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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/777/2003

ATA/224/2004 du 16.03.2004 ( HG ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT A DES CONDITIONS MINIMALES D'EXISTENCE; ASSISTANCE PUBLIQUE; PRESTATION D'ASSISTANCE; HOSPICE GENERAL; CONCUBIN; CONCUBINAGE; HG
Normes : LAPC-AVS 5 al.7; CST.12; LAP.4
Résumé : Le droit constitutionnel à des conditions minimales d'existence est violé dans le cas d'un concubin qui reçoit une prestation mensuelle de CHF 38.- de l'assistance publique au motif que sa concubine a un revenu suffisant pour l'entretenir, alors qu'elle-même touche le revenu minimum cantonal d'aide sociale selon le barème pour une personne seule, la loi cantonale sur les prestations complémentaires à l'AVS-AI ne tenant pas compte du concubin. En l'espèce, le caractère insoutenable du résultat de l'articulation de la loi sur l'assistance publique et de la loi sur les prestations complémentaires, tient d'une part au fait que ces deux lois n'accordent pas le même statut aux concubins, et d'autre part aux montants considérés, qui visent à assurer un minimum vital.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 16 mars 2004

 

 

 

dans la cause

 

 

M. A. d. P. M.

représenté par M. Rémy Kammermann, juriste auprès du Centre social protestant

 

 

 

contre

 

 

 

 

HOSPICE GÉNÉRAL

 



EN FAIT

 

1. M. A. d. P. M. est né en 1954. Il est divorcé et vit à Genève avec sa concubine, M. J. L..

 

2. Alors qu'il se trouvait en attente d'une décision tendant à l'octroi d'une rente de l'assurance-invalidité (ci-après : AI), M. d. P. M. a été pris en charge financièrement par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) dès le 1er août 2002.

 

3. Pour déterminer si M. d. P. M. avait droit aux prestations d'assistance, et le cas échéant leur montant, l'hospice a pris en considération les ressources de Mme L., en application des directives cantonales en matière de prestations d'assistance (2002) du 20 décembre 2001. Mme L. était au bénéfice d'une rente AI et de prestations complémentaires fédérales et cantonales versées par l'Office cantonal des personnes âgées (ci-après : OCPA) qui se montaient à CHF 2'706.- par mois.

 

Selon les barèmes de l'hospice, le total des charges admises pour deux personnes s'élevait à CHF 2'744.- par mois et dépassait de CHF 38.- les ressources du couple. L'hospice a donc reconnu à M. d. P. M. un droit à des prestations d'assistance de CHF 38.- par mois, auxquelles s'ajoutaient les frais de transport pour lui (CHF 70.-) et un forfait mensuel de CHF 60.- par adulte.

 

4. Par décision du 19 décembre 2002, M. d. P. M. a reçu, depuis le 1er août 2002, la somme mensuelle de CHF 38.- + 70.- + (2 x 60.-) = 228.-. De plus, le fait d'être bénéficiaire de prestations d'assistance lui a donné droit à la prise en charge de la cotisation d'assurance-maladie de base ainsi qu'aux franchises et participations non couvertes.

 

5. Le 17 janvier 2003, M. d. P. M. a élevé réclamation contre cette décision. La somme qui lui était allouée en guise de prestation d'assistance revenait d'une part à l'obliger à se faire assister par sa compagne qui, en tant que concubine, n'y était pas tenue légalement, et d'autre part à nier son droit à des conditions minimales d'existence garanti par l'article 12 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101), entrée en vigueur le 1 janvier 2000. Il a conclu à l'annulation de la décision du 19 décembre 2002 et à ce que l'hospice recalcule le montant de la prestation d'assistance.

 

6. Le 28 février 2003, le président du conseil d'administration de l'hospice a rejeté la réclamation. La loi sur l'assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP - J 4 05) établissait le caractère subsidiaire de l'aide sociale par rapport à l'entretien de la famille et à d'autres prestations sociales (art. 1), et prévoyait l'adaptation de l'aide à la situation particulière de l'intéressé, dans les limites des directives annuelles arrêtées par le département de l'action sociale et de la santé (ci-après : d.SS) (art. 4). Selon celles-ci, le montant de l'assistance était calculé en tenant compte des ressources du groupe familial, comprenant le bénéficiaire, son conjoint ou concubin et ses enfants à charge (p. 15). La prise en considération des ressources de Mme L. dans le calcul des prestations dues à M d. P. M. était donc justifiée.

