Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/130/2000

ATA/333/2000 du 23.05.2000 ( TPE ) , REJETE

Descripteurs : MARCHES PUBLICS; ADJUDICATION(MARCHES PUBLICS); OBLIGATION DE RENSEIGNER; AUTORITE; PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(SOCIETE); PRIX D'APPEL; TPE
Normes : RMPC.45
Résumé : Le pouvoir adjudicateur ne peut modifier les critères d'adjudication, de même que leurs valeurs respectives, durant la procédure de passation d'un marché. Il peut cependant accorder une valeur plus grande à certains d'entre eux, voire ne pas tenir compte du tout de certains critères, à condition d'en informer à l'avance tous les soumissionnaires (ATF 125 II 102 consid. 7c). En l'espèce, le département a violé cette règle en modifiant l'ordre d'importance des critères sans information préalable, mais cette irrégularité ne change pas le choix qui aurait été porté sur le même soumissionnaire selon la classification initiale des critères. Par ailleurs, le département est légalement tenu de demander à l'auteur d'une offre anormalement basse des explications sur celle-ci. Le TA, qui a le même pouvoir d'appréciation que le département en ce domaine, peut réparer lui-même cette irrégularité en procédure de recours.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 23 mai 2000

 

 

 

dans la cause

 

 

GROUPE H BUREAU D'ÉTUDES INTÉGRALES S.A.

 

 

 

 

contre

 

 

Monsieur B.

représenté par Me Y. M., avocat

 

et

 

DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DE L'ÉQUIPEMENT ET DU LOGEMENT

 



EN FAIT

 

1. Par décision du 25 janvier 2000, le département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL), a adjugé à Monsieur B., architecte à Genève, le mandat d'architecte d'exécution du cycle d'orientation de Montbrillant, le bureau W. et H. S.A., lauréat du concours, s'étant vu confier le mandat d'architecture portant sur les études du projet, l'élaboration des plans et la direction architecturale des phases d'exécution.

 

2. Par décision du même jour, envoyée par pli recommandé, le DAEL en a informé le groupe H, Bureau d'études intégrales S.A. (ci-après : le groupe H) qui avait également déposé une offre le 7 juin 1999.

 

3. Par acte posté le 7 février 2000, le groupe H a recouru auprès du Tribunal administratif contre cette décision reçue le 26 janvier 2000. Il concluait, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif et principalement, à l'annulation de l'adjudication à M. B. au motif que :

 

- les règles de la procédure d'adjudication avaient été violées,

 

- le DAEL avait abusé de son pouvoir d'appréciation en modifiant l'ordre d'importance des critères d'appréciation qu'il avait lui même établis et en n'attribuant pas le marché à la recourante dont l'offre était selon elle l'offre économiquement la plus avantageuse.

 

Elle avait en effet consenti un rabais de 15 % qu'elle eût pu justifier si elle en avait été requise et si le DAEL avait appliqué l'article 38 du règlement sur la passation des marchés publics en matière de constructions du 19 novembre 1997 (RPMP - L 6 05.01).

 

La décision attaquée violait les principes fondamentaux régissant les marchés publics, de même que les principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement et celui de la bonne foi.

 

Ladite décision devait être annulée et la cause renvoyée au pouvoir adjudicateur en le priant de respecter l'article 38 RPMP et d'adjuger le marché à l'offre présentant réellement le meilleur rapport prestations-prix.

 

4. Invités à se déterminer sur effet suspensif, M. B. et le DAEL ont conclu, le 16 février 2000, au rejet de cette demande, l'intérêt public au démarrage des travaux du cycle d'orientation et l'intérêt privé des adjudicataires primant l'intérêt de la recourante, laquelle n'invoquait aucun intérêt privé particulier qui serait gravement menacé.

 

5. De plus, même si l'ordre des critères annoncés avait été respecté par le pouvoir adjudicateur, la recourante ne serait pas la première du classement pour autant.

 

6. Par décision du 18 février 2000, le vice-président du Tribunal administratif a néanmoins admis la demande de restitution de l'effet suspensif, tout en dispensant la recourante du versement des sûretés.

 

7. Une audience de comparution personnelle s'est tenue le 28 février 2000.

 

a. A cette occasion, le DAEL a précisé que le contrat avec M. B. n'avait pas été signé.

 

Le DAEL avait élaboré une procédure pour tous les marchés de la construction depuis l'entrée en vigueur de l'Accord intercantonal du 25 novembre 1994 sur les marchés publics (AIMP - RS 172.06.4) et c'est lui qui établissait le cahier des charges. Les chefs de projet, fonctionnaires du département, étaient tous ingénieurs ou architectes et avaient la meilleures expérience concernant la construction de bâtiments similaires. Ils appréciaient le temps nécessaire à l'exécution du mandat. En l'espèce, il s'agissait d'un mandat d'exécution estimé par ces fonctionnaires à 11'810 heures, arrondies à 11'800. Le DAEL n'avait pas tenu compte du fait que le nombre d'heures consacrées au mandat d'exécution pouvait être réduit comme l'avait fait la recourante en l'estimant à 9'092 heures au motif qu'elle avait participé au concours, puisqu'un tel argument aurait été pertinent par rapport au mandat de conception, mais non par rapport au mandat d'exécution dans le cadre duquel la connaissance préliminaire du projet ne jouait pas de rôle. En effet, le nombre d'heures à consacrer à la direction des travaux était incompressible. La participation de la recourante au concours l'avait tout au plus favorisée dans le premier tour de la sélection.

 

S'agissant du tarif-horaire, le DAEL avait tenu compte du fait que le tarif variait selon le marché; il prenait aussi en considération la qualification du personnel, en s'inspirant du tarif SIA. Le département avait établi la moyenne des prix-horaires indiqués par les candidats qu'il multipliait par le nombre d'heures estimé par lui, ce qui permettait de fixer le juste prix, soit le montant de référence. En l'espèce, il en résultait un tarif-horaire de CHF 102.- multiplié par 11'800 heures plus la TVA, ascendant ainsi à un total de CHF 1'293'000.-. Il a produit un tableau récapitulatif des honoraires des divers bureaux sélectionnés. En comparant chacune des offres selon ledit tableau, les notes étaient attribuées en fonction du pourcentage d'écart par rapport aux notes de référence. Les soumissions des différents bureaux, toutes taxes comprises, étaient les suivantes :

 

Total ttc tarif-horaire

- Bureau D. P. CHF 1'260'438.- 101.-

et P.

 

- Bureau ASS CHF 1'443'725.- 112.-

 

- Bureau J. B. CHF 1'200'000.- 93.-

 

- Bureau G. et L. CHF 1'290'000.- 97.-

 

- Groupe H CHF 1'058'451.- 108.-

 

b. Quant à M. B., il a exposé qu'il n'avait pas participé au concours. L'offre de son bureau s'établissait au prix-horaire de CHF 93.-, ce qui s'expliquait par la moyenne d'âge relativement jeune des membres de son bureau, lequel avait cependant beaucoup d'expérience puisqu'il avait construit en particulier le nouvel hôtel de police. De plus, il disposait de plusieurs apprentis auxquels les travaux de vérification pouvaient être confiés. Ce travail de vérification avait été estimé à 480 heures et pouvait ainsi être facturé à un coût avantageux.

La vérification des soumissions entrait dans les 1'524 heures estimées par le DAEL au titre d'appel d'offres.

 

c. M. D. du groupe H a relevé que son bureau était le seul à avoir obtenu la certification ISO 9001. Il disposait ainsi de personnes compétentes, d'un outil informatique performant grâce auquel il n'avait pas, comme M. B., la nécessité de recourir à des apprentis pour la vérification des soumissions qui pouvait s'effectuer par ordinateur et il avait également un management de qualité. Le nombre d'heures estimé par le DAEL n'était donc pas incompressible; en raison des compétences rappelées ci-dessus, le tarif-horaire du bureau de la recourante était plus élevé. D'entrée de cause il avait annoncé qu'il pouvait opérer un rabais de 15 % pour les raisons qu'il venait d'énoncer et le DAEL aurait dû lui demander des explications à ce sujet en application de l'article 38 RPMP si l'offre lui paraissait anormalement basse. Enfin, son bureau avait une expérience certaine dans le domaine scolaire puisqu'il avait procédé sur mandats de diverses communes à la rénovation de l'école Ferdinand-Hodler, à la construction du groupe scolaire de Meyrin, à celui des Verchères à Thônex et il avait un mandat en cours pour le controlling du collège André Chavanne. Il n'avait cependant pas d'expérience avec le DAEL puisque depuis 20 ans celui-ci ne lui avait confié aucun mandat.

 

Il avait eu l'occasion de constater sur ces divers chantiers que l'exigence d'une présence permanente sur place du bureau mandaté pour l'exécution des travaux n'était pas appliquée par le département.

 

d. La représentante du DAEL a estimé que le nombre d'heures indiqué par le groupe H pour la direction des travaux s'élevait à 6'240 heures alors qu'il l'avait estimé à 8'900 et que tous les autres bureaux sélectionnés avaient indiqué un chiffre de 8'000 heures ou plus. Cette différence était tout à fait inquiétante quant à la qualité de la prestation proposée. Enfin, tous les bureaux sélectionnés avait un système de qualification, même si le groupe H était le seul à avoir obtenu la certification.

 

e. Sur ce point, M. B. a indiqué que son bureau avait un tel système de qualification, mais qu'il n'avait pas demandé la certification, car celle-ci alourdissait par trop le travail administratif et augmentait le nombre d'heures nécessaire pour effectuer le travail. Il respectait toutes les procédures mises en place par le département inspirées de la procédure ISO 9001. De plus, il fallait payer pour l'obtention de cette certification qui supposait la mise en place d'un système de traçabilité prenant du temps.

 

f. Quant à M. D., il a indiqué qu'il avait lui-même 47 ans et que la moyenne d'âge de son bureau était de 40 ans. Enfin, il a mis en doute l'urgence de l'intérêt public invoqué pour la construction de ce cycle alors que le crédit de construction n'était pas voté par le Grand Conseil et que l'autorisation de construire n'était pas délivrée. Les chiffres relatifs à l'effectif des élèves figurant dans le rapport de la commission concernant le projet de loi n° 8131-A n'étaient pas aussi alarmistes que l'indiquait le DAEL.

 

g. La représentante de ce dernier a admis pour sa part que celui-ci avait modifié le libellé du critère n° 1 concernant l'appréciation de la qualité de l'offre, le contenu de ce critère restant le même. De plus, ces critères avaient été déterminés par une commission consultative dont il est apparu que M. B. était membre en qualité de délégué de l'INTERASSAR.

 

La représentante du DAEL a contesté que celui-ci ait manipulé d'une manière ou d'une autre les résultats des offres. Il n'avait en effet pas tenu compte du résultat de la procédure de sélection conformément à une nouvelle jurisprudence, mais cela ne prétéritait en rien le groupe H qui était sorti dernier de ladite sélection.

 

h. M. D. a admis que selon son offre, il avait prévu 2'000 heures de moins que les autres bureaux pour la direction des travaux, ce qu'il justifiait par la compétence des personnes mises à disposition.

 

i. M. B. a relevé que le bureau W. et H. avait effectué un énorme travail, mais qu'il appartenait au bureau mandaté pour l'exécution d'analyser les devis, de vérifier le devis général et ce travail ne pouvait être différé, ne serait-ce que d'un mois, faute de quoi les travaux ne pourraient débuter au 1er septembre 2000 et le cycle ne serait pas prêt pour la rentrée scolaire de 2003.

 

j. Il est apparu enfin que bien que le contrat avec M. B. ne soit pas signé, celui-ci travaillait sans être rémunéré, la représentante du DAEL ajoutant que si l'effet suspensif devait être maintenu "le montage serait de demander un crédit complémentaire sur le crédit d'étude pour rémunérer le bureau B.".

 

k. Le DAEL a persisté à solliciter la levée de l'effet suspensif et il a conclu au rejet du recours et au dépôt par la recourante de sûretés.

 

8. Le 30 mars 2000, M. B. et le DAEL ont développé leur argumentation en réitérant lesdites conclusions, M. B. ayant constitué avocat après l'audience de comparution personnelle.

 

Les intimés ont insisté sur la nécessité pour le Département de l'instruction publique de construire ce cycle d'orientation dans les meilleurs délais. Les derniers chiffres communiqués au DAEL par le Département de l'instruction publique étaient plus alarmants encore que ceux figurant dans le projet de loi 8131, alors que ces derniers faisaient déjà mention d'un dépassement de la capacité d'accueil pour les cycles d'orientation de la rive droite de 494 places.

 

Le 17 mars 2000, le Grand Conseil avait voté la loi autorisant le crédit de construction et M. B. a versé à la procédure le "planning intentionnel des travaux" attestant de l'urgence à ce qu'ils puissent débuter. Pour le surplus, M. B. s'est référé essentiellement à l'écriture du département. L'offre de la recourante n'était pas crédible et l'invocation d'un rabais pour justifier un prix inférieur ne saurait masquer une sous évaluation critiquable de l'importance du mandat.

 

La recourante devait être déboutée et la décision du pouvoir adjudicateur confirmée.

 

9. La recourante a sollicité un bref délai au 14 avril pour répliquer qui lui a été accordé. Dans le délai imparti, elle a fait valoir que le crédit d'investissement avait été voté le 16 mars et le délai référendaire expirait le 3 mai. En revanche, l'autorisation de construire n'avait pas été délivrée. Il ne saurait être exclu qu'elle soit contestée compte tenu du refus populaire ayant enterré le projet voisin de l'école des Cropettes. Or, le dossier d'appel d'offres remis aux candidats prévoyait que le mandat relatif aux prestations de l'architecte serait attribué sous réserve du vote du crédit par le Grand Conseil ainsi que de l'obtention de l'autorisation de construire.

 

De plus, le DAEL avait retenu un tarif horaire de CHF 93.- pour l'offre de M. B., alors que celui-ci était en fait de CHF 89.-.

 

La recourante a critiqué la méthode d'analyse du DAEL, estimant que le département n'avait pas appliqué la procédure à laquelle il se référait, recommandée par le Guide édité par la conférence romande des présidents des départements des travaux publics. La méthode utilisée ne répondait pas au principe de l'adjudication à l'offre économiquement la plus avantageuse et l'évaluation en fonction du nombre d'heures proposées par rapport au temps estimé aboutissait à la situation absurde qu'un bureau qualifié présentant la meilleure offre, la meilleure efficacité et des conditions financières avantageuses était écarté. L'adjudicateur avait abusé de son pouvoir d'appréciation, de sorte que sa décision devait être annulée. Enfin, l'article 38 RPMPC avait été violé car si l'adjudicateur avait des doutes au motif que l'offre de la recourante lui paraissait anormalement basse, il devait lui demander par écrit des renseignements complémentaires. En ne le faisant pas, le département s'était laissé guider par des considérations qui n'étaient pas celles du principe d'une concurrence efficace devant régir les marchés publics dans la transparence.

 

Elle concluait au maintien de l'effet suspensif, à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause au pouvoir adjudicateur pour nouvelle décision.

 

10. Le 26 avril, le département a réfuté les griefs de la recourante quant à la procédure suivie et à la violation de son pouvoir d'appréciation. S'agissant de l'offre de M. B., le département avait écarté les 480 heures effectuées par un apprenti, ce qui expliquait que le total des heures retenues pour ce bureau était de 12'100 au lieu de 12'588, ce qui permettait de retenir un tarif horaire de CHF 93.- au lieu de CHF 89.-.

 

Le département sollicitait le retrait de l'effet suspensif car seule la restitution de celui-ci compromettait l'ouverture du chantier, étant précisé que l'autorisation de construire avait été délivrée et publiée dans la Feuille d'avis du 17 avril 2000 et qu'elle ne devrait pas faire l'objet d'un recours.

 

Enfin, le Guide romand sur l'adjudication des marchés publics auquel se référait la recourante avait été édité en décembre 1999 et n'était pas celui qui avait été appliqué en l'espèce. Le département avait fait référence au Guide pratique pour l'adjudication des marchés publics, édité par lui au courant de l'année 1998.

 

Pour vérification, il avait refait son analyse en renversant l'ordre d'importance des deux critères qu'il avait inversés à savoir compétences pour le mandat et capacité et disponibilité du personnel. Ce faisant, il en résultait que le Groupe H passait de la quatrième à la cinquième position tandis que M. B. restait à la première place.

 

Quant à la violation alléguée de l'article 38 RPMPC, le département maintenait qu'il n'avait pas l'obligation de demander des explications complémentaires au candidat et que s'il l'avait fait, la recourante "n'aurait pas fourni des explications autres que celles déjà contenues dans son offre".

 

Le département a produit copie de l'autorisation de construire datée du 12 avril 2000 ainsi qu'une synthèse d'analyse des offres corrigée, comme indiqué ci-dessus.

 

11. Quant à M. B., il a réitéré l'importance de ce mandat pour son bureau et admis la déduction faite par le département des 480 heures concernant les activités confiées à un apprenti. Il a conclu derechef au rejet du recours.

 

12. Selon les renseignements téléphoniques obtenus le 18 mai 2000 par le juge délégué, deux recours ont été déposés le jour même auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, l'un contre l'autorisation de démolir et l'autre contre l'autorisation de construire.

 

EN DROIT

 

1. a. En matière de décision relative à l'attribution de marchés publics, le recours au Tribunal administratif n'est recevable que dans la mesure où une disposition légale, réglementaire ou statutaire spéciale le prévoit expressément (art. 56 B al. 4 lit. c de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05). L'article 3 de la loi du 12 juin 1997 du 12 juin 1997 autorisant le Conseil d'Etat à adhérer à l'Accord intercantonal sur les marchés (LAIMPu - L 6 05.0) prévoit que le Tribunal administratif est l'autorité compétente au sens de l'article 15 de l'Accord intercantonal sur les marchés publics du 24 novembre 1994 (ci-après : l'Accord - AIMPu - RS 172.056.4), pour statuer sur recours contre les décisions de l'adjudicateur. Cet accord s'applique notamment à la passation des marchés de construction dont la valeur estimée atteint le seuil de CHF 383'000.- pour les fournitures et les services (art. 7 al. 1 lit. b AIMPu; annexe 3 du règlement sur la passation des marchés publics en matière de fournitures et de services du 23 août 1999 - L 6 05.03, ou dès le 1er janvier 2000 à CHF 248'950.- selon l'ordonnance sur l'adaptation des valeurs seuils des marchés publics du 8 décembre 1999 (RS 172.056.12).

 

b. Selon l'article 45 du règlement sur la passation des marchés publics en matière de construction du 19 novembre 1997 (RPMPC - L 6 05.01), le Tribunal administratif connaît des recours contre les décisions d'adjudication et les décisions concernant l'inscription d'un soumissionnaire sur une liste de prestataires qualifiés interjetés dans un délai de 10 jours dès la notification de la décision. Si le caractère illicite de la décision est constaté, le recourant peut demander, devant l'autorité compétente, la réparation du dommage, limitée aux dépenses qu'il a subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 LAIMPu; ATA M. et C. du 8 février 2000).

 

2. Le présent recours est interjeté contre la décision d'adjudication et tant le délai de 10 jours que le seuil cité (CH. 1 A supra) sont respectés. Il est donc recevable.

 

3. Le résultat de la procédure de sélection ne saurait en effet être remis en question à ce stade-ci (SJ 1999 I p. 359 et ss).

 

4. Il convient donc de déterminer si l'adjudication au bureau de M. B. revêt ou non un caractère illicite puisque le DAEL admet lui-même avoir, en cours de procédure d'adjudication, modifié l'ordre de ses critères d'appréciation.

 

5. Sans qu'il soit nécessaire de reprendre toute l'analyse de la procédure suivie, le tribunal de céans constatera que certes, selon la synthèse d'analyse des offres dans sa version corrigée, produite par le DAEL le 26 avril 2000, le bureau de M. B. est toujours le premier.

 

Cependant, comme le Tribunal fédéral l'a jugé récemment: "Le marché public doit être attribué dans des conditions de transparence et de concurrence optimums. Or, le jeu de la concurrence entre les soumissionnaires risquerait d'être faussé, si le pouvoir adjudicateur avait la possibilité, comme en l'espèce, de modifier librement au cours de la procédure de passation d'un marché (après le dépôt des soumissions) les critères d'adjudication, de même que leurs valeurs respectives. Certes, il n'est pas interdit au pouvoir adjudicateur d'attacher une importance plus grande à certains critères d'adjudication par rapport à d'autres, voire de ne pas tenir compte du tout de certains critères. Il est toutefois nécessaire qu'il le fasse savoir à l'avance à tous les soumissionnaires" (ATF 125 II 102 consid. 7 c ; ATA vaudois du 22 janvier 1999 et note y relative de Denis ESSEIVA in DC 2/99 p. 57).

 

Or, le DAEL ne conteste pas avoir modifié l'ordre d'importance des critères, sans en avoir informé préalablement les soumissionnaires, raison pour laquelle sa décision d'adjudication viole le principe de transparence consacré à l'article 1 alinéa 2 lettre c AIMPu et en particulier l'article 13 lettre f dudit accord.

 

En l'espèce toutefois, et pour regrettable que soit ce mode de procéder, il n'en est résulté aucun préjudice pour la recourante; il est démontré que même si le DAEL avait respecté les critères et l'ordre d'examen qu'il avait énoncés, le bureau de M. B. arrivait également en tête du classement.

 

Aussi, un renvoi au pouvoir adjudicateur serait inopérant.

 

Pour ces motifs, le recours sera rejeté sur ce point.

 

6. Le DAEL a violé également l'article 38 RPMPC intitulé "offres anormalement basses" et ainsi libellé : "si l'autorité adjudicatrice reçoit une offre paraissant anormalement basse, elle doit demander par écrit des renseignements au soumissionnaire pour s'assurer que celui-ci satisfait aux critères d'adjudication. Le soumissionnaire doit justifier ses prix par des circonstances spéciales indépendantes des salaires payés ou des conditions de travail imposées aux travailleurs".

 

Le tribunal de céans a déjà jugé - dans le cadre d'une procédure sélective, certes - qu'un certain formalisme devait être respecté (ATA M. et C. du 8 février 2000).

 

7. Bien qu'il s'agisse d'une disposition réglementaire, elle fait bien obligation au DAEL de demander des explications complémentaires si, comme en l'espèce, l'offre de la recourante lui paraissait anormalement basse, le recours au terme devoir utilisé dans cette disposition étant suffisamment clair au regard de l'interprétation littérale à laquelle le Tribunal fédéral donne sa préférence (ATF 115 Ia 122; 102 Ia 217 consid. 6 b.; ATA C. du 9 mai 2000).

 

En conséquence, le DAEL ne pouvait se dispenser de suivre cette procédure en supputant que la recourante ne lui aurait pas fourni des explications autres que celles déjà contenues dans son offre.

 

8. L'article 29 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (RS 101), entrée en vigueur le 1er janvier 2000, règle les "garanties générales de procédure". L'alinéa 2 prévoit que "les parties ont le droit d'être entendues". On peut considérer que le nouveau texte fondamental n'apporte pas, sur ce point, de changement ou de garantie déjà contenus implicitement dans l'article 4aCF (ATA A. du 29 février 2000; ATA SI P. F. du 29 février 2000).

 

Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel (ATF 120 Ib 379, consid. 3b p. 383; 119 Ia 136, consid. 2b p. 138 et les arrêts cités). La décision entreprise pour violation de ce droit n'est toutefois pas nulle mais annulable (ATF 122 II 154, consid. 2d p. 158), si l'autorité de recours jouit du même pouvoir d'examen des questions litigieuses que celle intimée et si l'examen de ces questions ne relève pas de l'opportunité, car l'autorité de recours ne peut alors substituer son pouvoir d'examen à celui de l'autorité de première instance (ATF 120 V 357, consid. 2b p. 363; 118 Ib 269 consid. 3a p. 275 et 276; art. 61 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA; P. MOOR, Droit administratif : Les actes administratifs et leur contrôle, volume II, Berne 1991, chiffre 2.2.7.4 p. 190).

 

En l'espèce, le tribunal de céans jouit du même pouvoir d'examen que le département et le respect de la procédure prévu par l'article 38 RPMPC ne relève pas de l'opportunité. En conséquence, la violation du droit d'être entendu commise par le département a été réparée dans le cadre de la procédure conduite devant le tribunal de céans dans le cadre de laquelle la recourante a pu fournir les explications nécessaires sur les raisons pour lesquelles son offre était plus basse que les autres. En conséquence, cette violation de procédure a été réparée. La décision entreprise ne saurait donc être annulée pour ce motif. Les explications fournies par la recourante ne paraissent pas convaincantes au vu du nombre d'heures nécessaires au mandat d'exécution tel qu'il a été estimé par les fonctionnaires du département de sorte que dans ce cas également, le renvoi de la cause au pouvoir adjudicateur pour nouvelle décision ne permettrait de toute évidence pas d'aboutir à une autre solution.

 

9. Le recours sera donc rejeté.

 

Un émolument de CHF 1'000.-- sera mis à la charge de la recourante.

 

Une indemnité de procédure de CHF 1'000.-- sera allouée à M. B. à charge de la recourante également.

 

10. Comme l'a relevé Denis ESSEIVA dans un article intitulé "Mise en oeuvre de la nouvelle législation cantonale en matière de marchés publics" publié in DC 3/98 p. 106, "un recours n'a d'intérêt que dans la mesure où l'effet suspensif est octroyé".

 

En l'espèce, le présent recours n'était pas dénué de chance de succès puisqu'il a mis en évidence deux violations de la procédure. De plus, la restitution de l'effet suspensif n'a occasionné aucun dommage à M. B. qui, de l'aveu même de la représentante du DAEL lors de l'audience de comparution personnelle, a travaillé même si le contrat n'était pas signé et qui pourra être rémunéré grâce au "montage" consistant à demander un crédit complémentaire sur le crédit d'étude.

 

Enfin, selon le dossier d'appel d'offres, le mandat relatif aux prestations de l'architecte d'exécution devait être attribué sous réserve du crédit de construction d'une part et de l'autorisation de construire d'autre part.

 

Or, celle-ci de même que l'autorisation de démolir délivrée le 17 avril 2000 également ont fait l'objet le 18 mai 2000 d'un recours auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions, de sorte qu'elles ne sont pas définitives.

 

Aucun retard n'est ainsi résulté de la restitution de l'effet suspensif, raison pour laquelle des sûretés n'avaient pas à être exigées de la recourante.

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 8 février 2000 par Groupe H Bureau d'études intégrales S.A. contre la décision d'adjudication du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement du 25 janvier 2000;

 

au fond :

 

le rejette;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'000.--;

 

alloue à Monsieur B., à charge de la recourante, une indemnité de procédure de CHF 1'000.--;

communique le présent arrêt à Groupe H Bureau d'études intégrales S.A., à Me Y. M., avocat de M. B., ainsi qu'au département de l'aménagement, de l'équipement et du logement.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

le secrétaire-juriste : le président :

 

O. Bindschedler D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci