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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/692/2002

ATA/46/2003 du 21.01.2003 ( INDM ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AIDE AUX VICTIMES; INDEMNITE(EN GENERAL); TORT MORAL; INDM
Normes : LAVI.12; LFPC.3B; OAVI.3
Résumé : Requête d'indemnisation déposée par la recourante, suite au décès de son fils. Examen et calcul du dommage matériel. Allocation de l'intégralité du montant dû au titre de la réparation morale.
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 21 janvier 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

Madame P__________

représentée par Me Gérald Benoît, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

INSTANCE D'INDEMNISATION DE LA LAVI

 



EN FAIT

 

 

1. Madame P__________, née le __________ 1959, est la mère de Monsieur N__________, né en 1979, ainsi que de Madame T-N__________ et de Madame N__________.

 

2. M. N__________ est décédé le 10 septembre 1999, lors d'une soirée entre amis, d'une balle dans la tête, tirée par Monsieur B__________. L'arme avait été mise à disposition par Monsieur V__________.

 

3. Mme P__________ et ses filles ont déposé, le 10 septembre 2001, par l'intermédiaire de leur conseil, une requête d'indemnisation auprès de l'instance d'indemnisation de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions (ci-après : l'instance d'indemnisation). Mme P__________ a réclamé une somme de CHF 11'149,55 au titre du préjudice matériel ainsi qu'une somme de CHF 40'000.- au titre de la réparation morale.

 

4. Par arrêt du 25 octobre 2001, la Cour correctionnelle a reconnu coupables M. B__________ et M. V__________ d'homicide par négligence. Elle a condamné M. B__________ à une peine de deux ans d'emprisonnement et M. V__________ à une peine de dix mois d'emprisonnement avec sursis. Les deux précités ont également été condamnés conjointement et solidairement à verser à Mme P__________ la somme de CHF 40'000.- avec intérêts à 5 % dès le 10 septembre 1999 au titre de réparation du tort moral. Les droits des parties civiles ont été réservés pour le surplus.

 

5. L'instance d'indemnisation a rendu une ordonnance concernant Mme P__________ le 19 juin 2002. Elle a reconnu à Mme P__________ la qualité de victime au sens de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 4 octobre 1991 (LAVI - RS 312.5) et lui a octroyé un montant de CHF 3'823,05 au titre de l'indemnisation ainsi qu'un montant de CHF 35'052,60 avec intérêts à 5 % dès le 25 septembre 2001 au titre de la réparation morale.

 

Selon l'instance d'indemnisation, citant l'article 12 alinéa 1 LAVI, "la victime a ainsi droit à une indemnité pour le dommage économique qu'elle a subi si son revenu ne dépasse pas le triple de la limite supérieure fixée selon les art. 2 à 4 de la loi fédérale du 19 mars 1995 sur les prestations complémentaires à l'assurance vieillesse, survivants et invalidité". Pour calculer le montant de l'indemnité due, l'instance d'indemnisation s'est basée sur un salaire de CHF 2'400.-- par mois, soit un revenu déterminant de CHF 21'800.-- par an et n'a admis qu'un préjudice économique de CHF 5'000.--. S'agissant de la réparation du tort moral elle a retenu un montant de CHF 40'000.-- duquel elle a déduit CHF 6'000.-- correspondant au solde d'un héritage touché par M. B__________. Elle a calculé un intérêt de 5 % dès le 25 septembre 2001 au solde ainsi obtenu.

 

6. Mme P__________ a recouru auprès du Tribunal administratif le 23 juillet 2002. Elle a conclu à l'annulation de l'ordonnance de l'instance d'indemnisation du 19 juin 2002 et à l'allocation d'une somme de CHF 39'949,65, plus intérêts à 5 % dès le 10 septembre 1999 au titre de la réparation du préjudice matériel et de CHF 40'000.-, plus intérêts à 5 % dès le 10 septembre 1999 au titre de l'indemnité pour tort moral.

 

Pour calculer le droit à l'indemnisation du préjudice matériel, l'instance d'indemnisation avait appliqué un article qui n'était plus en vigueur. Le revenu déterminant de Mme P__________, calculé conformément à la nouvelle teneur de l'article 12 LAVI, était de CHF 18'533.- et il lui donnait donc droit à une indemnité LAVI. Par ailleurs, l'instance inférieure n'avait pris en considération qu'un dommage de CHF 5'000.-. Or, les frais réclamés étaient de :

 


- CHF 4'881,80 (CHF 1'130.- + CHF 3'751,80) frais d'hospitalisation de son fils le jour du drame;

 

- CHF 2'412.- pour la cérémonie funéraire et la mise en bière;

 

- CHF 1'974,10 frais de parution d'avis mortuaires, soit CHF 1'152,35 pour les annonces passées par l'intermédiaire des pompes funèbres et CHF 821,75 pour l'annonce passée par la recourante directement à Publicitas;

 

- CHF 634,25 frais de la stèle;

 

- CHF 661,10 fleurs (gerbe et couronne);

 

- CHF 58,40 téléphones liés à l'annonce du décès à la famille et aux proches;

 

- CHF 416,10 acquisition d'habits pour le défunt;

 

- CHF 71,90 participation aux achats de la veillée mortuaire;

 

- CHF 40.- frais d'essence à l'occasion du déplacement à Prêles (NE) pour récupérer les effets personnels de son fils.

 


Ces frais étant en relation de causalité naturelle et adéquate avec le décès de son fils, l'intégralité du dommage devait être réparée et non uniquement les préjudices qui étaient la conséquence directe de l'infraction. L'instance d'indemnisation avait également méconnu la perte de gain qui résultait des pièces fournies. Un poste à 100 % dès le 1er janvier 2000 lui avait été proposé mais elle avait dû y renoncer au vu de son état psychique et rester à 80 %. Elle avait dès lors subi une perte de gain qu'elle estimait, compte tenu du caractère simple, gratuit et peu formaliste de la procédure LAVI, à CHF 28'800.--, soit CHF 600.-- par mois pendant quatre ans, durée de la procédure, sous réserve d'amplification. Cette somme devait être assortie d'un intérêt compensatoire de 5 % dès le jour de l'accident.

 

L'application de la formule prévue à l'article 3 OAVI aboutissait donc à une indemnité de CHF 38'645,60. Toutefois, elle réclamait la couverture intégrale de son préjudice subi et non pas seulement une fraction de celui-ci calculé conformément à l'article 3 alinéa 3 OAVI. Le renvoi opéré par l'article 3 alinéa 1 OAVI au seul article 3b alinéa 1 lettre a LPC était contraire au droit fédéral. Les "besoins vitaux" visés à l'article 13 alinéa 1 LAVI comprenaient ainsi non seulement le montant maximal évoqué à l'article 3b alinéa 1 lettre a LPC mais encore le loyer de l'appartement au sens de l'article 3b alinéa 1 lettre b LPC ainsi que les dépenses indispensables décrites à l'article 3b alinéa 3 LPC.

Enfin, elle avait rendu vraisemblable qu'elle ne pourrait rien recevoir de tiers. En particulier, il ne subsistait plus de l'héritage touché par M. B__________ qu'un montant de CHF 5'583,40 destiné à assurer le revenu minimum vital de l'intéressé. L'instance inférieure avait dès lors déduit un montant de CHF 6'000.- du montant dû pour tort moral de manière contraire à la loi et sur la base d'une interprétation arbitraire des faits. Par ailleurs, le dies a quo des intérêts compensatoires devait être fixé au jour du décès. Il ne s'agissait pas de l'intérêt visé à l'article 104 alinéa 1 du Code des obligations du 30 mars 1911 (CO - RS 220) dû par le débiteur en demeure mais d'un intérêt appelé compensatoire.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 4 du règlement relatif à l'instance d'indemnisation prévue par la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions - J 4 10.02; art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 89A, 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 4 octobre 1991 (LAVI - RS 312.5) vise à fournir une aide efficace aux victimes d'infractions et à renforcer leurs droits (art. 1 al. 1 LAVI).

 

Cette aide comprend notamment la protection de la victime et la défense de ses droits dans la procédure pénale (art. 1 al. 2 let. b LAVI) ainsi que l'indemnisation et la réparation morale (art. 1 al. 2 let. c LAVI).

 

3. Bénéficie de ces mesures d'aide toute personne qui a subi, du fait d'une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique (victime), que l'auteur ait été ou non découvert ou que le comportement de celui-ci soit ou non fautif (art. 2 al. 1 LAVI).

 

Le conjoint, les enfants, les père et mère ainsi que d'autres personnes unies à la victime par des liens analogues sont assimilés à celle-ci pour ce qui est des conseils, des droits dans la procédure et des prétentions civiles, de l'indemnité et de la réparation morale, dans la mesure où ces personnes peuvent faire valoir des prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction (art. 2 al. 2 LAVI; Message du Conseil fédéral concernant la LAVI du 25 avril 1990, FF 1990, vol. II pp. 909ss, not. p. 925; ATF 112 II 118 ss, 220 ss, 226 ss; ATF 114 II 144).

 

4. a. La victime a droit à une indemnité pour le dommage qu'elle a subi, si ses revenus déterminants au sens de l'article 3c de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPC - RS 831.30) ne dépassent pas le quadruple du montant supérieur destiné à la couverture des besoins vitaux, fixée à l'article 3b alinéa 1 lettre a de cette loi. Les revenus déterminants sont ceux qu'aurait probablement la victime après l'infraction (art. 12 al. 1 LAVI).

 

b. L'indemnité est fixée en fonction du montant du dommage et des revenus de la victime. Si les revenus ne dépassent pas le montant supérieur destiné à la couverture des besoins vitaux fixé dans la LPC, l'indemnité couvrira intégralement le dommage; s'ils sont supérieurs à ce montant, le montant de l'indemnité est réduit (art. 13 al. 1 LAVI).

 

5. L'article 3 de l'ordonnance sur l'aide aux victimes d'infractions du 18 novembre 1992 (OAVI - RS 312.51) précise que si les revenus déterminants de la victime ne dépassent pas le montant maximum destiné à la couverture des besoins vitaux fixé par l'article 3b, 1er alinéa, lettre a LPC (ci-après : montant LPC), l'indemnité couvrira intégralement le dommage (al. 1). Si les revenus déterminants de la victime dépassent le quadruple du montant LPC (ci-après : plafond LAVI), aucune indemnité ne sera versée (al. 2). Enfin, si les revenus déterminants de la victime sont compris entre le montant LPC et le plafond LAVI, le montant de l'indemnité se calculera selon la formule suivante :

indemnité=dommage-(revenus déterm.-montant LPC)x dommage

plafond LAVI - montant LPC

(al. 3).

 

6. a. Aux termes de l'article 3c LPC les revenus déterminants comprennent notamment les ressources en espèces ou en nature provenant de l'exercice d'une activité lucrative. Un montant de CHF 1'000.-- pour les personnes seules et de CHF 1'500.-- pour les couples et les personnes qui ont des enfants ayant ou donnant droit à une rente est déduit du revenu annuel provenant de l'exercice d'une activité lucrative, le solde étant pris en compte à raison des deux tiers (let. a).

 

b. Les montants destinés à la couverture des besoins vitaux, par année, pour les personnes seules qui ne vivent pas en permanence ou pour une longue période dans un home ou dans un hôpital (personnes vivant à domicile) se montent à CHF 14'690.-- au moins et CHF 16'290.-- au plus (art. 3b al. 1 let. a LPC).

 

c. Ces montants ont été relevés dès le 1er janvier 2001 à CHF 15'280.-- au moins et à CHF 16'880 au plus (art. 1 let. a de l'ordonnance 01 concernant les adaptations dans le régime des prestations complémentaires à l'AVS/AI - RS 831.307; cf. également l'art. 2 let. a du règlement d'application de la loi sur les prestations fédérales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité - J 7 10.01).

 

7. La recourante reproche à juste titre à l'instance d'indemnisation d'avoir appliqué l'ancienne teneur de l'article 12 alinéa 1 LAVI.

 

8. a. L'article 12 alinéa 1 LAVI a été modifié le 1er janvier 1998. Dans son ancienne teneur le plafond au-delà duquel aucune indemnité n'était plus versée correspondait au triple de la limite de revenu supérieure pour l'octroi de prestations complémentaires et le revenu déterminant pour l'octroi d'une indemnité était calculé sur la base du revenu déterminant pour l'octroi desdites prestations complémentaires. L'instance d'indemnisation a donc manifestement erré en citant cette version de l'article 12 alinéa 1 LAVI.

 

b. Les parties s'accordent sur le salaire mensuel de CHF 2'400.-- touché par la recourante. Conformément à l'article 3c LPC les revenus déterminants de la recourante se montent donc à CHF 18'533.-- et lui donnent dès lors droit, au regard de l'article 12 alinéa 1 LAVI, à une indemnité pour le dommage subi.

9. La recourante conteste le montant du dommage retenu par l'instance d'indemnisation.

10. a. Le système d'indemnisation instauré par la LAVI ne tend pas à assurer à la victime une réparation intégrale et inconditionnelle du dommage qu'elle a subi du fait de l'infraction. La création d'une limite de revenu (art. 13 al. 1 LAVI et 3 OAVI) ainsi que d'un montant maximum de l'indemnité de CHF 100'000.-- (art. 13 al. 3 LAVI et 4 al. 1 OAVI) démontrent que l'indemnisation fondée sur cette loi n'a pas été voulue pleine et entière. Par ailleurs, même s'il existe des différences tenant à la nature juridique de l'indemnisation et à l'identité de son débiteur, les principes dégagés en droit de la responsabilité civile peuvent trouver application (ATF n.p. du 7 février 2002 1A.169/2001 et les références citées).

 

b. L'autorité applique par analogie les règles du droit privé pour déterminer le montant de dommage. Elle pourra déterminer équitablement ce montant lorsqu'il ne peut pas être établi avec précision (art. 42 al. 2 du code des obligations, CO - RS 220, par analogie). Dans sa décision, l'autorité doit prendre en considération tous les éléments pertinents (Message, op. cit., p. 939; ATF 101 Ia 545).

 

c. Le dommage est la diminution involontaire du patrimoine d'une personne, soit la différence entre son patrimoine actuel et celui qu'il aurait été sans l'acte préjudiciable. En soi, l'auteur de l'acte doit indemniser la personne lésée de tous dommages en relation de causalité adéquate avec son acte, sans égard à la nature du bien atteint (Pierre TERCIER, Le droit des obligations, 1999, p. 234; Pierre ENGEL, Traité des obligations en droit suisse, 1977, p. 475).

 

d. Selon l'article 45 alinéa 1 CO, en cas de mort d'homme, les dommages-intérêts comprennent les frais, notamment ceux d'inhumation. D'après la jurisprudence ces frais comprennent les dépenses en relation directe avec le décès.

 

11. Dans le cas d'espèce, s'agissant du remboursement des factures d'hôpital, la recourante n'a pas établi avoir dû supporter l'intégralité des sommes réclamées. Le dommage sera donc admis à concurrence du montant de la franchise de base, soit CHF 230.-- plus le 10% de participation aux frais, soit un montant total de CHF 718,20 (CHF 230.- + CHF 113.- + CHF 375,20; cf consid. 6 "En fait").

 

Pour les autres postes allégués, il s'agit de dépenses en relation directe avec le décès. Même si certaines preuves font défaut, tenant compte de leur coût raisonnable, le tribunal de céans les retiendra comme éléments du dommage.

 

Le montant du préjudice s'élève ainsi à CHF 6'986,05.

 

12. Invoquant un poste à 100 % qui lui aurait été proposé dès le 1er janvier 2000, la recourante se prévaut également d'une perte de gain. Or, cet élément du dommage qui ressortait des pièces produites n'a pas été examiné par l'instance d'indemnisation.

 

13. La recourante a été engagée, le 19 mai 1999, à 80 % par Manor Genève avec comme objectif une activité à plein temps dès le début de l'année 2000. Il s'agissait toutefois uniquement d'une promesse faite lors de l'engagement, aucun contrat portant sur une activité à temps complet n'avait été conclu. Il n'est pas établi qu'une activité à 100 %, dès le 1er janvier 2000, lui a été offerte et qu'elle ait dû y renoncer uniquement en raison de son état psychique. De même, aucune incapacité de travail n'a été démontrée qui permettrait de reconnaître une perte de gain à raison de 20 %. Ce poste du dommage sera ainsi écarté.

 

14. La recourante estime avoir droit à la réparation complète de son préjudice en application de l'article 13 alinéa 1 LAVI. Elle prétend que le renvoi opéré par l'article 3 alinéa 1 OAVI au seul article 3b, alinéa 1 lettre a LPC n'est imposé ni par le texte de l'article 13 alinéa 1 LAVI, ni par sa ratio legis.

 

15. Le système d'indemnisation prévoit que la victime dont les ressources dépassent un certain seuil n'a plus droit à une indemnité. Pour déterminer le plafond de ressources au-delà duquel aucune indemnité n'est versée, le législateur a recouru à une limite connue et éprouvée dans la pratique, soit celle établie en matière de prestations complémentaires à l'AVS (Message, op. cit., p. 938).

 

L'article 12 alinéa 1 LAVI fait ainsi référence au "montant supérieur destiné à la couverture des besoins vitaux, fixé à l'article 3b, 1er alinéa, lettre a de la LPC". Le renvoi à ce dernier article opéré par l'article 3 alinéa 1 OAVI figure donc déjà à l'article 12 alinéa 1 LAVI.

 

On notera également que l'article 3b LPC énumère les dépenses reconnues et que la lettre a de l'alinéa 1 traite expressément des montants destinés à la couverture des besoins vitaux tels que mentionnés aux articles 12 et 13 LAVI.

 

Par ailleurs, lors de la révision de la LPC, le renvoi à la limite de revenu LPC dans la LAVI a été remplacé par un renvoi au montant supérieur destiné à la couverture des besoins vitaux. A cette occasion la méthode de calcul qui permettait de déduire du revenu les dépenses reconnues, a été jugée trop compliquée. La procédure a ainsi été simplifiée et la déduction des dépenses reconnues abandonnée. Pour compenser l'élévation du niveau de revenu déterminant qui s'ensuivait, le plafond a été élevé à quatre fois le montant supérieur destiné à la couverture des besoins vitaux. Cette augmentation du plafond s'est justifiée également du fait que le montant destiné à la couverture des besoins vitaux était légèrement inférieur au montant de la limite de revenu LPC précédemment utilisée (cf. Message concernant la troisième révision de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 20 novembre 1996, FF 1997 I p. 1137, 1158). Le législateur a donc tenu compte de la légère péjoration de la situation des victimes LAVI engendrée par la révision de la LPC et y a remédié en portant le plafond LAVI au quadruple du montant LPC.

 

Cet argument doit par conséquent être rejeté, l'article 3 alinéa 1 OAVI n'étant pas contraire au droit fédéral.

 

16. a. Dans le cas d'espèce, les revenus déterminants de la recourante étant compris entre le montant LPC et le plafond LAVI il convient d'appliquer la formule de l'article 3 alinéa 3 OAVI.

 

Le montant de l'indemnité alloué à la recourante par l'intimée sera le suivant :

 

6'986 - (18'533 - 16'880) x 6'986 = CHF 6'758.--.

(67'520 - 16'880)

 

b. Un intérêt compensatoire est dû par celui qui est tenu de réparer le dommage causé à autrui, à partir du moment où ce préjudice est intervenu (Pierre TERCIER, op. cit., p. 144).

 

Il convient d'assortir le montant de CHF 6'758.- d'un intérêt compensatoire fixé à 5 % dès le 10 septembre 1999, date du décès.

 

17. La recourante se plaint de ce que l'instance d'indemnisation ait amputé un montant de CHF 6'000.-- sur le montant alloué au titre de la réparation du tort moral.

 

18. Tant l'indemnité que la réparation morale ont un caractère subsidiaire, l'Etat n'intervenant que dans la mesure où l'auteur de l'infraction ou les assurances, sociales ou privées, ne réparent pas effectivement, rapidement et de manière suffisante le dommage subi. Pratiquement, la victime doit ainsi rendre vraisemblable qu'elle ne peut rien recevoir de tiers (auteur de l'infraction, assurances, etc.) ou qu'elle n'en peut recevoir que des montants insuffisants (ATF 125 II 169, consid. 2b/cc).

 

19. Dans le cas particulier la recourante s'est adressée au service du tuteur général pour connaître la situation financière de M. B__________. Selon les renseignements obtenus, subsistait de l'héritage touché par M. B__________ un solde de l'ordre de CHF 6'000.-- au 1er juin 2001, et de CHF 5'583,40 au 11 juillet 2002. Cet argent servait à l'entretien de M. B__________, calculé sur la base d'un revenu minimum vital selon les normes de l'Hospice général.

 

Par ces démarches, la recourante a rendu vraisemblable qu'elle ne pourrait rien recevoir de tiers ou seulement des montants insuffisants. L'intégralité des CHF 40'000.-- doit donc lui être accordée.

20. Selon la recourante ce montant doit être assorti d'un intérêt compensatoire de 5 % dès le jour du décès et non dès le 25 septembre 2001 comme l'a fait de manière inexpliquée l'instance d'indemnisation.

 

21. a. Dans l'ATA N. du 25 juin 2002, le tribunal de céans a considéré que des intérêts moratoires à une indemnité pour tort moral ne sauraient être alloués depuis la date du décès car l'octroi de tels intérêts supposait une mise en demeure préalable. Le tribunal de céans ne s'est toutefois pas prononcé sur l'octroi d'intérêts compensatoires.

 

b. La souffrance du lésé intervenant dès la survenance de l'événement dommageable, l'indemnité pour tort moral est exigible dès ce jour. L'octroi d'intérêts compensatoires permet de replacer le lésé dans une situation équivalente à celle qui aurait été la sienne s'il avait été immédiatement indemnisé (Alexandre GUYAZ, L'indemnisation du tort moral en cas d'accident, in SJ 2003 II 1).

 

22. Il convient donc d'assortir le montant de CHF 40'000.-- dû à titre de réparation morale d'un intérêt de 5% dès le 10 septembre 1999.

23. Il ressort de ce qui précède que le recours doit être partiellement admis. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, la procédure étant gratuite (art. 16 et 17 LAVI). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.-- lui sera allouée, à la charge de l'Etat de Genève.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 23 juillet 2002 par Madame P__________ contre la décision de l'instance d'indemnisation de la LAVI du 19 juin 2002;

 

au fond :

 

l'admet partiellement;

 

annule la décision de l'instance d'indemnisation de la LAVI du 19 juin 2002 ;

 

alloue à Madame P__________ une indemnisation de CHF 6'758.-- plus intérêts à 5% dès le 10 septembre 1999;

 

alloue à Madame P__________ une réparation morale de CHF 40'000.-- plus intérêts à 5% dès le 10 septembre 1999;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue à la recourante une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de l'Etat de Genève;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

communique le présent arrêt à Me Gérald Benoît, avocat de la recourante, ainsi qu'à l'Instance d'indemnisation de la LAVI.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci