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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/540/2000

ATA/492/2000 du 14.08.2000 ( CE ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CE

 

 

 

 

 

 

 

 

du 14 août 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur J. D.

 

Madame D. D.

 

Madame M. R.

 

Monsieur J.-L. R.

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

 

 

1. La procédure d'opposition au projet de plan localisé de quartier n° ... situé entre la route des Jeunes et la gare de triage de la Praille, sur le territoire de la commune de Lancy (ci-après : le PLQ) a été ouverte du 14 juin au 13 juillet 1999.

 

2. La Commission interdépartementale sur les risques majeurs (CIRMA) a rendu deux rapports au Conseil d'Etat concernant l'évaluation du risque lié au transport de matières dangereuses à la gare de triage de la Praille, respectivement le 30 août et le 7 septembre 1999. Les risques créés alors par la gare de triage pour l'ensemble du voisinage étaient inacceptables au sens de l'ordonnance fédérale sur la protection contre les accidents majeurs (OPAM) et un assainissement devait être réalisé en priorité et dans les plus brefs délais. Le PLQ en tant qu'instrument d'aménagement du territoire pouvait être adopté et la réalisation du complexe était admise pour autant que toutes les mesures de sécurité soient intégrées.

 

3. Par arrêté du 8 septembre 1999, le Conseil d'Etat a adopté le PLQ n° ... et rejeté, par arrêtés séparés, quatre oppositions au PLQ formées par des associations de protection de l'environnement et des entreprises propriétaires d'immeubles contigus et voisins du périmètre du plan.

 

Par courrier du 15 septembre 1999, le Conseil d'Etat a ensuite instamment prié le Conseiller fédéral compétent de contraindre les CFF à assainir la gare de la Praille.

 

4. Par courrier expédié le 29 février 2000, Monsieur J. D., domicilié au 16, rue Lamartine, 1203 Genève, Madame D. D., domiciliée au 39, avenue des Crêts-de-Champel, 1206 Genève, Madame M. R., domiciliée au 22, boulevard des Promenades, 1227 Carouge/Genève, Monsieur J.-L. R., domicilié au 4, rue Jacques-Grosselin, 1227 Carouge/Genève, ont soumis au Conseil d'Etat une demande de reconsidération, au sens de l'article 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), portant sur le plan localisé de quartier n° ... et une demande de prolongation de délais, au sens de l'article 16 LPA, pour faire opposition au PLQ.

 

5. Le Conseil d'État a répondu à cette missive le 12 avril 2000. Juridiquement, les dossiers d'assainissement de la Praille et de plan localisé de quartier étaient des dossiers distincts. L'étude de risque de la gare de la Praille et certains documents y afférents avaient simplement été pris en compte lors de l'adoption du PLQ. Si les demandeurs voulaient manifester leur opposition nonobstant leur défaut de qualité pour agir, ils auraient dû faire preuve de plus d'attention et intervenir lorsque la procédure d'opposition au PLQ était ouverte. En l'espèce, ils n'étaient ni locataires, ni propriétaires de terrains situés à proximité immédiate du PLQ et n'avaient donc la qualité pour agir ni pour demander une restitution de délai, ni pour une reconsidération de ce PLQ. De plus, ils ne soulevaient dans leur demande aucun fait nouveau permettant d'estimer que les circonstances se seraient sensiblement modifiées depuis l'adoption du PLQ et justifieraient son réexamen. Enfin, le Tribunal administratif avait déjà tranché par la négative la question de la restitution des délais concernant ce PLQ dans un arrêt du 7 décembre 1999, les éléments alors avancés (et repris pour l'essentiel par les demandeurs in casu) ne constituant pas un cas de force majeure. Les deux demandes étaient donc irrecevables. S'agissant du fond de la demande, il n'aurait de toute manière pas été possible d'y donner suite car la modification d'un PLQ doit s'effectuer selon la même procédure que celle prévue pour son adoption et la simple réouverture de la procédure d'opposition n'était donc pas possible.

 

6. Par acte expédié le 15 mai 2000, Mesdames D. D. et M. R. et Messieurs J. D. et J.-L. R. ont saisi le Tribunal administratif d'un recours contre la décision du Conseil d'État du 12 avril 2000. C'était à tort que le Conseil d'État avait nié leur qualité pour agir puisque les rapports de la CIRMA avaient mis en évidence les risques d'émanations toxiques générés par l'exploitation de la gare de la Praille et pouvant affecter la population à des kilomètres de distance. Leur demande de restitution de délai pour faire opposition au PLQ n'était pas tardive puisque le rapport de la CIRMA n'avait été rendu public qu'après l'adoption du PLQ par le Conseil d'État. Dès lors, le dossier ayant fait l'objet de la procédure d'opposition au PLQ avait été incomplet et cet élément nouveau justifiait la réouverture de la procédure d'opposition. S'agissant du fond, ils contestaient la séparation des dossiers du PLQ et de la procédure d'assainissement de la gare de triage. En effet, les installations prévues par le PLQ (stade de football, centre commercial, parking, liaison ferroviaire) étaient soumises à une étude d'impact sur l'environnement, étude qui englobait l'étude de risque de l'installation voisine, soit la gare de triage de la Praille, et les deux dossiers étaient indissociables. La décision du Conseil d'État du 12 avril 2000 devait donc être annulée, la validité de la demande du 29 février 2000 admise et finalement, l'arrêté du 8 septembre 1999 approuvant le PLQ n° ... annulé.

 

7. Dans sa réponse du 7 juin 2000, le Conseil d'État a repris la motivation de sa décision du 12 avril 2000 et conclu à l'irrecevabilité du recours.

 

8. Le 8 juin 2000, le greffe du Tribunal administratif a informé les parties qu'il gardait la cause à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. a. Le Tribunal administratif est compétent pour statuer en matière de plans localisés de quartier (art. 5 al. 9 LExt, 13 al. 1 et 35 al. 1 LALAT, 56A LOJ).

 

b. La procédure d'adoption, de modification et d'abrogation des plans localisés de quartier, telle que définie à l'article 5 de la loi sur l'extension des voies de communication et l'aménagement des quartiers ou localités du 9 mars 1929 (LExt - L 1 40) prévoit que toute personne disposant de la qualité pour recourir contre le PLQ peut déclarer son opposition au Conseil d'État dans un délai de 30 jours à compter de la première publication (art. 5 al. 6 LExt). Ne peuvent donc faire opposition au plan que les personnes disposant de la qualité pour recourir contre ce dernier.

 

c. En vertu de l'article 5 alinéa 9 LExt, le recours contre l'adoption du plan est régi par l'article 35 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L I 30) qui stipule en son alinéa 5 que la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) est applicable en la matière.

 

2. Selon l'article 60 lettre b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

 

a. L'article 33 alinéa 3 lettre a de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), stipule néanmoins que la qualité pour agir du voisin dans la procédure "cantonale" doit lui être reconnue dans la même mesure qu'en matière de recours de droit administratif. A donc qualité pour recourir, quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée (art. 103 let. a OJF).

b. Ainsi, bien que la rédaction de l'article 60 lettre b LPA diffère légèrement de l'article 103 lettre a OJF, il est admis qu'il confère la qualité pour recourir aux mêmes conditions (ATA S. du 27 juin 2000, A. du 18 janvier 2000, L. du 29 mars 1994).

 

3. L'intérêt digne de protection doit être personnel et peut être juridique ou de fait. Cela implique que le recourant ait un intérêt plus grand que quiconque ou que la généralité des administrés à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée, mais l'intérêt ne doit pas nécessairement correspondre à celui protégé par la norme invoquée (ATF 121 II 171 consid. 2b p. 174, ATF 113 Ib 363 consid. 3a p. 366; A. du 18 janvier 2000).

 

a. En ce qui concerne les voisins, la jurisprudence a précisé que seuls ceux dont les intérêts sont lésés de façon directe et spéciale ont l'intérêt particulier requis. Cette lésion directe et spéciale suppose qu'il y a une communauté de faits entre les intérêts du destinataire de la décision et ceux des tiers. Les voisins peuvent ainsi recourir contre des règles qui ne leur donnent aucun droit et qui ne sont pas directement destinées à protéger leurs intérêts (ATA S. du 27 juin 2000, B.-M. 31 mars 1998).

 

b. Selon la jurisprudence, le voisin a qualité pour agir au regard de l'article 103 lettre b OJF, lorsque son terrain jouxte celui du constructeur ou se trouve à proximité immédiate (ATF 112 Ib 170 consid. 5b p. 174). Pour qu'un voisin soit touché plus que quiconque, la réalisation du projet litigieux doit lui causer personnellement un préjudice de fait en raison, par exemple, des nuisances provoquées par l'exploitation (ATF 110 Ib 398 consid. 1b p. 400). A notamment qualité pour agir au sens de l'article 103 lettre a OJF celui qui habite à proximité d'une installation, source de nuisances sonores, troublant sa tranquillité (ATF 119 Ib 179 consid. 1c p. 183). Tel est le cas des voisins qui se trouvent à quelques dizaines ou au plus à quelques centaines de mètres de la parcelle qui supporte une construction à transformer lorsqu'ils peuvent être troublés dans leur tranquillité par le trafic automobile supplémentaire (ATA N. K. du 24 juin 1997; ATA T. du 29 mars 1993). Tel n'est par contre pas le cas de la personne domiciliée à quatre cent cinquante mètres du lieu où des nouveaux pavillons doivent être construits (ATA R. du 6 février 1991). L'intérêt du tiers à intervenir ne peut être nié lorsque, en cas d'exploitation normale une installation ne produit aucune émission, mais que celle-ci crée une source de danger et expose les habitants à un risque plus élevé. C'est le risque théorique, lié à une telle installation qui doit être pris en considération. Un tel droit trouve sa limite dans l'inadmissibilité de l'action populaire (ATF 120 Ib 379, JT 1996 I 451).

 

Ainsi, les recourants en l'espèce n'avaient probablement pas la qualité pour faire opposition au PLQ n° ... puisqu'aucun n'est domicilié ni dans, ni à proximité immédiate du quartier contenu dans le PLQ en cause. Le domicile de Mme R. à Carouge, en est distant d'un demi-kilomètre environ, à vol d'oiseau, celui de M. R. est légèrement plus éloigné et les deux autres recourants sont domiciliés à de beaucoup plus larges distances. Ainsi, la qualité pour agir de Mme D. et de M. D. est clairement exclue et la question de celle de Mme R. et de M. R., indécise, souffrira de le rester.

 

En invoquant les risques liés à l'exploitation de la gare de la Praille, les recourants ne font valoir que des motifs d'intérêt général, et ne démontrent pas en quoi une modification du PLQ les toucherait de manière particulière, ni même en quoi les risques en seraient atténués.

 

Leur intérêt n'étant ni direct, ni spécial, ils n'avaient donc probablement pas la qualité pour faire opposition au PLQ, et par conséquent encore moins pour recourir contre, ni pour demander une reconsidération ou une restitution de délai d'opposition au PLQ (cf. B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4e éd., N° 1170 ss; ATA H. du 8 mars 1994, I. du 29 mars 1992).

 

4. Selon la théorie générale sur la reconsidération, les administrés peuvent demander à une autorité de réexaminer ses décisions, mais cette dernière n'y est pas tenue. Cependant, ce ne doit pas être le moyen pour l'administré de réparer une omission - par exemple, en provoquant une seconde décision, de rouvrir un délai de recours qu'il a négligé d'utiliser; qu'il invoque l'illégalité de la décision est également insuffisant, de même s'il se fonde sur un revirement de pratique ou de jurisprudence (ATF 98 Ia 568; 102 Ib 45). Si aucun motif de révision n'existe, l'autorité pourra déclarer irrecevable la requête de nouvel examen ou confirmer purement et simplement sa décision. Mais il n'est pas exclu qu'elle entre néanmoins en matière et réexamine l'affaire: en ce cas, sa décision sera considérée comme nouvelle et ouvrira par conséquent à nouveau la voie au recours. Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité déclare la requête irrecevable ou confirme sa décision antérieure sans autre examen, un recours est ouvert: mais il ne peut porter que sur la recevabilité de la requête, c'est-à-dire sur l'obligation de l'autorité d'entrer en matière (P. MOOR, Droit administratif, vol. II, Berne 1991, p. 230-233).

 

Ne peut évidemment être déclarée recevable une demande de reconsidération déposée par des administrés qui étaient dépourvus de la qualité pour agir en la matière lorsqu'a été prise la décision dont le réexamen est demandé. En l'espèce, cette qualité pour agir doit être niée pour les motifs développés ci-dessous.

5. En tout état de cause, conformément à l'article 35 alinéa 4 LALAT, le recours n'est recevable que si la voie de l'opposition a été préalablement épuisée.

 

En l'espèce, aucun des recourants n'a participé à la procédure d'opposition au PLQ n° ... (ouverte du 14 juin au 13 juillet 1999). Ils ne disposent par conséquent pas de la qualité pour recourir contre l'adoption du PLQ attaqué et le présent recours doit être déclaré irrecevable pour ce seul motif.

 

6. Les demandes de reconsidération et de restitution de délai ont donc été déclarées irrecevables à juste titre par le Conseil d'État et sa décision sera donc confirmée.

 

7. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

 

déclare irrecevable le recours interjeté le 15 mai 2000 par Messieurs J. D. et J.-L. R. et Mesdames D. D. et M. R. contre la décision du Conseil d'État du 12 avril 2000;

met à la charge des recourants, conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.-;

communique le présent arrêt à Messieurs J. D. et J.-L. R. et Mesdames D. D. et M. R. ainsi qu'au Conseil d'État.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

M. Oranci