 

7. Le 6 mai 2003, M. d. P. M. a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre cette décision. Les prestations pour M. d. P. M. devaient être déterminées en fonction de ses propres ressources et charges, y compris la moitié du loyer, faute de quoi il serait privé de son droit constitutionnel à des conditions minimales d'existence.

 

Il a conclu préalablement au versement d'un minimum d'assistance au titre de mesures provisionnelles, et principalement à l'annulation de la décision du 28 février 2003 pour nouveau calcul de la prestation d'assistance.

 

8. L'hospice a conclu au rejet des mesures provisionnelles demandées par le recourant, par écriture du 20 mai 2003.

 

9. Le 30 mai 2003, l'hospice a rendu une décision concernant le versement de prestations depuis le 1er janvier 2003. Les ressources de Mme L. avaient augmenté, et elles étaient supérieures aux charges déductibles. En conséquence, l'hospice ne pouvait plus accorder de prestations au recourant. L'hospice a retardé, à bien plaire, les effets de cette décision au 30 juin 2003. Enfin, à titre exceptionnel, l'hospice a continué à prendre en charge les cotisations d'assurance-maladie au-delà du 30 juin 2003.

 

Cette décision n'a pas été contestée et elle est entrée en force.

 

10. d.ns sa réponse du 23 juin 2003, l'hospice a conclu au rejet du recours. Les directives sur lesquelles il s'était fondé reposaient sur une base légale claire, l'article 4 LAP, et tenaient lieu de règlement d'application de la LAP. Leur validité avait toujours été reconnue par le tribunal de céans et les dispositions concernant les concubins avaient été récemment confirmées (ATA B. du 27 mai 2003).

 

Il aurait été choquant qu'un couple non marié touche des prestations d'assistance supérieures à celles d'un couple marié.

 

11. Le 8 décembre 2003, les parties ont comparu. M. d. P. M. avait été reconnu invalide à 47%. Il bénéficiait d'un quart de rente AI d'un montant de CHF 280.- par mois depuis le 1er août 2002, puis dès le 1er janvier 2003, d'une demi-rente d'invalidité pour cas pénible, portant le montant de la rente mensuelle à CHF 577.-. L'institution de prévoyance du recourant avait confirmé ne pas verser de rente, un taux inférieur à 50% n'ouvrant pas de droit à une rente d'invalidité LPP.

 

Vu ses revenus, M. d. P. M. n'avait pas été en mesure de verser la moitié du loyer de l'appartement qu'il habitait avec Mme L.. Au 31 juillet 2003, l'arriéré de loyer s'élevait à CHF 3'405.--. La régie avait jusqu'ici sursis à l'expulsion.

 

12. Sur demande du juge délégué, l'OCPA a communiqué, le 13 février 2004, les informations suivantes:

 

- Les prestations complémentaires servies à Mme L. étaient calculées sur la base d'un barème pour personne seule et son loyer était pris en compte d'une manière proportionnelle, soit pour moitié selon l'article 16C de l'ordonnance sur les prestations complémentaires à l'assurance- vieillesse, survivants et invalidité du 15 janvier 1971 (OPC-AVS/AI RS 831.301);

 

- M. d. P. M. bénéficiait de prestations complémentaires à l'AVS-AI avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, et depuis cette date, son loyer était également pris en compte pour moitié.

13. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

 

 

1. d.tée du 28 février 2003, la décision attaquée a été reçue par le recourant le 7 avril 2003. Interjeté le 6 mai 2003, le recours respecte le délai de 30 jours prévu par l'article 63 alinéa 1 litt a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10). Il est donc recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05).

 

2. Au vu des dernières informations reçues, le cas du recourant est pris en charge par l'OCPA depuis le 1er janvier 2003. Dès lors, seul reste litigieux le calcul des prestations dues par l'hospice pour les mois d'août à décembre 2002.

 

3. Le recourant se plaint d'une violation de son droit à des conditions minimales d'existence, garanti par l'article 12 Cst. féd. Ce grief sera examiné d'abord sous l'angle de la conformité du droit cantonal au droit fédéral (ATA B. du 27 mai 2003), puis dans le cas d'espèce.

 

4. a. Selon l'article 12 Cst. féd., quiconque se trouve dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Ce droit à bénéficier de conditions minimales d'existence, qui concrétise en particulier les engagements découlant des articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, du 16 décembre 1966, en vigueur pour la Suisse depuis le 18 septembre 1992 (RS 0.103.1), fonde une prétention directement justiciable à des prestations positives de la part de l'Etat (ATF A. du 11 septembre 2001, cause 2P.115/2001; ATF 122 II 193 B.; ATA J. K.-K., du 4 décembre 2001, consid. 1.d).

 

b. La Constitution fédérale n'énonce que le principe du droit à des conditions minimales d'existence. Il appartient prioritairement au législateur - fédéral, cantonal et communal - d'édicter des règles en matière d'aide et de sécurité sociale, dont la portée ne se situe pas au-dessous du seuil minimum découlant de l'article 12 Cst. féd., mais qui peuvent octroyer, le cas échéant, une protection supérieure (FF 1997 I 153; ATA D. du 15 avril 2003; ATA C. du 29 janvier 2002; ATA B. du 7 novembre 2000; Felix WOLFFERS, Grundriss des Sozialhilferechts, 2e éd., Berne 1999, p. 87). Le statut du droit à des conditions minimales d'existence est ainsi comparable à celui de l'assistance juridique gratuite au sens de l'article 29 alinéa 3 Cst. féd. : ce n'est qu'en l'absence de normes de rang législatif ou réglementaire idoines que le régime constitutionnel, subsidiaire par nature, trouve application.

 

C'est à l'intérieur de ce cadre qu'il convient de déterminer si les droits constitutionnels du recourant sont respectés par le droit cantonal.

 

5. De jurisprudence constante, le Tribunal administratif est habilité à revoir, à titre préjudiciel et à l'occasion de l'examen d'un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (Robert ZIMMERMANN, L'évolution récente du contrôle de la constitutionnalité des lois en droit genevois, Rd.F 1988, p. 1; ATA J. K.-K., du 4 décembre 2001, consid. 2). De manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire au droit fédéral. De même, les ordonnances cantonales qui contreviennent au droit fédéral doivent être sanctionnées (ATA R.-M. B., du 7 novembre 2000, consid. 2 et les références citées). L'examen auquel procède le Tribunal administratif porte également, le cas échéant, sur la conformité à la Constitution fédérale de directives qui, comme c'est le cas en l'espèce, sont adoptées par un département, mais sont appelées à déployer un effet direct sur les droits et les obligations des particuliers, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 128 I 171 in SJ 2002 I p. 453).

 

6. a. En droit genevois, l'article 1 alinéa 2 LAP, prévoit que l'assistance publique est destinée à venir en aide aux personnes qui ont des difficultés sociales ou qui sont dépourvues des moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins indispensables, sur le plan vital et personnel.

 

b. Selon l'article 4 LAP, la nature, l'importance et la durée de l'assistance dépendent de la situation particulière de l'intéressé (al. 1). Elle est accordée dans les limites de directives arrêtées annuellement par le département de l'action sociale et de la santé sur la base de barèmes intercantonaux, et elle est réexaminée et adaptée chaque année (al. 2).

 

c. L'article 1 alinéa 1 de l'arrêté du département de l'action sociale et de la santé relatif aux directives 2002 en matière d'assistance, du 18 décembre 2001 (J 4 05.03), entré en vigueur le 1er janvier 2002, dispose que l'aide accordée au titre de l'assistance publique doit assurer un minimum social, qui s'inscrit dans un rapport approprié avec le niveau de vie de la population locale. Les bases de calcul sont énoncées à l'article 2 de l'arrêté. À teneur de cette disposition, la prestation d'assistance publique de base mensuelle comprend, au maximum, les éléments de base suivants : nourriture et entretien, soins personnels, aménagement et entretien du logement, forfait gaz et électricité, ainsi qu'un montant librement disponible. Le montant maximal accordé pour un groupe familial de deux personnes s'élève à CHF 1'634.-, à quoi s'ajoute une allocation forfaitaire de télécommunications d'un montant de CHF 80.-, à partir de deux personnes. 

