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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/546/1999

ATA/598/2000 du 10.10.2000 ( ASSU ) , ADMIS

Recours TF déposé le 15.11.2000, rendu le 26.09.2001, REJETE
Descripteurs : ASSU

 

 

 

 

 

 

 

 

du 10 octobre 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur G. R.

représenté par Me Maurice Turrettini, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

FONDATION DE PREVOYANCE EN FAVEUR DU PERSONNEL DU

X ET DES SOCIETES CONNEXES

représentée par Me Jacques-André Schneider, avocat



EN FAIT

 

1. Monsieur G. R., né le 31 août 1946, alors domicilié à Paris, a été engagé par X à Paris le 17 mars 1993 en qualité de gérant international à la Banque P..

 

2. M. R. a été détaché auprès du X à Genève dès le 1er octobre 1995 en tant que directeur, chargé de la clientèle privée.

 

3. A cette occasion un avenant au contrat de travail initial avec X a été signé.

 

Le détachement était d'une durée indéterminée. X pouvait y mettre fin à tout moment, M. R., de son côté, pouvait demander à être rapatrié après un séjour de trois ans.

 

Le salaire de détachement se décomposait notamment en un montant versé en France destiné à couvrir les cotisations payées en France à la charge du salarié en matière de prévoyance sociale et en un salaire local de CHF 250'000.-- par an auquel s'ajoutaient une indemnité de CHF 50'000.-- et un bonus de CHF 50'000.--.

 

Les cotisations en matière de prévoyance sociale concernaient le risque vieillesse, la retraite et la prévoyance professionnelle. Elles étaient calculées sur la base d'un salaire annuel de référence de FF 700'000.-- qui correspondait à la situation avant le détachement et qui était celui garanti lors du retour en France.

 

Dans l'hypothèse où la réglementation locale faisait obligation de cotiser à un fonds de retraite ou à tout autre organisme de prévoyance de nature similaire et, au cas où lors du départ une prétention à un versement quelconque ou à un remboursement de cotisations était possible, seule la partie correspondant à la participation du salarié était acquise, celle correspondant à la part "employeur" devant être reversée à celui-ci.

 

4. Le 18 septembre 1995 M. R. et X ont signé un avenant au contrat d'expatrié. A titre de retenues sur le salaire figuraient l'AVS, le chômage, la prévoyance 2ème pilier étant entendu que la part versée par l'employeur n'était pas acquise, et l'impôt à la source.

 

5. Suite à la démission de M. R. le contrat de travail a pris fin le 30 septembre 1998.

 

6. Le 7 septembre 1998 X a demandé à M. R. où devait être transférée la prestation de libre passage du Fonds de Prévoyance de X qui s'élevait à CHF 97'927,70.

 

7. Le 30 octobre 1998 X a transmis à M. R. le certificat de sortie de la Fondation de Prévoyance en faveur du personnel X et des sociétés connexes (ci-après : la fondation) et a indiqué que le montant de CHF 97'927,70 lui revenant avait été transféré auprès de la Banque C. sur un compte de libre passage bloqué.

 

Figuraient sur le certificat de sortie un montant de CHF 97'927,70 pour la part de l'assuré et un montant de CHF 142'050,80 pour la part de l'entreprise.

 

8. M. R., par l'intermédiaire de son avocat, a demandé à la fondation le versement de l'intégralité de la prestation de libre passage, à savoir également la part versée par l'employeur.

 

9. La fondation a refusé de verser le montant réclamé.

 

10. M. R. a saisi le Tribunal administratif fonctionnant comme Tribunal cantonal des assurances. Il conclut à ce que la fondation soit condamnée à transférer le montant de CHF 142'050,80 correspondant au montant de la part de l'employeur plus intérêts de 5% du 1er octobre 1998.

 

Il était assujetti à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40) et à la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 17 décembre 1993 (LFLP - RS 831.42). Tant ses propres cotisations que celles de son employeur lui étaient acquises. Les clauses figurant dans les avenants étaient nulles.

 

11. La fondation conclut au rejet de la demande de M. R., subsidiairement au versement de la somme de CHF 11'089,20 à M. R. à titre de prestation de sortie complémentaire.

 

M. R. n'était pas assujetti à la LPP, le cas d'exemption à l'assurance obligatoire prévu à l'article 1 alinéa 2 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 (OPP2 - RS 831.441.1) était rempli. S'agissant d'une activité inférieure à cinq ans le caractère durable de l'activité devait être nié. M. R. bénéficiait de prestations de prévoyance en France calculées sur un salaire de référence de FF 700'000.--. Enfin la signature de M. R. au contrat d'expatrié et à son avenant où était précisé que seule la part cotisée par l'employé était acquise avait valeur de demande d'exemption.

 

De même, M. R. ne remplissait pas les conditions posées par le règlement de la fondation, il ne pouvait dès lors pas être affilié à titre facultatif.

 

Perçues à tort les prestation versées sans cause par M. R. à la fondation pendant son activité avaient été restituées avec intérêts.

 

Si, par impossible, le tribunal de céans considérait que le cas de l'exemption à l'assurance obligatoire n'était pas réalisé, la fondation avait l'obligation de l'assurer uniquement pour la prévoyance obligatoire au sens de la LPP, M. R. ne pouvant pas faire partie du cercle des assurés selon le règlement. Seul le versement d'une prestation de sortie complémentaire correspondant à la part employeur de la prestation de sortie au sens de la LPP, soit à la part de l'avoir de vieillesse au sens de l'article 15 LPP, était dû.

 

12. Le juge délégué a ordonné un deuxième échange d'écritures. Les parties ont maintenu leur position.

 

13. Le 14 juin 2000, le greffe du Tribunal a informé les parties que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Déposée devant la juridiction compétente, la demande est recevable (art. 56C litt. d de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05).

 

2. a. Le régime de la prévoyance professionnelle ne fait l'objet d'aucune convention avec la France. En particulier, la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française du 3 juillet 1975 (RS 0.831.109.349.1) ne s'applique pas, seule la législation fédérale sur l'assurance vieillesse et survivants y étant soumise (art.2 par.B let.a). Il n'existe donc pas de normes internationales de coordination permettant d'éviter le cumul de prestations de prévoyance entre les régimes suisse et français.

b. Faute de règle de droit international impérative concernant la coordination du régime des retraites correspondant au 2e pilier, la défenderesse ne saurait invoquer le principe de l'égalité de traitement par rapport au travailleur non détaché dont la situation est, pour ce motif précisément, différente.

3. Le litige porte sur la question de l'affiliation du demandeur à l'assurance obligatoire selon la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), subsidiairement, sur son affiliation à une prévoyance plus étendue.

 

4. Il convient donc d'examiner tout d'abord si le demandeur était soumis à l'assurance obligatoire.

 

a. La LPP définit les prestations obligatoires minimales en faveur des assurés en cas de vieillesse, décès, invalidité. L'assurance revêt un caractère automatique pour les assurés en ce sens qu'il appartient à l'employeur occupant des salariés soumis à l'assurance obligatoire d'être affilié à une institution de prévoyance (art.11 al.1 LPP). Sont soumis à l'assurance obligatoire les salariés qui ont plus de 17 ans et reçoivent d'un même employeur un salaire annuel supérieur à CHF 24'120.-- (art.2 al.1 LPP; art.5 OPP2) et qui sont assurés à l'AVS (art.5 al.1 LPP). Certaines catégories de salariés, définies à l'article 1 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 18 avril 1984 (OPP2 - RS 831.441.1), sont toutefois dispensées de l'assurance obligatoire.

 

En l'espèce, le demandeur, né le 31 août 1946 et touchant un salaire annuel, selon contrat, de CHF 350'000.--, remplit les conditions d'affiliation à l'assurance obligatoire relatives à l'âge et au salaire. De même, il ressort du contrat signé avec X ainsi que des fiches de paies que le demandeur était assujetti à l'AVS, ce que les parties ne contestent d'ailleurs pas. Reste à déterminer si le demandeur remplit les conditions d'une exemption.

 

b. A teneur de l'article 1 alinéa 2 OPP2, les salariés sans activité en Suisse ou dont l'activité en Suisse n'a probablement pas un caractère durable, et qui bénéficient de mesures de prévoyance suffisantes à l'étranger, seront exemptés de l'assurance obligatoire à condition qu'ils en fassent la demande à l'institution de prévoyance compétente. Trois conditions cumulatives doivent être réalisées à savoir, la non-activité ou le caractère probablement non durable de l'activité en Suisse, l'existence de mesures de prévoyance suffisantes à l'étranger et une demande d'exemption de l'assurance obligatoire à l'institution de prévoyance.

 

Ce cas d'exemption revêt un caractère facultatif car il est subordonné à une demande de l'assuré. La demande doit être faite à l'institution de prévoyance compétente (art.1 al.2 in fine OPP2).

 

En l'espèce, le demandeur n'a fait aucune demande d'exemption de l'assurance obligatoire. Les deux contrats signés par le demandeur, où est stipulé que seule la part de cotisations versées par le salarié est acquise, ne peuvent, en particulier, pas être considérés comme étant une requête valablement formulée. Ces contrats ont été passés entre le demandeur et X pour l'un et le X pour l'autre. Ils avaient pour objet le détachement du demandeur. Par ailleurs le contenu de ces contrats est contraire au droit s'agissant de la part employeur prescrite par la LPP et ne saurait dès lors lier le demandeur dans ses relations avec la défenderesse. C'est donc à juste titre que le demandeur a considéré qu'il n'y avait jamais eu, de sa part, de demande d'exemption de l'assurance obligatoire selon la LPP.

 

Vu ce qui précède il n'est pas nécessaire d'examiner la réalisation des deux autres conditions posées par l'article 1 alinéa 2 OPP2.

 

5. A titre subsidiaire, la défenderesse prétend que, dans la mesure où le demandeur est assujetti à la LPP, seules les prestations minimales au sens de la LPP sont dues. Le demandeur ne remplit pas les conditions du règlement et ne peut dès lors bénéficier des prestations plus étendues qui y sont prévues.

a. L'assujettissement obligatoire porte sur la partie du salaire comprise entre CHF 24'120.-- et 72'360.-- (art.8 LPP; 5 OPP2), des montants inférieurs et supérieurs peuvent être assurés à titre facultatif. Les institutions de prévoyance peuvent garantir des prestations supérieures aux normes minimales prévues par la LPP. Selon la jurisprudence, dans le domaine de la prévoyance professionnelle obligatoire, les rapports juridiques entre l'institution de prévoyance et l'ayant droit sont régis en première ligne par la LPP et, dans une certaine mesure aussi, par les statuts ou règlements de l'institution, pour autant que les dispositions qu'ils renferment ne soient pas contraires aux règles impératives de la loi; en matière de prévoyance plus étendue (dite prévoyance pré-obligatoire, sous-obligatoire et sur obligatoire), les employés assurés sont incontestablement liés à l'institution de prévoyance (de droit privé), comme par le passé, par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance (ATF 115 V 96 consid.3a p.98-99). Le règlement de prévoyance est le contenu préformé du contrat de prévoyance, à savoir ses conditions générales. Il s'interprète selon le principe dit de la confiance, avec les particularités propres aux conditions générales. On peut se référer, le cas échéant, par analogie, à certaines dispositions du contrat d'assurance (ATF 112 II 245 consid.Ib p.249).

 

b. La défenderesse a pour but de prémunir le personnel de X. et des sociétés connexes contre les conséquences économiques résultant de la vieillesse, de l'invalidité et du décès, en garantissant des prestations dont le genre et le montant correspondent au moins aux exigences minimales de la LPP (art.1 al.1 de son règlement). Selon l'article 5 alinéa 1 de son règlement, l'affiliation est obligatoire dès l'entrée en service pour toute personne qui entre au service de la banque, des exceptions sont toutefois prévues, notamment lorsque la personne n'exerce pas une activité en Suisse de caractère durable et bénéficie de mesures de prévoyance à l'étranger. L'article 5 alinéa 3 prévoit qu'une personne pourra être affiliée en qualité d'assurée avec réserve si son état de santé n'est pas satisfaisant, en cas d'invalidité ou de décès pendant la durée de la réserve, cette dernière n'affecte que la part des prestations qui excède celle découlant de l'application de la LPP et de la LFLP. Le salaire annuel coordonné sert de base au calcul des contributions ainsi qu'à celui des prestations assurées, il correspond au salaire déterminant au sens de l'AVS (art.6 al.1; 7 du règlement). L'article 13 du règlement prévoit que la fondation communique au moins une fois par année, au 1er janvier, à chaque assuré, le montant des prestations.

 

La défenderesse est une institution de prévoyance

enveloppante, elle prévoit dans son règlement des prestations minimales telles que définies par la LPP et des prestations qui vont au-delà de ce minimum. L'article 5 alinéa 1 de son règlement qui définit le cercle des personnes obligatoirement assurées doit être examiné au regard des dispositions de la LPP relatives aux personnes assurées et ne saurait en particulier déroger aux conditions posées à l'article 1 alinéa 2 OPP2. Une demande d'exemption de l'assurance obligatoire est donc nécessaire pour les salariés qui n'exercent pas en Suisse une activité de caractère durable et bénéficient de mesures de prévoyance à l'étranger. Or, comme on l'a vu précédemment, une telle demande n'a pas été effectuée dans le cas d'espèce. Par ailleurs, excepté le cas d'une affiliation avec réserve pour des raisons médicales, le règlement n'opère aucune distinction dans l'affiliation des personnes entre la prévoyance obligatoire et la prévoyance surobligatoire. En conséquence le demandeur était affilié à la défenderesse tant pour pour les prestations prévues par la LPP que pour la part des prestations qui excèdent le minimum découlant de l'application de la LPP et de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, du 17 décembre 1993 (LFLP - RS 831.42).

 

Pour le surplus on peut relever que la défenderesse ne s'est jamais prévalue du défaut de la qualité d'affilié du demandeur au regard de ses statuts. La fiche individuelle du demandeur établie par la défenderesse au 1er janvier 1998 mentionne les différentes prestations assurées sous réserve des conditions d'admission et d'attribution prévues par le règlement. Excepté cette réserve jamais la défenderesse n'a contesté ni émis de doute sur la qualité d'assuré du demandeur ou sur le montant des prestations assurées. Les cotisations ont été régulièrement prélevées et versées. Au vu de la fiche précitée, le salaire assuré du demandeur était de CHF 354'000.-, soit en dessus du plafond institué par la LPP. La défenderesse a ainsi pris en considération un gain supérieur au salaire maximum obligatoire. De même, lors de la cessation de l'activité du demandeur, elle a remis un certificat de sortie où figure la totalité des prestations de l'assuré et de l'entreprise et a transféré la prestation de libre passage sur un compte de libre passage bloqué. Ses actes démontrent qu'elle a admis le demandeur comme affilié tant pour la prévoyance obligatoire que pour la prévoyance plus étendue.

 

6. En conséquence, conformément à l'article 20 de son règlement, la défenderesse doit mettre à disposition une prestation de sortie égale à la totalité du montant atteint au jour du départ par le compte individuel avoir de vieillesse du demandeur, soit également la part versée par l'employeur d'un montant de CHF 142'050,80 plus intérêts à 5% du 1er octobre 1998 selon l'article 2 alinéa 3 LFLP. Enfin, la défenderesse ne peut, en vertu de l'article 21 du règlement, retenir une partie du montant dû pour le verser à l'employeur.

 

7. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu. Une indemnité de CHF 2'000.-- sera allouée au demandeur à la charge de la défenderesse.

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable la demande déposée le 7 juin 1999 par Monsieur G. R. contre la Fondation de prévoyance en faveur du personnel X et des sociétés connexes;

 

 

au fond :

 

l'admet;

 

condamne la Fondation de prévoyance en faveur du personnel du X et des sociétés connexes à transférer sur le compte bloqué de libre passage de M. G. R. auprès de la Banque C. la somme de CHF 142'050,80 plus intérêts à 5% dès le 1er octobre 1998;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue à M. G. R. une indemnité de CHF 2'000.--, à la charge de la Fondation;

 

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, auprès du Tribunal fédéral des assurances. Le délai ne peut être prolongé. Le mémoire de recours sera adressé, en trois exemplaires, au Tribunal fédéral des assurances, Adligenswilerstrasse 24, 6006 Lucerne;

 

communique le présent arrêt à Me Maurice Turrettini, avocat du demandeur, ainsi qu'à Me Jacques-André Schneider, avocat de l'intimée et à l'office fédéral des assurances sociales.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci