Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/765/2000

ATA/29/2001 du 16.01.2001 ( FIN ) , REJETE

Descripteurs : IMPOT; PERTE(ARGENT); ENSEIGNANT; FIN
Normes : LCP.21
Résumé : Le recourant ne peut déduire de pertes réalisées dans le cadre d'une activité de recherche et de développement, indépendante de son activité d'enseignant à l'Ecole. Contrairement à un professeur d'UNI, dont le mandat comprend également un travail de recherche.
En fait
En droit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 16 janvier 2001

 

 

 

dans la cause

 

 

Monsieur et Madame B__________

représentés par Me Dominique Gay, avocate

 

 

 

contre

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE GENEVOISE

 

et

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

 



EN FAIT

 

 

1. a. A côté de son activité d'enseignant à l'Ecole ___________ de Genève qu'il exerce à 75% (ce qui représente 16 à 19 heures de cours par semaine), Monsieur B__________ poursuit une activité de recherche et de développement dans le domaine qu'il enseigne, à savoir celui des matériaux composites.

 

b. Madame B__________ exploite une pharmacie en raison individuelle à l'enseigne "P__________".

 

2. a. Comme enseignant, M. B__________ a réalisé en 1994, année déterminante, un salaire brut de CHF 101'223.-

 

Dans le cadre de son activité de recherche et de développement, M. B__________ a constituté, en 1979 et 1986, deux entreprises exploitées en raison individuelle, à savoir "G__________" et "C__________", qui ont chacune une comptabilité distincte. "G__________" a enregistré une perte de CHF 56'501,13 en 1994 et "C__________" a également subi une perte de CHF 56'182,72 en 1994.

 

b. Quant à Mme B__________, l'exploitation de sa pharmacie a généré un bénéfice net de CHF 117'969.-

 

3. Pour l'exploitation de "G__________" et "C__________", M. B__________ a loué des locaux; il a investi dans des machines-outils, des équipements et des matériaux de pointe dans le domaine industriel; il a engagé des ouvriers et une secrétaire, pour lesquels il s'est acquitté des charges sociales et de l'impôt à la source; il était assujetti à l'AVS en sa qualité d'indépendant.

 

4. Dans sa déclaration ICC 1995, le contribuable a fait état d'un revenu imposable de CHF 24'694.-; quant à la fortune imposable, elle était inexistante.

 

5. Le 19 décembre 1995, l'administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC) a notifié au contribuable un bordereau de taxation provisoire, au montant de CHF 1'185.-, calculé sur la base d'un revenu de CHF 24'694.-

 

6. En date du 19 avril 1996, l'AFC a remis au contribuable un bordereau rectificatif modifiant la taxation provisoire de 1995; ce bordereau, calculé sur un revenu imposable de CHF 133'233.- et une fortune de CHF 2'166.-, donnait lieu à un supplément d'impôt de CHF 32'856,65.

 

L'AFC considérait les deux activités indépendantes de M. B__________ comme des activités accessoires, raisons pour lesquelles les pertes n'étaient pas déduites du revenu.

 

7. Le 14 mai 1996, BFA Management S.A. a élevé réclamation contre le susdit bordereau rectificatif pour le compte de M. et Mme B__________.

 

Les deux activités indépendantes de M. B__________ étaient exercées en la forme commerciale, avec du personnel et dans des locaux spécifiques, et ce depuis de nombreuses années.

 

8. Le 10 novembre 1997, l'AFC a rejeté la réclamation et maintenu la taxation telle qu'établie.

 

Au regard des pertes successives enregistrées et en l'absence d'une évolution sensible du chiffre d'affaires, ces activités indépendantes s'apparentaient plus à un hobby qu'à une activité génératrice de profits.

 

9. Le 10 décembre 1997, un recours a été interjeté auprès de la commission cantonale de recours en matière d'impôts (ci-après : la commission) contre cette décision.

Le fait qu'une activité générait durablement des pertes n'était pas un motif pour la qualifier de hobby; en effet, de nombreuses entreprises se trouvaient dans cette situation.

 

10. Le 25 mai 2000, la commission a rejeté le recours; cette décision a été notifiée aux recourants le 2 juin 2000.

 

Les deux entreprises de M. B__________ enregistraient année après année des pertes substantielles. Si le recourant n'envisageait aucune restructuration de ses activités indépendantes en vue de pallier ces déficits, c'était parce qu'il disposait d'autres sources de revenu; ainsi, il pouvait s'adonner en toute quiétude à ses activités de recherche. Enfin, les activités du contribuable n'avaient pas de caractère commercial dès lors que le recourant ne disposait pas de véritables locaux professionnels et que les salaires versés étaient ponctuels. Les activités de M. B__________ s'apparentaient donc à un hobby.

 

11. Par acte posté le 3 juillet 2000, M. et Mme B__________ ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif en concluant à sa mise à néant.

Conformément à la doctrine, l'activité indépendante recouvrait une notion plus large que celle de l'entreprise commerciale : elle embrassait chaque activité indépendante pour laquelle il n'y avait pas d'obligation de s'inscrire au Registre du commerce. L'activité indépendante supposait l'intention de réaliser un gain; elle existait dès qu'elle était reconnaissable en tant que telle dans le circuit économique. Le but de M. B__________ était celui d'un chercheur qui visait à réaliser un profit au moyen de techniques nouvelles qui devaient, à terme, émerger sur le marché. Quant au caractère reconnaissable de l'extérieur de ses activités, M. B__________ entretenait des contacts avec différents industriels et milieux économiques en vue de promouvoir le développement industriel des matériaux composites; ses clients étaient notamment le CERN, l'Université de Genève, Matra automobiles, Charmilles Technologie, la SMH, l'EPFL, les TPG et Gérald Genta.

 

12. La commission a persisté dans sa décision.

 

Quant à l'AFC, elle a conclu au rejet du recours en se référant à la jurisprudence du Tribunal administratif : la déduction des dépenses opérée par une contribuable au titre de déductions liées à ses activités cinématographiques largement déficitaires avait été refusée, en dépit du fait que la contribuable avait inscrit son entreprise au registre du commerce et qu'elle espérait en tirer un revenu régulier.

 

13. Le 10 novembre 2000, les parties ont été entendues lors d'une audience de comparution personnelle; elles ont campé sur leurs positions respectives.

 

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. a. Selon l'article 16 de la loi générale sur les contributions publiques, du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05), l'impôt sur le revenu est perçu sur l'ensemble des revenus nets annuels des contribuables sous la forme de prestations périodiques quelle qu'en soit l'origine.

 

b. L'article 21 LCP énonce de manière exhaustive les déductions admises sur les revenus bruts du contribuable. Les pertes commerciales comptabilisées de l'exercice commercial déterminant sont déductibles (art. 21 let. 1 LCP).

 

Cette disposition légale contient les exceptions à l'impôt sur l'ensemble des revenus et ce caractère d'exception doit entraîner une interprétation restrictive de la nature et de l'étendue des déductions autorisées (ATA W. du 2 février 1999; AFC du 13 janvier 1998; RF 1994 p. 600).

 

3. L'unique question à trancher en l'espèce consiste à déterminer s'il y a eu perte commerciale au sens de l'article 21 alinéa 1 lettre 1 LCP.

 

a. Selon la doctrine et la jurisprudence constantes, la notion de "perte commerciale" doit être interprétée de manière restrictive (ATA H. du 26 novembre 1996).

 

b. Par "perte commerciale comptabilisée", il faut entendre la perte qui résulte du fait que, pour l'année fiscale précédente et en ce qui concerne l'activité commerciale envisagée, les dépenses professionnelles ont dépassé les revenus y relatifs, le contribuable subissant une perte se répercutant sur l'exercice comptable ultérieur (ATA D. du 20 juin 1979 in RDAF 1979 p. 330).

 

4. Selon le principe de la généralité de l'impôt, les déductions, y compris celles des dépenses afférentes à un revenu déterminé, sont soustraites du total du revenu brut et non pas de chacun des éléments du revenu qu'elles concernent (SJ 1964 p. 461). Cependant, il ne peut être fait de déduction lorsque le revenu est inexistant, étant donné la relation de nécessité qui doit exister entre un revenu déterminé et les dépenses consenties pour obtenir ce dernier (RDAF 1992 p. 275).

 

Conformément à la jurisprudence et à la doctrine dominante, seuls les frais effectivement dépensés, naturellement et logiquement liés à la réalisation du revenu taxé, sont déductibles du revenu brut; il ne peut s'agir ni de dépenses plus ou moins en corrélation avec l'exercice d'une profession lucrative, ni de frais de convenance personnelle ou destinés à rendre le travail plus facile et plus agréable, tout en étant plus ou moins en rapport avec l'activité exercée (ATA AFC du 13 janvier 1998).

 

5. Sont ainsi déductibles les seuls frais d'acquisition du revenu entrant en compte pour le calcul de l'impôt dû et dans la seule mesure où le contribuable n'aurait pu l'acquérir sans avoir exposé lesdits frais. Ne sont notamment pas considérés comme tels les dépenses dites d'investissement ou d'établissement qui sont des mises de fonds pour créer, améliorer ou étendre une source de revenus, car il leur manque le rapport direct avec un revenu déterminé, celui de la période de calcul (ATA A. du 26 janvier 1993; RDAF 1993, p. 116; ATA L. du 18 août 1989; B. du 29 avril 1981; E. BLUMSTEIN et P. LORCHER, System des Steuerrechts, Zurich 1992, p. 200 et 203; J.-M. BARILLIER, Frais d'acquisition du revenu des simples particuliers, Lausanne 1970, p. 17-19, 23).

 

6. a. Ainsi, le Tribunal administratif n'a pas admis qu'un artiste-peintre déduise de son salaire d'ingénieur civil les frais exposés dans le cadre de la production de son revenu de peintre, au motif qu'il n'avait pas le droit de faire état des frais d'acquisition d'un revenu inexistant, étant donné la relation de nécessité qui devait exister entre un revenu déterminé et les dépenses consenties pour obtenir ce dernier (RDAF 1984 p. 32).

 

b. C'est également en raison de l'absence de lien entre le revenu déclaré d'une employée de banque et les pertes résultant d'une activité de productrice cinématographique que le Tribunal de céans a refusé à une contribuable le droit de défalquer les pertes découlant de son activité qualifiée d'activité accessoire (ATA W. du 2 février 1999).

 

7. En l'espèce, les dépenses indiquées par le contribuable au titre de déductions sont liées à son activité de recherche et de développement qui est très largement déficitaire et ce depuis plusieurs années. Bien que cette activité s'inscrive dans le domaine que le recourant enseigne à l'Ecole __________, elle représente une activité indépendante. En effet, le mandat d'enseignant à l'Ecole __________ n'implique pas, comme c'est le cas pour les professeurs d'université notamment, un travail de recherche de la part de l'enseignant. Dès lors, l'activité que le recourant développe au sein de ses deux entreprises est une activité indépendante accessoire. Or, eu égard à la jurisprudence et la doctrine exposées ci-dessus, le recourant ne peut prétendre déduire les pertes de son activité indépendante du revenu acquis de son activité salariée. En effet, la relation de nécessité qui doit exister entre un revenu déterminé et les dépenses consenties pour obtenir ce dernier fait manifestement défaut.

 

En conclusion, en raison de l'absence de lien entre le revenu déclaré et la perte de CHF 112'684.- avancée par le recourant, ce montant ne peut être déduit.

 

8. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant. Vu l'issue du litige, il ne sera pas alloué d'indemnité.

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 3 juillet 2000 par Monsieur et Madame et B__________ contre la décision de la Commission cantonale de recours en matière d'impôts du 25 mai 2000;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge des époux B__________ un émolument de CHF 1'000.-;

 

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité;

communique le présent arrêt à Me Dominique Gay, avocate des époux B__________, ainsi qu'à l'administration fiscale cantonale genevoise et à la Commission cantonale de recours en matière d'impôts.

 


Siégeants : M. Schucani, président, M. Thélin, Mmes Bonnefemme-Hurni et Bovy, M. Paychère, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

V. Montani D. Schucani

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

M. Oranci