 

d. Les aides complémentaires ne sont accordées que si la personne a un droit à l'aide. Elles couvrent la prise en charge des cotisations d'assurance-maladie et accident de base, des franchises et participation, une allocation de transport correspondant à un abonnement aux TPG et des frais d'habillement de CHF 60.- par mois et par adulte.

 

7. Selon la doctrine, "le droit à des conditions minimales d'existence n'est violé que lorsque l'Etat refuse toute aide à une personne qui est dans le besoin ou lorsque l'aide fournie n'atteint pas le minimum nécessaire à la satisfaction des besoins humains élémentaires, étant entendu que la définition de ce minimum relève de la loi" (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitution- nel suisse, vol. II : Les droits fondamentaux, Berne, 2000, p. 689). Au vu des objectifs et du champ d'application de la LAP, des revenus minima déterminés et des aides complémentaires prévues, il est incontestable que la législation genevoise remplit les exigences de l'article 12 Cst. féd. telles qu'elles ont été analysées par la doctrine et la jurisprudence.

 

Il faut cependant encore analyser si, concrètement, le droit personnel du recourant a été respecté dans la décision querellée.

 

8. Le fait que le recourant et Mme L. soient concubins est établi.

 

d.ns un arrêt récent (ATA B. du 17 février 2004), le Tribunal administratif a admis qu'un couple vivant en union libre devait être assimilé, s'agissant de l'application de la LAP, à un couple marié. Il a rappelé à cette occasion que le Tribunal fédéral avait considéré que la détermination de l'aide en fonction des revenus des deux concubins n'était pas contraire à l'interdiction de l'arbitraire ni au principe d'égalité de traitement, par rapport à la situation que connaissent les couples mariés. Plus récemment encore, le Tribunal fédéral a confirmé qu'en matière d'aide sociale, l'addition des revenus des deux concubins, dès lors qu'ils vivaient ensemble depuis un certain temps, était parfaitement admissible (arrêts 2P.218/2003 et 2P.242/2003 du 12 janvier 2004).

 

9. d.ns le cas d'espèce, deux législations différentes fondent les prestations d'aide sociale allouées ou requises par chaque concubin. Or, ces lois n'accordent pas le même statut aux concubins.

 

Le recourant, qui entend bénéficier de prestations d'assistance publique, se voit appliquer les dispositions de la LAP et les directives 2002 du d.SS, qui ont valeur réglementaire. Celles-ci prévoient, sous le titre "principes généraux, équité de traitement", que les personnes vivant en union libre sont traitées de la même manière que les couples mariés (point 2.3, p. 7). d.ns la section "prise en compte des ressources", il est encore précisé que le montant des secours d'assistance est calculé en tenant compte des ressources du groupe familial, dont font partie le bénéficiaire, son conjoint non séparé de corps ni de fait ou son concubin, et ses enfants à charge (p. 15). Font partie du revenu, notamment, les prestations des assurances sociales dont l'intéressé et sa famille peuvent bénéficier (ibid.).

 

La concubine du recourant est au bénéfice d'une rente AI et de prestations complémentaires fédérales et cantonales, régies par la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse survivants et invalidité du 19 mars 1965 (LPC - RS 831.30) et ses ordonnances d'application d'une part, et d'autre part par la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance- invalildité du 25 octobre 1968 (LPCC-AVS/AI - J 7 15) et ses règlements d'application.

 

Selon la législation cantonale, le revenu déterminant donnant droit à des prestations complémentaires comprend les ressources de l'intéressé, de son conjoint non séparé de corps ni de fait et celles des enfants à charge (art. 5 al. 7 LPCC). Seule l'hypothèse d'un couple marié est envisagée, la présence d'un concubin n'est pas évoquée pour le calcul du revenu déterminant. Il en va de même des règles pour le calcul des prestations (art. 3 du règlement d'application de la loi sur les prestations cantonales complémentaires à l'assurance- vieillesse et survivants et à l'assurance-invalidité du 25 juin 1999 - J 7 15.01).

 

En conséquence, l'OCPA a calculé les prestations complémentaires dues à Mme L. selon le barème applicable à une personne seule. Si le concubinage avec le recourant avait été pris en considération, le montant alloué aurait été plus élevé (art. 3 al. 1 let. g).

 

En résumé, Mme L. reçoit des prestations pour une personne seule, visant à garantir son droit au revenu minimum cantonal d'aide sociale (RMCAS), prévu à l'article 1 LPCC. Le statut de concubin n'étant pas pris en considération par cette loi, le recourant ne reçoit aucune prestation indirecte par le biais de sa concubine.

 

En application des directives du d.SS au contraire, sa situation est assimilée à celle d'un couple marié et il se voit refuser des prestations d'assistance publique au motif que le revenu de sa concubine doit suffire à les entretenir tous deux.

 

10. Selon la doctrine et la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle méconnaît gravement une règle de droit ou un principe juridique clair et indiscuté, ou qu'elle contredit de manière choquante le sentiment de l'équité. Selon d'autres formules utilisées par le Tribunal fédéral, est arbitraire une décision qui contredit clairement la situation de fait ou est clairement insoutenable (A. AUER, G. MALINVERNI, M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droit fondamentaux, p. 534 et les références citées).

 

Bien que l'ensemble des dispositions applicables soient conformes aux exigences de la Cst. féd., force est de constater que l'articulation des deux législations étudiées ci-avant conduit, dans le cas présent, à un résultat insoutenable.

 

Le caractère insoutenable du résultat, en l'espèce, tient aux montants considérés.

 

- Il faut rappeler que les prestations complémentaires ont pour but de compléter le revenu des rentiers AVS-AI jusqu'à concurrence d'un minimum vital. Les prestations constituent un maillon essentiel de la politique sociale genevoise et en particulier dans le domaine de la lutte contre la pauvreté des personnes âgées et des invalides (Mémorial du Grand Conseil, 1992, p. 7703). On voit mal comment les prestations destinées à la seule Mme L. (en vertu d'un droit prévu à l'article 1 LPCC) pourraient permettre à deux personnes de vivre décemment.

 

- Le montant alloué par l'hospice au recourant d'août à décembre 2002, soit CHF 38.- par mois, n'atteint pas le minimum nécessaire à la satisfaction des besoins élémentaires et ne saurait, de ce fait, respecter son droit à des conditions minimales d'existence garanti par l'article 12 Cst. féd., même si l'on tient compte des autres aides (cotisations d'assurance-maladie, etc.).

 

d.ns ce cas particulier mettant en jeu deux législations d'aide sociale qui ne reconnaissent pas le même statut aux concubins, la décision attaquée doit être qualifiée d'arbitraire dans son résultat. Partant, elle est constitutive d'une violation de l'article 12 Cst. féd. à l'encontre du recourant.

 

11. Pour ce motif, le recours sera admis et la cause renvoyée à l'hospice. Une nouvelle décision devra être prise pour la période du 1er août au 31 décembre 2002. La décision octroyant à M. d. P. M. des prestations complémentaires à l'AVS-AI, avec effet rétroactif au 1er janvier 2003, rend la demande de mesures provisionnelles sans objet.

 

Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986, E 5 10.03). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée au recourant, à charge de l'intimé (art. 87 LPA).

 

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 6 mai 2003 par M. A. d. P. M. contre la décision de l'Hospice général du 28 février 2003;

 

au fond :

 

l'admet;

 

annule la décision de l'Hospice général du 28 février 2003;

 

renvoie la cause à l'intimé pour nouvelle décision au sens des considérants;

 

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument;

 

alloue au recourant une indemnité de CHF 1'500.- à charge de l'intimé;

 

communique le présent arrêt à M. Rémy Kammermann, juriste auprès du Centre social protestant, mandataire du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

 


Siégeants : M. Paychère, président, MM. Thélin, Schucani, Mmes Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. : le vice-président :

 

M. Tonossi F. Paychère

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme N. Mega