant plus été cultivées en vigne depuis plus de dix ans.

 

L'autorisation de planter une nouvelle vigne doit satisfaire aux critères énumérés à l'article 2 alinéa 2 de l'ordonnance sur le vin telle que définis ci-dessus. Dans le cadre de l'instruction de la demande, le service de l'agriculture a requis le préavis de la commission d'experts, laquelle a préavisé négativement. Or, de jurisprudence constante, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis, l'autorité de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA FGSP du 23 mars 1999 et les références citées). En l'espèce, l'autorité de préavis, composée de spécialistes, est plus à même de prendre position sur des questions qui font appel aux connaissances de ces derniers.

 

Il apparaît que les critères de l'ordonnance fédérale, en particulier la vocation viticole des parcelles, leur orientation et les conditions climatiques ont été soigneusement étudiées par la commission d'experts. Les conclusions unanimes de cette dernière ne peuvent être qu'entérinées par le tribunal de céans.

 

Au demeurant, lors du transport sur place qu'il a effectué, le Tribunal administratif a pu constater que le périmètre concerné ne comporte pratiquement pas de culture de vignes, à l'exception des deux parcelles, propriété du recourant, situées à quelques centaines de mètres.

 

Enfin, on ne saurait perdre de vue que les parcelles concernées figurent à l'inventaire des surfaces d'assolement et qu'elles sont, comme telles, soumises aux prescriptions des articles 16 et suivants de l'ordonnance fédérale sur l'aménagement du territoire du 2 octobre 1989 (OAT - RS 700.1.).

 

L'on ne saurait donc reprocher à l'autorité intimée d'avoir fait un mauvais usage de la liberté d'appréciation qui est la sienne au regard des critères précisément définis par la législation fédérale. Sa décision ne prêtant pas le flanc à la critique, elle ne pourra être que confirmée et le recours rejeté.

 

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 300.-- sera mis à la charge du recourant.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 9 mars 2000 par Monsieur François Neury contre la décision du service de l'agriculture du 9 février 2000;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge du recourant un émolument de CHF 300.--;

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Monsieur François Neury ainsi qu'au service de l'agriculture.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci