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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/604/2000

ATA/362/2001 du 29.05.2001 ( JPT ) , REJETE

Descripteurs : RESTAURANT; HOMME DE PAILLE; JPT
Normes : LRDBH.21 al.1
Résumé : Exploitante présente dans son restaurant 3 fois sur 15 contrôles et qui ne gère pas effectivement celui-ci. Suspension du certificat de 6 mois et amende de CHF 2'000.- confirmés.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 29 mai 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur F____________

Madame P____________

Madame R____________

représenté par Me Robert Assael, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

DÉPARTEMENT DE JUSTICE ET POLICE ET DES TRANSPORTS

 



EN FAIT

 

 

1. Par arrêté du 8 novembre 1996, le département de justice et police et transports (DJPT) a autorisé Monsieur F____________ à exploiter le café-restaurant à l'enseigne E____________, place _________ à Genève, propriété de Monsieur E____________.

 

2. Par décision du 5 novembre 1998, le DJPT a infligé à M. F____________ une amende administrative de Frs 4'000,-- et suspendu, pour une durée de 12 mois, la validité du certificat de capacité dont il était titulaire. Il avait en effet servi de prête-nom dans le cadre de deux autres établissements, à savoir le "G__________", rue _________ et "L__________", rue ________ à Genève.

 

3. Consécutivement à la décision susmentionnée, le Service des autorisations et patentes a invité M L__________, par courrier du 27 janvier 1999, à désigner un nouvel exploitant pour son établissement l'E____________ .

 

4. Par requête du 9 février 1999, Madame P____________, titulaire du certificat de capacité, a sollicité l'autorisation d'exploiter ledit établissement.

 

A l'appui de sa requête, Mme P____________ a produit ultérieurement deux lettres datées respectivement des 23 et 26 février 1999, signées par Madame R____________, gérante, confirmant son engagement en qualité d'exploitante pour " effectuer gratuitement les heures de présence " et " tout ce qui concerne l'exploitation ", afin d'effectuer " un contrôle strict " et ne pas se retrouver devant des "problèmes connus".

 

5. En cours de la procédure d'autorisation d'exploiter, le DJPT a constaté par un extrait du Registre du Commerce que Mme R____________ non titulaire du certificat de capacité et qui n'est pas au bénéfice d'une autorisation d'exploiter - était inscrite en raison individuelle en tant que chef de maison du café-restaurant E____________  , sans signature. M. F____________ en dépit de la décision du Département du 5 novembre 1998 mentionnée ci-dessus - était toujours inscrit avec procuration individuelle, Mme P____________ étant pour sa part inscrite dès le 4 mars 1999 avec une simple procuration collective à deux.

 

6. En conséquence, en date du juillet 1999, le service des autorisations et patentes a sollicité de la gendarmerie une enquête aux fins de vérifier qui exploitait effectivement le café-restaurant E____________  .

 

7. Il ressort du rapport de gendarmerie du 22 décembre 1999 que l'établissement public E____________   est ouvert du mardi au vendredi de 1700 à 0200, et les samedis et dimanches de 1800 à 0200. La gendarmerie a effectué, du 7.7.1999 au 9.11.1999, 15 contrôles. Ces passages ont eu lieu à des fréquences aléatoires, des jours de la semaine différents, et à des heures oscillant entre 1745 et 0050.

 

8. M. F____________ déclare travailler à l'E____________ depuis le mai 1996. Il en a d'abord été l'exploitant autorisé, et dès le début du mois de février 1999, Mme P____________ est l'exploitante autorisée officielle. Il se dit adjoint de Mme P____________ et de Mme R____________, exercer des fonctions les plus diverses consistant dans les achats - parfois en compagnie de Mme P____________ -, le service, la mise en place, le nettoyage, un peu de cuisine (raclettes) et les divers travaux nécessaires à la bonne marche de l'établissement. Il règle les factures, tâche qu'effectuerait également Mme R____________. Il travaille tous les jours de la semaine, exception faite du lundi, jour de fermeture de l'établissement. Il exerce son activité de l'ouverture vers 17 heures jusqu'à la fermeture entre minuit et 0200. Il affirme, sur question, que Mme P____________ est régulièrement présente dans l'établissement, qu'elle s'y trouve plutôt entre 17 et 21 heures, revenant parfois un peu avant la fermeture. Il déclare que Mme P____________ viendrait aussi de temps à autre effectuer les achats en sa compagnie, le matin. Il expose en outre que Mme P____________ est également présente en dehors des heures d'ouverture lorsque des personnes se présentent pour offrir leurs services. Il affirme que Mme P____________ effectue le travail qu'il ne peut pas faire. Ainsi répond-t-elle au téléphone, accueille-t-elle la clientèle. Elle ne fait pas de service.

 

Confronté à la statistique de la gendarmerie, révélant que sur 15 contrôles, Mme P____________ n'était présente qu'à trois occasions, M. F____________ explique que la responsable a une santé fragile nécessitant des soins hors de Genève et que pour le surplus, lors de certains passages de la police, elle n'était pas encore arrivée ou était déjà repartie.

 

9. Mme P____________ déclare être l'exploitante autorisée de l'E____________ dès le 15 février 1999, ayant été engagée par Mme R____________. S'agissant de ses fonctions dans l'établissement, elle explique recevoir les clients, répondre au téléphone. Elle n'effectue pas de service, mais elle aide M. F____________ pour les tâches qu'il ne peut accomplir. Elle effectue également les courses. Elle est présente avec M. F____________ lorsque des personnes se présentent pour travailler à mi-temps. Elle ne touche pas à la caisse. Elle déclare qu'en principe elle travaille tous les jours de la semaine, à l'exception du lundi. Elle arrive vers 1830-1900 heures et reste jusque vers 2200-2230 heures. Il lui arrive, mais très rarement, de revenir pour la fermeture. Elle dit travailler également l'après-midi pour faire les achats. S'agissant des prix des consommations et des mets servis à l'E____________ , elle précise ne pas en connaître les détails car elle ne sert pas et n'encaisse pas. Si elle sait ce qui y est servi, elle ne connaît pas bien les prix. S'agissant de la statistique des passages de la police et du fait que sur 15 contrôles elle n'était présente qu'à trois reprises, elle admet les faits. Elle observe - le 3 décembre 1999 - que depuis deux semaines elle n'a vu aucun policier alors qu'elle était régulièrement présente. (Le dernier contrôle de la gendarmerie a eu lieu le 9 novembre 1999...). Elle dit également avoir été malade, et suivi une cure de 15 jours à LOECHE à fin août - début septembre (jusqu'au 7 septembre).

 

10. Quant à Mme R____________, elle déclare être la gérante de l'E____________ depuis le mai 1996. Elle cuisine, fait le service, le nettoyage, le repassage, à l'exception de l'administration dont s'occupe M. F____________. Officiellement elle travaille de 17 heures à 2 heures et y travaille également, irrégulièrement, le matin et l'après-midi. Elle est présente tous les jours de la semaine, sauf le lundi. Au sujet de Mme P____________, elle prétend qu'elle est régulièrement présente à l'E____________ , mais que ses heures de présence varient en fonction de son emploi du temps et de " nos besoins ". Elle évalue le temps de présence de Mme P____________ à 3 à 4 heures par jour. Mme R____________ explique que Mme P____________ accueille la clientèle, répond au téléphone et l'aide pour la mise en place. Elle effectue également les achats. Mme R____________ dit lui demander de discuter avec les clients car elle n'y arrive pas, vu ses occupations. Elle précise que la responsable ne peut pas effectuer le service car elle est de santé fragile, relevant néanmoins, en conclusion, que Mme P____________ " nous est indispensable pour la bonne marche de l'établissement ". S'agissant des statistiques des contrôles de présence de Mme P____________, Mme R____________ suggère que les gendarmes sont " mal tombés ", qu'ils se sont souvent croisés avec Mme P____________, cette dernière ayant également été en vacances ou malade.

 

A la question de savoir qui dirige l'établissement, Mme R____________ déclare : "M. F____________ et moi-même. Nous nous partageons les bénéfices".

 

11. Par courrier du 6 mars 2000, le DJPT a reproché à M. F____________- sous le coup d'une suspension de son certificat de capacité de 12 mois - d'avoir continué à exploiter un établissement public, l'E____________ , sans être au bénéfice d'une autorisation, sous le couvert d'un prête-nom, l'enquête de gendarmerie ayant montré que Mme P____________ n'exploitait pas personnellement. Indépendamment des mesures administratives qui seraient prises le cas échéant, à l'encontre de Mme P____________ et Monsieur L__________, le DJPT envisageait d'ordonner la cessation immédiate de l'exploitation de l'E____________ , de prononcer une nouvelle suspension de son certificat de capacité et de prononcer à son encontre, solidairement avec Mme R____________, une amende administrative. Un délai leur était fixé au 17 mars 2000 pour faire part de leurs observations.

 

Par courrier du même jour et lui impartissant un même délai pour se prononcer, le DJPT reprocha à Mme P____________ de servir de prête-nom à M. F____________ et à Mme R____________. Il envisageait en conséquence de suspendre la validité de son certificat de capacité et prononcer une amende administrative à son encontre.

 

Le même jour, le DJPT s'adressait encore à Monsieur L__________. Le Département lui reprochait en tant que propriétaire de l'établissement, d'avoir en réalité confié l'exploitation de l'E____________ à M. F____________ et à Mme R____________, alors qu'il avait annoncé la confier à Mme P____________. Il envisageait de lui infliger une amende administrative.

 

12. Me ASSAEL s'est constitué pour la défense de M. F____________ et de Mme P____________, peu avant l'échéance dudit délai, obtenant deux délais supplémentaires pour présenter les observations de ses clients. Il le fit par un seul courrier du 30 mars 2000, vu la connexité des faits reprochés.

 

13. Dans ce courrier, M. F____________ et Mme P____________ contestent les griefs formulés à leur encontre, relevant au sujet de l'établissement qu'il ne trouble par l'ordre public. Ils concluent à ce que le Département renonce à toute sanction administrative et classe purement et simplement le dossier.

 

14. Sur quoi le Département, par courriers recommandés du 2 mai 2000, reçus le 3 mai, distincts pour M. F____________ et Mme P____________, a notifié au conseil commun des recourants, deux décisions :

 

S'agissant de l'établissement, de M. F____________ et de Mme R____________, le DJPT :

 

- a ordonné la cessation immédiate de l'exploitation du café-restaurant à l'enseigne E____________ , précisant que si celle-ci n'était pas spontanément interrompue dans les 48 heures, le Département procéderait à la fermeture de l'E____________ avec apposition de scellés, la réouverture de l'établissement public étant expressément subordonnée à la désignation d'un nouvel exploitant titulaire du certificat de capacité, et à l'accord du Département.

 

- a prononcé à l'encontre de M. F____________ une nouvelle décision d'exécution de la suspension entrée en force du certificat de capacité pour une durée de 12 mois.

 

- a infligé à M. F____________ - solidairement avec Mme R____________ - une amende administrative de frs 2'000,--.

- le DJPT a retiré l'effet suspensif, déclarant la décision exécutoire nonobstant recours.

 

S'agissant de Mme P____________, le DJPT .

 

- a prononcé la suspension pour 6 mois de la validité du certificat de capacité et infligé une amende administrative de Frs 3'000,--.

 

15. Par un recours commun, déposé le 31 mai 2000, M. F____________, Mme P____________ et Mme R____________, concluent préalablement à la restitution de l'effet suspensif, et au fond à la mise à néant des décisions entreprises, avec suite de frais et dépens. Les recourants font valoir qu'en réalité Mme P____________ exploite personnellement l'établissement, en ayant recours à l'aide de M. F____________ et de Mme R____________ lesquels travaillent sous sa responsabilité. S'agissant du retrait de l'autorisation d'exploiter et la fermeture immédiate de l'établissement, les recourants persistent à considérer que cette mesure ne répond à aucun intérêt public, dans la mesure où il n'a pas été allégué qu'il troublerait l'ordre public. La suppression de l'effet suspensif du recours violerait le principe de la proportionnalité. Enfin, la fermeture de l'établissement lèserait gravement les intérêts économiques de M. F____________ et de Mme R____________, qui seraient ainsi privés de toute source de revenu.

 

16. Invité à se prononcer sur la demande de restitution de l'effet suspensif, le DJPT a considéré principalement que la décision qu'il avait prise de retirer l'effet suspensif d'un recours contre la décision frappant M. F____________ et Mme R____________, et l'établissement, était amplement justifiée. Le DJPT a toutefois considéré que, dans la mesure où les recourants avaient finalement désigné, le 9 juin 2000, un nouvel exploitant titulaire du certificat de capacité en la personne de Monsieur Mario C__________, il pouvait renoncer à ordonner la fermeture immédiate de l'établissement pour autant que le nouvel exploitant soit effectivement en mesure de commencer immédiatement son activité, comme mentionné dans sa requête. En d'autres termes, l'intimé ne s'opposait pas à la restitution de l'effet suspensif, dans la mesure où la condition susmentionnée était respectée.

 

17. Au vu de ces conclusions, le Président du Tribunal Administratif a interpellé le conseil de M. F____________, par courrier du 15 juin 2000, l'invitant à confirmer au Tribunal que Monsieur C__________ était effectivement en mesure de commencer immédiatement son activité d'exploitant, précisant qu'aussitôt qu'il en aurait reçu la confirmation, il ordonnerait la restitution de l'effet suspensif.

 

18. En définitive, ce courrier est resté lettre morte, l'instruction au fond ayant toutefois révélé que Monsieur C__________ avait bel et bien pris ses fonctions, conformément à l'autorisation qui lui avait été délivrée par arrêté du DJPT du 19 juillet 2000.

 

19. Sur le fond, le Département a conclu au rejet du recours.

 

20. Les parties persistent dans leurs conclusions, dans le cadre d'un bref échange d'écritures de réplique et duplique.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. En l'espèce, la décision prise à l'encontre de M. F____________ et de Mme R____________ a pour objet d'une part l'ordre de cessation immédiate de l'exploitation du café restaurant à l'enseigne E____________ , nouvelle décision d'exécution de la suspension entrée en force du certificat de capacité de M. F____________ pour une durée de 12 mois, et enfin la condamnation solidaire de M. F____________ avec Mme R____________, à une amende administrative de Frs 2'000,--.

 

b. La décision prise par le DJPT à l'encontre de Mme P____________ a pour objet la suspension pour une durée de six mois de la validité du certificat de capacité de l'intéressé, et sa condamnation à une amende administrative de Frs 3'000,--.

 

Le recours, en tant qu'il vise l'ordre de cessation immédiate d'exploiter est devenu sans objet. Il convient donc d'examiner les motifs des recourants relatifs d'une part aux amendes administratives infligées, et d'autre part à la suspension de la validité du certificat de capacité dont Mme P____________ est titulaire.

 

3. a. Le but premier de la loi sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH-I2 21) est d'assurer qu'aucun établissement qui lui est soumis ne soit susceptible de troubler l'ordre public, en particulier la tranquillité, la santé et la moralité publique, du fait de son propriétaire ou de son exploitant, ainsi qu'en raison de sa construction, de son aménagement et de son implantation (art. 2 al. 1 LRDBH).

 

b. L'exploitation de tout établissement régi par la LRDBH est soumise à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le DJPT. Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie, agrandissement et transformation d'établissement, changement d'exploitant ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 4 al. 1 et 2 LRDBH).

 

c. Conformément à l'article 19 al. 1 LRDBH, le propriétaire qui n'entend pas se charger lui-même de l'exploitation de son établissement est tenu d'annoncer au DJPT la personne à laquelle il la confie et qui en assume la responsabilité à l'égard de ce dernier. Les manquements de l'exploitant sont opposables au propriétaire (art. 19 al. 2 LRDBH).

 

4. a. L'autorisation d'exploiter est notamment subordonnée à la condition que le requérant soit titulaire d'un certificat de capacité (art. 5 al. 1 lettre c LRDBH). Cette autorisation est strictement personnelle et intransmissible (art. 15 al. 3 LRDBH). L'exploitant est ainsi tenu de gérer son établissement de façon personnelle et effective (art. 21 al. 1 LRDBH).

 

b. Cette obligation ne lui interdit pas de s'absenter quelques heures par jour, voire quelques jours, par exemple pendant les périodes de vacances ou de service militaire. De plus, la LRDBH n'interdit pas à l'exploitant d'un établissement public d'exercer une autre activité, dans la mesure où elle lui laisse le temps de gérer effectivement l'établissement (ATA R. du 9 février 1999). Il n'en demeure pas moins qu'il lui est formellement interdit de servir de prête-nom pour l'exploitation d'un établissement (art. 12 LRDBH ; mémorial des séances du Grand Conseil, 1985 34/III 4244 et 4248). Cette interdiction vise à prévenir l'exploitation d'établissements par des personnes qui ne répondraient pas à des conditions de capacité et d'honorabilité bien déterminées, avec tout ce que cela comporte comme risque pour le public (ATA A. du 26 septembre 2000 ; L du 2 février 1999).

 

c. Si le détenteur enfreint cette règle, le DJPT peut prononcer la suspension pour une durée de 6 à 24 mois de la validité du certificat de capacité dont le titulaire sert de prête-nom pour l'exploitation d'un établissement (art. 73 LRDBH).

 

Il peut en outre infliger une amende administrative de Frs 100,-- à Frs 60'000,-- en cas d'infraction à la loi et à ses dispositions d'application (art. 74 al. 1 LRDBH).

 

5. En l'espèce, le DJPT ayant constaté qu'à teneur de l'extrait du Registre du Commerce relatif à l'établissement l'E____________ , Mme R____________ y figurait en tant que chef de maison de cet établissement, que M. F____________ y était toujours inscrit avec signature individuelle tandis que Mme P____________ y était inscrite depuis le 4 mars 1999 avec une simple procuration collective à deux, a souhaité faire vérifier par une enquête de police (art. 7 du Règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boisson et l'hébergement (RLRDBH) - I 2 21.01), qui exploitait effectivement l'établissement.

 

 

6. a. Ainsi que cela résulte des faits exposés ci-dessus, il ressort du rapport de la gendarmerie, que sur les 15 contrôles effectués du 7 juillet au 9 novembre 1999, Mme P____________ ne fut présente que lors de trois contrôles, à l'occasion de deux desquels elle ne travaillait pas : elle était assise au bar et consommait.

 

Pour le surplus la description de l'activité de Mme P____________ dans cet établissement, telle qu'elle ressort des déclarations des trois recourants à la police, en font plus une employée subalterne, voire occasionnelle, qu'une véritable tenancière. Il résulte au contraire des constatations de la police, et des déclarations des recourants que le véritable exploitant de l'établissement est M. F____________. Mme R____________, répondant à la question de savoir qui dirige l'établissement, répond clairement : " M. F____________ et moi-même. Nous nous partageons les bénéfices. "

 

Ces constatations ne viennent d'ailleurs que corroborer le contenu du Registre du commerce ayant suscité les doutes de l'intimé quant à l'exploitation effective de l'établissement par Mme P____________. Tout passe en effet par M. F____________, lequel s'occupe seul de l'administration et d'une façon générale de la gestion de l'établissement. Quant à Mme P____________, elle ne serait pas même habilitée à accomplir seule le moindre acte de gestion, vu les pouvoirs limités qui lui sont consentis à teneur de l'extrait du Registre du commerce : la procuration dont elle dotée (collective à deux) est en pratique inopérante, dans la mesure où elle ne pourrait s'exercer qu'avec le concours de M. F____________, lequel dispose de toute manière de la signature individuelle.

 

L'activité décrite de Mme P____________ ne correspond manifestement pas au caractère personnel et effectif de la gérance exigée par la loi (voir à ce sujet notamment ATA L. et S. du 23 .1.2001 p.8 et 9).

 

b. De plus le principe de la rémunération est déterminant pour juger de l'exploitation d'un établissement. Le Tribunal administratif a déjà relevé qu'il était impensable qu'une personne exploite un établissement de restauration pour une rémunération mensuelle de Fr. 500.- seulement ( ATA R. du 21.4.1998). Dans le cas présent, Mme P____________ ne percevait aucune rémunération pour l'exploitation du café-restaurant E____________ . L'absence de salaire est un indice supplémentaire qui permet de conclure que Mme P____________ n'exploitait pas effectivement l'établissement en cause.

 

Au vu de ce qui précède le Tribunal admettra que le DJPT était fondé à reprocher à Mme P____________ d'avoir servi de prête-nom, de ne pas avoir exploité personnellement l'établissement E____________ , et de ne pas avoir averti le département de ce qu'elle n'exploitait pas personnellement cet établissement, ceci en infraction aux articles 12, 21 al.1 et 27 litt. b LRDBH.

 

7. Le département reproche à M. F____________ d'avoir continué à exploiter, sous le couvert d'un prête-nom, le café-restaurant à l'enseigne E____________ , avec Mme R____________, gérante, sans être au bénéfice d'une autorisation d'exploiter et nonobstant la suspension de son propre certificat de capacité, en violation des art. 4 et 5 al.1 litt.c de la loi.

 

Au vu du dossier le Tribunal tient pour établis les manquements dont il est fait grief aux recourants.

 

8. Les faits étant clairement établis, le Tribunal se dispensera d'ordonner des enquêtes.

 

Reste à examiner la quotité des sanctions infligées.

 

9. a. Dans la plupart des cas que le Tribunal administratif a eu à connaître en matière de prête-nom, la durée de la suspension a été fixée à la durée minimale de six mois. Ce sont les cas où le titulaire du certificat de capacité n'était pas présent dans l'établissement, ou rarement (ATA H. du 27.1.1998 et les références citées). Dans l'une des procédures, le titulaire du certificat avait mis une partie de son établissement en gérance libre moyennant une redevance mensuelle (ATA L. du 21 juin 1996). Dans deux cas la durée de la suspension a été portée à douze mois. Le premier au motif que la tenancière avait servi de prête-nom dans deux établissements (ATA O. du 23.8. 1995). Dans le deuxième, la tenancière n'avait jamais exploité elle-même son établissement et l'avait remis à des personnes n'étant pas titulaires du certificat de capacité ; le dessein de lucre avait été reconnu. ( ATA S.-C. du 4 octobre 1994).

 

b. En l'espèce, le département a prononcé une suspension de six mois, ce qui est non seulement la durée minimale prévue par la loi, mais encore parfaitement conforme à la jurisprudence et à la pratique du DJPT en pareil cas. La sanction est donc adéquate.

 

10. Le département peut infliger une amende administrative de Fr. 100.- à Fr. 60'000.- en cas de violation de la loi.

 

Pour fixer le montant de la sanction, l'administration jouit d'un large pouvoir d'appréciation (ATA L. et S. du 23.1.2001 et références citées). La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès. Le département prend en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (Mémorial, 1985, III p.4275).

 

Par ailleurs, l'application des principes généraux du droit pénal aux sanctions administratives n'est plus contestée ( ATF non publié E. du 14 janvier 1999 ; ATA S. du 13 avril 1999 et les références citées).

 

11. a. Selon la jurisprudence constante du Tribunal administratif, le prononcé d'une amende de Fr. 3'000.- infligée à la personne qui a servi de prête-nom est conforme à la pratique de l'autorité intimée (ATA B. du 18.4.2000 ; R. du 4.4.2000 ; S. du 15.2.2000 ; R. du 9.2.1999 ; L. du 10.11.1998 ; D. du 18.4.1992)

 

b. Dans le cas d'espèce aucune circonstance particulière ne justifie que le Tribunal Administratif ne s'écarte de sa jurisprudence constante pour revoir le cas échéant ce montant à la baisse. L'amende infligée à Mme P____________ sera confirmée.

 

12. a. La personne qui exploite l'établissement sans autorisation et sans certificat de capacité sous le couvert d'un prête-nom peut également faire l'objet d'une amende administrative en vertu de l'art.74 al.1 LRDBH. En règle générale, le Tribunal de céans a retenu le prononcé d'amendes de Fr. 1'500.- à Fr. 2'000.- ( ATA S. et R. du 21 avril 1998 ; C. du 23 janvier 1996) ; il est allé au-delà dans deux cas, l'un en raison de la récidive ; l'autre en raison de la durée - de plus de 6 ans - de l'exploitation sans autorisation.

 

b. Dans le cas particulier l'amende de Fr. 2'000.- infligée, solidairement entre eux, à M. F____________ et à Mme R____________, se situe, eu égard à la solidarité des deux recourants ainsi sanctionnés, - et sans compter que M. F____________ était lui-même sous le coup d'une précédente mesure de suspension de son certificat de capacité relativement importante, en-deça de la jurisprudence citée et de la pratique usuelle du DJPT. Elle apparaît comme largement justifiée. Ainsi le Tribunal administratif confirmera cette amende.

 

13. Le recours sera donc rejeté et un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 31 mai 2000 par Monsieur F____________ et Mesdames P____________ et R____________ contre la décision du département de justice et police et des transports du 2 mai 2000;

 

au fond :

 

déclare sans objet ledit recours en tant qu'il vise la cessation immédiate de l'exploitation du café-restaurant E____________ ;

 

le rejette pour le surplus;

 

met à la charge des recourants, pris conjointement et solidariement un émolument de CHF 3'000.-;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat des recourants, ainsi qu'au département de justice et police et des transports.

 


Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, M. Paychère, juges, M. Torello, juge suppléant.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le vice-président :

 

V. Montani Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci