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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/846/1999

ATA/457/2000 du 09.08.2000 ( TPE ) , ADMIS

Recours TF déposé le 19.09.2000, rendu le 01.12.2000, REJETE
Descripteurs : CONSTRUCTION ET INSTALLATION; PLAN D'AFFECTATION; SURFACE; TPE
Normes : LALAT.13
Résumé : Dérogation au règlement de construction communal non justifié. Les droits à bâtir ont déjà été utilisés sur les parcelles en cause.

 

 

 

 

 

 

 

 

du 9 août 2000

 

dans la cause

 

G. S.A.

 

CONSORTS M.

soit :

 

Madame P. M.

Madame M. B.

Madame M. J.

représentés par Me Christian Fischele, avocat

 

 

 

contre

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS

 

DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 

Monsieur J. H. F.

représenté par Monsieur G. K., mandataire

 

Monsieur E. MONNOT

COMMUNAUTE DES PROPRIETAIRES PAR ETAGE DU

... ... ... ...

 

Monsieur B. S.

représenté par Me Christian Buonomo, avocat

 



EN FAIT

 

1. Monsieur J. H. F. est propriétaire de la parcelle ..., feuille ... de la commune de B., à l'adresse ... ... ... 10, 10A et 10B. Ce terrain, en quatrième zone B protégée, est séparé du ... ... ... par la parcelle ..., sur laquelle est édifié un bâtiment.

 

2. Le 22 avril 1998, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : le département) a enregistré le dépôt d'une demande définitive d'autorisation de construire, déposée par M. K., architecte, au nom de M. F.. Elle visait à pouvoir édifier sur la parcelle ... trois villas contiguës, ainsi qu'un couvert pour voitures.

 

Au cours de l'instruction de la requête, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) a délivré un préavis favorable, précisant être d'accord avec l'octroi de certaines dérogations, en application de l'article 10 du règlement de construction du village de B..

 

Les autres préavis étaient aussi favorables au projet, la commune précisant toutefois que les requérants devaient fournir un conteneur à ordures et prévoir un total de sept places de stationnement.

 

3. Par décision publiée dans la Feuille d'avis officielle le 21 octobre 1998, le département a délivré l'autorisation sollicitée.

 

4. Par actes mis à la poste entre les 17 et 20 novembre 1998, la commission de recours en matière de constructions (ci-après : la commission de recours) a été saisie de plusieurs recours :

 

a. La communauté de propriétaires par étage du ... ... ... ... (ci-après : la PPE) relevait que le projet ne respectait pas le règlement de construction du village de B. : l'indice d'utilisation au sol prévu était de 0,721, alors que celui autorisé par ledit règlement était de 0,4. Le bâtiment projeté ne respectait pas la distance aux limites, étant implanté à 6 mètres et non à 7,70 mètres de ces dernières. Les sept places de parking prévues étaient partiellement aménagées sur celles de la PPE. Les arbres, sur la parcelle dont elle était propriétaire, empêchaient la réalisation du plan de circulation prévu. Certains végétaux devraient être abattus, alors qu'il n'y avait pas de plan d'arborisation. La PPE a encore transmis à la commission de recours un tirage de l'autorisation de construire n° 79'953, délivrée lors de l'édification du bâtiment de la PPE. Les parcelles visées portaient les numéraux 2563 et 2564. Le préavis de la commune, qui devait être respecté, prévoyait au minimum quinze places de stationnement au nord de la parcelle, au lieu des neuf prévues.

 

b. Monsieur et Madame B. S., propriétaires de la parcelle ..., se sont aussi opposés à l'autorisation. Lors de l'acquisition de leur fonds, ils avaient reçu des assurances sur le devenir du quartier, et une requête en autorisation de construire (n° ...) visant à édifier deux villas avait été refusée. L'arrière de la parcelle voisine avait été laissée en zone de verdure et en aire de jeux. Les constructions projetées, hautes et longues, créeraient un véritable mur enlevant soleil et vue. Les bâtiments prévus étaient surélevés d'au moins un mètre par rapport au terrain naturel. La création des places de parking transformerait l'arrière du ... ... ... en parc de stationnement, incompatible avec la zone, et certains arbres existants devraient être abattus, bien qu'aucun document n'en fasse état.

 

c. La société G. S.A., propriétaire d'un local dans la PPE, a aussi formé recours. La construction de la PPE avait épuisé tous les droits à bâtir des deux parcelles et le fait d'autoriser un nouveau bâtiment sur la parcelle ... porterait l'indice des deux terrains à 0,721.

 

La PPE était au bénéfice d'une servitude d'usage de places de parc sur la parcelle ..., inscrite au Registre foncier. Le projet de construction n'en tenait pas compte. La suppression des places de parc entraînait, pour la PPE et G. S.A., une violation de l'article 6 du règlement de constructions de B..

 

La parcelle ... disposait d'une servitude de passage sur la parcelle ..., qui n'était pas, en l'état, applicable, puisque des sapins se trouvaient sur le chemin prévu. La requête en autorisation de construire n'en faisait pas mention. Ce faisant, le principe de coordination était violé.

 

d. Les consorts M., soit Mme M. J., Mme M. B. et Madame P. M., ont aussi saisi la commission de recours, en leur qualité de propriétaires de la parcelle voisine (n° ...). Il existait une servitude de non bâtir au profit de l'Etat de Genève, du 9 janvier 1945, qui avait été violée.

 

e. M. E. Monnot, propriétaire de l'immeuble sis au ... ... ... 7, était en possession d'une servitude d'usage de parking sur la parcelle ..., qui n'était pas respectée.

5. Par courriers des 10 décembre 1998, M. K. s'est opposé aux recours.

 

a. La surface de la parcelle ... ne faisait pas partie du fonds où avait été édifié le bâtiment autorisé dans le dossier .... G. S.A. avait, en son temps, déposé une requête portant le n° ... visant à édifier des habitations et des garages sur la parcelle ..., qui avait été refusée pour d'autres motifs.

 

A l'origine, le projet respectait les distances aux limites, grâce à des groupes de toits. Il avait été modifié à la demande de la CMNS, qui avait proposé une dérogation aux distances à la limite de propriété.

 

La servitude d'usage de places de parking concernait sept places, alors que neuf places avaient été créées. Certaines des sept places existantes n'étaient utilisées qu'en partie par les habitants-propriétaires de la PPE.

 

Les sapins se trouvant devant l'accès de la parcelle ... ne seraient pas touchés par les travaux, et aucun arbre ne serait abattu.

 

Lors du dépôt de la requête en autorisation, le service juridique du département avait indiqué que la servitude de 1945 avait été radiée. Ultérieurement, M. K. avait appris que tel n'avait pas été le cas. Une demande de radiation avait été transmise au département, et les services de la police des constructions avaient indiqué que cette radiation serait accordée prochainement.

 

M. M. pouvait garder sa place de parking, puisque cette dernière faisait partie des sept places assurées par la servitude d'usage.

6. a. Une audience de comparution personnelle s'est tenue devant la commission de recours le 26 janvier 1999. La seule mention figurant au procès-verbal est : "dossier à compléter par le département".

 

b. Le 15 février 1999, G. S.A. a transmis à la commission de recours diverses pièces concernant le dossier n° ... : les parcelles concernées étaient toujours les parcelles ... et ....

 

c. Le 24 février 1999, le département a indiqué qu'après consultation du dossier n° ..., aucune indication portant sur l'utilisation des droits à bâtir de la parcelle ... n'avait été trouvée.

 

d. Une nouvelle audience a eu lieu le 30 mars 1999, au cours de laquelle la commission de recours a demandé un relevé de géomètre concernant l'entrée sur la parcelle ..., l'implantation des parkings et l'implantation du bâtiment projeté. Le département était chargé de produire les dossiers DD ... et DD ....

 

Le dossier DD ... a été transmis le 4 mai 1999. Le dossier DD ... n'a pas pu l'être, car introuvable.

 

e. Le 31 mars 1999, les requérants ont transmis à la commission de recours le relevé de géomètre demandé.

 

7. Le 29 juin 1999, la commission de recours a rejeté les recours, après les avoir joints.

 

Le département avait indiqué qu'aucun des droits à bâtir de la parcelle ... n'avait été utilisé lors de la délivrance de l'autorisation de construire ..., concernant la parcelle ....

 

Il ressortait du dossier n° ... que les parcelles ... et ... étaient cadastrées individuellement et disposaient de droits à bâtir propres, à hauteur d'un indice d'utilisation de 0,4.

 

Les questions de servitude ressortaient exclusivement du domaine du droit privé.

 

8. Par actes du 27 août 1999, les consorts M., soit pour eux Mmes M. J., M. B. et P. M., et G. S.A. ont saisi le Tribunal administratif d'un recours.

 

Dans la mesure où la commission de recours avait demandé l'apport des dossiers n° ..., ... et ... et que ces procédures n'avaient pas été versées au dossier ou à tout le moins que les consorts M. n'en avaient pas été informés et n'avaient pas pu se déterminer à leur sujet, leur droit d'être entendus avait été violé.

 

De même, les exigences de motivation des décisions n'étaient pas respectées, puisque la commission de recours ne discutait pas, dans sa décision, de la violation du principe de coordination allégué, de l'absence d'autorisation pour l'abattage d'arbres, pour le défrichement d'une haie ainsi que de la violation de l'article 6 du règlement communal de B., relatif à l'obligation d'aménager des places de parking.

 

Matériellement, lorsque la PPE avait construit son bâtiment, elle avait utilisé tous les droits à bâtir des parcelles ... et .... Les autorisations des propriétaires des deux parcelles avaient été exigées, et toute la correspondance mentionnait les deux numéros de terrains.

 

Dès lors, force était d'admettre que l'autorisation litigieuse permettait un taux d'utilisation du sol des deux parcelles de 0,721, violant ainsi le règlement de construction du village de B..

 

De plus, les recourants développaient leur argumentation quant aux effets de l'absence d'autorisation d'abattage d'arbres, de défrichement de haie, ainsi que ceux relatifs à la violation du principe de la coordination.

9. Invitée à se déterminer au sujet du recours, G. S.A. a constitué le même avocat que la PPE et les consorts M., et a déclaré faire sienne leur argumentation.

 

10. a. M. F. s'est opposé aux recours par la plume de son mandataire, M. K..

 

Aucun arbre ne devait disparaître, puisque selon le relevé du géomètre officiel, la distance entre ces arbres et la limite de propriété était de 330 centimètres. L'administrateur de la PPE et M. F., promoteur de l'affaire et administrateur de G. S.A. avaient mandaté un architecte en 1986 afin d'obtenir une autorisation de construire sur la parcelle ..., ce qui démontrait que les droits à bâtir de ce terrain n'avaient pas été utilisés pour édifier l'immeuble sis sur la parcelle .... Si la parcelle ... figurait sur l'autorisation n° ..., c'était parce que les sept places de stationnement de la PPE, qui étaient au demeurant maintenues, se trouvaient sur cette dernière.

b. Le département s'est aussi opposé aux recours. Le droit d'être entendu n'obligeait pas l'autorité à attirer l'attention des parties sur des faits décisifs qui leur étaient connus. Le département avait analysé le dossier n° ..., et constaté qu'il n'apportait pas d'éléments de réponses sur les droits à bâtir de la parcelle .... Le dossier n° ... avait été transmis à la commission de recours.

 

L'ancienne propriétaire de la parcelle ... avait effectivement dû donner son accord lors de la procédure en autorisation de construire n° ..., uniquement parce que les places de parking étaient édifiées sur son fonds. Cet accord ne visait pas à transmettre les droits à bâtir de la parcelle ... à la parcelle ....

 

L'indice de construction était de 0,439. Le léger dépassement de l'indice imposé par le règlement de construction de la commune de B. ne posait pas problème, au vu de l'article 10 dudit règlement et de l'article 106 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05). Aucun arbre ne serait abattu, ni aucun massif démoli. Le principe de la coordination n'était dès lors pas violé.

 

11. Le juge délégué à l'instruction du dossier a procédé à un transport sur place le 24 novembre 1999.

 

Il a pu visualiser l'endroit où le bâtiment devait être édifié, ainsi que l'emplacement des parkings et des accès prévus.

 

L'un des propriétaires de la PPE, M. B., a indiqué que lorsqu'il avait acheté son atelier, où il exerçait l'art de la peinture, il lui avait été assuré que le terrain en face était inconstructible. Le projet litigieux, face aux fenêtres de son atelier, "mangerait" la lumière.

 

Les consorts M., propriétaires du bâtiment contigu à celui édifié sur la parcelle ... avaient dû diminuer leur projet pour respecter la densité. Le bas de la parcelle était en jardins non constructibles en l'état mais, si le projet litigieux devait voir le jour, ils construiraient également sur cette surface.

 

M. F. a insisté sur le fait que la haie entre la construction projetée et le parking serait préservée et respectée. Le passage entre le sapin existant et la limite de propriété pouvait être emprunté même par des machines de chantier, cas échéant en soulevant les branches de sapin ou en l'élaguant quelque peu.

 

M. K. a alors relaté certains éléments liés à la disparition du dossier n° ...; un échange de propos, pouvant être qualifié de vif, a eu lieu entre M. F. et M. F..

 

12. Le 29 novembre 1999, le département a transmis au tribunal une copie du dossier ..., confirmant que le dossier ... restait introuvable.

 

13. Le 13 décembre 1999, M. K. a apporté quelques précisions au procès-verbal.

 

Le 6 janvier 2000, M. F. s'est déterminé suite au transport sur place. Il tenait "à dénoncer vigoureusement certaines omissions regrettables, ainsi que les calomnies que (son) ex-associé s'(était) permis de débiter sur (son) compte" :

 

- C'était M. F. qui s'était occupé du projet ... ... ... ... et qui avait affirmé à M. B. que la parcelle ... n'était pas constructible.

 

- Lors du transport sur place, il avait "ironisé en disant à MM. B. et F. vous avez dit que le terrain n'était pas constructible pour vous inciter à acheter, en fait il a trompé votre confiance". Ces propos n'avaient pas été enregistrés dans le procès-verbal.

 

- Il était inexact que M. F. n'avait déposé une autorisation de construire que pour démontrer que la parcelle n'était pas constructible, puisqu'il avait contacté les copropriétaires pour leur proposer un garage souterrain afin de désarmer d'éventuelles oppositions.

 

- G. S.A. avait acquis un local en sous-sol uniquement pour pouvoir faire opposition au projet.

 

Suivaient d'autres propos, peu amènes, à l'égard de M. F., de son avocat et d'une ancienne juge d'instruction en particulier.

 

A ce pli était joint le "pedigree partiel du frontalier F.".

 

14. Le 31 janvier 2000, le conseil des recourants a indiqué que M. F., administrateur de G. S.A., avait décidé de déposer une plainte pénale pour diffamation et calomnies, au vu du contenu de la réponse de M. F..

 

La présente procédure devait être suspendue dans l'attente de la décision de la justice pénale.

 

15. M. F. a encore versé au dossier un tirage d'un courrier adressé à l'avocat des recourants.

 

De son côté, M. K. a indiqué, le 22 février 2000, que, si la procédure était suspendue, il demandait à être réentendu au sujet des dossiers disparus.

 

16. a. Ultérieurement, le juge délégué à l'instruction de la cause s'est rendu compte qu'une requête en autorisation préalable de construire avait été déposée en son temps en vue d'édifier un immeuble d'habitation sur les parcelles ... et ... (DD ...). Cette autorisation avait été accordée le 28 septembre 1983, et le bâtiment projeté correspondait à celui autorisé dans le dossier n° .... La parcelle ... était qualifiée de "zone de verdure/place de jeu".

 

b. Un délai a été imparti aux parties pour se déterminer au sujet de ces nouvelles pièces.

 

Les recourants ont relevé que l'ensemble des pièces déposées à la procédure indiquaient que les droits à bâtir de la parcelle ... avaient été utilisés lors de l'édification du bâtiment se trouvant sur la parcelle ..., et persistaient dès lors dans leurs conclusions.

 

Les autres parties ne se sont pas déterminées dans le délai imparti.

 

 

 

EN DROIT

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. En ce qui concerne la demande de suspension, le Tribunal administratif constate qu'aucun des motifs prévus à l'article 78 LPA n'est réalisé.

 

D'autre part, l'article 14 LPA prévoit que, lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité, la suspension de la procédure peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions.

 

En l'espèce, la solution de la présente cause n'apparaît pas liée au sort de la plainte pénale déposée par M. F. contre M. F.. Dès lors, la demande de suspension sera rejetée.

 

3. Les recourants se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendus, la commission de recours ayant tranché le litige sans qu'ils aient pu se déterminer sur certaines pièces versées à la procédure et, d'autre part, du fait que la commission de recours n'a pas traité certains de leurs arguments.

 

a. De jurisprudence constante, l'éventuelle violation du droit d'être entendu par l'autorité inférieure peut être réparée lorsque l'administré a la possibilité de s'adresser à une autorité de recours qui a le pouvoir d'examiner toutes les questions qui pouvaient être soumises à l'autorité inférieure (ATF 110 Ia 82; RDAF 1990, p. 411; ATA T. du 2 mars 1999).

 

L'autorité qui verse au dossier de nouvelles pièces dont elle entend se prévaloir dans son jugement est en principe tenue d'en aviser les parties, encore qu'elle ne soit pas obligée de les renseigner sur chaque production de pièces, car il suffit qu'elle tienne le dossier à leur disposition (cf. RDAF 1990, p. 411). De même, le droit d'être entendu comporte le devoir pour l'autorité de motiver ses décisions, afin de montrer à l'administré qu'elle a tenu compte des points soulevés par ce dernier et qu'il a dès lors été entendu (ATF 112 Ia 109). Ce devoir ne comporte pas l'obligation de prendre position sur tous les moyens soulevés, mais seulement sur ceux qui sont clairement invoqués et dont dépend le sort du litige.

 

b. En l'espèce, force est d'admettre que le droit d'être entendus des recourants, tel qu'exposé ci-dessus, a été violé par l'autorité de première instance. Toutefois, ils ont pu, devant le Tribunal administratif, prendre position sur l'ensemble des pièces utilisées par l'autorité de première instance, et reprendre les arguments qu'ils estimaient que cette dernière n'ait pas développés. Dès lors, les violations du droit d'être entendu ont été réparées par la présente procédure. Ce grief n'est dès lors pas fondé.

 

4. La législation genevoise en matière de police des constructions et d'aménagement du territoire a pour seul but d'assurer la conformité du projet présenté avec les prescriptions concernées de droit public (ATF 94 I 140 = JdT 1969 I 88; ATA L. du 24 janvier 1990; B. du 3 septembre 1993). Elle n'a en revanche pas pour objet de veiller au respect des droits réels, tels les servitudes.

 

Dès lors, le fait que les recourants allèguent que le projet litigieux violerait les servitudes dont ils disposent sur la parcelle ... ne peut influencer le sort de la présente procédure.

 

5. Les recourants se plaignent d'une double violation du règlement de construction du village de B. et du plan qui y est annexé : l'indice d'utilisation du sol serait dépassé, et les règles concernant les distances aux limites de propriété violées.

 

Le Tribunal administratif a déjà eu l'occasion de se pencher sur la nature du règlement de construction du village de B. et de déterminer que ce dernier constituait un plan d'affectation, au sens de l'article 13 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LALAT - L 1 30; ATA G. du 18 février 1997).

 

Selon l'article 10 du règlement, le département peut, après consultation de la commune et de la commission compétente, déroger aux dispositions communales si les circonstances le justifient et que cette dérogation ne porte pas atteinte au but général visé.

 

a. La doctrine et la jurisprudence ont toujours reconnu un certain pouvoir d'appréciation à l'administration dans l'octroi de dérogations (RDAF 1976 p. 124; P. MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne, 2ème éd., 1994, ch. 4.1.3.3; A. MACHERET, La dérogation en droit public : règle ou exception in Mélanges A. GRISEL, Neuchâtel, 1983, pp. 557-566; sur la notion de pouvoir d'examen : cf. ATF 119 Ib 401, consid. 5b in fine; ATA W. du 15 octobre 1996). Lorsque la loi autorise l'autorité administrative à déroger à l'une de ses dispositions, notamment en ce qui concerne les constructions admises dans une zone, elle confère à cette autorité un certain pouvoir d'appréciation qui lui permet en principe de statuer librement. L'autorité est néanmoins tenue d'accorder la dérogation dans un cas où le texte légal l'y oblige expressément ou implicitement, ou encore lorsque la dérogation se justifie par des circonstances particulières, que notamment elle répond aux buts généraux poursuivis par la loi, qu'elle est commandée par l'intérêt public ou par un intérêt privé auquel ne s'opposent pas un intérêt public ou d'autres intérêts privés prépondérants, ou encore lorsqu'elle est exigée par le principe de l'égalité de traitement, sans être contraire à un intérêt public (ATF 117 Ia 146-147, consid. 4).

 

En tout état de cause, une dérogation ne peut être accordée ou refusée de manière arbitraire (SJ 1987 397-398; ATA H. du 11 mars 1987; B. du 7 décembre 1993).

 

b. L'interprétation des dispositions exceptionnelles ne doit pas être résolue dans l'abstrait, une fois pour toutes, mais de cas en cas, à l'aide des méthodes d'interprétation proprement dites, qui valent pour des dispositions exceptionnelles comme pour les autres règles (A. GRISEL, Traité de droit administratif, 1984, p. 139; ATA H. du 11 mars 1987; DTP c/ M. du 28 septembre 1988; N. du 18 octobre 1989).

 

Même expressément habilitée à le faire, l'autorité n'est pas tenue d'accorder une dérogation (ATF 99 Ia 471 consid. 3a) et peut interpréter restrictivement une norme dérogatoire (RDAF 1981 p.424). Ce principe n'a toutefois pas une portée absolue dans la mesure où les normes dérogatoires s'interprètent soit restrictivement, soit selon le sens et le but de la disposition dérogatoire elle-même (R. RHINOW/B. KRÄHENMANN, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, Ergänzungband, 1990, no 37 B II). Plus récemment, la jurisprudence a encore précisé que la dérogation servait fondamentalement à éviter des hypothèses difficiles dans des cas limites, en permettant de prendre en considération des situations exceptionnelles à propos d'un cas d'espèce. La plupart du temps, toutefois, des considérations d'ordre économique ne permettent pas de justifier une dérogation qui ne peut en tout cas pas être accordée pour fournir "une solution idéale" au maître de l'ouvrage (ATF 107 Ia 216, ainsi que la doctrine et la jurisprudence citées; ATA C. du 21 mai 1986; H. du 19 août 1988; B. du 7 décembre 1993).

 

c. A l'intérieur de la zone à bâtir, les dérogations ne peuvent être accordées que si quatre conditions cumulatives sont remplies :

 


a) le cas justifiant une exception doit être véritablement particulier;

b) la voie de l'exception ne doit pas conduire à une large inapplication de la loi;

c) elle ne doit pas aller à l'encontre de celle-ci;

d) elle ne doit pas permettre d'assujettir l'ayant-droit à des charges nouvelles

 


(cf. Etudes relatives à la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, OFAT 1981, p. 277 ad art. 23).

 

d. Enfin, la juridiction de céans est liée par l'article 61 alinéa 2 LPA qui proscrit le contrôle de l'opportunité des décisions entreprises, sauf exception prévue par la loi.

 

e. Quant à la problématique des rapports de surface, il n'est pas contesté que, selon le règlement communal, le taux admis dans cette zone est de 0,4.

 

f. Il ressort de la demande préalable n° t que les propriétaires de la parcelle ... avaient, à l'époque, expressément autorisé MM. F. et F. à déposer des requêtes préalables et définitives pour la construction d'un petit immeuble sur la parcelle .... La lecture de l'extrait du plan cadastral annexé à la requête met en évidence que l'architecte, à l'époque, avait calculé le rapport de surfaces en tenant compte de l'ensemble des parcelles ... et ..., la première devant être utilisée en tant que zone de verdure et place de jeu.

 

Dès lors, l'immeuble déjà édifié utilise l'ensemble des droits à bâtir des deux parcelles, ce que M. F., dont le nom apparaît comme étant l'un des bénéficiaires de l'autorisation de construire préalable délivrée en 1983, devait savoir.

 

La construction d'un nouveau bâtiment sur la parcelle ... ne peut dès lors être admise qu'en dérogation au règlement de construction du village de B.. On ne voit pas, en l'espèce, ce qui justifierait l'octroi d'une dérogation. La parcelle de l'intimé n'a rien de particulier qui justifie un tel traitement. Bien au contraire, en cas d'octroi de l'autorisation, on ne voit pas ce qui permettrait de la refuser aux autres personnes qui désireraient densifier, dans une proportion identique, les terrains qu'ils possèdent dans le périmètre concerné.

 

g. Au vu de ce qui précède, le recours sera admis et l'autorisation litigieuse annulée.

 

6. Une indemnité de procédure en CHF 1'500.- sera allouée aux recourants pris collectivement et un émolument de CHF 1'500.- sera perçu. Ces sommes seront à la charge de M. F..

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable les recours interjeté le 27 août 1999 par G. S.A. et les consorts M., soit pour eux Mesdames P. M., M. B. et M. J., contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 29 juin 1999;

 

au fond :

 

admet le recours;

 

annule l'autorisation litigieuse;

 

alloue une indemnité en CHF 1'500.- aux recourants, pris collectivement, à la charge de M. F.;

 

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de M. F.;

 

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi;

 

communique le présent arrêt à Me Christian Fischele, avocat des recourants, à Monsieur G. K., mandataire de Monsieur F., à Monsieur E. M., à la PPE ... chemin ... ... ..., à Me Christian Buonomo, avocat de Monsieur S. ainsi qu'à la commission cantonale de recours en matière de constructions et au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Schucani, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, MM. Thélin, Paychère, juges, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci