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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1243/2003

ATA/472/2004 du 25.05.2004 ( FIN ) , ADMIS

Descripteurs : IMPOT; DOMICILE FISCAL; DOUBLE IMPOSITION; FIN
Normes : CDI-F 4 ch.1; LCP.2 ch.1 litt.a; LCP.3; CC.23
Résumé : Détermination du domicile fiscal à la lumière de la Convention entre la Suisse et la France en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 25 mai 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

Hoirie de Monsieur A__________ D__________, soit :

Monsieur DO__________ D__________

Monsieur J__________ D__________

Monsieur P__________ D__________

Madame JA__________ D__________-DU__________

Madame C__________ D__________-M__________

Madame F__________ D__________-PL__________

représentés par Me Pierre-Alain Schmidt, avocat

 

 

 

contre

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE D'IMPOTS

 

et

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 



EN FAIT

 

1. Feu Monsieur A__________ D__________ (ci-après : le contribuable), ressortissant français né à Paris en 1910, est décédé, dans cette cité, le 25 décembre 1998.

 

Selon la base de données de l'office cantonal de la population (ci-après : OCP), feu M. D__________ a été domicilié à Genève depuis le 15 mars 1993 jusqu'à son décès.

 

2. Le 30 septembre 1998, la fiduciaire chez qui feu M. D__________ avait élu domicile a transmis à l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) une déclaration en vue de l'impôt à forfait pour l'impôt cantonal et communal 1998, ainsi que pour l'impôt fédéral direct.

 

Par bordereau du 1er janvier 1999, l'AFC a transmis à la fiduciaire de M. D__________ une taxation A, en CHF 69'642,75.

 

3. Le 12 février 1999, la fiduciaire a demandé à l'AFC d'annuler le bordereau de contributions publiques 1998. M. D__________ avait regagné la France en 1997 déjà, afin d'être plus proche de sa famille et de ses médecins. Il avait payé ses impôts en France pendant les années 1997 et 1998.

 

A la demande de l'AFC, la fiduciaire a transmis les divers documents suivants le 11 avril 2001 :

 


- Un commandement de payer envoyé par le trésor public français à M. D__________ d'un montant de Euros 10'509'155.-, pouvant concerner les impôts dus pour l'année 1998. Ce document semble être daté du 3 octobre 2000.

 

- Un document du fisc français établi le 18 octobre 1999, adressé au contribuable, laissant apparaître un impôt à payer de Euros 1'330'264,94.

 

- Un avis d'imposition sur le revenu 1998 de Euros 1'328'866,98.

 

- Une liste des avoirs de M. D__________, indiquant au haut de chaque feuille qu'il est domicilié à Genève.

 

- Une déclaration des revenus 1998, selon laquelle M. D__________ habitait à Paris.


 

4. Le 28 octobre 2001, l'AFC a décidé de maintenir la taxation. Cette décision était motivée par le fait que "les renseignements demandés par (sa) direction le 3 avril 2001 ne (leur étaient) jamais parvenus".

 

5. a. La fiduciaire, agissant au nom des hoirs de M. D__________, soit MM. DO__________, J__________ et P__________ D__________ et Mmes JA__________ D__________-DU__________, C__________ D__________-M__________ et F__________ D__________-PL__________ (ci-après : l'hoirie ou les hoirs) a alors saisi la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission) le 23 novembre 2001 en exposant que les renseignements demandés par l'AFC lui avaient été transmis en temps opportun. Parallèlement, elle a saisi la commission cantonale de recours en matière d'impôt fédéral direct (ci-après : la commission IFD), cette affaire ne faisant pas l'objet du présent litige.

 

Au recours étaient joints les trois documents suivants :

 


- Une déclaration de revenus rectificative pour l'année 1997, indiquant que M. D__________ était domicilié à Paris.

 

- Un avis d'imposition concernant l'impôt sur le revenu 1997, daté du 20 octobre 1998, selon lequel un impôt proportionnel était dû, dont le montant n'était pas lisible sur la photocopie.

 

- Un extrait du rôle de l'impôt sur le revenu de l'année 1998, dont il résulte que M. D__________ habitait à Paris, le montant de l'impôt n'étant pas lisible.

 


b. Invitée par la commission à se déterminer, l'AFC s'est opposée aux conclusions de l'hoirie le 29 avril 2002. Le contribuable avait personnellement signé sa déclaration fiscale genevoise, qui avait été complétée le 30 septembre 1998 par la fiduciaire. La date exacte du retour en France n'était pas connue. La taxation 1997 n'avait jamais été contestée. Rien n'accréditait l'hypothèse d'un changement de domicile.

 

Le fait que le contribuable avait été imposé en France ne pouvait établir un tel déménagement, surtout si l'on tenait compte du fait que l'intéressé avait demandé le renouvellement de son autorisation de séjour en mars 1998, et ainsi obtenu un permis C.

 

6. La fiduciaire a transmis à la commission de nouvelles pièces le 30 mai 2002. Il s'agissait des déclarations et avis d'imposition pour les années 1996, 1997 et 1998 du contribuable.

 

La déclaration 1996 indiquait que le contribuable était domicilié à Paris. Elle avait été signée en 1998, sans plus de précisions. L'impôt sur le revenu de l'année 1996 avait été fixé dans un document édité le 14 janvier 1999.

 

La plupart des documents avaient déjà été versés à la procédure.

 

7. A réception de ces documents, l'AFC a été autorisée à dupliquer. Elle a persisté dans ses conclusions.

 

Les documents en question n'apportaient pas d'éléments nouveaux en faveur de la thèse soutenue par l'hoirie recourante. Cette dernière soutenait que le contribuable s'était réinstallé en France en 1997, alors qu'il ressortait des pièces qu'en 1996 déjà, il avait déclaré ses revenus en France, sans pour autant contester son assujettissement en Suisse.

 

8. Le 5 mai 2003, la fiduciaire a transmis de nouveaux documents soit :

 


- Un courrier adressé par un avocat parisien au centre des impôts du 8ème arrondissement de Paris, le 1er septembre 1998. Cet avocat était chargé par le contribuable de compléter ses déclarations fiscales d'impôts sur le revenu et sur la fortune des années 1996 et 1997. Le contribuable avait dû rentrer en France durant l'année 1996, pour des raisons de santé. Il avait été hospitalisé pendant plusieurs mois dans un établissement de la région parisienne. Il n'avait depuis lors pas regagné sa résidence genevoise.

 

Pour l'année 1996, la déclaration devait être complétée, car dans sa déclaration d'impôt sur les revenus 1996, complétée en avril 1997, le contribuable n'avait mentionné que ses revenus d'origine française. Il se considérait alors comme résident fiscal en Suisse et n'avait pas intégré ses autres revenus imposables.

 

Le contribuable avait réalisé la même démarche le 30 mars 1998 pour l'année 1997, en indiquant toutefois être domicilié à Paris. Il n'avait pas, dans cette déclaration, inclus ses revenus réalisés à l'étranger.

- Des documents confirmant le contenu de la lettre de l'avocat.

 


9. Le 12 juin 2003, la commission a rejeté le recours.

 

L'hoirie n'avait jamais établi que le contribuable avait rompu ses liens avec le canton de Genève, ni qu'il s'était constitué un domicile à l'étranger en 1998. La commission se fondait en particulier sur le fait que le contribuable avait signé sa déclaration d'impôt cantonal 1998 en indiquant qu'il était domicilié à Genève, et qu'il avait obtenu, pendant la même année, un permis C.

 

10. L'hoirie a alors saisi le Tribunal administratif d'un recours le 18 juillet 2003.

 

L'hoirie conclut à l'annulation de la décision de la commission, en se fondant sur la notion de "centre des intérêts vitaux" figurant aux règles de l'article 4 chiffre 2 de la Convention entre la Confédération suisse et la République française en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et la fortune du 9 septembre 1966 (RS - 0.672.934.91; ci-après : la convention), qui déterminent le domicile.

Depuis 1996 jusqu'à son décès, le contribuable avait habité Paris. Il avait transféré le centre de ses intérêts, car il y trouvait l'intégralité de ses relations personnelles, familiales et financières. Il n'avait pas annoncé son départ à l'OCP, et la fiduciaire, qui avait une procuration, avait pris l'initiative tant de déposer la déclaration fiscale 1998, signée en blanc par le contribuable, que les documents visant à obtenir un permis C. Le contribuable avait suivi de nombreux traitements médicaux à Paris et bénéficié d'une assistance médicale permanente. Sa résidence se trouvait donc dans cette cité.

 

A l'acte de recours étaient joints divers documents, notamment :

 


- Une élection de domicile signée par le contribuable le 11 mars 1996, en faveur de sa fiduciaire.

 

- Une procuration signée le 26 mars 1997 par le contribuable, à nouveau en faveur de sa fiduciaire, pour toutes les affaires fiscales le concernant.

 

- Une attestation de l'association "X__________" indiquant que le contribuable avait reçu une assistance paramédicale du 6 au 16 décembre 1996 à Genève, puis à partir du 16 décembre 1996 à Paris, étant précisé qu'il avait changé d'adresse dans cette ville le 6 janvier 1998. L'attestation était datée du 6 février 1998.

 

- Une attestation d'un médecin français indiquant suivre le contribuable à Paris depuis le mois d'août 1996, époque à laquelle il avait été hospitalisé à l'hôpital Y__________. Ce certificat avait été établi le 6 mars 1998.

 

- Une attestation datée du 9 mars 1998 d'un neurologue parisien, qui avait suivi le contribuable depuis l'année 1996. Ce praticien précisait que l'état de santé du contribuable nécessitait un suivi médical étroit, ainsi qu'une surveillance permanente par une infirmière, de jour et de nuit.

 

- Une sommation interpellative signée devant l'huissier de justice par une personne demeurant, avenue de W__________ à Paris, certifiant que le contribuable habitait en permanence cet immeuble depuis sa construction, dix-huit ans plus tôt. Une infirmière et une femme de ménage s'occupaient de lui. La personne en question déposait de temps en temps le courrier dans la boîte aux lettres du contribuable. Ce dernier avait déménagé début janvier 1998.

 

- Un contrat de location concernant le nouveau logement du contribuable à Paris, valable depuis le 1er octobre 1997.

 

- Une ordonnance de référé, rendue par le président du tribunal de grande instance de Paris le 19 janvier 1998, nommant une médiatrice dans le conflit opposant le contribuable à ses enfants.

 

Le contribuable avait conclu à l'incompétence du tribunal ou à l'irrecevabilité des demandes ou à leur rejet.

 

- Un jugement rendu par la Cour de justice du canton de Genève le 23 avril 1998 dans un litige opposant le contribuable à ses enfants. Une ordonnance de séquestre avait été rendue, puis révoquée par le tribunal de première instance. Le contribuable avait plaidé que son domicile était à Genève, ce que le tribunal de première instance avait admis. La Cour de justice a considéré que, si le contribuable était inscrit à l'OCP, ces circonstances étaient contredites par les éléments apportés par les requérants, dont il ressortait que le contribuable résidait de manière continue en France depuis fin 1996 au moins. Il y bénéficiait d'une aide médicale permanente. Il n'avait résidé que quelques jours à Genève, en décembre 1996 et en juillet 1997.

 


11. L'AFC s'est opposée au recours le 21 août 2003, reprenant et développant son argumentation antérieure. L'attestation émise par l'association "X__________" était succincte et ne permettait pas d'affirmer que le contribuable n'avait pas quitté Paris pendant les périodes mentionnées. Les attestations médicales n'étaient pas non plus déterminantes, puisqu'elles concernaient des périodes où le contribuable lui-même n'avait pas contesté son imposition en Suisse. Les motifs de l'arrêt de la Cour de justice du 23 avril 1998 étaient des obiter dicta, puisque la Cour avait été amenée à confirmer, in fine, le jugement du Tribunal de première instance, pour d'autres motifs. La fiduciaire avait établi la déclaration d'impôts 1998 sur instruction du de cujus, et il apparaissait que les demandes de régularisation de la situation fiscale avaient été faites en France. Quant au témoignage de la gardienne d'immeuble de la rue W__________, il n'était pas fiable, puisqu'il était établi que le contribuable avait été domicilié à Genève de 1993 à 1995 en tous cas.

 

12. a. Le 6 novembre 2003, le juge délégué à l'instruction du dossier a demandé à la recourante de produire, si possible, un relevé complet des prestations fournies par l'association "X__________" durant les années 1997 et 1998.

 

b. Le 3 décembre 2003, l'hoirie recourante a indiqué que l'association en question n'existait plus, mais qu'elle faisait des recherches afin de fournir les documents nécessaires.

 

c. Le 16 février 2004, l'hoirie a transmis au tribunal cinq factures de cette association, concernant des soins donnés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, du 1er au 14 décembre 1997, puis du 5 au 9 janvier 1998, et enfin du 12 au 23 janvier 1998.

 

13. Invitée à se déterminer au sujet de ces nouvelles pièces, l'AFC a maintenu sa position le 17 mars 2004. Les documents produits ne permettaient pas de vérifier les allégations de l'hoirie recourante.

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 53 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. Le 1er janvier 2001 est entrée en vigueur la nouvelle loi genevoise sur l'imposition des personnes physiques - LIPP - divisée désormais en quatre parties (LIPP-I, LITPP-II, LIPP-III et LIPP-IV), qui a modifié ou abrogé la plupart des dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP - D 3 05).

 

En vertu du principe de la non-rétroactivité, le nouveau droit ne s'applique pas aux faits antérieurs à sa mise en vigueur (P. MOOR, Droit administratif, Vol. I, 2ème édition, Berne, 1994, p. 178; B. KNAPP, Précis de droit administratif, 4ème édition, Bâle et Francfort sur le Main, 1991, p. 116). Le droit nouveau ne peut avoir un effet rétroactif que si la rétroactivité est prévue par la loi, est limitée dans le temps, ne conduit pas à des inégalités choquantes, est motivée par des intérêts publics pertinents et ne porte pas atteinte à des droits acquis (P. MOOR, op. cit., p. 179-180; B. KNAPP, op. cit., p. 118).

 

En l'espèce, les nouvelles dispositions du droit fiscal genevois ne prévoient pas d'effet rétroactif. L'application de la nouvelle loi n'étant pour le surplus pas susceptible d'améliorer la situation des contribuables, la présente cause sera donc jugée selon le droit applicable à l'époque des faits allégués.

 

3. a. Selon l'article 2 chiffre 1 lettre a LCP, les personnes physiques domiciliées dans le canton de Genève sont astreintes au paiement des impôts sur le revenu et la fortune. L'article 3 de la même loi précise que le domicile est déterminé par les articles 23 à 26 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210). L'article 4 LCP prévoit, pour les étrangers qui prennent domicile, résident ou séjournent à Genève pour la première fois, la possibilité d'acquitter leur impôt à forfait sur la base de leurs dépenses annuelles.

 

b. La convention prévoit à son article 4 chiffre 1 que l'expression "résident d'un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujetti à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, notamment.

 

Le chiffre 2 de cette disposition prévoit que, lorsqu'une personne physique est considérée comme résidente de chacun des Etats contractants, le cas est résolu d'après les règles suivantes :

 


ba) Cette personne est considérée comme résidente de l'Etat contractant où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent, cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, soit le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites.

 

bb) Si l'Etat contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut être déterminé ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats contractants, elle est considérée comme résidente de l'Etat contractant où elle séjourne de façon habituelle.

 

bc) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des Etats contractants ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme résidente de l'Etat contractant dont elle possède la nationalité.

 

bd) Si cette personne possède la nationalité de chacun des Etats contractants ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord.

 


4. Dans la présente affaire, il est en premier lieu nécessaire de déterminer si, selon le droit suisse, le contribuable avait son domicile dans la Confédération helvétique. Dans l'affirmative, il y a lieu de voir si, selon le droit français, il était domicilié en France. Ce n'est que si la réponse à ces deux questions est positive qu'il y aura lieu d'examiner la situation selon l'article 4 chiffre 2 de la convention.

 

a. Selon le droit suisse, la notion de domicile comporte deux éléments : la volonté de rester dans un endroit de façon durable (élément subjectif) et la manifestation de cette volonté par une résidence effective dans ce lieu (élément objectif) (ATF 92 I 218; ATA D. du 29 juin 1988).

 

Il convient d'examiner si la personne en question a fait du lieu où elle se trouve le centre de ses intérêts personnels et vitaux et si elle y a ses attaches les plus étroites (ATF B. du 15 juillet 1985; ATA K. du 7 décembre 1988, publié in RDAF 1992 p. 445; ATA T. du 8 juin 1993; ATF 108 Ia 254; 97 II 3-4 et réf. cit.).

 

L'importance des relations d'une personne avec un lieu donné ne se détermine ainsi pas en fonction d'éléments formels, mais de l'ensemble des circonstances concrètes (ATF 115 Ia 216).

 

b. Le domicile se distingue du lieu de séjour. Le lieu de séjour est celui où une personne se trouve pour un motif déterminé et limité, qui n'implique pas l'intention d'y fixer le centre de son existence (GROSSEN, Les personnes physiques, Traité de droit civil suisse, vol. II, 2 p. 72). Le lieu de séjour devient le domicile dès qu'il existe entre ce lieu et la personne qui y réside un lien fixe, étroit, fondé sur l'intention de s'y établir (TUOR/SCHNYDER, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, 10ème éd. p. 78). Pour savoir si une personne réside à un endroit avec l'intention de s'y établir, ce n'est pas la volonté interne de cette personne qui importe, mais les circonstances reconnaissables pour des tiers, qui permettent de déduire une semblable intention (ATF 119 II 65 consid. 2b/bb; 113 II 7 ss.; 97 II 1; RCC 1982 p. 171 consid. 2a). Quant au dépôt des papiers, il n'est qu'un indice de la volonté de l'intéressé de se constituer un domicile (ATF 116 II 503; 115 II 122 ss.).

 

c. En l'espèce, la procédure établit que le défunt a fait les démarches nécessaires pour être domicilié en Suisse en 1993. Il a ensuite régulièrement rempli ses déclarations d'impôts et donné les ordres visant à ce que, malgré les problèmes de santé qu'il rencontrait, son permis de séjour soit transformé en permis d'établissement, durant l'année 1998. De plus, il a remis à l'administration fiscale française, pour les années 1996 et 1997, des déclarations d'impôts mentionnant qu'il était domicilié à Genève et ce n'est qu'en septembre 1998 qu'un avocat est intervenu auprès d'un centre des impôts parisiens pour que lesdites déclarations fiscales soient rectifiées.

 

Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que le contribuable était, selon le droit suisse, domicilié à Genève durant l'année 1998.

 

5. Selon l'article 4B du Code général des impôts français, en vigueur depuis le 1er juillet 1979 (ci-après : CGI), le domicile fiscal est fixé sur la base de trois critères alternatifs. Le premier se subdivise lui-même en deux, puisqu'il vise le foyer d'une part, ou le lieu du séjour principal d'autre part. Le deuxième est tiré de l'exercice en France d'une activité professionnelle. Quant au troisième, il renvoie au centre des intérêts économiques, qui est celui où l'intéressé a effectué ses principaux investissements et d'où il administre ses biens. Il suffit qu'un seul des trois critères soit rempli pour qu'une personne soit considérée comme ayant son domicile fiscal en France.

 

Le Conseil d'État français a eu l'occasion de préciser que la notion de foyer s'entendait du lieu où le contribuable habitait normalement et avait le centre de ses intérêts familiaux. Le lieu de séjour principal du contribuable ne pouvait déterminer son domicile fiscal que dans l'hypothèse où celui-ci ne disposait pas d'un foyer (arrêt du Conseil d'État français Larcher, du 3 novembre 1995, cité dans l'analyse de jurisprudence de 1991 à 1999, fiscalité 1995, à l'adresse http://www.conseil-etat.fr/veurispa/index_ju_aj9511.shtml).

 

En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier que, au début de l'année 1998, le centre des intérêts économiques de feu M. D__________ se trouvait en France.

 

Dès lors, le Tribunal administratif admettra que, selon le droit français, le contribuable était domicilié en France.

 

6. Dès lors que, selon les droits nationaux respectifs, le contribuable est domicilié tant en Suisse qu'en France, le litige doit être tranché en appliquant l'article 4 chiffre 2 de la convention.

 

a. Les termes utilisés dans ce texte, soit les mots "foyer" et "centre des intérêts vitaux", démontrent que les négociateurs de cette convention ont voulu exclure les intérêts patrimoniaux. Il s'agit de déterminer le lieu avec lequel la personne concernée avait les liens personnels les plus étroits, en se fondant en particulier sur ses relations familiales et sociales, ses occupations, ses activités politiques, culturelles ou autres, le tout étant étudié dans son ensemble.

 

En l'espèce, le Tribunal administratif constate que la Cour de justice a retenu, certes dans un arrêt rendu en procédure sommaire, que le contribuable résidait de manière continue en France depuis fin mars 1996 au moins. Il avait loué un nouvel appartement à Paris au début de l'année 1998. Atteint dans sa santé, il était soigné dans cette ville, où se trouve l'ensemble de sa famille. Les documents remplis par sa fiduciaire avaient été signés en blanc, selon les déclarations de cette dernière. Il a de plus entrepris les démarches nécessaires à ce que l'administration fiscale française puisse percevoir des impôts sur ses revenus et sa fortune.

 

En revanche, sa présence à Genève, pendant la période contestée, n'est pas mentionnée dans la procédure. S'il était locataire d'un appartement dans notre ville, rien n'indique qu'il s'y soit rendu.

 

b. Appréciant l'ensemble de ces circonstances, le Tribunal administratif admettra que le contribuable disposait d'un foyer permanent en France, où il avait également le centre de ses intérêts vitaux.

 

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis, et la décision rendue par la commission le 18 juin 2003, de même que celle rendue par l'AFC, seront annulées, le contribuable n'ayant pas été assujetti à l'impôt genevois en 1998.

 

Au vu de cette issue, une indemnité de procédure, en CHF 1'500.-, sera versée aux hoirs D__________, qui y ont conclu.

 

Aucun émolument ne sera perçu.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 18 juillet 2003 par l'hoirie de Monsieur A__________ D__________, soit Messieurs DO__________, J__________ et P__________ D__________ et Mesdames JA__________ D__________-DU__________, C__________ D__________-M__________ et F__________ D__________-PL__________ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 12 juin 2003;

 

au fond :

 

admet le recours;

 

annule la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 12 juin 2003, de même que la décision du 28 octobre 2001 de l'administration fiscale cantonale et le bordereau du 1er janvier 1999;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue une indemnité de CHF 1'500.- aux hoirs D__________;

communique le présent arrêt à Me Pierre-Alain Schmidt, avocat de l'hoirie recourante, ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière d'impôts et à l'administration fiscale cantonale.

 


Siégeants : M. Paychère, président, Thélin, Schucani, Mmes Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega